3.7 La contribution d'Oersted
Nous avons vu qu'une pile électrique cause un courant électrique I grâce à sa force électromotrice ℰ . Cette dernière est une tension électrique, mesurée par un électroscope et le condensateur de Volta. Le courant électrique, lui, n'est mesuré, en quelque sorte, que par l'intensité de l'étincelle produite entre deux pointes très rapprochées qui font partie du circuit. Il est alors montré que la décomposition électrique, que Faraday baptise électrolyse en 1833, n'a lieu que s'il y a une étincelle. Il faut donc un courant électrique pour qu'il y ait électrolyse.
Il avait été remarqué à plusieurs reprises que les objets de fer frappés par la foudre devenaient magnétisés. Et nous avons vu dans notre chapitre un que la foudre n'est qu'une gigantesque étincelle. Il se pourrait bien que ce soit vraiment le courant électrique qui ait causé la magnétisation en question, et donc que le courant électrique agisse sur les boussoles, par exemple. Il avait déjà été remarqué que les boussoles s'affolent durant les orages.
En 1819, Hans Christian Oersted (1777-1851) décide
d'examiner si le courant électrique exerce vraiment une force
magnétique sur une boussole. Il utilise un long fil rectiligne dans
lequel il fait passer le courant dû à une pile électrique. Il suppose
que le fil devient alors un aimant dont les pôles sont aux bouts, sous
l'action du courant qui le parcourt. Dans ce cas il devrait créer un
champ magnétique le long de son axe. Il place alors son fil selon un
axe est-ouest. Sa boussole pointe, normalement, vers le nord, vu
l'attraction magnétique terrestre. Il branche son fil aux bornes de sa
pile électrique et espère voir son aiguille dévier dans le sens
du champ magnétique qu'il espère trouver, soit selon l'axe est-ouest. Il est déçu: la boussole ne bouge pas.
Il décide alors d'essayer autre chose: il place son fil électrique le long de l'axe nord-sud, parallèle au champ magnétique terrestre, et le branche aux bornes de sa pile électrique de telle sorte que son courant circule vers le nord. Le pôle nord de sa boussole, placée en dessous du fil électrique, tourne alors et pointe vers le nord-ouest, à sa grande surprise (cas A ). Il remarque aussitôt que sa boussole pointe vers le nord-est si le courant circule vers le sud (cas B ); et que la boussole pointe vers le nord-ouest si elle est placée au-dessus du fil plutôt qu'en-dessous si le courant va vers le sud (cas D ), et vers le nord-est si celui-ci va vers le nord (cas C ).
C'est donc que, lorsqu'il circule vers le nord, le courant du fil cause, dans la région sous lui, un champ magnétique BI vers l'ouest qui, superposé au champ magnétique terrestre BT , fait pointer le pôle nord de la boussole vers le nord-ouest; et, dans la région au-dessus de lui, un champ magnétique BI vers l'est qui, lorsque superposé au champ magnétique terrestre BT , fait pointer le pôle nord de la boussole vers le nord-est.
Et que, lorsque le courant circule vers le sud, il cause, dans la région sous lui, un champ magnétique BI vers l'est qui, superposé au champ magnétique terrestre BT , fait pointer le pôle nord de la boussole vers le nord-est; et, dans la région au-dessus de lui, un champ magnétique BI vers l'ouest qui, lorsque superposé au champ magnétique terrestre BT , fait pointer le pôle nord de la boussole vers le nord-ouest.
Voilà évidemment pourquoi Oersted n'avait pas remarqué de déviation de l'aiguille de sa boussole dans le cas où son fil était orienté selon l'axe est-ouest: son champ magnétique BI était alors selon l'axe nord-sud, dans le même sens que le champ magnétique terrestre BT.
Oersted remarque, dans le cas où le courant circule vers le
nord, que l'angle θ fait par la boussole avec le nord est le même
que la boussole soit placée au-dessus ou en dessous du fil, tant et
aussi longtemps qu'elle est à même distance du fil.
Puisque la tangente de cet angle est donné
par le rapport des champs, et que le champ terrestre ne varie pas, il s'ensuit que la grandeur du champ BI dû au courant ne varie pas pour une même distance d au fil.
Le champ magnétique BI , dû au courant qui circule dans un long fil rectiligne, est donc constant sur un cercle coaxial au fil, et son sens sur le cercle est donné par la règle suivante: si le pouce de notre main droite pointe dans le même sens que le vecteur courant qui coule dans ce long fil rectiligne, le sens de rotation de son vecteur champ magnétique est donné par le sens de rotation dans lequel pointent les doigts de cette main.
Oersted enferme sa boussole dans une boîte de cuivre placée à terre: la boussole dévie comme si elle n'était pas enfermée. Comme les charges électriques extérieures à pareille boîte n'agissent pas sur ce qui s'y trouve, il conclut que ce qui agit sur sa boussole n'est pas électrique, mais bel et bien magnétique.