5.1 La contribution d'Ohm
Nous avons vu au chapitre trois qu'Ampère avait remarqué qu'il n'y a un courant dans un montage électrique que si celui-ci forme un circuit; et qu'alors le courant est le même partout dans la boucle.
Le courant produit par une pile électrique ne dépend pas seulement de sa force électromotrice mais également du circuit électrique placé à ses bornes, avait-on remarqué très rapidement à l'aide du galvanomètre de Schweigger. Mais comment, voilà qui était loin d'être clair.
a) montage de Ohm et ses résultats
Georg Simon Ohm (1789-1854) cherche à répondre à cette question. Il trouve que, dans certains cas, le courant augmente avec le nombre de piles électriques placées en série, mais pas toujours. Et il doit faire face aux problèmes relatifs aux piles chimiques. Poggendorff lui suggère alors d'utiliser la pile thermo-électrique inventée, comme nous avons vu, par Seebeck en 1821. Il place donc une jonction de celle-ci dans de l'eau bouillante (température de 100 °C) et l'autre, dans de l'eau glacée (température de 0 °C). Il lui est facile de maintenir ces températures constantes et donc de maintenir constante la force électromotrice de sa pile.
En 1826, il place un fil, de cuivre par exemple, homogène, de section A et de longueur L aux bornes de sa pile, de telle sorte que le courant circule vers le nord. Il peut maintenant mesurer le champ magnétique dû au courant I qui le traverse en mesurant l'angle de torsion supplémentaire θ requis pour maintenir le boussole à angle droit avec la somme des champs magnétiques terrestre et dû au courant.
Il reprend cette même expérience avec deux piles thermo-électriques identiques placées en série (soit à la queue-leu-leu): la tension aux bornes de l'ensemble doit être alors deux fois celle d'une seule. Il remarque que le courant obtenu est deux fois plus grand. Et trois fois plus grand s'il place trois de ces piles identiques en série. Le courant I qui circule dans le fil est donc proportionnel à la tension électrique T
qui se trouve à ses bornes, tension qu'il peut mesurer avec un électroscope.
Il refait l'expérience avec un fil homogène deux fois plus long. Il trouve un courant deux fois plus faible, pour une force électromotrice constante. Et trois fois plus faible pour un fil de longueur L trois fois plus grande. Et s'il fait l'expérience avec un fil deux fois plus fin, c'est-à-dire de section A deux fois plus faible, il trouve un courant deux fois plus faible. Et s'il refait l'expérience avec un fil de section trois fois plus faible, il trouve un courant trois fois plus faible. Le courant trouvé, pour une force électromotrice donnée constante, dépend donc des dimensions du fil: le courant I
est d'autant plus faible que le fil est long et qu'il a une faible section, et d'autant plus grand que la tension à ses bornes est grande.
Il remarque aussi que deux fils homogènes de même section et de même longueur ne sont pas traversés par un même courant pour une même force électromotrice: le type de conducteur utilisé est important. Il remarque qu'un fil de chanvre laisse passer le courant bien mal comparé à un fil de cuivre de mêmes dimensions: c'est que sa résistivité ρ (lettre rho minuscule) est plus grande. Le courant I qui circule dans un fil de longueur L , de section A et de résistivité ρ
dépend de la tension électrique T à ses bornes. Il remarque de plus que la résistivité d'un matériau dépend de sa température; certains conducteurs, comme les métaux, voient leur résistivité augmenter avec leur température; alors que le chanvre, par exemple, voit sa résistivité baisser avec l'augmentation de sa température.
b) résistance
La résistance R d'un fil, remarque-t-il, est ce qui détermine le courant pour une tension donnée. Celle-ci est donc l'inverse du terme devant la tension dans notre dernière équation. Elle est
d'autant plus grande qu'il est long, que sa section est faible et que sa résistivité est grande.
Il s'ensuit que la tension électrique T aux bornes d'un fil conducteur est reliée au courant qui y circule
par sa résistance R . Ceci constitue la loi d'Ohm. Il vérifie que le courant s'écoule de fait du point où la tension électrique est la plus grande à celui où la tension est la plus faible. La tension la plus grande, considérée de polarité positive, est représentée par le signe positif encerclé, et l'autre, considérée de polarité négative, par le signe négatif encerclé. Le courant dans une résistance va toujours de la tension la plus grande à la tension la plus faible (de la polarité positive à la polarité négative). La résistance est représentée symboliquement par une ligne en zig-zag.
c) son interprétation
Ohm cherche maintenant à faire sens de ses résultats. Il sait que le fluide électrique n'est trouvé qu'à la surface des conducteurs. Il semble donc de cela que celui-ci ne devrait s'écouler qu'à leur surface. Or voilà que la résistance d'un fil conducteur dépend de sa section: il faut donc que le courant circule, non pas seulement sur la surface du conducteur, mais uniformément dans toute sa section. (Nous avons déjà tenu compte de ce résultat dans notre chapitre précédent.)
Le baron Joseph Fourier (1768-1830) avait montré en 1822 comment les barres de métal conduisent la chaleur et avait obtenu une équation similaire à celle trouvée expérimentalement par Ohm. Ce dernier, s'inspirant de ce travail, suggère que, comme le mouvement de chaleur à travers la barre est dû à ce que la quantité de chaleur est plus grande à une extrémité de la barre qu'à l'autre, le mouvement de fluide électrique est dû à ce que la densité de fluide électrique est plus grande à une extrémité de fil conducteur qu'à l'autre; que la tension de Volta représente cette densité plus grande de charges (après tout, Volta n'avait-il pas montré que la tension électrique est proportionnelle au nombre de charges?).
d) représentation symbolique d’une pile
Ohm remarque également que la tension T aux bornes du fil conducteur de résistance R, placé directement aux bornes d'une pile, varie selon la valeur de sa résistance: elle est toujours plus faible que sa force électromotrice ℰ mesurée, avons-nous vu, lorsque la pile est débranchée. Il comprend que cela est dû au fait que la pile est résistive: sa tension nette T est réduite par sa résistance interne Ri . Cette résistance est représentée ici symboliquement juste à côté du symbole de la force électromotrice de la pile. L'ensemble de deux barres verticales inégales, la plus longue représentant la borne positive et l'autre, la borne négative, ne représente dans cet ouvrage que la force électromotrice ℰ de la pile comme sa résistance interne Ri est représentée, explicitement, juste à côté. (Cette façon de faire n'est pas universelle.)