CHAPITRE UN

 

 

 

PÔLES ET CHARGES

 

 

 

 

1.1 Les connaissances électriques et magnétiques avant Gilbert

 

            Les Grecs de l'Antiquité connaissaient l'effet de la magnétite, un minerai de fer trouvé à l'état naturel: celle-ci attire à distance un autre bloc de magnétite ou un objet en fer. Ils connaissaient également la propriété de l'ambre, une résine très dure et de couleur jaune-brun: celle-ci, une fois frottée, attire à distance des petits fétus de paille. Ces deux objets sont les seuls qu'ils connaissaient qui agissent à distance sur d'autres corps; en effet, les autres forces connues sont toutes des forces de contact, forces appliquées directement sur l'objet en question, comme pour pousser une charrette ou la tirer.

 

            Une autre propriété de la magnétite est de toujours pointer dans la même direction lorsque laissée libre de s'orienter à sa guise. Celle-ci est exploitée vers l'an mil après Jésus-Christ: un petit bloc de magnétite est placé dans une petite barque qui flotte dans un bol d'eau; le bloc est ainsi libre de s'orienter à sa guise et cela, toujours dans la même direction, vers l'est par exemple. Nous voici avec le premier modèle de boussole, utilisé par les Chinois pour s'orienter dans les vastes steppes de l'Asie.

 

            Une troisième propriété de la magnétite est de pouvoir fournir cette vertu d'orientation à une aiguille de fer. La magnétite est glissée sur l'aiguille de fer, d'une extrémité à l'autre, dans un mouvement continu: l'aiguille devient alors un aimant. Elle s'oriente, si laissée libre, selon la longitude. Ces aiguilles, placées dans des petits vaisseaux flottants à la surface de l'eau d'un bocal, sont utilisées vers 1200 en France. En 1269, Petrus Peregrinus de Maricourt décrit ce compas flottant et en mentionne un tout nouveau, placé sur un pivot.

 

            Peregrinus façonne un bloc de magnétite en forme de boule. Il l'examine à l'aide d'un petit compas fait d'une aiguille aimantée placée sur un pivot. Il trace, en tout point sur la surface de la boule de magnétite, des lignes correspondant à l'orientation de son compas. Il trouve que les lignes qu'il a tracées sont analogues aux longitudes tracées sur un globe terrestre; celles-ci ont deux points de rencontre, en opposition, comme dans le cas du globe terrestre. Il les nomme pôles par analogie avec les deux pôles de la Terre.

 

            Il trouve que tout aimant, artificiel comme dans le cas de l'aiguille aimantée ou naturel comme dans le cas de la magnétite, a toujours deux pôles. Il remarque de plus que le mouvement des aimants ne dépend que de la position de leurs pôles: c'est donc là que se trouvent les centres de leur puissance magnétique.