5.6 Potentiel électrique et courant

 

a) loi d’Ohm revue

 

            En 1848, Rudolf Hermann Kohlrausch (1809-1858) décide de remplacer son électroscope par un électromètre. Les premiers modèles d'électromètre à plateaux, par exemple, datent de 1834. Rappelons-nous que cet appareil mesure la différence de potentiel électrique à ses bornes. Et que le potentiel électrique est cette fonction, clairement définie dans notre chapitre deux, reliée au champ électrique et introduite par Poisson pour étudier l'électrostatique. Alors que Volta avait utilisé l'électroscope pour son étude des circuits électriques.

 

            Kohlrausch mesure la différence entre les potentiels V des points extrêmes d'un fil conducteur. Il trouve que cette différence est proportionnelle au courant, exactement comme avait trouvé Ohm dans le cas de la tension mesurée entre les mêmes extrémités avec son électroscope. La différence de potentiel et la différence de tension sont donc toutes deux proportionnelles au courant; et, montre-t-il, proportionnelles à la résistance. Si V dénote maintenant la différence entre les potentiels des bornes de la résistance, nous avons

R est la pente. L'unité de résistance peut être introduite en 1881: des V / A , comme la résistance est le quotient de la différence de potentiel sur le courant. Ce rapport porte le nom d'ohm, noté Ω (la lettre grecque oméga majuscule), vu le travail de ce dernier sur ce sujet.

 

            Ohm avait déjà trouvé que la résistance d'un fil est donnée

en termes de la résistivité du matériau qui compose le fil, de sa longueur et de sa section. La résistivité s'exprime en Ω ⋅ m 2 / m , soit en Ω ⋅ m . Kohlrausch est maintenant en mesure de calculer la résistivité de plusieurs matériaux.

 

            Le tableau de la page suivante donne la résistivité d'un certain nombre de conducteurs, éléments purs ou alliages, à la température de 20 °C. Certains de ces alliages sont assez récents. Le manganin, introduit vers 1902, comprend 84% de cuivre, 12% de manganèse et 4% de nickel, et est utilisé pour fabriquer des bobines de résistances; le constantan, introduit vers 1900, comprend 60% de cuivre et 40% de nickel et porte ce nom parce que sa résistivité ne varie guère avec la température; le nichrome, introduit vers 1932, comprend 62% de nickel, 15% de chrome et 23% de fer et ne s'oxyde pas.

 

b) loi de Joule revue

 

            Une fois la valeur d'une résistance mesurée à l'aide de l'électromètre et du galvanomètre, les résultats de Joule peuvent être repris. La puissance P , dissipée par une résistance de valeur connue R , est trouvée égale à

lorsque parcourue par un courant I . Cette relation expérimentale est dite loi de Joule. Evidemment, elle peut être réécrite comme

Matériau

Résistivité

(10 - 8 Ωm)

argent

1,6

cuivre

1,7

or

2,4

aluminium

2,8

tungstène

5,6

zinc

5,8

bronze

7,0

nickel

7,8

fer

10

plomb

22

manganin

44

constantan

49

nichrome

100

à l'aide de notre équation (5.6.1).

 

c) équivalence potentiel-tension

 

            Kirchhoff examine en 1849 les résultats de Kohlrausch. Il saisit que la tension électrique, mesurée à l'aide de l'électroscope, n'est rien d'autre que le potentiel électrique de Poisson; que la raison pour laquelle la feuille d'or de l'électroscope dévie de la verticale est la même raison pour laquelle le disque mobile est attiré par l'autre plateau dans le cas de l'électromètre. Il s'ensuit que tension et potentiel électriques sont une seule et même chose mesurée différemment. Aussi utiliserons-nous ces deux termes indifféremment à partir de maintenant.

 

            L'unité de la tension, et donc du potentiel électrique, est, avons-nous vu, le volt. Nous comprenons maintenant pourquoi il porte ce nom: c'est Volta qui le premier introduisit le concept de tension électrique.

 

            Kirchhoff reformule sa seconde loi plus précisement ainsi: puisque la différence de potentiel entre un point et lui-même est nulle, la somme des différences de potentiel électrique le long d'un circuit est nulle, tenant bien compte qu'une perte de potentiel est négative alors qu'un gain est positif.

 

d) interprétation de la loi de Joule

 

            Il sait de plus qu'une charge infime dQ voit son énergie potentielle changer par une valeur infime dU donnée par

lorsque son potentiel change par une valeur V . Or le courant électrique I est justement dû à un "mouvement" d'une charge infime dQ lors d'une durée infime dt . Divisant l'équation précédente par cette durée infime, il obtient

que le taux de changement de l'énergie potentielle électrique est égal à la puissance électrique. La loi de Joule est donc maintenant établie sur une base théorique.

 

fig8.gif

E) interprétation de la loi d’Ohm

 

            Si, argumente Kirchhoff, le fil homogène, de résistivité ρ, de longueur L et de section A a une différence de potentiel V à ses bornes, celle-ci doit être due à un champ électrique E constant dans le fil sur toute sa longueur. Constant parce que le fil est justement homogène; et de l'extrémité du fil où le potentiel est le plus grand vers l'extrémité du fil où le potentiel est le plus petit. Il s'ensuit que

à l'aide des équations (5.6.1) et (5.6.2). Isoler le champ électrique donne

réécrit en tenant compte que courant et champ électriques sont vraiment des vecteurs, et que dans les deux cas, ils vont du potentiel le plus élevé au plus bas.