6.12 Circuit magnétique

 

            John Hopkinson (1849-1898) décide d'étudier ce problème, surtout à partir de 1884. Il publie d'abord en 1885 une revue exhaustive du travail de sir James et de d'autres sur le ferromagnétisme. Puis arrive avec sa théorie des circuits magnétiques en 1886.

 

a) circuit magnétique simple

 

            Examinant l'orientation de la limaille de fer, Faraday a inventé le concept de lignes de force. Il peut ainsi remarquer, avons-nous déjà vu, que les lignes de force magnétique décrivent des trajets fermés, des circuits.

 

            L'orientation de la limaille de fer montre également que le champ magnétique a tendance à demeurer dans le fer lorsqu'il en a la chance: aussi, si le barreau de fer est courbé de telle sorte que l'entrefer soit relativement petit, la limaille de fer saupoudrée ne s'oriente que dans la région proche de l'entrefer.

 

            La méthode de mesure du champ magnétique utilisée par sir James en est vraiment une du flux magnétique qui traverse les spires, vu que c'est ce dernier qui varie dans le temps. Et sir James montre que le flux magnétique φm est le même en tout point le long du noyau de fer, quelle que soit sa forme. Hopkinson voit alors une analogie avec le circuit électrique simple, où le courant électrique est constant sur toute sa longueur.

 

fig623.gif

            Hopkinson roule un certain nombre de tours de fil N sur un cadre rectangulaire de fer. Il remarque que le flux magnétique total φm qui circule dans sa section A est constant partout le long du cadre de longueur L . Il remarque de plus que ce flux magnétique total φm dépend du produit du nombre de tours de fil roulés N par le courant I qui y circule: si le nombre de tours est doublé, le courant requis pour causer le même flux magnétique est deux fois moindre. Ici encore, Hopkinson remarque une analogie avec le circuit électrique simple, où le courant électrique, constant sur toute sa longueur, double lorsque la force électromotrice double.

 

b) force magnétomotrice

 

            Il comprend qu'il a ici un circuit magnétique: un trajet fermé, son cadre, dans lequel le flux magnétique total φm est constant, flux causé par le produit du courant par le nombre de tours. Cette cause du flux magnétique qui circule dans son cadre est nommée force magnétomotrice Γ , représentée par la lettre grecque gamma majuscule, donnée par le produit du courant par le nombre de spires, par analogie avec la force électromotrice du circuit électrique.

 

            Nous avons vu, dans notre section 6.1, la relation entre le flux magnétique φm et le champ magnétique, ici le champ réel Br , et la section A

si le champ est constant sur la section et perpendiculaire à sa surface.

 

            L'équation (6.11.5) devient, dans le cas où le circuit choisi est à l'intérieur du cadre de fer sur la section sur laquelle N tours de fil, où circule un courant I , ont été roulés

puisque les vecteurs champ réel et élément de parcours sont de même sens. Le terme de droite de l'équation est évidemment la force magnétomotrice Γ .

 

            Cette dernière équation peut s'écrire en termes du flux magnétique φm

grâce à l'équation (6.12.1). Notre dernière équation peut se réécrire comme

puisque le flux magnétique φm est constant le long du cadre. Si le cadre est composé d'un même matériau et a même section A sur toute sa longueur L , notre dernière équation devient

Le flux magnétique φm produit par une force magnétomotrice donnée Γ est d'autant plus grand que la section du cadre A est grande; d'autant plus grand que la perméabilité μ du cadre est grande; et d'autant plus faible que la longueur du cadre L est grande.

 

c) réluctance

 

            Le circuit magnétique est similaire au circuit électrique. La force magnétomotrice y joue un rôle identique à celui de la force électromotrice; et le flux magnétique, un rôle analogue au courant électrique. La relation qu'il vient de trouver est donc l'analogue de la loi d'Ohm; et le terme qui multiplie le flux magnétique joue donc le même rôle que la résistance électrique. Ce terme est baptisé réluctance en 1888 par Oliver Heaviside (1850-1925). Il s'ensuit que la réluctance d'un élément ferromagnétique de perméabilité, section et longueur données est

et que l'équation (6.12.5) devient

dans le cas où il n'y a qu'un seul élément ferromagnétique pour former le circuit magnétique en question. Cette équation, analogue à la loi d'Ohm, est la loi d'Hopkinson.

 

d) circuit magnétique série

 

            Si le circuit magnétique est composé de plusieurs éléments, placés de telle sorte que le flux magnétique est le même dans chacun, il s'ensuit que ceux-ci sont en série. Chacun de ces n éléments a une perméabilité, une section et une longueur données. Il s'ensuit que l'équation (6.12.4) devient

une fois réécrite en termes de la réluctance de chaque élément, puis d'une réluctance totale T. Il s'ensuit que la réluctance totale d'un circuit magnétique série est tout simplement donnée par la somme des réluctances.

 

e) cas de la dynamo

 

figm5.gifDynamo (vue en coupe)

            Une dynamo comprend essentiellement 3 éléments ferromagnétiques: la région des pièces polaires P et du noyau de l'induit D , faits d'un même matériau et de même section; la région des pôles où sont roulées les spires B , et la région de la culasse U . Le flux magnétique est le même dans le noyau de l'induit D , les pièces polaires P et le noyau des pôles B eux-mêmes; mais il se divise également dans les deux sections de la culasse U , sections qui agissent donc comme des résistances en parallèle. Mais elle comprend aussi un élément non ferromagnétique: l'entrefer E , dans lequel circule un flux magnétique identique à celui qui circule dans le noyau, les pièces polaires et les pôles eux-mêmes. L'induit D tourne évidemment avec l'arbre A dont il est solidaire; sa tension est amenée aux balais L par le collecteur C .

 

            Le flux magnétique qui circule dans l'entrefer, et donc qui cause la force électromotrice induite, est donné par notre équation (6.12.8) lorsque les réluctances sont en série. Il est d'autant plus grand que la force magnétomotrice est grande, force qui est donnée par le produit du nombre de spires roulées sur les pôles de l'électro-aimant par le courant qui y circule. Edison avait découvert expérimentalement ce dernier résultat avant ce travail d'Hopkinson.

 

figm6.gif

            Pour simplifier, nous pouvons considérer la dynamo comme composée de deux réluctances: celle de l'entrefer, et celle du matériau ferromagnétique. La réluctance va comme l'inverse de la perméabilité selon notre équation (6.12.6); et celle du fer est typiquement 1000 fois plus grande que celle de l'air. Aussi, pour deux sections égales, il suffit d'une longueur de 1 mm d'air pour avoir la même réluctance que 1 m de fer dont la constante magnétique est de 1000. L'entrefer est, en pratique, l'élément qui cause la plus grande réluctance par un facteur assez important.

 

            Voilà donc qui explique pourquoi Edison avait observé préalablement l'importance de travailler avec des entrefers aussi minces que possibles pour avoir les meilleurs champs magnétiques possibles pour des courants aussi faibles que possible. Mais il reste que ce travail d'Hopkinson lui permet maintenant de choisir des meilleures formes pour les réluctances ferromagnétiques, de choisir les meilleurs matériaux ferromagnétiques, et de calculer les courants d'excitation requis. Ce qui permet à Edison d'obtenir des rendements supérieurs à 95% pour ses nouvelles dynamos.