5.12 L'ohmmètre
a) circuit de base simplifié
L'ohmmètre est un appareil utilisé pour mesurer des résistances. Son symbole comprend, comme pour tout appareil de mesure, un cercle, dans lequel apparaît la lettre Ω pour ohmmètre; associée à ce symbole est la résistance interne RΩ de l'ohmmètre, indiquée explicitement, comme toujours, ainsi que d'une source de tension ℰ , indiquée explicitement elle-aussi.
La résistance à mesurer R est placée seule à ses bornes. Il s'ensuit que le circuit électrique ne comprend alors que cette résistance R et la résistance interne de l'ohmmètre RΩ . Le courant IA qui circule dans ce circuit série
est donc donné par la force électromotrice de la pile interne divisée par la somme des résistances. C'est ce courant qui va faire dévier l'aiguille de l'ohmmètre.
b) échelle de l’ohmmètre
Ce courant est maximal IAm
lorsque la résistance R placée aux bornes de l'ohmmètre est nulle. L'aiguille de l'ohmmètre dévie donc au maximum quand la résistance à mesurer est nulle. Ce courant dépend donc de deux éléments: la force électromotrice de la pile interne ℰ de l'ohmmètre, et sa résistance interne RΩ . L'équation (5.12.1) montre bien que le courant est au contraire nul quand la résistance R est infinie.
Le croquis précédent montre l'échelle d'un ohmmètre dont la résistance interne est de 100 Ω. A l'extrémité gauche, quand la déviation de son aiguille est nulle, la résistance externe, celle qu'il mesure, est infinie; à l'extrémité droite, quand la déviation de son aiguille est maximale, la résistance externe, celle qu'il mesure, est nulle. Ces deux valeurs sont les mêmes quelques soient les caractéristiques internes de l'ohmmètre: elles ne peuvent donc pas nous servir à caractériser son échelle.
Aussi, dans le cas de l'ohmmètre, la valeur d'une échelle est donnée par la valeur de la résistance indiquée par l'aiguille sur son cadran lorsque celle-ci dévie de la moitié de sa déviation maximale.
Si la résistance R aux bornes est égale à la résistance interne RΩ , l'équation (5.12.1) devient
à l'aide de l'équation (5.12.2). L'aiguille de l'ohmmètre dévie alors de la moitié de sa déviation maximale. La valeur de résistance que l'ohmmètre indique alors, à mi-échelle, est donc sa résistance interne RΩ .
c) circuit de base intermédiaire
Pour changer d'échelle donc, l'ohmmètre doit changer de résistance interne; ce qui veut dire que le courant maximum qui circule dans son circuit série doit changer. Or l'aiguille de l'ohmmètre dévie parce qu'il est composé d'un galvanomètre de type Weston, représenté par un cercle comprenant la lettre G , et une résistance RG indiquée explicitement, dont l'aiguille indique une déviation angulaire proportionnelle au courant IG qui le traverse.
d) circuit de base complet
Mais comme le courant maximum qui circule dans notre circuit IAm est différent du courant maximum IGm qui circule dans le galvanomètre, ce dernier doit faire partie d'un ampèremètre, comprenant donc en plus une résistance de shunt RS placée en parallèle avec lui. La résistance de l'ampèremètre est donc la résistance équivalente des résistances en parallèle. La pile interne comprend, elle-aussi, une résistance interne Ri de telle sorte que le circuit interne de l'ohmmètre peut s'expliciter davantage comme sur le croquis ci-contre, avec la résistance principale Rp . La résistance interne de l'ohmmètre
y est donc donnée par la somme des résistances puisqu'elles sont toutes en série. La résistance Rp est dite principale parce que sa valeur constitue normalement la majeure partie de la valeur de la résistance interne totale RΩ de l'ohmmètre, les résistances Ri et RA étant d'ordinaire faibles en comparaison.
e) circuit de base complet avec échelles multiples
Ce circuit peut être explicité davantage si les résistances internes de l'ampèremètre interne sont explicitées comme sur le croquis ci-haut. Un ohmmètre doit donc, pour avoir plusieurs échelles, posséder une résistance interne qui change selon l'échelle d'une part, et, vu l'équation (5.12.2), un ampèremètre variable dont le courant maximum varie selon l'équation juste mentionnée. Ce qui ne peut se produire que si sa résistance de shunt, par exemple, varie selon l'échelle.
Si une pile de force électromotrice de 1,5V est utilisée dans un ohmmètre dont l'échelle requise est de 100Ω, le courant maximum qui circule dans son ampèremètre, donné par l'équation (5.12.2), est de 1,5V/100Ω, soit de 15mA. Si le galvanomètre, dont l'aiguille indicatrice dévie complètement pour un courant de 10 mA, et de résistance interne 36 Ω, est utilisé pour former cet ampèremètre dont l'échelle doit être de 0 - 15 mA, il s'ensuit par l'équation (5.11.1) que la tension à ses bornes est de 36Ω fois 10mA, soit de 360mV. Puisque le courant alors lancé dans l'ampèremètre est de 15mA, il s'ensuit de cette même équation que sa résistance interne doit être de 360mV divisée par 15mA, soit de 24Ω. Puisque le courant total est de 15mA alors que celui de la branche du galvanomètre est de 10mA, il s'ensuit de l'équation (5.11.2) que le courant dans la branche de shunt est de 5mA. Puisque la tension à ses bornes est de 360mV, il s'ensuit de l'équation (5.11.1) que la valeur de la résistance de shunt est de 72Ω.
Si la pile comprend elle-même une résistance interne de 6Ω, il s'ensuit de l'équation (5.12.4) que la résistance principale doit être de 70Ω, comme la somme de 6Ω, 24Ω et 70Ω fait la résistance interne de 100Ω.
Si la même pile est utilisée cette fois pour faire un ohmmètre dont l'échelle est de 50Ω, le courant maximum qui circule dans son ampèremètre est maintenant de 1,5V/50Ω, soit de 30mA. Si le même galvanomètre est utilisé pour former cet ampèremètre dont l'échelle est de 0 - 30 mA, la résistance interne de l'ampèremètre doit être de 360mV/30mA, soit 12Ω, le courant dans la branche de shunt, de 30mA moins 10mA, soit 20mA, et la résistance de shunt, de 360mV/20mA, soit 18Ω. Il s'ensuit que la résistance principale est de 32Ω comme la somme de 6Ω, 12Ω et 32Ω fait la résistance interne de 50Ω.
Si la force électromotrice de la pile tombe à 1,4V avec usure, il s'ensuit par l'équation (5.12.2) que, sur cette même échelle, le courant maximum qui circule dans l'ampèremètre n'est plus que de 1,4V/50Ω, soit de 28mA. L'aiguille n'indique plus une résistance nulle, comme cela requiert une déviation maximale, quoique la résistance aux bornes de l'ohmmètre l'est effectivement. Ceci est corrigé à l'aide d'un ajustement du zéro effectué grâce à une résistance variable qui, en fait, règle l'ampèremètre pour qu'il tienne compte de la force électromotrice réelle de la pile. Si, dans notre cas, la résistance ajustable est dans la branche de shunt, il s'ensuit de l'équation (5.11.2) que, pour que l'aiguille du galvanomètre dévie complètement, il faut que le courant dérivé ne soit que de 28mA moins 10mA, soit de 18mA. Puisque la tension aux bornes de la branche de shunt doit être encore de 360mV, il s'ensuit de l'équation (5.11.1) que sa résistance doit être de 360mV/18mA, soit de 20Ω, au lieu de 18Ω, comme précédemment.
f) comparaison avec le pont de Wheatstone
L'ohmmètre indique donc, à l'aide de son aiguille, la valeur de la résistance qui est placée, seule, à ses bornes. Il joue donc le même rôle que le pont de Wheatstone. Or ce dernier est beaucoup plus compliqué à opérer: il faut y brancher non seulement la résistance à mesurer mais une autre, de référence. Il faut ajuster le curseur de telle sorte que son galvanomètre indique zéro. Et finalement, faire un calcul en tenant compte des longueurs de fil du rhéostat de chaque côté de son curseur. Il est vrai qu'il faut tout de même ajuster son zéro, comme nous venons juste de voir, mais cette dernière opération est très simple à réaliser. Alors pourquoi s'encombrer d'un pont de Wheatstone? D'abord ce dernier appareil fut inventé bien avant l'ohmmètre. Mais surtout, il est beaucoup plus précis. L'ohmmètre a une échelle qui, n'étant pas linéaire, est difficile à lire, surtout dans la région correspondant à des déviations angulaires plutôt faibles comparées à la déviation totale, alors que le pont de Wheatstone permet des lectures dont l'incertitude est inférieure à 1% sans difficulté.