10.14 L'accélérateur Van de Graaff
Un autre type d'accélérateur est inventé en 1932 par Robert Jamison Van de Graaff (1901-1967). Celui-ci fonctionne sur un principe très différent des deux précédents, où les ions sont accélérés par gains successifs et égaux d'énergie cinétique à l'aide d'un générateur de tension sinusoïdale de tension de crête relativement faible comparée à celle requise pour accélérer les ions à l'énergie requise d'un seul coup. Ici la tension du générateur est portée directement à la valeur requise de telle sorte qu'une seule accélération est nécessaire.
L'accélérateur Van de Graaff est basé sur le générateur électrostatique inventé par Van de Graaff en 1930. Le dôme D , une cloche métallique creuse, est monté sur une colonne C isolante également creuse. Une courroie R en matériau isolant va de la base de la colonne C à la base interne du dôme conducteur D . Cette courroie R est tenue en place par deux poulies, une dans le dôme LD et une à la base de la colonne LB de telle sorte qu'elle peut tourner si la poulie du bas LB est mise en rotation par un moteur électrique M .
Un peigne métallique PB est placé au bas de la colonne, face à la courroie R . Un générateur de tension G est relié au peigne PB de telle sorte qu'il soit chargé positivement. L'air environnant le peigne PB devient ionisé une fois que le potentiel est assez fort: c'est l'effet d'effluve électrique. Les ions positifs créés dans l'air sont alors repoussés contre la région de la courroie juste devant; les ions négatifs vont décharger le peigne PB , dont la charge doit être régénérée par le générateur G.
Les charges positives repoussées sur la courroie R à cause de la force de répulsion due aux charges positives du peigne PB s'y fixent puisque celle-ci est faite de matériau isolant. Les charges, une fois fixées, ne sont pas libres de se déplacer. Mais le moteur M entraîne une rotation de la poulie du bas LB de telle sorte que les charges fixées sur la courroie isolante montent vers le dôme.
Un autre peigne conducteur relié au dôme métallique PD est placé juste devant la courroie mais cette fois, à l'intérieur du dôme D . Or nous savons que dans la condition électrostatique toute charge nette se trouve sur la surface externe d'un conducteur. Il s'ensuit que le dôme n'a pas de ses charges sur le peigne PD .
Mais les charges positives de la courroie que celle-ci vient juste de placer devant le peigne PD attirent vers elles par induction des charges négatives trouvées à l'intérieur du conducteur des pointes, et repoussent leurs charges positives. Les charges négatives induites sur les pointes du peigne PD causent l'ionisation de l'air autour d'elles: les charges positives de l'air vont se coller contre les pointes et éliminer les charges négatives induites; les charges négatives de l'air vont se coller contre les charges positives fixées contre le matériau de la courroie placées juste devant le peigne et les neutraliser. Et donc seule la charge positive induite dans le peigne PD demeure. Et, puisque dans la condition électrostatique, la charge d'un conducteur doit se distribuer exclusivement sur sa surface externe, cette charge positive va se placer sur la surface externe S du dôme D .
Ce processus se poursuit tout le temps que des charges sont entraînées par la courroie isolante R jusqu'au dôme D . La charge nette Q qui s'y trouve augmente donc avec le temps.
L'ensemble dôme métallique-environs forme un condensateur de capacité C . Le potentiel électrique VD du dôme augmente donc avec sa charge Q . Et puisque le champ électrique est nul à l'intérieur d'un conducteur dans la condition électrostatique, il s'ensuit que toute la région délimitée par la surface externe du dôme est au même potentiel électrique VD.
Le champ électrique à la surface externe du dôme augmente également avec le potentiel, avons-nous vu dans notre chapitre deux. Il dépend du potentiel VD et du rayon de courbure local R . Or il existe un champ électrique tel que l'air devient ionisé. Il y a donc, pour un rayon de courbure local donné, un potentiel électrique maximal possible: l'effet d'effluve électrique a alors comme effet de décharger le dôme au même rythme qu'il se charge.
Cet effet peut être éliminé en évitant de donner au dôme de faibles rayons de courbure. Mais il reste la possibilité d'étincelles entre les murs environnants et le dôme. C'est ce problème qui limite la tension du dôme.
Le générateur Van de Graaff est transformé en accélérateur en plaçant un tube à vide V du dôme D à la base de sa colonne isolante. La source d'ions I est à l'extrémité du tube dans le dôme, où le potentiel électrique est VD , et leur cible E , à son autre extrémité, au pied de la colonne isolante, où le potentiel électrique est nul. Les ions, de charge q , ont donc dans le dôme une énergie potentielle U de q VD , et une, nulle à la base. L'énergie des ions, de potentielle au dôme, devient cinétique à la base de sa colonne. Les ions ont donc acquis une énergie cinétique K de q VD durant leur trajet du dôme à la cible.
Le potentiel limite est, avons-nous vu, dû aux étincelles dans l'air entre le dôme et les environs. Aussi la machine entière est-elle placée à l'intérieur d'une cloche métallique H emplie d'un gaz inerte sous pression à partir de 1934. Des tensions de 7 MV sont alors atteintes.
Cette machine peut être modifiée pour doubler au moins l'énergie cinétique des ions. La machine est alors dite accélérateur Van de Graaff tandem. Le tube à vide V est maintenant horizontal et le dôme D , soutenu par deux colonnes isolantes creuses C . Le tout est également placé dans une cloche pressurisée H . Le dôme D est chargé comme précédemment.
Les ions sont produits à l'extérieur de la machine, là où le potentiel est nul. Ces ions sont une fois chargés et négatifs. Leur énergie potentielle passe de zéro à l'extérieur de la machine à - e VD dans le dôme: leur énergie cinétique, elle, passe de négligeable (zéro) à + e VD.
Une fois dans le dôme, les ions négatifs rencontrent un canal rempli de gaz Z avec les molécules duquel ils entrent en collision: l'effet est alors d'arracher aux ions négatifs des électrons, les transformant en ions positifs sans perte appréciable d'énergie cinétique. Leur énergie cinétique dans le dôme D est donc de + e VD (celle qu'ils avaient comme ions négatifs), et leur énergie potentielle, de + q VD où q est leur nouvelle charge, positive cette fois. Leur énergie totale est donc de ( e + q ) VD .
Une fois sortis de la machine, leur énergie potentielle est de nouveau nulle: leur énergie totale est donc toute cinétique.
Considérons un accélérateur Van de Graaff tandem où le potentiel du dôme peut être porté à 10 MV. L'énergie cinétique des ions négatifs une fois chargés est de + 10 MeV lorsqu'ils sont dans le dôme puisque leur énergie totale est de 0 MeV alors que leur énergie potentielle est de - 10 MeV.
Si le gaz dénudeur leur enlève deux électrons chacun, ils deviennent des ions positifs de charge + e. Ils ont alors une énergie totale de + 20 MeV puisque leur énergie potentielle est de + 10 MeV alors que leur énergie cinétique demeure de + 10 MeV. Cette énergie totale devient toute cinétique à leur sortie de la machine: les voilà avec 20 MeV d'énergie cinétique.
Dans le cas d'ions d'oxygène, le gaz dénudeur en ferait des ions de charge + 7 e, pour une énergie totale de + 80 MeV puisque leur énergie potentielle dans le dôme serait de + 7 e fois 10 MV, soit 70 MeV, alors que leur énergie cinétique demeure de + 10 MeV. Cette énergie totale devient toute cinétique à leur sortie de la machine: les voilà avec 80 MeV d'énergie cinétique.
Ces accélérateurs sont utilisés pour nous permettre de mieux comprendre la structure de l'atome. Ils servent également à produire des isotopes radioactifs dont l'importance est considérable en médecine. Des accélérateurs beaucoup plus puissants existent de nos jours.