CHAPITRE QUATRE
FORCE ET CHAMP MAGNÉTIQUES
Nous avons vu dans notre chapitre trois qu'Oersted montre en 1819 qu'un courant électrique cause une force magnétique sur une boussole, et donc un champ magnétique. C'est ce champ magnétique qui va nous intéresser dans ce chapitre.
4.1 L'expérience de Biot et Savart
Biot et Savart mesurent en 1820 la grandeur de la force magnétique Fm subie par les pôles de leur boussole, suspendue à un fil, lorsque placée à une distance d d'un long fil rectiligne. Ils vérifient que le champ magnétique décrit bien des cercles, dont l'axe est le fil rectiligne parcouru par le courant électrique I , comme l'avait trouvé Oersted. Ils observent que le champ magnétique B trouvé dans la région centrale du fil rectiligne
va comme l'inverse de la distance d au fil pour un courant I donné, et qu'il est proportionnel au courant, à une distance donnée.
Ampère montre aussitôt que deux longs fils rectilignes, proches et parallèles, s'attirent si leurs courants sont de même sens, et se repoussent s'ils sont de sens opposés. Pour ce faire, il fixe un fil rectiligne mobile, de longueur L2 , au-dessus d'un autre fixe et plus long, de telle sorte qu'il ne surplombe que la région centrale du fil fixe. Il ajuste le fil mobile de longueur L2 à une distance d du premier à l'aide d'un balancier.
Il fait passer maintenant un courant I1 dans le fil fixe et un courant I2 dans le fil mobile. Il remarque que les deux fils s'éloignent si les courants sont de sens contraires; c'est donc que le fil mobile subit une force magnétique de répulsion Fm . Il place une petite masse m sur le fil mobile de telle sorte que celui-ci revienne à sa position originale, à la distance d du fil fixe. La force magnétique Fm est alors contrée exactement par le poids P de la petite masse m . Il peut donc la mesurer. Refaisant cette expérience pour des courants différents qu'il peut additionner, et pour des distances d différentes ainsi que pour des longueurs L2 différentes, il trouve que
la force magnétique subie par le fil mobile de longueur L2 est proportionnelle à celle-ci; qu'elle est inversement proportionnelle à sa distance d du fil fixe; et proportionnelle au produit des courants I1 et I2 . La constante km vaut, par définition de l'unité de courant, 2⋅10 - 7 N / A 2.
Biot et Savart ont montré que le fil rectiligne long, parcouru par le courant I1 , cause un champ magnétique B1 , constant là où se trouve le fil mobile de longueur L2 parcouru par un courant I2 , et est , par notre équation (4.1.1), proportionnel au courant I1 et inversement proportionnel à la distance d . Il s'ensuit que la force magnétique subie par le fil mobile est proportionnelle au champ magnétique B1 , causé par le courant I1 à une distance d , soit là où se trouve le fil mobile. Si nous assimilons la constante km au champ magnétique B1 , l'équation trouvée par Ampère devient
avec
pour l'équation du champ magnétique dû à un long fil. L'unité de champ magnétique le est le tesla, noté T , et est donnée par le produit de ( N / A 2 ) ⋅ ( A / m ) = N / A m . Nous verrons plus tard d'où provient ce nom.
Du travail de Biot et Savart (et un peu de celui d'Ampère), nous trouvons que le champ magnétique B , à une distance d d'un long fil rectiligne parcouru par un courant I , est
et décrit, comme nous avons déjà vu, des cercles autour de son axe, cercles donnés par la règle suivante: si le pouce de notre main droite pointe dans le même sens que le vecteur courant qui circule dans ce long fil rectiligne, le sens de rotation de son vecteur champ magnétique est donné par le sens de rotation dans lequel pointent les doigts de cette main.
4.2 La force magnétique d'Ampère
a) équation vectorielle de la force magnétique
Sur notre croquis, le champ magnétique B1 ( dû au courant I1 qui s'éloigne de nous dans le fil fixe, là où se trouve le fil rectiligne de longueur L2 , parcouru par le courant I2 qui vient vers nous) est vers la droite, selon notre règle, puisque le point est juste au-dessus du fil fixe. La force magnétique subie par le fil mobile est, avons-nous vu, une force de répulsion: elle est donc vers le haut.
La force magnétique est un vecteur, perpendiculaire à la fois au vecteur champ magnétique et au vecteur courant , dont les grandeurs apparaissent dans notre équation (4.1.5). Ces derniers vecteurs sont, également, perpendiculaires entre eux.
Le symbole d'un vecteur qui sort de la feuille est un point (la tête acérée d'une flèche) encerclé; celui d'un vecteur qui s'enfonce dans la feuille, une croix de Saint-André (un "x") (la queue d'une flèche) encerclée.
Le produit de deux vecteurs qui est lui-même un vecteur, perpendiculaire au plan dans lequel se trouvent ceux-ci, est dit produit vectoriel; sa grandeur est, par définition, donnée par la grandeur de ces vecteurs fois le sinus de l'angle qu'ils font entre eux. Dans notre cas, la valeur du sinus est l'unité puisque cet angle est droit. Le sens du vecteur résultant d'un produit vectoriel est donné par la règle de la main droite: celle-ci est placée de telle sorte que, avec la paume de la main droite ouverte, les quatre doigts soient superposés sur le premier vecteur du produit; la main est ensuite fermée de telle sorte que les quatre doigts se dirigent vers le second vecteur du produit vectoriel. Le pouce indique alors le sens du vecteur produit, perpendiculaire au plan dans lequel se trouvent les deux autres.
Le produit vectoriel n'est pas commutatif; c'est-à-dire que le produit vectoriel d'un vecteur par le vecteur n'est pas égal au produit vectoriel du vecteur par le vecteur : les vecteurs et ont des sens opposés quoique des grandeurs égales.
Le vecteur force magnétique satisfait les conditions d'un produit vectoriel des vecteurs et puisque sa direction est bien perpendiculaire aux deux et sa grandeur est bien donnée par le produit de leurs grandeurs dans ce cas-ci où l'angle entre les deux est droit. Son sens est celui trouvé expérimentalement si le vecteur force magnétique
est donné par la rotation du vecteur courant vers le vecteur champ magnétique .
Ampère remarque, encore en 1820, que si l'aimant de fer est attiré par sa bobine qui porte un courant, celle-ci l'est également par lui: la loi d'action-réaction de sir Isaac Newton s'applique encore ici.
b) les expériences de Faraday
Faraday produit en 1821 deux expériences sur la force magnétique d'Ampère. Dans sa première, une broche B de métal, un conducteur, est suspendue à un crochet C conducteur au-dessus d'un bain de mercure M de telle sorte que le bas de la broche le touche. Le mercure est un liquide conducteur. Le crochet conducteur C est relié au pôle positif d'une pile; le bain de mercure M , au pôle négatif. Un courant I circule alors dans la broche B vers le bas. Le pôle nord d'un aimant vertical fixe A est placé au milieu du bain de mercure M de telle sorte qu'il dépasse juste d'un peu. Des segments de la broche conductrice B parcourue par le courant I subissent alors son champ magnétique B de telle sorte que la force magnétique soit, dans le cas de notre croquis, vers nous: la broche B tourne donc autour du pôle de l'aimant A . Ceci constitue le prototype du moteur électrique.
Dans une seconde expérience, produite tout de suite après,
la broche métallique B est fixée au centre du bain de mercure M .
Son courant est encore vers le bas. Le pôle sud de l'aimant A est
attaché par une courte corde à un point C au centre du fond du bain
de
mercure M . L'aimant A cherche à flotter dans le mercure, plus lourd que lui: son pôle nord est donc à l'air libre. Le courant cause un champ magnétique qui s'enfonce dans la feuille là où se trouve le pôle nord de l'aimant A , causant donc une force magnétique qui s'enfonce dans la feuille: l'aimant A tourne alors autour de la broche B .
Davy, en 1821, montre qu'un arc électrique dévie sous l'effet du champ magnétique comme le prévoit la force magnétique d'Ampère. Ce qui montre, également, que l'arc électrique est bien la manifestation d'un courant électrique.
c) la roue de Barlow
En 1822, Peter Barlow (1776-1862) produit ce qui pourrait être appelé le premier moteur électrique. Il suspend, à un support conducteur horizontal H lui-même placé sur une tige isolante verticale V , une roue métallique E , en forme d'étoile, de telle sorte qu'elle puisse tourner sur un axe horizontal. Le bas de la roue E est placé entre des pôles nord et sud d'aimants. L'extrémité des étoiles de la roue E peut baigner dans un bain de mercure M . Il remarque que sa roue E tourne s'il connecte le support horizontal H au pôle positif d'une pile électrique, et l'autre pôle, au bain de mercure M . Le courant descend alors dans la roue si le bas d'une branche d'étoile E baigne dans le mercure M . Le vecteur courant électrique est alors perpendiculaire au vecteur champ magnétique entre les deux pôles des aimants, ce qui cause la force magnétique d'Ampère, et donc la rotation de la roue E . Puisque le courant ne circule dans la roue E que si le bout d'une branche baigne dans le mercure M , la force magnétique n'existe que de façon intermittente avec ce montage.
Il remarque, peu de temps après, qu'un disque métallique, dont la base baigne dans le mercure, tourne mieux encore puisque le courant n'est plus intermittent.
Loi de Biot et Savart
Laplace examine en 1820 les résultats, trouvés par Biot et Savart, qui donnent l'équation du champ magnétique dû à un long fil rectiligne, notre équation (4.1.5). Il cherche à déterminer le vecteur champ magnétique infime d'un segment quelconque infime, de longueur dL , situé à une distance r d'un point donné.
Il sait qu'un segment, de longueur infime dL , d'un fil mince de longueur L portant uniformément une charge q , cause, à une distance r d'un point, un vecteur champ électrique infime donné par la loi de Coulomb
avec la charge infime écrite en terme de la longueur infime du segment considéré. Ce champ infime diverge du segment infime qui le crée si sa charge est positive. Il peut, par intégration, montrer que le champ électrique produit par la ligne de charge complète est bel et bien donné par notre équation (2.9.9), ce que nous avons montré à l’aide du théorème de Gauss.
Laplace suppose, pour le vecteur champ magnétique infime , une équation analogue mais qui tient compte du sens du vecteur champ magnétique résultant: non pas selon le vecteur unité comme dans le cas du vecteur champ électrique infime mais selon le produit vectoriel des vecteurs courant qui traverse le segment infime et le vecteur unité qui va de ce dernier au point où il cherche à évaluer le champ magnétique
puisque le sens du vecteur champ magnétique résultant est donné par la rotation du vecteur courant vers le vecteur unité . Ce champ magnétique infime décrit alors des cercles dont l'axe est la direction de son vecteur courant .
Cette dernière équation, trouvée par Laplace en 1820, porte le nom de loi de Biot et Savart. Laplace montre que, s'il somme les contributions infimes dues à chaque segment de longueur infime dL d'un long fil rectiligne, il obtient bien, par intégration, l'équation expérimentale de Biot et Savart, notre équation (4.1.5), ce que nous ne ferons pas ici.
Le flux magnétique φm qui traverse une surface est
la somme, sur toute la surface A , des produits scalaires des vecteurs champ magnétique par les vecteurs surface infime .
Le flux magnétique net φm n est celui
qui traverse une enceinte.
Considérons une enceinte sphérique centrée sur le segment infime de longueur dL parcouru par un courant I . Le champ magnétique décrit, sur cette enceinte, des cercles qui ont la direction du vecteur courant I comme axe. Il s'ensuit que le champ magnétique ne traverse jamais cette enceinte et donc que
le flux magnétique net qui traverse cette enceinte est nul, puisque le champ magnétique ne diverge pas du segment infime de courant, mais est en rotation autour de l'axe donné par la direction de son courant.
Cela est vrai quelle que soit la dimension de l'enceinte sphérique, si celle-ci a le segment infime pour centre. Il s'ensuit que le flux magnétique net doit être nul pour une enceinte de forme différente, si elle est comprise entre les deux autres qui sont, elles, sphériques et concentriques. Et, ce qui est vrai pour un segment infime de courant doit être vrai pour toute configuration de courant, par le principe de superposition. Le flux magnétique net, la loi de Gauss appliquée au champ magnétique, donne zéro pour toute enceinte. Ce n'est donc pas de cette façon que nous allons pouvoir calculer le champ magnétique d'une configuration de courant.
La loi de Biot et Savart permet de calculer le vecteur champ magnétique dû à n'importe quelle configuration de courant. Celle-ci, vectorielle comme la loi de Coulomb, est difficile d'utilisation. Aussi allons-nous nous contenter de l'utiliser sans modifications seulement dans un cas relativement simple.
4.4 Champ magnétique d'une bobine de courant
Nous allons examiner le cas d'une bobine mince de N tours de fil conducteur, parcourus par un courant I isolé avec de la soie, roulés en spirale, sur un cercle de rayon de courbure R . Cherchons le vecteur champ magnétique en son centre géométrique O .
La longueur L du fil roulé est donnée par
le produit de sa circonférence 2 π R par son nombre de spires N .
Les vecteurs courant et unité sont toujours à angle droit l'un avec l'autre. Le sens du vecteur champ magnétique infime est perpendiculaire au plan qui les contient, soit le long de l'axe de symétrie de la bobine, et est toujours le même. Tout le fil roulé sur cette bobine est à même distance du point centre O . La grandeur du champ magnétique infime, dû à un segment quelconque, est donnée, à l'aide de notre équation (4.3.2), par
puisque la distance r est donnée ici par le rayon de courbure R .
La grandeur du vecteur champ magnétique résultant est trouvée en sommant les grandeurs des vecteurs champs magnétiques infimes dûs à chaque segment dL , puisqu'ils sont tous dans le même sens; ce qui donne
après avoir sorti les termes, constants sur toute la longueur L du fil, du signe intégrale. Le champ magnétique donne finalement
grâce à l'équation (4.4.1).
Le champ magnétique, au centre de la bobine mince de rayon R comprenant N tours de fil, est proportionnel au produit du nombre des spires par le courant, N I . Et son sens, donné par la règle ci-contre utilisant la main droite: les doigts indiquent le sens de rotation du courant; le pouce, le sens du champ magnétique.
4.5 Le galvanomètre boussole des tangentes
Claude Pouillet (1790-1868) modifie en 1837 le galvanomètre de Schweigger en remplaçant son cadre rectangulaire par une bobine plate. Il utilise le champ magnétique produit au centre d'une bobine plate telle qu'examinée dans notre section précédente puisque c'est là qu'il place une boussole de telle sorte que son axe de rotation soit selon la verticale.
Avant de faire circuler le courant à être mesuré dans les spires de sa bobine plate, il tourne le cadre de celle-ci de telle sorte que celui-ci soit selon l'axe nord-sud, comme l'avait fait Schweigger avant lui. Il s'ensuit que le champ magnétique au centre de la bobine, dû au courant qui traverse ses spires, une fois lancé, est selon l'axe est-ouest. La boussole subit alors deux vecteurs champs magnétiques selon l'horizontale: la composante horizontale du vecteur champ magnétique terrestre, que nous notons simplement , selon l'axe nord-sud, et le vecteur champ magnétique de la bobine , selon l'axe est-ouest. La boussole, qui ne peut pivoter que dans le plan horizontal, pointe alors selon le vecteur résultant qui fait un angle θ avec le nord donné par
selon le croquis ci-contre et l'équation (4.4.5).
Un courant I1 dans la bobine cause donc un vecteur champ magnétique résultant qui fait un angle θ1 avec le nord; un courant I2 , un vecteur résultant qui fait un angle θ2 . Il s'ensuit que
le rapport des courants est dans le rapport des tangentes des angles, pour une même bobine.
Ce type de galvanomètre, comme celui de Schweigger, est beaucoup plus facile à manipuler et bien moins fragile qu'un utilisant un fil de suspension à tordre d'un certain angle; aussi devient-il alors fort populaire. D'autant plus que sa sensibilité peut être modifiée puisque le champ magnétique de la bobine est proportionnel à son nombre de spires N . Plusieurs bornes sont donc prévues pour l'entrée et la sortie du courant I mesuré, de telle sorte qu'entre l'une et l'autre, le nombre de spires de la bobine alors utilisée soit différent mais connu. Dans ce dernier cas, le rapport des tangentes est égal
au rapport du produit du nombre de spires par le courant qui les traverse.
4.6 Le théorème d'Ampère
Nous avons remarqué que la grandeur du vecteur champ magnétique dû à un long fil rectiligne est donné par notre équation (4.1.5)
à une distance r du fil, tant et aussi longtemps que le point où le champ est évalué est loin de ses extrémités, puisqu'il apparaît alors comme de longueur infinie. Son sens, avons-nous vu, est donné par la règle de la main droite; le vecteur champ tourne autour de l'axe du fil.
Définissons la circulation magnétique Cm comme le produit scalaire du vecteur champ magnétique par le vecteur déplacement infime ds sur un trajet fermé ou circuit, soit un trajet où les points de départ et d'arrivée coïncident, ce que le cercle dans le signe de l'intégrale
représente.
Choisissons, comme circuit, un cercle coaxial au fil rectiligne parcouru par un courant I , et parcourons-le dans un sens donné par le bout des doigts de la main droite lorsque le pouce pointe dans le sens du courant. La circulation magnétique devient
puisque le vecteur champ magnétique en tout point sur ce circuit est alors de même sens que le vecteur déplacement en ce point. Et
puisque la grandeur du champ magnétique est constante sur ce trajet fermé, dont la longueur est le périmètre 2 π r .
La circulation magnétique devient, grâce à l'équation (4.6.1),
une valeur qui ne dépend pas du rayon du circuit coaxial choisi. Il s'ensuit que la circulation magnétique sera la même pour tout autre circuit coaxial de rayon différent.
Remarquons qu'un circuit délimite un nombre infini de surfaces, dont une est plane. Associé à cette surface plane est son vecteur surface : la grandeur de ce vecteur est celle de la surface elle-même; sa direction est perpendiculaire à la surface elle-même; son sens est donné par la règle suivante: si les doigts de la main droite pointent dans le sens du parcours du circuit qui délimite la surface, le pouce indique le sens du vecteur surface correspondant.
Nos deux circuits coaxiaux délimitent deux surfaces planes différentes, chacune traversée, en son centre, par le même courant I . Il est donc évident que le terme de droite de la circulation magnétique
est donnée par l'intensité du courant It qui traverse la surface délimitée par le circuit choisi. Deux circuits coaxiaux, un de faible rayon r1 et l'autre de grand rayon r2 , étant traversés par le même courant, ont même circulation magnétique. Et un circuit quelconque, dont la surface plane qu'il délimite comprend celle que délimite le circuit de faible rayon r1 , a la même circulation lui-aussi, puisque la surface non traversée par un courant n'a pas d'effet sur la circulation magnétique.
Un circuit, de rayon r choisi tel que le courant I circule le long de la surface qu'il délimite, a donc une circulation nulle puisque le courant It est nul. Cela est correct puisque, les vecteurs champ magnétique et déplacement infime étant alors toujours à angle droit, leur produit scalaire est toujours nul.
Le produit 2 π km est dit la perméabilité du vide μ0
dont la valeur est, vu celle de km , de 2 π ⋅ 2 ⋅ 10 - 7 N / A 2 , soit 4 π 10 - 7 N / A 2 . Notre équation (4.6.6)
devient le théorème d'Ampère. C'est avec lui, et non pas avec l'équation de Biot et Savart, que nous allons calculer le champ magnétique dû à plusieurs configurations de courants.
Nous verrons dans notre prochain chapitre que le courant circule de façon égale partout à l'intérieur d'un conducteur et non pas seulement à sa surface. Il circule donc partout dans la section d'un long fil rectiligne.
4.7 Champ magnétique d'un long fil rectiligne
Calculons donc, à l'aide du théorème d'Ampère, le champ magnétique dû au courant I qui circule uniformément dans la section d'un long fil rectiligne, en un point P situé à une distance r le long de la droite passant par son centre géométrique O . La loi de Biot et Savart détermine le sens et la grandeur du vecteur champ magnétique infime causé par un segment de courant quelconque; or, pour chaque segment de courant A de la partie supérieure de la section du fil, il en existe un, B , placé symétriquement dans la partie inférieure, qui cause un vecteur champ magnétique infime de même grandeur mais de sens différent. La somme vectorielle de toutes ces paires de vecteurs champ magnétique infime est perpendiculaire à la droite passant par les points O et P .
Une rotation du fil sur son axe ne change en rien la distribution de son courant et donc le champ magnétique résultant au point P . L'équivalent de cette rotation du fil sur son axe est un déplacement sur un cercle coaxial. Le champ magnétique du fil est donc constant sur ce déplacement.
Le circuit choisi est donc un cercle coaxial. La circulation magnétique Cm pour ce circuit est
puisque le vecteur champ magnétique en tout point sur ce circuit est de même sens que le vecteur déplacement en ce point. Elle devient
puisque la grandeur du champ magnétique est constante sur ce trajet fermé, dont la longueur est le périmètre 2 π r .
Les arguments utilisés s'appliquent que le point P soit à l'intérieur ou à l'extérieur du fil.
a) champ magnétique à l’extérieur d’un fil de courant rectiligne
S'il est à l'extérieur, le courant It qui traverse la surface délimitée par le circuit de rayon r n'est rien d'autre que
le courant I qui circule dans la section, de rayon R , du fil.
Le théorème d'Ampère, notre équation (4.6.8), devient
grâce à nos équations (4.7.2) et (4.7.3). Isoler le terme du champ magnétique donne
soit notre équation (4.1.5).
b) champ magnétique à l’intérieur du fil de courant
Si le point P est à l'intérieur du fil, le courant It qui traverse la surface délimitée par le circuit de rayon r est au courant total I qui traverse toute la section du fil de rayon R
dans le rapport des surfaces considérées. Notre équation (4.6.8) devient
grâce à nos équations (4.7.2) et (4.7.6). Isoler le terme du champ magnétique donne une relation pour le champ
qui est proportionnelle à r à l'intérieur du fil.
C'est à la surface du conducteur que son champ magnétique est maximum. Il est nul sur son axe, croît linéairement en fonction de sa distance à l'axe r jusqu'à sa surface, puis tombe de façon inversement proportionnelle à sa distance de l'axe.
4.8 Champ magnétique d'un conducteur rectangulaire
Considérons une longue plaque, de longueur L et de section rectangulaire, dont l'épaisseur e est faible lorsque comparée à sa largeur a , dans laquelle circule, uniformément dans toute sa section, un courant I . Appelons surface de symétrie la surface parallèle aux surfaces de longueur L et de largeur a qui comprend le point centre O de la plaque. Cette surface de symétrie se trouve à diviser cette longue plaque en deux sections de même grandeur.
Calculons, à l'aide du théorème d'Ampère, le champ magnétique de cette plaque, au point P , situé à une distance r du centre géométrique O , sur une droite passant par ce point O et perpendiculaire au plan de symétrie. La loi de Biot et Savart détermine le sens et la grandeur du vecteur champ magnétique infime causé par un segment de courant quelconque; or, pour chaque segment de courant A de la partie droite de la section de la plaque, il en existe un, B , placé symétriquement dans la partie gauche, qui cause un vecteur champ magnétique infime de même grandeur mais de sens différent. La somme vectorielle de toutes ces paires de vecteurs champ magnétique infime est perpendiculaire à la droite passant par les points O et P .
Une faible translation de la plaque dans le sens de sa largeur ne change guère la distribution de son courant et donc le champ magnétique résultant au point P . L'équivalent de cette courte translation de la plaque selon sa largeur est un déplacement sur un court trajet dans le sens de sa largeur. Le champ magnétique de la plaque est donc constant sur ce court déplacement.
Considérons un point M , situé sur le prolongement de la droite qui passe par les points O et P , point à même distance r de O que le point P mais en dessous de la plaque plutôt qu'au-dessus. Il existe dans la plaque un segment de courant qui joue, pour M , le même rôle que joue A pour P . Il s'ensuit que la grandeur du champ résultant en M doit être la même qu'en P ; et que celle sur un court segment, le long de la largeur de la plaque, passant par M , doit être la même que celle sur le court segment, le long de la largeur de la plaque, passant par P .
Le circuit choisi est un rectangle dont le centre géométrique est O . Sa base, le long de la largeur de la plaque, est une courte longueur ℓ . Sa hauteur, une longueur 2 r . Il est parcouru dans un sens tel que le vecteur surface de la surface plane délimitée par lui est dans le même sens que le vecteur courant qui traverse la section de la plaque.
La circulation magnétique Cm pour le circuit choisi
se développe en quatre termes, correspondants aux quatre tronçons du rectangle. La contribution de ceux perpendiculaires à la largeur de la plaque est nulle
puisque les vecteurs déplacements infimes sont perpendiculaires au vecteur champ magnétique local sur ceux-ci. La circulation magnétique Cm de ce circuit devient alors
puisque les vecteurs déplacements infimes sont parallèles au vecteur champ magnétique local sur les deux autres tronçons. Et
puisque la grandeur du champ magnétique est constante et identique sur ces deux tronçons. La circulation magnétique est finalement donnée par
deux fois le produit du champ magnétique par la longueur ℓ de chaque court tronçon parallèle à la largeur de la plaque.
a) champ magnétique externe
Les arguments utilisés s'appliquent que le point P soit à l'intérieur ou à l'extérieur de la plaque. S'il est à l'extérieur, le courant It traverse la surface rectangulaire de hauteur e dont la base est celle du circuit, soit ℓ . Le courant I , lui, circule dans toute la section rectangulaire, de hauteur e et de largeur a . Le rapport de ces deux courants
est donc dans le rapport de ces deux surfaces.
Le théorème d'Ampère, notre équation (4.6.8), devient
grâce à nos équations (4.8.5) et (4.8.6). Isoler le terme du champ magnétique
nous permet de constater que le champ magnétique est constant dans ce cas, soit tant et aussi longtemps que la plaque apparaît infinie.
b) champ magnétique interne
Si le point P est à l'intérieur de la plaque, le courant It qui traverse la surface délimitée par le circuit de hauteur 2r et de base ℓ est au courant total I qui traverse toute la section rectangulaire, de hauteur e et de largeur a
dans le rapport des surfaces considérées. Le théorème d'Ampère, notre équation (4.6.8), devient
grâce à nos équations (4.8.5) et (4.8.9). Isoler le terme du champ magnétique donne
une relation pour le champ qui est proportionnelle à r , la distance au point centre, à l'intérieur de la plaque.
C'est à la surface du conducteur que son champ magnétique est maximum. Il est nul sur son plan de symétrie, le plan parallèle à sa surface et qui passe par son centre, croît linéairement en fonction de sa distance r à ce plan jusqu'à sa surface, puis est constant dans la zone externe où elle apparaît comme infinie.
4.9 Champ magnétique d'un tore
a) le tore
Un tube tordu en forme de cercle de telle sorte que ses deux extrémités deviennent jointes est un tore. Le tore ressemble donc à un bagel (ou à un beigne à trou) sur lequel sont roulés N spires de fil conducteur isolé avec de la soie. Le tore a un axe de rotation qui passe par son point centre O , axe qui est perpendiculaire à son plan de symétrie, qui le divise en deux parties égales. Le rayon de son "trou" y est R1 et son rayon externe, R2 . Dans ce plan de symétrie donc, le courant électrique s'enfonce, disons, N fois là où se trouve le cercle de rayon R2 , et ce, à intervalles réguliers; et ressort N fois là où se trouve le cercle de rayon R1 , et ce, à intervalles réguliers sur ce cercle.
b) géométrie
Calculons le champ magnétique produit par cette configuration de courant en un point P , situé à une distance r du point O , dans son plan de symétrie, à l'aide du théorème d'Ampère. La loi de Biot et Savart détermine le sens et la grandeur du vecteur champ magnétique infime causé par un segment de courant quelconque; or pour chaque segment de courant A de la partie supérieure du tore il en existe un, B , placé symétriquement dans la partie inférieure, qui cause un vecteur champ magnétique infime de même grandeur mais de sens différent. La somme vectorielle de toutes ces paires de vecteurs champ magnétique infime est perpendiculaire à la droite passant par les points O et P .
Il existe, de même, pour chaque segment de courant D de la partie supérieure du tore un segment E , placé symétriquement dans la partie inférieure, qui cause un vecteur champ magnétique infime de même grandeur mais de sens différent. La somme vectorielle de toutes ces paires de vecteurs champ magnétique infime est perpendiculaire à la droite passant par les points O et P .
Une rotation du tore sur son axe ne change en rien la distribution de son courant et donc le champ magnétique résultant au point P . L'équivalent de cette rotation du tore sur son axe est un déplacement sur un cercle coaxial. Le champ magnétique du tore est donc constant sur ce déplacement.
Le circuit choisi est donc un cercle coaxial. La circulation magnétique Cm pour ce circuit
puisque le vecteur champ magnétique en tout point sur ce circuit est alors de même sens que le vecteur déplacement en ce point. Et
puisque la grandeur du champ magnétique est constante sur ce trajet fermé, dont la longueur est le périmètre 2 π r .
Les arguments utilisés s'appliquent que le point P soit à l'extérieur, à l'intérieur ou dans le "trou" du tore.
c) champ magnétique à l’extérieur du tore
S'il est à l'extérieur, le courant It qui traverse la surface délimitée par le circuit de rayon r n'est rien d'autre que
puisque le courant I y entre N fois et en ressort N fois.
Le théorème d'Ampère, notre équation (4.6.8), devient
grâce à nos équations (4.9.2) et (4.9.3). Isoler le terme du champ magnétique donne
que celui-ci est nul à l'extérieur du tore.
d) champ magnétique dans le “trou” du tore
Si le point P est à l'intérieur du trou du tore, le courant It qui traverse la surface délimitée par le circuit de rayon r est nul
puisqu'il n'y a pas de courant dans le trou. Le théorème d'Ampère, notre équation (4.6.8), devient
grâce à nos équations (4.9.2) et (4.9.6). Isoler le terme du champ magnétique donne
que celui-ci est nul à l'intérieur du trou.
E) champ magnétique dans le tore
Si le point P est dans le tore lui-même, le courant It qui traverse la surface délimitée par le circuit de rayon r n'est rien d'autre que
puisque le courant I y sort N fois.
Le théorème d'Ampère, notre équation (4.6.8), devient
grâce à nos équations (4.9.2) et (4.9.9). Isoler le terme du champ magnétique donne
que celui-ci est inversement proportionnel à la distance au centre r à l'intérieur du tore.
4.10 Champ magnétique d'un solénoïde
a) solénoïde
En 1822, Ampère roule en spirale, autour d'un tuyau de longueur b et de rayon R , N tours de fil conducteur isolé avec de la soie. Le fil conducteur a alors la même forme qu'un ressort. Il nomme cet arrangement solénoïde, du latin solen qui signifie tuyau. Il remarque expérimentalement que le champ magnétique d'un pareil ensemble est très faible dans la région externe du tube, sauf juste en ses extrémités ouvertes.
b) géométrie et champ magnétique à l’intérieur du solénoïde
Calculons donc, à l'aide du théorème d'Ampère, le champ magnétique à l'intérieur d'un long solénoïde, en un point P situé à une distance r du centre géométrique O , sur une droite perpendiculaire à son axe qui passe par ce centre O , sachant que son champ externe est pratiquement nul.
La loi de Biot et Savart détermine le sens et la grandeur du vecteur champ magnétique infime causé par un segment de courant quelconque; or pour chaque segment de courant A de la partie droite du solénoïde, il en existe un, B , placé symétriquement dans la partie gauche, qui cause un vecteur champ magnétique infime de même grandeur mais de sens différent. La somme vectorielle de toutes ces paires de vecteurs champ magnétique infime est perpendiculaire à la droite passant par les points O et P .
Il existe, de même, pour chaque segment de courant C de la partie inférieure gauche du solénoïde un segment D, placé symétriquement dans la partie inférieure droite, qui cause un vecteur champ magnétique infime de même grandeur mais de sens différent. La somme vectorielle de toutes ces paires de vecteurs champ magnétique infime est perpendiculaire à la droite passant par les points O et P .
Une faible translation du solénoïde dans le sens de sa longueur ne change guère la distribution de son courant et donc le champ magnétique résultant au point P à l'intérieur. L'équivalent de cette courte translation du solénoïde selon sa longueur est un déplacement sur un court trajet dans le sens de sa longueur. Le champ magnétique du solénoïde est donc constant sur ce court déplacement.
Choisissons un circuit rectangulaire dont les points 1 et 2 sont sur un tronçon parallèle à l'axe à l'intérieur du solénoïde qui passe par le point P à l'intérieur. Les tronçons allant de 2 à 3 et de 4 à 1 sont perpendiculaires à cet axe.
La circulation magnétique Cm pour ce circuit
doit se développer en quatre termes correspondants aux quatre tronçons de notre rectangle. La contribution des tronçons perpendiculaires à l'axe du solénoïde est
puisque les vecteurs déplacements infimes sont perpendiculaires au vecteur champ magnétique local sur ceux-ci lorsqu'ils sont à l'intérieur du solénoïde et puisque le champ magnétique est nul en son extérieur.
La contribution à la circulation magnétique du tronçon externe qui va des points 3 à 4 est nulle
puisque le champ magnétique externe est considéré nul.
La contribution à la circulation magnétique du tronçon interne qui va des points 1 à 2 est
puisque le sens du champ est le long de l'axe.
La circulation magnétique du circuit choisi est donnée par la somme des contributions
de nos quatre tronçons.
Celle-ci devient
puisque la grandeur du champ magnétique est constante sur toute la longueur ℓ du court tronçon parallèle à l'axe du solénoïde.
Le courant I sort N fois de la feuille dans la partie supérieure, sur la longueur b du solénoïde. Le courant It , qui traverse la surface rectangulaire délimitée par le circuit dont la base est ℓ , serait de N I si celle-ci avait comme base b . Mais il est de
puisque sa base n'est que de ℓ .
Le théorème d'Ampère, notre équation (4.6.8), devient
grâce à nos équations (4.10.6) et (4.10.7). Le champ magnétique donne donc
une valeur qui ne dépend pas de la distance à l'axe. Une déformation du circuit avec un tronçon de 1' à 2' passant par le point P' nous donne le même résultat. Le champ magnétique est donc constant partout dans le solénoïde tant et aussi longtemps qu'il apparaît comme infini.
4.11 Effet d'un courant sur le fer
Nous avons déjà remarqué dans notre chapitre premier que le fer doux s'aimante une fois placé aux alentours d'un aimant permanent; et qu'il a tendance à s'orienter dans le sens du champ magnétique qui existe là où il se trouve, s'il a la forme d'une aiguille. Aussi de fines parcelles de limaille de fer doux s'orientent alors toutes selon le sens du vecteur champ magnétique, présent là où elles se trouvent. Qui plus est, comme elles s'attirent l'une l'autre, elles ont tendance à se placer à la suite, à la queue-leu-leu, suivant la direction du champ magnétique local. Elles se trouvent ainsi à rendre visible ce que Faraday baptise en 1831 les lignes de force magnétique: la forme du champ magnétique dû, dans notre cas, à un aimant permanent.
En 1820, Arago, comme Ampère, montre qu'une bobine de courant cause l'aimantation d'une aiguille de fer doux. Mais en plus, que celle-ci agit sur la limaille de fer doux tout comme l'aimant permanent, et y cause des formes très similaires.
Évidemment, la différence est qu'il est possible de voir la disposition de la limaille de fer à l'intérieur d'une bobine mince alors qu'il est impossible de voir le champ magnétique à l'intérieur d'un aimant. Pour Ampère, le fait que les lignes de force magnétique aient la même forme à l'extérieur est la preuve qu'un aimant permanent est en fait une bobine de courant; qu'il y a en fait des courants qui circulent constamment à l'intérieur de l'aimant permanent. Et qu'il doit y avoir, en son intérieur, des lignes de force magnétique, tout comme il y en a dans le cas de la bobine de courant. Les pôles magnétiques n'agissent pas vraiment comme des charges magnétiques, d'où émanerait le champ magnétique, comme nous avions vu dans notre chapitre premier. Les lignes de champ magnétique ne divergeant pas de "charges magnétiques", le flux magnétique net est nul.
En 1822, Ampère, avons-nous vu, crée le solénoïde. Il place en son intérieur une aiguille d'acier, du fer aigre. Puis il branche son solénoïde à une pile électrique, produisant ainsi en son intérieur un champ magnétique, comme nous venons de voir. Il coupe ensuite le courant, et sort son aiguille d'acier de l'intérieur du solénoïde: celle-ci est maintenant magnétisée, et mieux que par la méthode du double-toucher. L'aiguille, faite de fer aigre, demeure magnétisée, comme nous avons déjà vu dans notre premier chapitre.
Sturgeon s'intéresse, à partir de 1821, à l'expérience d'Arago de 1820. En 1825, il forge un fer doux en forme de fer à cheval et le recouvre d'une couche de vernis. Il roule ensuite, en spirales éloignées les unes des autres, 16 tours de fil de cuivre dénudé. Il lance un courant dans son fil, magnétisant ainsi son fer doux: il vient de créer le premier électro-aimant pratique. Il place alors ce dernier juste au-dessus d'une masse de fer de 5 kg: celle-ci, aussitôt attirée par l'électro-aimant, est soulevée du sol. Elle retombe aussitôt que le courant est coupé, puisque le fer doux ne conserve pas alors son aimantation.
Joseph Henry (1797-1878) produit en 1828 des électro-aimants plus puissants. Il suppose que le champ magnétique du fer doux grandit avec le champ magnétique produit par le courant. Aussi augmente-t-il grandement le nombre de tours de fil roulés sur le fer doux. Au lieu d'utiliser du fil conducteur dénudé comme Sturgeon, il utilise du fil recouvert de soie, qu'il peut donc rouler en spires serrées. Le progrès dans la construction des électro-aimants se poursuit alors rapidement, sujet sur lequel nous reviendrons plus tard. Mais terminons ce chapitre avec l'étude du galvanomètre à cadre mobile.
4.12 Galvanomètres à cadre mobile
a) galvanomètre de Sturgeon
Sturgeon bâtit en 1836 le premier galvanomètre à cadre mobile. Il fabrique d'abord un aimant permanent P en forme de fer à cheval. Il place, à chaque pôle de son aimant, un noyau de fer doux D dit pièce polaire afin de réduire la distance dans l'air. Ces deux morceaux de fer doux D deviennent magnétisés par induction. Il remarque, en plaçant de la limaille de fer dans la région avoisinante, que les lignes de force magnétique sont essentiellement parallèles entre elles, d'un pôle à l'autre, dans la zone entre ceux-ci,
Il roule alors, sur un cadre de bois, un long fil conducteur mince, recouvert de soie. Il suspend, à l'aide d'une extrémité du fil conducteur, le cadre entre les deux pièces polaires P de telle sorte que celui-ci soit parallèle aux lignes de force magnétique. L'autre extrémité du fil conducteur est reliée à une borne.
Il fait passer un courant I dans le fil conducteur en partie roulé sur le cadre. La force magnétique d'Ampère Fm se fait sentir sur chaque segment vertical de fil de longueur L , trouvé dans la zone entre les noyaux où il existe un champ magnétique B perpendiculaire au courant I . Il y en a N contigus au pôle nord, et N contigus au pôle sud, puisqu'il y a N enroulements de fil conducteur. Ces forces magnétiques, à angle droit avec le cadre, appliquées à une distance R de l'axe de rotation, causent toutes des moments de force égaux. Le moment de force magnétique résultant MR dû aux deux moments de force magnétique Mm
doit alors être compensé par un moment de torsion Mt en tordant la partie du fil conducteur qui supporte le cadre d'un angle θ pour le ramener à sa position originale, le long des lignes de champ magnétique.
Évidemment, un des problèmes avec pareil montage est de repérer la position originale. Il faut, pour ce faire, placer un marqueur sur le cadre. Johann Christian Poggendorff (1796-1877) avait déjà, en 1826, placé un petit miroir sur la partie mobile de son galvanomètre afin de le rendre plus sensible. Une très faible rotation de ce dernier cause une déviation importante de la lumière qu'il réfléchit sur un mur éloigné.
Nous avons vu, dans notre section 4.5, le galvanomètre boussole de tangentes de Pouillet. Ce galvanomètre a, entre autres avantages, celui de ne pas exiger de l'opérateur de ramener la partie mobile à sa position originale en tordant quelque fil. Nous allons en voir deux autres ayant ce même avantage.
Le galvanomètre de Sturgeon tourne de lui-même quand il est parcouru par un courant. Et développe de lui-même un moment de torsion lors de sa rotation. Mais, comme la force magnétique n'est plus alors à angle droit avec le cadre, les moments de force magnétique varient avec l'angle, ce qui est embêtant.
b) galvanomètre d’Arsonval
Ce problème peut être éliminé complètement en donnant aux surfaces des pièces polaires D , qui sont contiguës au cadre mobile C , une surface cylindrique d'une part, et en plaçant sur l'axe de rotation du cadre un noyau supplémentaire de fer doux E , d'autre part. La région, dans l'air, dans laquelle tourne le cadre est alors fort petite. Cette région est dite entrefer. Le noyau cylindrique E est alors aimanté par induction et le champ magnétique dans l'entrefer est alors trouvé radial et constant. Le vecteur champ magnétique dans l'entrefer est alors toujours tel que la force magnétique est perpendiculaire au plan du cadre. L'équation (4.12.1) s'applique maintenant pour tout angle tant et aussi longtemps que le cadre demeure dans l'entrefer. Evidemment, le cadre mobile C ne peut plus être plein. Aussi le fil conducteur recouvert d'un isolant est roulé sur un cadre creux de cuivre.
Ces modifications au galvanomètre à cadre mobile de Sturgeon, qui datent de 1882, sont dues à Marcel Deprez (1843-1918) et Arsène d'Arsonval (1851-1940). Le courant qui circule dans le cadre mobile est alors directement proportionnel à l'angle de rotation du cadre, qui n'est rien d'autre que l'angle de rotation de son fil de torsion conducteur.
c) galvanomètre Weston
En 1888, la firme américaine Weston modifie le montage de d'Arsonval pour produire le premier galvanomètre portatif de qualité. Les modifications sont essentiellement en nombre de trois: le cadre mobile C tourne maintenant sur des vis à pierre J ; le fil de torsion conducteur est remplacé par des ressorts conducteurs en spirale R et l'indicateur est formé d'une longue aiguille A placée à angle droit avec le cadre. Cette aiguille va indiquer une position sur un cadran placée à une certaine distance de là. L'aimant utilisé a la forme d'un fer à cheval dont les extrémités, ses pôles P , sont parallèles et reserrées. Les vis à pierre sont solides mais ne s'opposent pas au mouvement de rotation du cadre. Le courant passe dans les spires roulées sur le cadre par l'intermédiaire des ressorts en spirale conducteurs.
Le cadre en rotation autour du noyau de fer doux comprend donc N spires. Sa longueur Lc , soit son côté parallèle à son axe de rotation, doit être plus grande que la longueur L du noyau lui-même. La grandeur de la force magnétique Fm subie par un de ses côtés de longueur Lc est
puisque le champ magnétique B n'existe que dans l'entrefer, dont la longueur L est la longueur du noyau et la largeur des pièces polaires, ainsi que le montre clairement le croquis ci-contre. Cette force magnétique Fm est alors à angle droit avec le plan du cadre mobile.
Puisqu'il n'y a pas de champ magnétique dans l'air ailleurs que dans l'entrefer, il n'y a aucune force magnétique exercée sur les côtés du cadre qui sont perpendiculaires à son axe de rotation.
La largeur du cadre mobile est deux fois la distance R qu'il y a entre le segment trouvé dans l'entrefer et son axe. Le moment de force Mm magnétique exercé sur un des côtés du cadre trouvé dans l'entrefer est donné
par le produit de la force magnétique subie Fm sur une longueur L de sa longueur Lc par son bras de levier R .
4.1 Une broche d'aluminium, de 60 mm de long et de 5⋅10-4 kg de masse, est accrochée librement en son extrémité supérieure à un axe horizontal. Un champ magnétique constant de 10 mT, parallèle à l'axe horizontal, baigne toute la région aux alentours de la broche. Un courant de 5 A coule dans la broche, à partir d'un fil flexible, relié à son extrémité inférieure, jusqu'à l'axe horizontal. Quel angle fait la broche avec la verticale?
4.2 Un disque plein, en cuivre, dont le diamètre est de 100 mm, peut tourner sur un axe central horizontal. La moitié du disque sous l'axe baigne dans un champ magnétique constant horizontal de 50 mT. Le bas de la roue baigne légèrement dans un bain de mercure, de telle sorte qu'il coule, du mercure à l'axe du disque, un courant de 15 A. Quel est le moment de force exercé sur le disque?
4.3 Le pôle nord de la boussole d'un galvanomètre de Pouillet fait un angle de 37° avec sa bobine placée selon l'axe nord-sud. De combien de fois le champ magnétique dû à son courant est plus grand que le champ magnétique terrestre?
4.4 Le pôle nord de la boussole d'un galvanomètre de Pouillet indique un angle de 23° avec sa bobine placée selon l'axe nord-sud lorsqu'un courant de 1 A la parcourt. Pour quel courant le pôle nord indique-t-il un angle de 34°?
4.5 Le pôle nord de la boussole d'un galvanomètre de Pouillet indique un angle de 23° avec sa bobine placée selon l'axe nord-sud lorsqu'un courant de 1 A parcourt 100 de ses spires. Pour quel courant qui parcourt 500 de ses spires le pôle nord indique-t-il un angle de 34°?
4.6 Un long fil de cuivre rectiligne, de 8 mm de diamètre, passe un courant de 40 A. Quelle est la valeur de son champ magnétique à
a) 2 mm de son axe?
b) 8 mm de son axe?
4.7 Un fil rectiligne de 3,6 mm de diamètre et de 12 m de long passe un courant de 2 kA. Quelle est la valeur de son champ magnétique à
a) 1 mm de son axe?
b) 5 mm de son axe?
4.8 Un cylindre creux de 2 m de long, 499 mm de rayon interne et 501 mm de rayon externe, conduit un courant de 200 A le long de son axe. Quelle est la valeur de son champ magnétique à
a) 250 mm de son axe?
b) 500 mm de son axe?
c) 750 mm de son axe?
4.9 Un courant de 500 A circule uniformément dans la direction de l'axe dans un tube métallique creux, long de 15 m, de 40 mm de rayon interne et de 60 mm de rayon externe. Quelle est la valeur de son champ magnétique à
a) 20 mm de son axe?
b) 50 mm de son axe?
c) 60 mm de son axe?
d) 100 mm de son axe?
4.10 Un câble coaxial comprend 1) un conducteur central de 1 mm de rayon, 2) une gaine isolante coaxiale de 1 mm de rayon interne et de 2 mm de rayon externe, 3) un cylindre conducteur coaxial de 2 mm de rayon interne et de 2,2 mm de rayon externe et 4) une gaine isolante coaxiale de 2,2 mm de rayon interne et de 2,3 mm de rayon externe. Un courant de 20 A coule dans chacun des deux conducteurs, mais dans des sens opposés. Quelle est la grandeur du champ magnétique produit à
a) 0,5 mm de l'axe?
b) 1,0 mm de l'axe?
c) 2,1 mm de l'axe?
d) 3,0 mm de l'axe?
4.11 Quel est le champ magnétique produit par un courant de 800 A circulant uniformément dans une feuille de cuivre de 500 mm de largeur, 4 mm d'épaisseur et 2 m de longueur; ce, à 1 mm et 5 mm du centre de la feuille, dans le plan qui lui est perpendiculaire?
4.12 Deux plaques de cuivre parallèles, séparées par 6 mm, ont chacune une surface de 200 mm par 2 m et une épaisseur de 2 mm. Deux courants de 50 A coulent, dans le même sens, dans leurs sections de 200 mm par 2 mm. Quelle est la valeur du champ magnétique en un point, sur un axe perpendiculaire aux plaques passant par leurs centres, point situé à une distance de
a) 1 mm de la surface externe d'une d'elle, allant vers l'autre?
b) 5 mm de la surface externe d'une d'elle, allant vers l'autre?
c) 15 mm de la surface externe d'une d'elle, allant vers l'autre?
4.13 Deux plaques de cuivre parallèles, séparées par un isolant de 2 mm, ont chacune une surface de 200 mm par 1,5 m et une épaisseur de 2 mm. Deux courants de 1 kA coulent, dans des sens opposés, dans leurs sections de 200 mm par 2 mm. Quelle est la valeur du champ magnétique
a) au centre d'une des plaques?
b) à 0,2 mm en dessous de la surface supérieure de la plaque supérieure?
c) à 0,2 mm au-dessus de la surface supérieure de la plaque supérieure?
4.14 Un solénoïde de 200 spires a une longueur de 200 mm et un rayon de 20 mm. Quel est son champ magnétique au centre s'il est parcouru par un courant de 2 A?
4.15 Sont placées en série, sur un même axe, à 150 mm centre à centre, 21 bobines plates, chacune de 20 spires de 1,2 m de diamètre. Un courant de 50 A coule dans le même sens dans chacune de leurs spires. Quel est le champ magnétique au centre de pareil système?
4.16 Un courant de 2 kA coule dans une feuille plate de cuivre de 2 mm d'épaisseur, 800 mm de largeur, qui décrit ensuite un cylindre de 200 mm de rayon avant de revenir sur ses pas dans une feuille plate parallèle et identique à celle d'aller. Quelle est la valeur du champ magnétique produit
a) sur l'axe du cylindre?
b) à 100 mm de son axe de symétrie?
c) à 300 mm de l'axe de symétrie, le long de l'axe X?
d) à 300 mm de l'axe de symétrie, le long de l'axe Y?
4.17 Un tore, dont les rayons interne et externe sont respectivement de 10 mm et 20 mm, est composé de 40 spires dans lesquelles coule un courant de 5 A. Quelle est la valeur du champ magnétique produit à
a) 5 mm de son axe?
b) 15 mm de son axe?
c) 25 mm de son axe?
Deux solénoïdes, chacun de 200 mm de longueur et de 500 spires, sont placés l'un dans l'autre selon un même axe. Un même courant de 200 mA coule dans chacun dans le même sens. Le rayon de l'un est de 5 mm; celui de l'autre, de 10 mm. Quel est le champ magnétique en un point, sur la droite perpendiculaire à leur axe de symétrie et passant par leur point centre commun, point éloigné du centre par une distance de
a) 2 mm?
b) 6 mm?
c) 12 mm?
4.19 Deux solénoïdes, chacun de 200 mm de longueur et de 500 spires, sont placés l'un dans l'autre selon un même axe. Un même courant de 300 mA coule dans chacun dans des sens opposés. Le rayon de l'un est de 4 mm; celui de l'autre, de 8 mm. Quel est le champ magnétique en un point, sur la droite perpendiculaire à leur axe de symétrie et passant par leur point centre commun, point éloigné du centre par une distance de
a) 2 mm?
b) 6 mm?
c) 9 mm?
Le cadre d'un galvanomètre Weston a les dimensions suivantes: côté parallèle à l'axe de rotation: 22 mm; côté perpendiculaire à l'axe de rotation: 12 mm. L'axe de rotation passe par le milieu du cadre. La longueur du noyau de fer doux et des pièces polaires est de 20 mm. Le champ dans l'entrefer, dont l'épaisseur est de 2 mm, est de 750 mT. Le courant maximum, correspondant à une déviation de 80° de l'aiguille fixée sur le cadre mobile où sont roulées 80 spires, est de 2 mA.
a) Quelle est la force magnétique exercée sur un des côtés de 12 mm de long, qui se trouve en dehors de la région de l'entrefer, lorsque le courant dans le cadre est de 2 mA?
b) Quelle est la force magnétique exercée sur un des côtés de 22 mm de long, qui se trouve dans l'entrefer pour une longueur de 20 mm, lorsque le courant dans le cadre est de 2 mA?
c) Quel est le moment de force exercé sur ce dernier côté dans ce cas?
d) Quelle est la constante de torsion totale des ressorts en spirale?
4.21 Le cadre d'un galvanomètre Weston, de 22 mm de longueur et 10 mm de largeur, tourne sur un axe de rotation dans un champ magnétique radial de 600 mT dans un entrefer de 20 mm de longueur et est relié à des ressorts en spirale dont la constante de torsion totale est de 2⋅10-6 Nm/rad. Un courant de 50 μA coule dans ses 200 spires.
a) Quelle est la force exercée sur un des côtés de 22 mm?
b) Quel est son moment de force?
c) De quel angle le cadre tourne-t-il alors?
4.22 L'aiguille, fixée au cadre d'un galvanomètre d'Arsonval, dévie de 120° pour un courant de 10 nA. Les dimensions du cadre, de 8000 spires, sont de 60 mm par 82 mm; la longueur de l'entrefer est, elle, de 80 mm. La constante de torsion totale du fil de torsion est de 2,56⋅10-9 Nm/degré. Quelle est la valeur du champ magnétique radial de son entrefer?