4.12 Galvanomètres à cadre mobile
a) galvanomètre de Sturgeon
Sturgeon bâtit en 1836 le premier galvanomètre à cadre mobile. Il fabrique d'abord un aimant permanent P en forme de fer à cheval. Il place, à chaque pôle de son aimant, un noyau de fer doux D dit pièce polaire afin de réduire la distance dans l'air. Ces deux morceaux de fer doux D deviennent magnétisés par induction. Il remarque, en plaçant de la limaille de fer dans la région avoisinante, que les lignes de force magnétique sont essentiellement parallèles entre elles, d'un pôle à l'autre, dans la zone entre ceux-ci,
Il roule alors, sur un cadre de bois, un long fil conducteur mince, recouvert de soie. Il suspend, à l'aide d'une extrémité du fil conducteur, le cadre entre les deux pièces polaires P de telle sorte que celui-ci soit parallèle aux lignes de force magnétique. L'autre extrémité du fil conducteur est reliée à une borne.
Il fait passer un courant I dans le fil conducteur en partie roulé sur le cadre. La force magnétique d'Ampère Fm se fait sentir sur chaque segment vertical de fil de longueur L , trouvé dans la zone entre les noyaux où il existe un champ magnétique B perpendiculaire au courant I . Il y en a N contigus au pôle nord, et N contigus au pôle sud, puisqu'il y a N enroulements de fil conducteur. Ces forces magnétiques, à angle droit avec le cadre, appliquées à une distance R de l'axe de rotation, causent toutes des moments de force égaux. Le moment de force magnétique résultant MR dû aux deux moments de force magnétique Mm
doit alors être compensé par un moment de torsion Mt en tordant la partie du fil conducteur qui supporte le cadre d'un angle θ pour le ramener à sa position originale, le long des lignes de champ magnétique.
Évidemment, un des problèmes avec pareil montage est de repérer la position originale. Il faut, pour ce faire, placer un marqueur sur le cadre. Johann Christian Poggendorff (1796-1877) avait déjà, en 1826, placé un petit miroir sur la partie mobile de son galvanomètre afin de le rendre plus sensible. Une très faible rotation de ce dernier cause une déviation importante de la lumière qu'il réfléchit sur un mur éloigné.
Nous avons vu, dans notre section 4.5, le galvanomètre boussole de tangentes de Pouillet. Ce galvanomètre a, entre autres avantages, celui de ne pas exiger de l'opérateur de ramener la partie mobile à sa position originale en tordant quelque fil. Nous allons en voir deux autres ayant ce même avantage.
Le galvanomètre de Sturgeon tourne de lui-même quand il est parcouru par un courant. Et développe de lui-même un moment de torsion lors de sa rotation. Mais, comme la force magnétique n'est plus alors à angle droit avec le cadre, les moments de force magnétique varient avec l'angle, ce qui est embêtant.
b) galvanomètre d’Arsonval
Ce problème peut être éliminé complètement en donnant aux surfaces des pièces polaires D , qui sont contiguës au cadre mobile C , une surface cylindrique d'une part, et en plaçant sur l'axe de rotation du cadre un noyau supplémentaire de fer doux E , d'autre part. La région, dans l'air, dans laquelle tourne le cadre est alors fort petite. Cette région est dite entrefer. Le noyau cylindrique E est alors aimanté par induction et le champ magnétique dans l'entrefer est alors trouvé radial et constant. Le vecteur champ magnétique dans l'entrefer est alors toujours tel que la force magnétique est perpendiculaire au plan du cadre. L'équation (4.12.1) s'applique maintenant pour tout angle tant et aussi longtemps que le cadre demeure dans l'entrefer. Evidemment, le cadre mobile C ne peut plus être plein. Aussi le fil conducteur recouvert d'un isolant est roulé sur un cadre creux de cuivre.
Ces modifications au galvanomètre à cadre mobile de Sturgeon, qui datent de 1882, sont dues à Marcel Deprez (1843-1918) et Arsène d'Arsonval (1851-1940). Le courant qui circule dans le cadre mobile est alors directement proportionnel à l'angle de rotation du cadre, qui n'est rien d'autre que l'angle de rotation de son fil de torsion conducteur.
c) galvanomètre Weston
En 1888, la firme américaine Weston modifie le montage de d'Arsonval pour produire le premier galvanomètre portatif de qualité. Les modifications sont essentiellement en nombre de trois: le cadre mobile C tourne maintenant sur des vis à pierre J ; le fil de torsion conducteur est remplacé par des ressorts conducteurs en spirale R et l'indicateur est formé d'une longue aiguille A placée à angle droit avec le cadre. Cette aiguille va indiquer une position sur un cadran placée à une certaine distance de là. L'aimant utilisé a la forme d'un fer à cheval dont les extrémités, ses pôles P , sont parallèles et reserrées. Les vis à pierre sont solides mais ne s'opposent pas au mouvement de rotation du cadre. Le courant passe dans les spires roulées sur le cadre par l'intermédiaire des ressorts en spirale conducteurs.
Le cadre en rotation autour du noyau de fer doux comprend donc N spires. Sa longueur Lc , soit son côté parallèle à son axe de rotation, doit être plus grande que la longueur L du noyau lui-même. La grandeur de la force magnétique Fm subie par un de ses côtés de longueur Lc est
puisque le champ magnétique B n'existe que dans l'entrefer, dont la longueur L est la longueur du noyau et la largeur des pièces polaires, ainsi que le montre clairement le croquis ci-contre. Cette force magnétique Fm est alors à angle droit avec le plan du cadre mobile.
Puisqu'il n'y a pas de champ magnétique dans l'air ailleurs que dans l'entrefer, il n'y a aucune force magnétique exercée sur les côtés du cadre qui sont perpendiculaires à son axe de rotation.
La largeur du cadre mobile est deux fois la distance R qu'il y a entre le segment trouvé dans l'entrefer et son axe. Le moment de force Mm magnétique exercé sur un des côtés du cadre trouvé dans l'entrefer est donné
par le produit de la force magnétique subie Fm sur une longueur L de sa longueur Lc par son bras de levier R .