6.10 Les courants de Foucault
a) chauffage
Nous venons juste de remarquer avec Edison que les noyaux de fer de ses dynamos chauffent lorsque leur induit tourne. Cet effet doit être éliminé pour plusieurs raisons. D'abord, ce chauffage, s'il devient trop important, peut détruire l'isolant des fils des bobinages de l'induit, ce qui exigerait de démonter la dynamo pour changer ce bobinage. Même s'il n'est pas à ce point important, ce chauffage est une perte d'énergie, et donc entraîne une baisse du rendement de la dynamo. Aussi Edison et les autres cherchent-ils la cause de cet effet et les moyens de le réduire autant que possible.
b) freinage
Cet effet, Léon Foucault (1819-1868) l'avait déjà examiné. En 1850, celui-ci fait tourner un disque conducteur à grande vitesse. Il remarque que le disque freine très rapidement et s'arrête lorsqu'il le place partiellement entre les pôles d'un aimant. Il est incapable de créer une force mécanique assez forte pour maintenir le disque métallique à vitesse constante; de plus, le disque métallique chauffe énormément s'il cherche à maintenir son mouvement par l'application d'une force mécanique considérable.
c) courants de Foucault
Foucault réalise que si le disque s'échauffe ainsi, c'est par effet Joule. Il s'ensuit que des courants électriques doivent circuler dans le disque conducteur pour le faire chauffer. Ces courants, induits, doivent circuler de telle sorte que la force magnétique d'Ampère, qui agit sur des segments du disque, agit comme force de freinage. Or le courant induit découvert par Faraday en est justement un qui, comme l'a montré Lenz, s'oppose à l'effet qui lui a donné naissance; effet qui est, ici, la rotation du disque. Il s'ensuit que le courant induit découvert par Faraday aurait comme effet justement de freiner le disque.
Foucault comprend que des courants sont induits à l'intérieur du disque lorsque celui-ci coupe les lignes de force magnétique vu qu'il est fait de matériau conducteur. Il imagine que ces courants induits tourbillonnent à l'intérieur du conducteur dans le plan perpendiculaire aux lignes de force. Ceux-ci sont dits courants de Foucault en français puisque c'est ce dernier qui les a découvert. Mais ils sont dits courants-tourbillons (Eddy currents) en anglais.
Foucault montre que cet effet est d'autant plus fort que le disque est épais ou de faible résistivité. Ce qui, remarque-t-il, revient à dire que l'effet est d'autant plus fort que la résistance R d'un circuit-tourbillon de rayon r donné est plus faible; puisque sa résistance diminue si le disque est, ou plus épais, ou sa résistivité ρ est plus faible.
d) effet de la géométrie du conducteur sur les courants de Foucault
Le circuit d'un courant-tourbillon est circulaire; sa longueur est donc sa circonférence, proportionnelle à son rayon r . Sa résistance R , proportionnelle à sa longueur,
est alors proportionnelle à son rayon r .
Le flux magnétique causé par la variation dans le temps du champ magnétique perpendiculaire à ce circuit circulaire donné dépend de sa surface; et celle-ci est proportionnelle au carré de son rayon. Il s'ensuit que la force électromotrice ℰ induite dans ce circuit circulaire est proportionnelle à son rayon au carré puisque la variation temporelle du flux magnétique dépend, elle-aussi, de la surface interceptée.
Puisque la puissance P dissipée par un élément est donnée par la tension ℰ à ses bornes au carré divisée par sa résistance R , il s'ensuit que celle-ci
est proportionnelle au cube du rayon r du circuit en question.
Nous avons examiné la bobine de Ruhmkorff dans notre section 6.7. Ce dernier avait roulé sur un noyau de fer des spires dans lesquelles passait un courant saccadé, causant ainsi un flux magnétique saccadé. Des courants induits vont alors circuler dans les circuits-tourbillons du noyau de fer, et ainsi le faire chauffer de façon importante.
e) réduction des courants de Foucault
La puissance dissipée par un circuit-tourbillon est d'autant plus considérable que son rayon est grand. Limiter les pertes par effet Joule requiert d'éliminer tous les circuits-tourbillons de grand rayon. Aussi Ruhmkorff forme-t-il son noyau de fer à l'aide d'un faisceau de minces tiges de fer vernies.
Le champ magnétique produit est le long de l'axe de chaque tige isolée. Et donc le circuit-tourbillon, qui lui est perpendiculaire, est dans le plan de la section de chaque tige. Il s'ensuit que le rayon maximum de chacun est celui de chaque tige. Evidemment, plus les tiges sont minces, plus il doit y en avoir pour composer le faisceau complet. Leur nombre NT est
inversement proportionnel à leur section A , et donc au carré de leur rayon r . Il s'ensuit que la puissance totale PT dissipée par le faisceau est, grâce aux équations (6.10.3) et (6.10.4),
proportionnelle au rayon r de chaque tige isolée.
Dans le cas de l'induit de Gramme, l'anneau de fer voit des lignes de force le traverser comme nous avons vu à la figure de la page 6.14. Celles-ci, causées par un électro-aimant, sont stationnaires. Mais l'anneau tourne: aussi toute région donnée de l'anneau voit les lignes de force qui le traversent changer dans le temps. Des courants de Foucault circulent dans l'induit dans le plan perpendiculaire aux lignes de force, et celui-ci chauffe. Le même problème se pose avec l'induit à tambour. Les lignes de force le traversent comme nous avons vu à la figure de la page 6.16.
Le rayon des courants-tourbillons sont limités ici en fabriquant les tambours ou anneaux avec des tôles minces, vernies, empilées dans le sens de l'axe de rotation. Le diamètre des circuits-tourbillons est alors limité par l'épaisseur e de chaque tôle. La puissance totale dissipée par les courants de Foucault PT est encore proportionnelle au rayon r de leurs circuits-tourbillons, lui-même proportionnel
à l'épaisseur e des tôles.
Cette méthode de fabrication des noyaux de fer des induits débute en 1883 et se généralise rapidement.