4.11 Effet d'un courant sur le fer
Nous avons déjà remarqué dans notre chapitre premier que le fer doux s'aimante une fois placé aux alentours d'un aimant permanent; et qu'il a tendance à s'orienter dans le sens du champ magnétique qui existe là où il se trouve, s'il a la forme d'une aiguille. Aussi de fines parcelles de limaille de fer doux s'orientent alors toutes selon le sens du vecteur champ magnétique, présent là où elles se trouvent. Qui plus est, comme elles s'attirent l'une l'autre, elles ont tendance à se placer à la suite, à la queue-leu-leu, suivant la direction du champ magnétique local. Elles se trouvent ainsi à rendre visible ce que Faraday baptise en 1831 les lignes de force magnétique: la forme du champ magnétique dû, dans notre cas, à un aimant permanent.
En 1820, Arago, comme Ampère, montre qu'une bobine de courant cause l'aimantation d'une aiguille de fer doux. Mais en plus, que celle-ci agit sur la limaille de fer doux tout comme l'aimant permanent, et y cause des formes très similaires.
Évidemment, la différence est qu'il est possible de voir la disposition de la limaille de fer à l'intérieur d'une bobine mince alors qu'il est impossible de voir le champ magnétique à l'intérieur d'un aimant. Pour Ampère, le fait que les lignes de force magnétique aient la même forme à l'extérieur est la preuve qu'un aimant permanent est en fait une bobine de courant; qu'il y a en fait des courants qui circulent constamment à l'intérieur de l'aimant permanent. Et qu'il doit y avoir, en son intérieur, des lignes de force magnétique, tout comme il y en a dans le cas de la bobine de courant. Les pôles magnétiques n'agissent pas vraiment comme des charges magnétiques, d'où émanerait le champ magnétique, comme nous avions vu dans notre chapitre premier. Les lignes de champ magnétique ne divergeant pas de "charges magnétiques", le flux magnétique net est nul.
En 1822, Ampère, avons-nous vu, crée le solénoïde. Il place en son intérieur une aiguille d'acier, du fer aigre. Puis il branche son solénoïde à une pile électrique, produisant ainsi en son intérieur un champ magnétique, comme nous venons de voir. Il coupe ensuite le courant, et sort son aiguille d'acier de l'intérieur du solénoïde: celle-ci est maintenant magnétisée, et mieux que par la méthode du double-toucher. L'aiguille, faite de fer aigre, demeure magnétisée, comme nous avons déjà vu dans notre premier chapitre.
Sturgeon s'intéresse, à partir de 1821, à l'expérience d'Arago de 1820. En 1825, il forge un fer doux en forme de fer à cheval et le recouvre d'une couche de vernis. Il roule ensuite, en spirales éloignées les unes des autres, 16 tours de fil de cuivre dénudé. Il lance un courant dans son fil, magnétisant ainsi son fer doux: il vient de créer le premier électro-aimant pratique. Il place alors ce dernier juste au-dessus d'une masse de fer de 5 kg: celle-ci, aussitôt attirée par l'électro-aimant, est soulevée du sol. Elle retombe aussitôt que le courant est coupé, puisque le fer doux ne conserve pas alors son aimantation.
Joseph Henry (1797-1878) produit en 1828 des électro-aimants plus puissants. Il suppose que le champ magnétique du fer doux grandit avec le champ magnétique produit par le courant. Aussi augmente-t-il grandement le nombre de tours de fil roulés sur le fer doux. Au lieu d'utiliser du fil conducteur dénudé comme Sturgeon, il utilise du fil recouvert de soie, qu'il peut donc rouler en spires serrées. Le progrès dans la construction des électro-aimants se poursuit alors rapidement, sujet sur lequel nous reviendrons plus tard. Mais terminons ce chapitre avec l'étude du galvanomètre à cadre mobile.