10.3 Processus électriques dans les gaz
Face à ces expériences plus ou moins contradictoires, sir Joseph John Thomson (1856-1940) décide en 1896 d'examiner plus en détail les processus d'ionisation. Il remarque à l'aide d'expériences différentes que les molécules, une fois ionisées, c'est-à-dire dissociées en anions et cations, peuvent se recombiner sous l'action de leur force d'attraction électrique, ou, sous l'action d'un champ électrique agent, être attirés par une plaque de signe opposé. Elles peuvent même gagner suffisamment d'énergie dans le champ électrique agent pour ioniser une molécule par collision.
Ce processus d'ionisation par collision d'une molécule neutre peut évidemment se produire par son bombardement avec un ion déjà produit si celui-ci a assez d'énergie. Ce qui requiert que l'ion gagne assez d'énergie dans le champ électrique agent avant de frapper la molécule pour la dissocier par la suite. Il existe donc un champ électrique extérieur tel que les ions déjà produits vont eux-mêmes ioniser les molécules qu'ils rencontrent. Si ce processus peut se répéter sur une certaine distance, les ions initiaux vont en causer un nombre sans cesse grandissant: il y a avalanche. C'est ce qui se produit lors de l'étincelle, et donc, lors de l'éclair.
Il remarque de plus qu'il existe des conditions où le nombre d'ions créés est tellement grand que ceux-ci, aussi libres de se déplacer que le fluide électrique dans un conducteur, peuvent annuler le champ électrique agent externe en créant un champ électrique induit égal et opposé. Le nuage d'ions ainsi produit qui réagit en annulant le champ électrique externe est dit charge d'espace.
Sir Joseph John Thomson se rappelle alors le problème auquel avait fait face sir Joseph Wilson Swan en 1875 lorsqu'il avait cherché à produire une lampe incandescente: le filament de sa lampe allumée ne se consumait pas au début, juste après qu'il ait fait le vide avec sa pompe Sprengel, mais seulement un peu plus tard. Cela parce que, chauffé par le filament, l'air, collé contre les parois internes durant le pompage, avait à nouveau rempli le tube: il restait alors bien assez de molécules d'oxygène pour consumer le filament. Sir Joseph Wilson Swan avait alors décidé de continuer de pomper une fois le filament allumé: l'air décollé avait alors été évacué avec succès. Ce qui permit la production de l'ampoule électrique.
Si ce même phénomène d'adsorption se produit contre les plaques chargées de Hertz, il y a alors contre celles-ci un très grand nombre de molécules d'air. Et si les rayons cathodiques sont vraiment composés de particules chargées fort rapides, celles-ci risquent fort de frapper les molécules d'air contre les parois et de les dissocier en si grand nombre qu'il va se créer une charge d'espace entre ses plaques. Et cette charge d'espace va alors annuler le champ agent des plaques avec son champ électrique induit: les rayons cathodiques subiront alors un champ net nul et ne dévieront pas, exactement ce qu'a observé Hertz.
Sir Joseph John Thomson décide donc d'essayer la solution utilisée par sir Joseph Wilson Swan et de continuer à faire fonctionner sa pompe à vide même après avoir chauffé le verre et les plaques et commencé à faire la décharge électrique dans son tube. Les molécules d'air, décollées des parois, sont alors évacuées. La région entre les plaques est évidée d'ions et les rayons cathodiques sont maintenant déviés par le champ électrique agent des plaques puisqu'il est seul dans cette région. Le sens de leur déviation montre bien qu'ils sont chargés négativement; et puisqu'ils subissent une accélération, qu'ils sont formés de corpuscules de masse et de charge (négative) données.