6.1 Les lignes de force de Faraday
a) visualisation des lignes de force magnétique par la limaille de fer
Nous avons vu dans notre section 4.11 qu'Arago produit le premier électro-aimant en 1820: le courant, qui coule dans un fil conducteur isolé roulé sur un barreau de fer doux, l'aimante alors, pour aussi longtemps qu'il existe: ce courant est donc la cause du champ magnétique du fer doux.
Nous avons vu que cet aimant, comme tout aimant d'ailleurs, va aimanter tout barreau de fer doux placé à côté, de telle sorte qu'il va venir se coller contre le premier s'il est libre de se déplacer. La forme du champ magnétique produit se trouve en saupoudrant la région environnant l'électro-aimant avec de la limaille de fer: chaque parcelle devient alors aimantée. Le pôle nord de chacune est maintenant attirée par le pôle sud de celle avoisinante, de telle sorte qu'elles se placent toutes à la queue-leu-leu, dans le sens du champ magnétique inducteur.
Faraday n'est pas un mathématicien. Il ne pense donc pas à l'aide d'équations, mais bien d'images. Il examine de très près les lignes formées par la limaille de fer, qu'il baptise lignes de force magnétique. Il remarque, dans un premier temps, que les lignes de force de deux pôles identiques se repoussent, tout comme ceux-ci; dans un second temps, que dans les cas d'attraction entre deux pôles d'aimants, les lignes formées par la limaille de fer vont d'un pôle à l'autre, contrairement au cas de répulsion.
Il remarque de plus que la proportion des lignes formées par la limaille de fer qui vont d'un pôle à l'autre dans le cas d'attraction augmente lorsque les pôles sont plus rapprochés: les lignes formées par la limaille de fer semblent donc représenter la source de l'attraction entre ces pôles, attraction d'autant plus grande que celles-ci sont nombreuses. C'est pourquoi il baptise lignes de force ce qui est rendu visible par la limaille de fer.
S'il place un morceau de fer F plus gros dans les environs, il remarque que les lignes de force s'orientent différemment, et qu'un certain nombre réunissent l'aimant inducteur au bloc de fer F . Il remarque que la force magnétique sur ce dernier dépend encore du nombre de lignes de force magnétique: en effet, dans le cas où le bloc est placé plus loin, moins de lignes de force viennent le toucher, et la force est plus faible d'autant.
Pour Faraday donc, la force magnétique est vraiment causée par ces lignes de force qui viennent attirer le corps en question, lignes qu'il peut voir à l'aide de la limaille de fer. Ce sont ces lignes de force qui transmettent l'action magnétique d'un corps à l'autre.
b) lignes de force et flux magnétiques
Les lignes de force magnétique constituent des surfaces parallèles au champ magnétique. Considérons des lignes avoisinantes; elles forment un tube qui, par exemple, s'évase. Fermons le tube, à chaque bout, à l'aide de deux surfaces dA infimes perpendiculaires au champ magnétique local B . Nous avons vu dans notre chapitre quatre que le flux magnétique net est toujours nul (Théorème de Gauss magnétique). Le flux magnétique φm qui traverse la surface du tube même est nul puisque celle-ci est parallèle au vecteur champ ; il s'ensuit que les flux magnétiques infimes dφm à chaque surface extrême doivent être de même grandeur en valeur absolue, comme le flux net doit être nul.
Le flux magnétique φm est ce qui est constant à travers ces deux surfaces. Or, ce qui apparaît constant sur la feuille de papier saupoudrée de limaille de fer, c'est justement le nombre de ces lignes de force magnétique qui traversent ces surfaces. Il s'ensuit que le nombre de ces lignes qui traversent une surface est proportionnel au flux magnétique φm qui traverse celle-ci.
Les flux infimes dφm qui traversent les surfaces infimes dA sont donnés, en valeur absolue, par la grandeur des deux vecteurs puisque ceux-ci ont même direction; mais ils sont de même sens dans un cas, et de sens opposés, dans l'autre.
Le champ magnétique B diminue donc quand la surface infime dA grandit. Le champ à cette surface est donc proportionnel à la densité des lignes de forces qui la traversent.
c) entrefer
Il est remarqué que si le barreau de fer doux est courbé de telle sorte que ses deux extrémités se touchent presque, la région où le champ magnétique existe à l'extérieur du barreau de fer est presqu'uniquement celle entre celles-ci, région baptisée entrefer. C'est cette propriété qui a été mis à profit dans notre section 4.12. Il est remarqué de plus qu'il n'y a pratiquement pas de champ magnétique à l'extérieur du fer si le barreau de fer est complètement refermé sur lui-même, puisque la limaille de fer n'est pas du tout aimantée dans ce cas.
d) blindage magnétique
Faraday place, entre les pôles nord d'un premier aimant et sud d'un second, un anneau de fer, puis saupoudre de la limaille de fer dans la région. Les pôles sont à gauche et à droite sur le croquis ci-contre. Il remarque alors que des lignes de force deviennent visibles seulement dans la région externe de l'anneau de fer: la limaille saupoudrée dans la région interne de l'anneau ne s'oriente pas. Par contre les lignes de force externes viennent toucher la surface externe de l'anneau, courbent en fait pour venir la toucher, et ce, à angle droit avec elle pour une bonne région. Il doit donc conclure que les lignes de force qui quittent un pôle de l'aimant pour se rendre à l'autre, cherchent à s'y rendre en passant dans l'anneau de fer, comme la majeure partie arrive à sa partie gauche pour le quitter en sa partie droite. L'anneau de fer "conduit" facilement, en quelque sorte, les lignes de force. Et comme elles préfèrent la région de fer plutôt que d'air, elles ne traversent pas la région centrale délimitée par l'anneau de fer. L'anneau de fer ne laisse donc pas le champ magnétique pénétrer la région qu'il entoure. Cet effet est dit blindage magnétique.