1.6 Le pouvoir des pointes

 

            Franklin examine en 1747 les étincelles produites entre deux sphères métalliques de grand rayon de courbure comparées à la distance entre elles, une reliée à la terre, l'autre à sa machine électrostatique. Il remarque que les étincelles ne vont pas des mêmes points sur chacune des sphères, mais de points différents, à chaque fois. Mais s'il monte sur l'une d'elles une courte pointe métallique, il remarque qu'il ne lui est plus possible de produire des étincelles entre ces deux sphères toujours à même distance, mais que des aigrettes ou étoiles sont produites à la pointe: le fluide électrique n'a pas la chance de s'accumuler suffisamment sur les sphères pour causer des étincelles, puisqu'il s'écoule à la pointe.

 

            Franklin remarque les similarités entre les étincelles et la foudre: dans chaque cas, un canal très brillant apparaît. Le son qui accompagne l'étincelle est fort semblable à celui qui accompagne la foudre qui tombe très proche. Il considère donc que la foudre est une gigantesque étincelle.

 

            En 1752, durant un orage, il collecte du fluide électrique d'un nuage, à l'aide d'un conducteur qu'il a fait monter vers lui à l'aide d'un cerf-volant, et le recueille dans une bouteille de Leyde; il montre que la charge due à celle-ci a les mêmes effets que celle produite par une machine électrostatique.

 

            Franklin imagine alors le paratonnerre: un fil conducteur relié à la terre dont l'autre extrémité, pointue, surplombe le bâtiment qu'il protège. Il suppose que la charge dans le nuage va attirer, de la terre dans le paratonnerre, des charges opposées qui vont donc se concentrer dans la pointe du paratonnerre; là, elles vont causer des aigrettes (ou des étoiles) et ainsi le fluide électrique va couler entre le nuage et le sol avant que l'accumulation de charges devienne telle que la foudre ne frappe. Il met donc à profit l'effet de pointe d'un conducteur: le fluide électrique en coule très facilement.

 

fig1a.gif                   Machine de Ramsden

Jesse Ramsden (1735-1800) invente en 1766 une machine électrostatique supérieure qui porte son nom. Déjà sir Isaac Newton (1642-1727) avait fabriqué une machine électrostatique qui utilisait un disque isolant en rotation au lieu d'une sphère, et le verre comme isolant frotté, au lieu du soufre. Un disque de verre P est frotté, lors de sa rotation, contre deux coussinets C et C' , revêtus d'or massif, placés le long de son diamètre (la verticale ici), de part et d'autre de son axe. Le verre s'électrise alors positivement par frottement contre les coussinets d'or. La partie chargée du verre continue sa rotation et rencontre deux peignes de métal S et S' très proches du disque, placés de part et d'autre de l'axe de rotation selon un diamètre perpendiculaire à celui des coussinets (l'horizontale ici). Les peignes métalliques sont formés d'une série de pointes. Des charges négatives sont alors attirées aux extrémités des pointes par les charges positives sur le verre, comme dans le cas de la pointe du paratonnerre. Il y a donc formation d'aigrettes entre le disque chargé et les pointes du peigne: la charge du verre est alors comme transférée au peigne métallique relié à l'objet conducteur à charger. Ce processus fonctionne aussi longtemps que le disque est en rotation.