6.14 Moteurs électriques
Nous avons vu, dans notre section 4.2, la roue de Barlow, inventée en 1822: une roue qui tourne sous l'action d'un courant qui circule le long de son rayon lorsque cette région est placée dans un champ magnétique parallèle à son axe. Nous avons vu, dans notre section 6.2, l'expérience de Faraday de 1831 où une force électromotrice est induite entre l'axe et le bord de cette même roue lorsqu'elle tourne dans un champ magnétique parallèle à son axe. La roue agit alors comme magnéto. Lenz étudie ces deux expériences en 1838: il remarque que, dans le cas de l'expérience de Faraday, il faut exercer un moment de force sur la roue pour la maintenir à vitesse constante puisque le courant induit dans la roue cherche à la ralentir (le système cherche à contrecarrer le mouvement qui cause la variation du flux magnétique); il remarque de plus que, dans l'expérience de Barlow, la roue, en tournant dans le champ magnétique axial, cause une force électro-motrice qui va chercher à contrecarrer la cause du mouvement, à savoir le courant de la pile électrique.
Il s'ensuit que toute magnéto peut être utilisée comme moteur: au lieu de faire tourner l'induit dans un champ magnétique pour y causer une force électromotrice qui va causer un courant qui va créer, avec ce champ magnétique, une force magnétique d'opposition au mouvement, un courant fourni va créer, avec le champ magnétique, une force magnétique et ainsi faire tourner l'induit, causant ainsi avec ce champ magnétique une force électromotrice qui va s'opposer au courant fourni, ce que nous avons appelé une force contre-électromotrice dans notre section 5.14. Puisqu'elle cherche à créer un courant de sens opposé au courant qu'elle reçoit de la source, et que, dans une force électromotrice, le courant (qu'elle cause) va du moins au plus, il s'ensuit que le courant réel qu'elle reçoit va de ses bornes plus à moins, comme dans une résistance. Une résistance, avec ces mêmes polarités, consomme une puissance électrique; juste comme notre moteur.
Évidemment il n'est pas question de fabriquer des moteurs commerciaux avant de pouvoir produire des magnétos et dynamos commerciales. Gramme utilise en 1873 deux de ses dynamos, une comme génératrice, et une comme moteur. Werner von Siemens et Johann Georg Halske (1814-1890) opèrent un train électrique de démonstration à Berlin en 1879. Edison fabrique un moteur électrique pour machines à coudre la même année. Des tramways électriques font leur apparition en 1883 à Toronto, à Portrush, et à Richmond. Et Frank Julian Sprague met au point son moteur électrique pour tramways en 1884.
La puissance électrique requise par un moteur électrique PM est
la somme de celles dissipées par ses résistances Re et Rn ainsi que la puissance mécanique Pa donnée par le produit de sa force contre-électromotrice ℰM par le courant In qui circule dans son induit. Le fait que toutes ces puissances sont consommées est indiqué par les signes moins devant chacun.
Le rapport de la puissance mécanique Pa fournie par le moteur sur la puissance électrique qu'il requiert PM est d'autant meilleur que ses résistances internes consomment peu de la puissance qu'il reçoit.
La force contre-électromotrice du moteur ℰM , donnée par l'équation (6.9.3),
est proportionnelle à sa vitesse angulaire ω , si le champ magnétique B est maintenu +constant.
Le moteur sert souvent à
maintenir un mouvement à vitesse
constante, mouvement qui est d'autant
plus difficile à
moteur excitation parallèle
produire que sa vitesse est grande. Dit autrement, il a à contrer un moment de réaction Mr qui est proportionnel à sa vitesse angulaire de rotation. Il s'ensuit que le moment de force mécanique Ma que le moteur doit produire
est proportionnel à sa vitesse angulaire ω .
Puisque la puissance mécanique produite Pa est égale à la puissance Pe consommée par sa force contre-électromotrice, notre équation (6.13.7), qui peut s'écrire
devient
après avoir fait appel à nos équations (6.13.6) et (6.14.2). Il y a alors une relation directe
entre la vitesse angulaire et le courant qui circule dans l'induit.
La force contre-électromotrice du moteur ℰM peut finalement s'écrire en terme
du courant qui circule dans son induit In et lui donne naissance à l'aide de l'équation (6.14.2). Il s'ensuit que celle-ci est proportionnelle au courant qui la traverse, tout comme la tension aux bornes d'une résistance; et, comme nous avons déjà vu, qu'elle en a les polarités. Il est donc possible de remplacer la force contre-électromotrice du moteur par une résistance équivalente Rcem donnée par
qui consomme, comme résistance, la puissance que la force contre-électromotrice transforme en puissance mécanique. Cette résistance est en série avec la résistance de l'induit.
Remarquons bien que cette étude du moteur ne s'applique qu'à une situation: celle de l'opération normale du moteur, où il tourne à vitesse constante. Ce qui n'est évidemment pas le cas lors de son démarrage, où les moments de force magnétique de l'induit ne sont pas compensés par le moment de force mécanique.
Le démarrage d'un moteur électrique cause problème si le moment de force qu'il doit exercer pour amener son induit à sa fréquence d'opération est énorme. L'induit ne prend alors sa vitesse que très lentement, et donc sa force électromotrice ne se rend que très lentement à sa valeur normale. Il s'ensuit que la valeur du courant fourni initialement au moteur est beaucoup plus grande que sa valeur normale d'opération; ce qui va le faire surchauffer si cette situation dure assez longtemps. Aussi faut-il placer une résistance variable en série avec tel moteur, de telle sorte que celle-ci limite le courant d'alimentation. Cette résistance est réduite au fur et à mesure que le moteur prend sa vitesse et est court-circuitée lorsqu'il atteint son régime d'opération normale.