5.8 Éclairage électrique
a) arc électrique
Le chauffage électrique n'a pas été une raison importante du développement des réseaux électriques; contrairement à l'éclairage. L'arc électrique, avons-nous vu, produit une lumière brillante et intense. L'Opéra de Paris est éclairé avec des lumières à arc en 1844. Les éléments de carbone, qui produisent cette lumière, doivent d'abord être mis en contact, puis retirés; ce qui exige un mouvement. De plus, ils se consument avec le temps, ce qui exige un système qui maintient à même distance leurs extrémités qui se font face.
Plusieurs modèles d'arcs électriques automatiques voient le jour. La première lampe à arc installée au Canada, devant l'hôtel Davis à Winnipeg, date de 1873. Des lampes à arc illuminent le Kaiser Arcade à Berlin en 1875. Pavel Nikolaïevitch Iablotchkov (1847-1894) en met au point un meilleur modèle qu'il nomme la bougie électrique en 1876. Celles-ci sont installées à l'Avenue de l'Opéra à Paris en 1877. L'extérieur du Gaiety Theatre de Londres est, lui-aussi, illuminé par des arcs électriques en 1877, et des bougies électriques sont installées sur le Thames Embankment à Londres en 1878. La même année, une bougie électrique est installée devant le collège Sainte-Marie sur la rue Bleury, à Montréal. En 1880, Craig illumine les quatre étages de son usine de Montréal avec des lampes à arc ainsi que les usines de la Grand Trunk Company à Pointe Saint-Charles.
À partir de 1881, l'utilisation de l'arc électrique comme éclairage intérieur est en perte de vitesse, comme ce produit est déclassé par une nouvelle invention: la lampe à incandescence.
b) problèmes de production de l’ampoule électrique
Sir Joseph Wilson Swan (1828-1914) imagine le principe de la lampe à incandescence sous vide en 1845; l'idée est d'éviter la combustion en éliminant l'oxygène du volume là où se trouve un filament de carbone qui est chauffé à blanc par effet Joule. Il produit, à partir de 1848, des filaments de carbone à la fois minces, solides et flexibles. Il bobine en spirale et fourre, avec de la poudre de charbon de bois, des minces languettes de papier, après les avoir saturées d'un mélange de goudron et de mélasse et les cuit dans un four à poterie. Il les monte ensuite dans des ampoules de verre qu'il évacue avec les pompes de l'époque. Mais les pompes de 1845 vouent l'entreprise à l'échec comme le vide qu'elles obtiennent n'est pas assez poussé.
Hermann Sprengel (1834-1906) invente la trompe à mercure en 1861. Celle-ci permet d'obtenir un vide très supérieur aux pompes de 1845. Sir Joseph Swan est mis au courant de l'existence de la pompe de Sprengel en 1875. Il l'utilise avec les mêmes filaments qu'il avait déjà appris à produire 30 ans plus tôt. Il apprend aussi à obtenir un meilleur sceau afin d'éviter que l'air ne revienne dans ses tubes.Il obtient, lentement, des résultats qui vont en s'améliorant: des filaments qui brûlent moins rapidement, une lumière plus intense. Mais ses filaments se désintègrent aux hautes températures requises pour obtenir une lumière assez brillante: la surface interne de ses ampoules est alors noircie. Or, si son filament brûle, c'est qu'il consomme de l'oxygène. Or celui-ci avait été évacué par sa pompe Sprengel. Le sceau de son ampoule ne peut pas être coupable cette fois-ci parce que l'air extérieur entrerait lentement dans l'ampoule que le filament chauffe ou non. Et le filament ne brûle que si l'ampoule de verre est chaude, et non pas après qu'un certain laps de temps se soit écoulé après la pose du sceau.
Il comprend finalement que sa pompe Sprengel n'a pas évacué une certaine quantité d'air, resté collé contre la surface interne de son ampoule. Cet air a dû être décollé de celle-ci après que le filament l'ait chauffé. C'est cet air qui en cause la combustion. Sir Joseph décide alors de chauffer le filament de son ampoule avant d'arrêter de pomper: l'air collé contre les parois s'en détache alors et est évacué par la pompe. Le 18 décembre 1878 à Newcastle, sir Joseph montre au public sa lampe à incandescence.
Thomas Alva Edison (1847-1931) s'intéresse à la production de la lampe incandescente à partir de 1877, formant alors la Edison Electric Light Company. Ses premiers résultats sont tout aussi décevants que ceux de sir Joseph. Il débute son utilisation de la pompe Sprengel en 1879; il utilise, comme filament, du fil à coudre carbonisé et réussit, le 19 octobre 1879, à faire fonctionner sans arrêt une lampe incandescente pour 45 heures, un record pour l'époque. Peu de temps après, Edison fabrique ses filaments avec du papier carbonisé, puisque les lampes qui les possèdent ont une durée de vie d'une centaine d'heures.
La production, sur une base commerciale, de lampes incandescentes à filament de carbone, débute en 1880. La maison de sir Joseph Swan est éclairée avec des lampes incandescentes en 1880; puis en 1881, celle de sir William Thomson, lord Kelvin. En 1880 également, Edison installe 1000 lampes à Londres, et 4000 à New York. Le théâtre Savoy de Londres est équipé avec 1200 lampes incandescentes en 1881. La même année, la gare du North Shore Railway Company à Hochelaga est éclairée avec des lampes à arc à l'extérieur et des lampes à incandescence à l'intérieur, et la compagnie Canadian Electric Light Co se forme à Montréal.
c) améliorations de l’ampoule électrique
Les lampes incandescentes à filament de carbone atteignent finalement des durées de vie de 800 heures et des températures de 1300 °C. En 1906, William David Coolidge (1873-1975), travaillant dans les laboratoires de la compagnie américaine General Electric, produite de la fusion en 1892 de la compagnie d'électricité d'Edison avec la Thomson-Houston Electric, comprime de la poudre de tungstène dans des moules par martelage et chauffage intenses pour en faire des filaments ductiles. Les filaments produits peuvent alors être étirés et ainsi amincis à des dimensions excessivement fines.
Il utilise pareils filaments pour produire des lampes à incandescence pour la compagnie General Electric en 1908, filaments qui peuvent être portés, eux, à une température de 2500 °C. Cette plus grande température donne une lumière deux fois plus intense pour une même consommation électrique. Le long filament, très mince, est torsadé: soit roulé en spirale dans l'ampoule. En 1913, afin de réduire le problème de désintégration du filament de tungstène par évaporation, Irving Langmuir (1881-1957), un collègue de Coolidge à la General Electric, substitue, au vide de l'ampoule, un gaz inerte sous faible pression.
Le filament à double torsade, qui permet une lumière encore plus intense, est finalement introduit en 1934: le filament est d'abord roulé en spirale sur un support qui est lui-même roulé en spirale sur un second.
Le filament F d'une lampe à incandescence moderne est placé au centre du globe de verre de l'ampoule A sur un support de verre S . Les connexions électriques se font entre le culot C et le pied métallique P isolés l'un de l'autre par un anneau isolant I .
d) résistances et puissances de l’ampoule électrique
Les ampoules électriques, après tous ces perfectionnements, ne transforment, en puissance lumineuse, que 5% de la puissance électrique qu'elles consomment; alors que les tubes fluorescents, que nous n'examinerons pas ici, en transforment 20%.
Une ampoule électrique de 60 W / 120 V est une ampoule qui, sous une tension de 120 V, consomme 60 W de puissance électrique quelque temps après avoir été mise sous tension. Elle ne fournit qu'à peu près 3 W de puissance lumineuse. Elle débite, selon la loi de Joule, notre équation (5.6.4), un courant de 0,5 A. La résistance de son filament, alors à la température de 2500 °C, est de 240 Ω. Or la résistance de ce même filament à température de la pièce est de 24 Ω, une valeur 10 fois plus faible. Il s'ensuit que ce filament débite un courant de 5 A au moment où la lampe, froide, est juste mise sous tension, et dissipe alors momentanément 600 W. C'est pourquoi cette situation est celle dans laquelle le filament a le plus de chance de briser, ce qui est bien le cas.