11.7 Filtres

 

            La tension redressée obtenue aux bornes de la résistance R du montage précédent est loin d'être continue: elle tombe à zéro à chaque demi-cycle, et y demeure durant le temps où la tension fournie à l'anode d'une des deux diodes est inférieure à 0,7 V environ (en fait, un peu moins) puisque le courant passé par cette dernière est alors très faible. Or il est souvent préférable d'avoir une tension continue plutôt que seulement redressée.

 

 


a) filtre en L à la sortie d’un redresseur bi-alternance biphasé

 

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            Il est possible d'obtenir une tension beaucoup plus continue en plaçant un condensateur C en parallèle avec la résistance R du montage précédent. La tension VC (t) à ses bornes est alors égale à la tension VR (t) aux bornes de la résistance: le condensateur se charge donc lorsqu'une des deux diodes débite un courant I (t) sans cesse grandissant dans la résistance. Son armature reliée à la borne B est alors chargée positivement, et celle reliée à la borne T , chargée négativement, comme la tension en B est positive par rapport à celle en T .

 

            Une fois la valeur de crête passée, le courant I (t) commence à décroître, ainsi que la tension VR (t) aux bornes de la résistance. La tension VC (t) aux bornes du condensateur doit donc, elle-aussi, décroître. Ce qui n'est possible que s'il perd de sa charge à travers la résistance: le condensateur se décharge donc à travers la résistance à ses bornes.

 

            Le taux de décharge d'un condensateur de capacité C à travers une résistance R a été analysé dans la section 7.11: il dépend du produit C R de la capacité par la résistance, dit constante de temps τ du circuit. Cette constante de temps τ est choisie supérieure à la période T de la tension alternative originale.

 

            Le taux de décharge est une exponentielle décroissante, avons-nous vu. Puisque la décroissance de la tension absolue aux bornes A ou E est beaucoup plus rapide que celle de l'exponentielle décroissante, il s'ensuit que la tension en B est plus grande que celle trouvée ou en A , ou en E : les cathodes des deux diodes sont maintenant positives par rapport à leurs anodes et aucune d'elles ne conduit.

 

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            Il existe donc maintenant un intervalle de temps tD relativement long (typiquement plus de la moitié du temps) où ni l'une ni l'autre des deux diodes ne conduit, et donc durant lequel le transformateur ne débite aucun courant. Durant ce temps, débranchés de fait du reste du montage, le condensateur se décharge à travers la résistance, selon les équations trouvées dans notre section 7.11.

 

            Évidemment, la tension redressée va augmenter après un certain temps et une des deux diodes va recommencer à conduire une fois que la tension de son anode est supérieure par environ 0,7 V à celle de la borne B à laquelle est reliée sa cathode: la décharge du condensateur cesse alors puisque le courant fourni par la diode permet alors à la tension en B d'augmenter. Le courant que débite la diode ID (t)

se divise donc entre celui requis par la résistance IR (t) et celui IC (t) requis par le condensateur. Cette dernière équation devient

puisque le courant IR (t) est donné par la tension en B VB (t) divisée par la résistance R alors que le courant IC (t) cause l'augmentation dans le temps de la charge Q (t) sur les armatures du condensateur de capacité C qui permet l'augmentation temporelle de la tension VB (t) ; ceci parce que la charge Q (t) est donnée par C VB (t) . C'est donc ce qui se produit durant l'intervalle de temps relativement court tC de la charge, durant lequel une des deux diodes conduit.

 

            La tension VB (t) mesurée à la borne B varie donc entre une valeur maximale Vmax et une valeur minimale Vmin deux fois par période TA de la tension sinusoïdale VA (t) mesurée à la borne A par exemple. La tension VB (t) mesurée à la borne B

peut se voir comme comprenant une composante continue V1 donnée par

la moyenne de ses valeurs maximale et minimale ainsi qu'une composante qui, quoiqu'elle n'est pas vraiment sinusoïdale, s'en approche en première approximation, dont la fréquence angulaire ωB est le double de la fréquence angulaire ωA trouvée en A et dont l'amplitude V2 est

donnée par la moitié de la différence de ses valeurs maximale et minimale.

 

Dans le cas de notre montage précédent, la tension en B varie de + 9,3 V à 0 V s'il n'y a pas de condensateur dans le circuit. Si la fréquence de la tension aux bornes du primaire du transformateur est de 60 Hz, il s'ensuit que le taux de répétition de la tension redressée est de 120 Hz, soit le double, puisqu'il y a deux redressements par période.

 

Si la valeur de la résistance est de 100 Ω et celle de la capacité du condensateur en parallèle est de 150 μF, il s'ensuit que la constante de temps τ de la décharge est de 15 ms, alors que la durée des impulsions de tension est de 8,33 ms, pour un rapport de 1,8 (ce qui n'est guère bon). Dans tel cas, la tension en B ne décroît exponentiellement que jusqu'à 6,3 V selon le graphique. Cette tension varie donc maintenant de 9,3 V à 6,3 V, et ce, avec une fréquence de 120 Hz. Sa valeur moyenne est de 7,8 V, et l'amplitude de sa variation, de 1,5 V. Il est donc possible d'écrire l'équation de la tension alors obtenue en B

en termes de la tension moyenne et de ses variations, faisant en plus l'approximation que cette variation est sinusoïdale, quoiqu'il est exact que la fréquence angulaire de cette variation est de 2π fois 120 Hz, soit 754 rad/s.

 

Les diodes ne conduisent dans ce cas-ci que 26% du temps environ, et donc que 13% du temps chacune. Et le condensateur se décharge dans la résistance 74% du temps.

 

            L'ajout d'un condensateur en parallèle avec la résistance a donc comme effet de rendre la tension à leurs bornes, redressée seulement par les diodes, beaucoup plus continue qu'autrement. Et ce, d'autant plus que la capacité du condensateur est grande. Mais il reste que plus cette dernière est grande, plus le temps de conduction tC des diodes devient court, ce qui limite en pratique la possibilité de rendre vraiment continue la tension à leurs bornes à l'aide d'un seul condensateur.

 

b) filtre en Π à la sortie d’un redresseur bi-alternance biphasé

 

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            Une des solutions au problème de rendre plus continue la tension produite est d'abord de diviser la résistance R placée entre les bornes B et T , soit en parallèle avec le condensateur C1 , en deux, R1 et R2 , puis de placer en parallèle avec R2 un nouveau condensateur C2 . La résistance R2 et le condensateur C2 sont alors placés entre les bornes S et T .

 

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            Nous avons vu que la tension VB (t) produite en B grâce au condensateur C1 est donnée par notre équation (11.7.3), où apparaissent une composante continue V1 et une alternative d'amplitude V2 . Examinons l'effet en S des éléments C2 et R2 en parallèle.

 

            Nous savons que la réactance de la capacité XC d'un condensateur est

inversement proportionnelle à la fréquence angulaire ω de la tension à ses bornes. Or cette dernière est nulle dans le cas de la composante continue V1 . Il s'ensuit que la réactance capacitive face à la composante continue de la tension est infinie: c'est donc tout comme si le condensateur C2 n'existait pas.

 

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            Le réseau entre les bornes B et T n'apparaît alors que comme comprenant deux résistances, R1 et R2 , en série avec une source de tension continue V1 . Le courant continu correspondant I1

est donc donné par la tension de la source divisée par la somme des résistances.

 

            La composante continue V3 de la tension VS (t) à la borne S , tension aux bornes de la résistance R2 , est donc

donnée par le produit de cette dernière par le courant qui la traverse.

 

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            La réactance capacitive XC n'est pas infinie dans le cas de la composante alternative d'amplitude V2 de la tension en B : au contraire, elle est choisie de telle sorte qu'elle soit beaucoup plus petite que la valeur de la résistance R2 avec laquelle elle est en parallèle.

 

 

 

 

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            Il s'ensuit qu'en première approximation le courant alternatif d'amplitude I2 qui circule dans la résistance R1 circule presqu'entièrement dans la réactance capacitive, et qu'il est donc possible, alors, de négliger la résistance R2 . En quel cas, la réactance capacitive XC et la résistance R1 peuvent être considérées en série avec la source de tension alternative d'amplitude V2 . L'impédance résultante Z de ces deux éléments

est donnée par le radical carré de la somme des carrés de leurs impédances individuelles.

 

            L'amplitude du courant I2 est

donnée par le rapport de l'amplitude de la tension aux bornes de l'impédance résultante divisée par cette dernière. Et l'amplitude de la composante alternative V4 de la tension VS (t) à la borne S , tension aux bornes de la résistance R2 en parallèle avec la réactance capacitive XC, est donnée

par le produit de cette dernière par le courant qui la traverse.

 

            Nous avons donc deux rapports différents selon qu'il s'agit des composantes des tensions continues V3 / V1 et des amplitudes des composantes alternatives V4 / V2 des bornes S et B . Et il nous est possible de choisir les valeurs du réseau de telle sorte que le rapport soit assez proche de l'unité dans le premier cas et assez proche de zéro dans le second, de telle sorte que la tension VS (t) à la borne S

soit beaucoup plus constante que celle VB (t) mesurée à la borne B .

 

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Dans le cas examiné précédemment, la composante continue de la tension en B est de 7,8 V et l'amplitude de sa tension alternative, de 1,5 V, soit 19,2% de la composante continue. Si les résistances qui totalisent 100 Ω sont de 20 Ω pour R1 et de 80 Ω pour R2 , il s'ensuit que le courant continu est de 78 mA ( 7,8 V divisé par 100 Ω) et la composante de la tension continue en S , de 6,24 V.

 

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Si la capacité du condensateur placé en parallèle avec la résistance de 80 Ω est de 150 μF, sa réactance capacitive est de 8,8 Ω puisque la fréquence angulaire est de 754 rad/s. Le courant alternatif qui circule dans le condensateur est 9 fois plus grand que celui qui circule dans la résistance de 80 Ω, et cette dernière peut donc être négligée en première approximation. L'impédance résultante due à la résistance de 20 Ω en série avec la réactance capacitive de 8,8 Ω est alors de 21,9 Ω. L'amplitude de la composante alternative du courant est de 1,5 V divisé par 21,9 Ω, soit de 68,5 mA. L'amplitude de la composante alternative de la tension aux aux bornes de la résistance de 80 Ω, à savoir celle aux bornes de la réactance capacitive, est de 8,8 Ω fois 68,5 mA, soit 0,6 V, soit 10% de la composante continue. Ce dernier rapport a donc été réduit de moitié.

 

Dans le cas d'une capacité de 300 μF, la réactance capacitive est de 4,4 Ω, l'impédance résultante, de 20,5 Ω, l'amplitude du courant, de 73,2 mA, et l'amplitude de la composante de la tension alternative, de 0,32 V, soit 5,2% de la composante continue.

 

            Nous obtenons donc bel et bien une tension de plus en plus continue grâce à ce montage. Ce qui est requis dans bien des applications modernes de l'électricité.

 

            Notre matière s'ouvre en effet sur le domaine de l'électronique, où l'obtention de tensions vraiment continues est requise, alors qu'Hydro-Québec nous fournit une tension alternative. C'est avec des montages comme ceux examinés ici que la tension alternative fournie est transformée en tension continue de la valeur requise.