7.10 Les premiers câbles sous-marins

 

            Nous avons vu que le réseau télégraphique se développe de plus en plus en Europe et en Grande-Bretagne à partir du milieu des années 1840. Relier ces deux réseaux par un câble sous-marin sous la Manche devient alors un objectif fort attrayant.

 

            Le premier câble télégraphique, long de 32 km, est installé en 1850 sous la Manche, dont les profondeurs moyenne et maximale sont de 35 m et de 55 m respectivement. Il comprend un fil de cuivre unique de 2 mm2 de section recouvert d'un isolant de 12 mm d'épaisseur, fait de gutta-percha, sorte de gomme obtenue par solidification du latex de certains arbres de Malaisie. Il ne fonctionne qu'une seule journée, puisqu'un pêcheur le coupe après en avoir repêché une section!

 

c1.gif

Un nouveau est installé en 1851. Il comprend plusieurs améliorations sur le précédent. D'abord, sa section de cuivre est de 5,2 mm2 au lieu de 2 mm2 , soit plus du double que le précédent. Sa résistance est donc d'autant plus faible. Il est composé de quatre fils de cuivre C de 1,3 mm2 de section chacun, chacun recouvert de gutta-percha P et tordus ensemble. Du chanvre goudronné en remplit les interstices. Il est enroulé avec du tissus goudronné G , puis recouvert d'une gaine de dix fils, tordus ensemble, en fer galvanisé F de 42,4 mm2 de section chacun. Un câble ainsi composé de plusieurs fils tordus ensemble est dit toronné. Il est à la fois flexible et solide. La masse de ce câble complet est de 4 kg/m. Inauguré le 19 octobre 1851, il donne plusieurs années de service. Le conducteur lui-même est le toron de fils de cuivre; l'isolant qui empêche le courant qui y circule de se perdre dans la mer, le gutta-percha. Le câble ainsi isolé n'est pas assez solide pour ne pas risquer de casser lorsqu'il est déroulé dans l'eau: le tronçon qui quitte juste le navire, qui en effectue la pose, se trouve à soutenir la masse, dans l'eau, d'une longueur de câble égale à la profondeur en ce point. En même temps doit-il faire face au mouvement du navire sur une mer plus ou moins calme. Aussi le câble a-t-il besoin d'une gaine toronnée de fils de fer qui en augmente énormément la solidité. Mais cette gaine pourrait, sous la torsion du câble, enfoncer en certains points l'isolant de gutta-percha, qui n'est pas très résistant. Aussi le gutta-percha doit-il être protégé de la gaine par le coussin de tissus goudronné. C'est sur ce coussin, qui entoure le câble central, que la gaine de fil de fer est placée.

 

            Un second câble est requis et posé entre la Grande-Bretagne et le continent, cette fois entre Douvres et Ostende, en 1853. Sa longueur, de 110 km, est plus du triple du câble précédent. Et la même année, un, de 36 km, est posé entre Portpatrick en Ecosse et Donaghadee (à l'est de Belfast) en Irlande, après plusieurs ruptures qui se soldent par des échecs, dûs principalement à la profondeur beaucoup plus grande du Canal du Nord (110 m de profondeur moyenne, avec une valeur maximale de 360 m).

 

            Il est remarqué, dans le cas du câble plus long entre Douvres et Ostende, que le galvanomètre ne dévie pas d'un seul coup comme dans le cas des télégraphes aériens, mais prend un certain temps à trouver sa déviation maximale. Ce phénomène intrigue les opérateurs. Faraday le compare, au tout début de 1854, au phénomène, déjà connu, de la charge et de la décharge d'un condensateur à travers une résistance. Phénomène que lord Kelvin venait juste d'examiner mathématiquement en 1853. Comme ce dernier est particulièrement intéressé à la télégraphie sous-marine, et plus particulièrement à l'établissement d'un câble transatlantique sous-marin, il revient rapidement à son analyse, ce que nous allons faire également.