6.2 Les expériences de Faraday sur l'induction magnétique

 

            Nous avons vu dans notre chapitre premier qu'une charge, ponctuelle ou répartie dans l'espace, cause un champ électrique; et qu'un champ électrique cause des charges induites. Nous avons vu dans nos chapitres trois et quatre qu'un courant cause un champ magnétique. La question que se pose Faraday en 1831 est: un champ magnétique cause-t-il un courant induit, à l'instar du champ électrique?

 

            Faraday sait que le courant qui circule dans des spires, roulées sur un côté d'un anneau de fer doux, cause un flux magnétique φm en son intérieur: les lignes de force décrivent des circuits le long de l'anneau. Il entend chercher si un champ magnétique B en son intérieur cause un courant dans des spires roulées sur son autre côté.

 

a) effet de la variation du courant d’une bobine sur une autre

 

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            Pour ce faire, il bâtit un anneau en fer doux N sur lequel est roulé sur un côté du fil de cuivre isolé. Si les deux extrémités du fil de cuivre sont reliées à une pile électrique, un courant circule dans les spires P et un flux magnétique φm apparaît dans le noyau de fer doux N de l'anneau à l'aide de ce premier circuit électrique.

 

            Faraday roule quelques tours d'un second fil de cuivre isolé S autour de son anneau. Il branche les extrémités de ce dernier fil de cuivre à un galvanomètre de Schweigger. Le voici avec un second circuit électrique.

 

            Le 29 août 1831, Faraday branche le premier fil de cuivre P aux bornes de la pile; et voilà que dévie l'aiguille du galvanomètre de Schweigger placé dans le second circuit S : il y a donc un courant induit! Mais celui-ci meurt aussitôt, contrairement à ses espérances. Il coupe alors le courant dans son premier circuit P en débranchant la pile: aussitôt l'aiguille du galvanomètre de Schweigger dévie, mais dans l'autre sens, avant de revenir à sa position originale, comme elle avait fait la fois précédente. C'est donc que le courant momentané circule dans le sens contraire du premier cas.

 

            Faraday remarque ensuite que la déviation obtenue momentanément est plus grande si le flux magnétique φm causé dans l'anneau N est plus grand. Il montre également que la déviation obtenue momentanément ne dépend pas de la dimension du rayon des spires du fil S relié à son galvanomètre, mais est proportionnelle au nombre de spires N pour un même fil.

 

            Il conclut donc qu'un courant n'est induit que durant la variation dans le temps du flux magnétique φm qui traverse les spires S roulées en série, placées aux bornes du galvanomètre. Il décide de construire un second montage pour vérifier cette hypothèse.

 

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b) effet du mouvement d’un aimant près d’un solénoïde

 

            Le 17 octobre Faraday relie, aux bornes de son galvanomètre, les fils d'un solénoïde de 0,2 m de longueur et de 20 mm de diamètre. Il remarque une déviation de son aiguille dans un sens lorsqu'il insère un aimant dans son solénoïde, et dans l'autre sens lorsqu'il le retire; que sa déviation dépend de la vitesse de l'insertion ou de son retrait. Il remarque de plus le même effet que ce soit le solénoïde qui est retiré de la région là où se trouve l'aimant fixe, ou que ce soit l'aimant qui est retiré de la région là où est le solénoïde fixe. Ce qui importe est que le fil du solénoïde, dans lequel est induit le courant, coupe des lignes de force magnétique. Et plus il en coupe durant un certain temps, plus le courant induit est grand.

 

c) effet du mouvement d’un cadre dans un entrefer

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            Le 28 octobre, il déplace une bobine courte, avec ou sans noyau de fer, dans la région environnant les deux pôles d'un aimant. Il remarque à nouveau une déviation d'autant plus grande que le mouvement est rapide et qu'il a lieu dans une région où les lignes de force magnétique sont nombreuses. Encore une fois, ce qui semble importer ici est que le fil, dans lequel est induit le courant, coupe des lignes de force magnétique. Et plus il en coupe durant un certain temps, plus le courant induit est grand.

 

d) effet de la rotation d’un disque conducteur dans un entrefer

 

            Le 4 novembre, il décide de faire tourner un disque de cuivre entre les deux pôles de l'aimant. Son axe de rotation est le long du champ magnétique produit dans l'entrefer laissé entre ses deux pôles.

 

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            Des balais de métal, reliés à son galvanomètre, sont placés juste en contact avec différents points du disque en rotation. Il se trouve alors à avoir l'équivalent d'un fil, qui va d'un point de contact à l'autre, fil qui est en mouvement vu que le disque de cuivre tourne dans le champ magnétique et donc en coupe les lignes; et qui est remplacé par un autre, identique, un instant après, comme les contacts sont entre deux autres "points" du disque de cuivre en rotation. Il obtient le 4 novembre des courants qui demeurent tant et aussi longtemps que le disque tourne. Ces courants sont d'autant plus grands que la vitesse de rotation du disque est grande et atteignent leurs maxima lorsque les balais sont placés, l'un sur l'axe du disque, et l'autre à sa périphérie. Faraday vient de créer la première magnéto.

 

e) interprétation de ses résultats

 

            Il remarque plus tard que, pour un même disque tournant à même vitesse dans un même champ magnétique, le courant induit I est plus faible si la résistance du circuit placée aux bornes des balais est plus grande. Il en conclut que ce qui dépend directement du champ magnétique et de la vitesse n'est pas le courant I mais la force électromotrice ; c'est elle qui cause le courant induit I .

 

            Nous avons vu plus haut que flux magnétique φm et nombre de lignes de force magnétique sont proportionnels. Il s'ensuit que le résultat de Faraday peut s'énoncer sous la forme mathématique suivante, dite loi de Faraday, à savoir que la grandeur de la force électromotrice induite

dans le circuit est donnée, en grandeur, par la variation temporelle du flux magnétique φm qui traverse l'aire qu'il délimite.

 

            Cette équation rend bien compte de son expériences du 29 août: le courant induit I avait été trouvé proportionnel à la variation du flux magnétique φm qui traverse les enroulements, quelles que soient leurs dimensions, comme celles-ci ne changeaient pas la quantité de flux magnétique φm intercepté. La force électromotrice dans chaque spire, causant ce courant dans le circuit, est donc proportionnelle à cette variation du flux magnétique φm . (Le fait que la constante de proportionnalité est l'unité ne put être obtenu qu'une fois que les unités du champ magnétique et de la force électromotrice furent établis en 1881.) C'est pourquoi il a trouvé que le courant induit I est proportionnel au nombre de spires N en série.

 

            L'équation (6.2.1) rend également bien compte de son expérience du 17 octobre, où il avait trouvé un courant induit I d'autant plus grand qu'il bougeait rapidement un aimant par rapport à un solénoïde. Le flux magnétique φm que cause l'aimant, là où se trouve le solénoïde, varie d'autant plus vite que celui-ci est bougé rapidement. La force électromotrice induite est donc d'autant plus grande, et le courant induit I , également.

 

f) effet de la variation du champ magnétique qui traverse un anneau conducteur

 

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Considérons un peu plus avant cette nouvelle loi, sous la forme d'une expérience encore plus simple. Considérons un anneau de métal placé dans une région où le flux magnétique φm qui le traverse varie dans le temps. Cet anneau de métal a une certaine résistance R , donnée par notre équation (5.1.4), où la résistivité en question est celle du matériau, sa section, celle qui est trouvée en coupant l'anneau, et sa longueur, celle de sa circonférence. La variation temporelle du flux magnétique φm qui traverse la surface que cet anneau délimite cause une force électromotrice qui apparaît aux bornes de l'anneau de résistance R , et donc cause un courant induit I selon la loi d'Ohm. Cette force électromotrice, où est-elle exactement? Aux bornes de l'anneau, avons-nous dit. Mais cette façon de voir, utilisée également pour déterminer la longueur et la résistance de l'anneau, suppose que celui-ci est brisé, ce qui n'est pas vraiment le cas. Il nous est strictement impossible de mesurer cette tension à moins de briser l'anneau; au mieux pouvons-nous calculer d'abord le courant en mesurant le champ magnétique qu'il crée, et ensuite la tension "aux bornes" à l'aide de la loi d'Ohm.