7.1 Le télégraphe électrique
La pile chimique, avons-nous vu, date de 1800. Celle-ci est loin d'être fiable au début: le problème de l'action locale n'est solutionné qu'en 1828 et celui de la polarisation, qu'en 1836, avec la pile impolarisable de Daniell.
Le galvanomètre de Schweigger, lui, date de 1820. Cet appareil permet de mesurer de faibles courants, courants qui demeurent constants tout au long d'un circuit électrique série. Ce circuit pourrait comprendre une pile P reliée à la terre et à un commutateur C , lui-même relié à un très long fil F , branché à un galvanomètre G relié à la terre. La Terre, rappelons-nous, est un conducteur: elle complète donc le circuit.
Si le commutateur C est fermé, un courant constant circule tout le long du circuit, et l'aiguille aimantée du galvanomètre de Schweigger bouge, indiquant ce courant. L'opérateur qui observe le galvanomètre G sait alors que l'autre a fermé le commutateur C un instant auparavant. Et l'aiguille aimantée du galvanomètre revient à sa position originale une fois le courant coupé. Une opération du commutateur avec un code permettant de comprendre une série de mouvements d'aiguille comme une lettre de l'alphabet permet de transmettre un message de l'opérateur du commutateur à celui qui observe le galvanomètre.
En 1833, Gauss et Wilhelm Weber (1804-1891) opèrent le premier télégraphe commercial à Göttingen. Puisque la grandeur du courant baisse avec la longueur de la ligne, ceux-ci augmentent la sensibilité du galvanomètre de Schweigger avec un petit miroir monté sur son aiguille, comme l'avait déjà fait Poggendorff. Mais cette solution a des limites: aussi les premières lignes n'ont que quelques kilomètres de longueur. Sir William Fothergill Cooke (1806-1979) et sir Charles Wheatstone établissent, en 1837, leur première ligne télégraphique, longue de 2 kilomètres. C'est son travail de recherche sur le télégraphe qui amène sir Charles à inventer en 1843 le pont qui porte son nom et qui permet de mesurer la résistance relative d'un fil par rapport à un autre, comme nous avons vu dans notre chapitre cinq.
Samuel Finley Breese Morse (1791-1872) a, dès 1829, l'idée d'inventer un télégraphe électrique pouvant fonctionner sur de grandes distances à l'aide d'électro-aimants, mais ce n'est qu'en 1836 qu'il invente l'élément qui lui permet de réaliser son rêve: le relais. Ce relais R est un électro-aimant: il remplace le galvanomètre G dans notre circuit original. Il comprend un grand nombre d'enroulements et un noyau de fer doux. Un faible courant suffit à le magnétiser, ce qui attire un morceau de fer doux qui ferme alors un second circuit, comprenant une nouvelle pile N . Une série de relais semblables, placés, disons, à toutes les dizaines de kilomètres, permet alors de transmettre un message en code sur de grandes distances. Le galvanomètre de Schweigger est lui-même remplacé par un dernier électro-aimant M : une plume à encre E est attachée à sa pièce de fer doux mobile, attirée ou non selon que le courant passe ou non dans sa bobine.
Avec Alfred Lewis Vail (1807-1859), il invente en 1837 le code qui porte son nom et donne la première démonstration publique de son système en 1838. Le Congrès américain autorise en 1843 l'érection d'une ligne entre Washington et Baltimore, soit sur une distance de 65 kilomètres environ, ligne qui est mise en opération le 24 mai 1844.
L'établissement de plusieurs lignes de télégraphes suit rapidement: la compagnie Toronto, Niagara & St. Catherines Electromagnet Telegraph Co envoie son premier télégramme entre Toronto et Hamilton en 1846; la compagnie Montreal Telegraph Co construit une ligne entre Québec et Toronto en 1847. Halske et Werner von Siemens fondent la même année leur compagnie qui réalise en 1849 la première grande ligne européenne, entre Berlin et Francfort, et des lignes en Russie en 1850. La compagnie Western Union établit le service télégraphique entre New York et San Francisco en 1861.
L'électro-aimant est donc à la base de toute ligne de télégraphe longue-distance. Et celui-ci, avons-nous vu, fait l'objet, à partir de 1828, de l'étude approfondie de Joseph Henry. Étude dont Morse se sert d'ailleurs.