10.10 L'oscilloscope cathodique
Nous avons vu que sir Joseph John Thomson réussit en 1897 à faire dévier les rayons cathodiques à l'aide d'un champ électrique et à déterminer leur rapport masse sur charge. Karl Ferdinand Braun (1850-1918) décide de les utiliser la même année pour créer un appareil de mesure très important: l'oscilloscope cathodique. Comme Lenard, il accélère les électrons corpuscules produits par chauffage de la cathode, selon l'axe du tube, à l'aide d'une différence de potentiel accélératrice Va . L'équation (10.7.1) s'applique alors et permet, une fois leur rapport masse m sur charge donnée en valeur absolue, charge qui n'est alors rien d'autre que la charge élémentaire e , de déterminer leur vitesse v0
selon cet axe.
Ces électrons passent ensuite dans une région flanquée par deux plaques parallèles entre elles et à l'axe du tube. Ces deux plaques, de longueur L , sont placées à une distance s l'une de l'autre de telle sorte que le champ électrique E causé par leur différence de potentiel V soit, disons, selon l'axe Y . Ce champ cause une force électrique Fe sur les électrons, force qui, étant seule en présence, cause une accélération a
selon la deuxième loi de sir Isaac Newton.
Cette accélération a est ressentie par l'électron durant le temps de vol tL requis pour parcourir la longueur L des plaques, puisque c'est seulement dans cette région qu'existe le champ électrique constant E que cause leur différence de potentiel V . L'électron acquiert donc une vitesse perpendiculaire à l'axe du tube v , selon l'axe Y , donnée par
le produit de son accélération a dans cette direction par son temps de vol tL entre les plaques, ce dernier étant donné par le quotient de leur longueur L par leur vitesse v0 .
L'électron dévie légèrement de sa trajectoire le long de l'axe du tube dans la région entre les plaques, puisqu'il subit alors une accélération constante perpendiculaire a à sa vitesse initiale. Cette faible déviation est d'ordinaire négligeable.
L'électron doit alors parcourir une distance supplémentaire p , calculée le long de l'axe du tube, entre l'extrémité des plaques et le bout du tube, qui agit comme écran, puisqu'il est recouvert d'un matériau phosphorescent. Ce matériau phosphorescent devient lumineux là où les électrons vont finalement s'écraser.
Cette distance supplémentaire p est parcourue dans un temps tp
donné par le rapport de la distance supplémentaire p par la vitesse selon l'axe v0 qui n'a pas changé.
L'électron qui ne subit pas de force électrique frappe l'écran en son milieu. Celui qui est dévié par une force électrique non nulle le frappe à une certaine distance du point milieu, distance y (si la force électrique est dans le plan Y ) donnée par
le produit de sa vitesse perpendiculaire à l'axe du tube v par le temps de vol tp en négligeant la faible distance perpendiculaire déjà parcourue par l'électron dans la région entre les plaques.
Nos équations (10.10.3), (10.10.4) et (10.10.2) nous permettent de réécrire notre dernière équation de la distance y du point lumineux sur l'écran par rapport au point central
en termes de la tension V entre les plaques.
Notre équation (10.10.1) nous permet de réécrire cette dernière
en termes du rapport de la tension V entre les plaques et de la tension accélératrice Va . L'écart y entre la position centrale et le point lumineux est donc proportionnel à la tension V placée aux bornes des plaques.
Considérons un oscilloscope dont les plaques parallèles, de 24 mm de longueur, sont placées à 6 mm l'une de l'autre et à 400 mm de l'écran. La tension accélératrice est de 120 V. Une tension de 12 V entre les plaques fait alors dévier le point lumineux d'une distance maximale de 80 mm par rapport au point central selon l'équation (10.10.7).
L'oscilloscope comprend deux ensembles de plaques, un qui cause l'écart selon l'axe des Y et l'autre qui en cause un selon l'axe des X . Ce dernier écart est donné par la même équation que celui selon Y à la différence que la tension en question est celle placée aux bornes de l'autre paire de plaques.
Il y a moyen de rendre périodique le mouvement de l'écart x selon les X croissants. La coordonnée selon l'axe X du point lumineux se trouve alors à prendre la même valeur toutes les périodes T . Il y a également moyen de rendre le déplacement selon les X croissants du point lumineux proportionnel au temps t qui s'écoule entre sa position extrême initiale et celle qu'il occupe plus tard durant cette même période.
Le circuit électrique, placé aux bornes des plaques qui causent ce mouvement périodique du point lumineux, comprend un réseau parallèle dont la tension V1 (t) varie de zéro à la valeur maximale Vm , en série avec une source de tension continue de valeur Vm / 2 , inversée par rapport à la source de tension variable V1 (t) . Il s'ensuit que la tension aux bornes des plaques varie de - Vm / 2 lorsque la tension V1 (t) est nulle, à + Vm / 2 lorsque la tension V1 (t) est maximale.
Dans le cas de l'oscilloscope déjà examiné, où une tension de 12 V entre les plaques fait dévier le point lumineux d'une distance maximale de 80 mm par rapport au point central, la tension continue doit être de 12 V et la variable doit aller jusqu'au double, soit 24 V, de telle sorte que la tension entre les plaques qui font dévier le point lumineux selon l'axe des X aille de - 12 V à + 12 V, et qu'ainsi le point lumineux aille de - 80 mm à + 80 mm par rapport au point centre.
Le tension variable V1 (t) doit varier linéairement dans le temps. Cela est possible si celle-ci est celle trouvée aux bornes d'un condensateur de capacité C lors du début de sa charge à travers une résistance R à l'aide d'une source de tension continue V3 comme le montre le graphique ci-contre. L'équation de la tension aux bornes du condensateur
se ramène alors à
tant et aussi longtemps que le temps t considéré n'excède pas un dixième de la constante de temps de charge CR . Il s'ensuit que la tension maximale Vm , trouvée à la fin de la période T, doit correspondre au dixième de la tension de la source continue V3 .
La tension V1 (t) aux bornes de la capacité doit retomber à zéro lorsqu'elle touche la valeur Vm trouvée à la fin de la période. Cela s'effectue en plaçant un éclateur K en parallèle avec le condensateur. Cet éclateur, formé par deux pointes métalliques placées en face l'une de l'autre dans l'air à une certaine distance, cause une étincelle lorsque la tension entre les pointes touche la valeur de Vm , sa tension de claquage. Le condensateur se décharge alors très rapidement à travers l'air devenu conducteur, ce qui ramène la tension aux bornes du condensateur V1 (t) à zéro, au début d'un nouveau cycle.
Dans le cas de l'oscilloscope déjà examiné, la tension variable doit retomber à zéro une fois qu'elle touche 24 V aux bornes du condensateur. Il s'ensuit que la tension de la source continue qui le charge doit être de 240 V, soit dix fois plus grande. Si la période désirée pour la base temps est de 10 ms, il s'ensuit que la constante de temps du circuit de charge doit être de 100 ms. Et si la capacité du condensateur est de 1 μF, que la résistance de charge doit être de 100 kΩ. Le temps pris par le point lumineux pour parcourir tout l'écran, de gauche à droite, est alors de 10 ms.
L'oscilloscope décrit ici devient commercial vers 1901.
Arthur Wehnelt (1871-1944) découvre en 1903 que les oxydes alcalino-terreux émettent les électrons beaucoup plus facilement que le carbone, pour une même température. Ceci permet d'augmenter l'intensité du faisceau électronique. Il réalise ensuite le canon électronique qui utilise comme anode un cylindre et comme cathode un oxyde alcalino-terreux. Ce qui amène Braun à fabriquer en 1905 un oscilloscope de plus grande émission, utilisant comme cathode la dernière découverte de Wehnelt, un filament de platine recouvert d'oxyde de calcium.
Boris Rosing imagine dès 1907 d'utiliser le tube cathodique pour produire des images: le principe du tube du téléviseur. Vladimir Kosma Zworykin (1889-) débute en 1910 son étude de la télévision, qui aboutit en 1923.