3.4 La pile électrique
En 1780, un assistant de Luigi Galvani (1737-1798) approche un scalpel d'acier des nerfs cruraux d'une grenouille fraîchement tuée alors qu'une machine électrostatique est en opération dans la pièce: la grenouille subit alors une violente contraction musculaire. Cette contraction a lieu lorsqu'une étincelle se produit entre le nerf et le bout du scalpel. Ce que Galvani vérifie lui-même aussitôt.
Galvani considère d'abord que l'effet est dû à l'électricité produite dans l'atmosphère par sa machine électrostatique. Aussi tente-t-il l'expérience dans d'autres conditions. Il trouve que l'effet de convulsion a lieu seulement avec certains métaux; et la force de la convulsion varie selon le métal employé. L'effet n'a pas lieu avec les isolants et se produit tout aussi bien en absence d'électricité dans l'atmosphère. Il en conclut que l'électricité responsable de la convulsion doit être dans l'animal.
Galvani continue l'étude de cet effet. Il remarque en 1786 qu'il y a une convulsion chaque fois qu'une connection est faite entre les nerfs et les muscles à l'aide d'un arc métallique préférablement constitué de deux métaux différents. Et il comprend cet effet, qui prend le nom de galvanisme en 1797, comme le transport de fluide électrique des nerfs aux muscles à travers le conducteur, les nerfs et muscles agissant comme une bouteille de Leyde, qui se décharge à l'aide du conducteur.
Volta n'est pas du tout de cet avis. Pour lui, il est impossible que la grenouille soit chargée comme une bouteille de Leyde; mais, conductrice comme le corps humain, elle ne fait que réagir au passage du fluide électrique qui vient de l'extérieur. Pour Volta donc, la cuisse de grenouille n'est que le détecteur d'un effet électrique.
En 1793, Volta reprend les expériences de Galvani et en ajoute de nouvelles, grâce à son électroscope rendu cent fois plus sensible par son condensateur. Il presse deux conducteurs métalliques l'un sur l'autre: il remarque qu'il existe une tension électrique entre eux. Cette tension électrique n'est pas la même dans le cas de la paire cuivre-fer que dans le cas de la paire cuivre-zinc, et donc dépend de la paire de métaux employés. Il trouve la tension électrique causée par chaque paire de métaux en contact. Il place maintenant plus de deux métaux en contact. Il trouve que la tension aux bornes de l'ensemble, soit celle entre le premier et le dernier, est la même que si ces deux métaux étaient seuls en contact. Il mesure que le zinc est positif par rapport au cuivre, par exemple. Ces métaux qui, en contact, ont une tension électrique en eux, forment ce que Volta nomme la première classe des conducteurs.
Volta ne trouve pas de tension aux bornes d'une paire de conducteurs dont l'un est un métal et l'autre un liquide conducteur (dans lequel il est immergé) en faisant contact avec le métal d'une part et le liquide d'autre part. Volta considère alors les liquides conducteurs comme faisant partie de la seconde classe des conducteurs, puisqu'ils ne causent pas de tension électrique.
La tension électrique apparaît donc lorsque deux métaux de la première classe sont en contact. Si ces deux métaux, déjà en contact sur une surface, sont réunis également par la patte de la grenouille, qui est un conducteur de la seconde classe, du fluide électrique va y couler, causant la convulsion au moment du contact. Mais le fluide électrique ne cessera pas, argumente Volta, car la tension électrique causée par le contact des métaux va demeurer. Il donne maintenant au fluide électrique le nom de courant électrique et à cette tension électrique entre les métaux, celui de force électromotrice, puisqu'elle met les charges en mouvement. Tant et aussi longtemps qu'un ou des conducteurs forme(nt) une boucle qui comprend la force électromotrice due aux deux conducteurs de la première classe en contact, il y aura courant électrique dans le circuit ainsi formé. Mais celui-ci est très faible et n'a aucun effet mesurable intéressant. Aussi le travail de Volta n'est guère utile.
En 1800, Volta construit ce qu'il baptise la pile électrique. Celle-ci est formée en empilant plusieurs fois des ensembles de trois conducteurs: un disque de zinc sur lequel est placé un disque de cuivre (deux conducteurs de la première classe, entre lesquels il existe une tension électrique), et sur ce dernier, un carton imprégné d'une solution saline (un conducteur de la seconde classe, qui ne cause pas de tension entre lui et un conducteur de la première). Il remarque que s'il place deux de ces ensembles l'un sur l'autre, la tension aux bornes extrêmes est doublée.
La pile électrique construite par Volta comprend 20 ensembles en série. Nous avons vu dans notre chapitre un, et encore dans celui-ci, que l'étincelle est le signe d'un mouvement de fluide électrique dans l'air, d'un courant électrique dans l'air. Volta remarque une petite étincelle continue entre une des bornes de sa pile et un fil conducteur relié à l'autre, si ces deux sont proches l'une de l'autre. C'est donc que sa pile fournit un courant électrique continu, contrairement à une bouteille de Leyde, qui cause de fortes étincelles, et donc de forts courants électriques, mais qui ne durent qu'un instant.
La même année, sir Humphrey Davy (1778-1829) remarque que la pile de Volta ne fonctionne que si le liquide entre les plaques peut oxyder le zinc; de cela il conclut que le processus qui cause la force électromotrice de la pile doit être de nature chimique.
En 1801, Johann Wilhelm Ritter (1776-1810) charge des bouteilles de Leyde avec une pile de Volta. Il montre que les électricités produites aux pôles de la pile sont, l'une positive, l'autre, négative et qu'elles agissent exactement comme les électricités produites par les machines électrostatiques. C'est donc que la force électromotrice de la pile fait circuler du fluide électrique pour charger, en quelque sorte, la bouteille de Leyde, comme la machine électrostatique y amène des charges.
La pile électrique cause donc un mouvement de fluide électrique, ce que Volta avait baptisé le courant électrique, si ses bornes sont reliées ensemble par des conducteurs. Nous représentons la force électromotrice ℰ d'une pile par le symbole trouvé dans le croquis ci-contre: la barre la plus longue représente la borne positive de la pile; la barre plus courte et plus épaisse, sa borne négative. Dans le fil conducteur, le courant électrique I circule de la borne positive à la borne négative.