7.9 Énergies potentielles électrique et magnétique
a) énergie potentielle électrique
Helmholtz, dans son traité de 1847, cherche le travail W requis pour amener une charge Q sur un condensateur de capacité C . La charge Q (t) , trouvée sur ses armatures, varie donc d'une valeur nulle au début jusqu'à la valeur Q à la fin de la charge. La tension V (t) , entre ses armatures, varie elle-aussi d'une valeur nulle à une valeur V à la fin de la charge
selon notre équation (7.6.1).
Nous avons vu, dans notre section 2.16, que le travail requis pour amener une charge d'un point où le potentiel est nul, par exemple, à un point où le potentiel est V (t) , donné par notre équation (2.16.4), est donné par la différence des énergies potentielles finale et initiale (avec ici ce dernier terme nul). Nous avons vu, de plus, que si la charge ainsi déplacée, infime, dQ , voit son potentiel changer d'une valeur V (t) , que son énergie potentielle change d'une imfime valeur dUe (t)
donnée par notre équation (2.16.5) que nous pouvons réécrire à l'aide de notre équation (7.9.1). L'énergie potentielle Ue , requise pour charger le condensateur, est donnée par la somme (intégrale) des énergies potentielles infimes requises pour ajouter chaque charge infime dQ
à celle Q (t) déjà trouvée sur ses armatures. L'énergie potentielle électrique requise est donc donnée par
la moitié de sa charge finale Q au carré divisée par sa capacité C , qui peut être réécrite de deux autres façons à l'aide de notre équation (7.6.1).
b) densité d’énergie potentielle électrique
En 1836, Faraday, avons-nous vu, invente le concept du diélectrique, le milieu où existent des lignes de force électrique qui ne causent pas de conduction, mais polarisation. Cette polarisation des molécules demande de l'énergie. Aussi, pour Faraday, est-ce ce processus qui requiert l'énergie potentielle du condensateur: c'est dans le diélectrique qu'elle est accumulée. Voilà pourquoi la capacité dépend de la constante du diélectrique, qui est indicatrice du niveau de polarisation atteint pour un champ électrique donné.
Nous avons vu que toute la région diélectrique entre les plaques, de volume L s , subit un même champ électrique et donc une même polarisation de ses molécules. Notre équation (7.9.4), donnant l'énergie potentielle du condensateur, réécrite à l'aide de équations (7.6.9), (7.6.10) et (7.6.6)
est maintenant exprimée en termes de la permittivité ε de son diélectrique, du champ électrique réel Er , constant, qui se trouve dans son volume A s . Il nous est maintenant possible de définir la densité d'énergie potentielle électrique ue comme le rapport de l'énergie potentielle électrique par unité de volume
et donc, ici, par l'équation (7.9.5) divisée par le volume en question, puisque cette densité est constante dans tout ce volume.
Paraphrasant Faraday, nous pouvons donc dire que l'énergie requise pour charger un condensateur est emmagasinée, stockée dans le champ électrique de son diélectrique. Créer un champ électrique dans un diélectrique requiert de l'énergie. Tout système électrique où il y a création d'un champ électrique quelque part dans un diélectrique est donc, en quelque sorte, un condensateur, a une capacité électrique. Et c'est cette énergie électrique qui est remise lors de la décharge du condensateur, comme dans le cas des étincelles produites par une bouteille de Leyde.
Nous avons vu, dans notre chapitre cinq, le travail de Kirchhoff qui montre en 1849 que la puissance, requise ou fournie par un élément, est donnée par le produit du courant qui le parcourt par la tension à ses bornes; qu'il peut ainsi retrouver la loi de Joule et le principe de conservation de l'énergie, d'électrique en mécanique et vice-versa, d'électrique en chimique, et vice-versa, d'électrique en chaleur. Nous venons juste de voir que de l'énergie chimique, provenant d'une pile, peut être emmagasinée dans le diélectrique d'un condensateur, ce qui est donc un autre exemple du principe de conservation d'énergie.
c) énergie potentielle magnétique
Lord Kelvin reprend ce travail en 1853, cette fois, dans le cas de l'inductance. Il examine le cas où le courant transitoire I (t) passe de zéro à une valeur constante I . La loi d'Henry lui donne la tension V (t) qui apparaît alors à ses bornes; et la loi de Lenz, ses polarités: le circuit, dit Lenz, réagit pour s'opposer à la cause du changement du flux magnétique qui le traverse. Il s'oppose donc à la variation du courant I (t) , par un courant induit Ii de sens opposé. Or le courant, créé par une force électromotrice, va, dans celle-ci, de sa borne négative à sa borne positive. Il s'ensuit que les polarités de l'inductance dans ce cas-ci sont, pour le courant I (t) , celles d'une force contre-électromotrice, soit les mêmes que celles d'une résistance. Nous pouvons tout de suite conclure que l'inductance va consommer une certaine puissance, qu'elle va donc demander à la pile chimique, tout comme le condensateur a consommé une certaine puissance demandée à la source, qu'il a stocké dans le champ électrique de son diélectrique. Et, comme le condensateur remet l'énergie accumulée lors de sa décharge, l'inductance va remettre l'énergie qu'elle a soutirée à la pile lorsque le circuit va être ouvert, encore sous la forme de l'étincelle, qu'Henry a remarquée et expliquée en 1832. La puissance P (t) , sous-tirée du circuit par l'inductance, est, par la loi de Joule, reprise par Kirchhoff d'une part, notre équation (5.6.6), et la loi d'Henry, d'autre part, notre équation (7.3.2)
où les valeurs absolues sont éliminées puisque, le courant augmentant, sa variation est positive.
L'énergie U requise de la pile pour établir le courant jusqu'à sa valeur I dans l'inductance ℒ est
qui devient
la moitié du produit du courant au carré par l'inductance.
Mais pourquoi une force contre-électromotrice apparaît-elle aux bornes de l'inductance lors de l'établissement du courant? Parce que celle-ci réagit pour s'opposer à la variation du flux magnétique qui la traverse. Et pourquoi le flux magnétique en question varie-t-il? Parce que varie le champ magnétique causé par le courant.
d) densité d’énergie potentielle magnétique
Lord Kelvin décide que, tout comme l'énergie potentielle électrique du condensateur est emmagasinée dans le champ électrique de son diélectrique, l'énergie potentielle, magnétique, de l'inductance est emmagasinée dans son champ magnétique. L'énergie potentielle magnétique Um , donnée par notre équation (7.9.9), se réécrit d'abord comme
compte tenu de l'équation (7.4.11), dans le cas d'un tore, dont le noyau est de perméabilité μ, de rayon moyen rm et de section A , puis en termes de son champ magnétique Br réel, considéré constant, donné par l'équation (7.4.7), comme
où le terme de droite entre parenthèses est le volume du noyau où le champ magnétique est considéré constant. Il nous est maintenant possible de définir la densité d'énergie potentielle magnétique um comme l'énergie potentielle magnétique par unité de volume
et donc, ici, par l'équation (7.9.10) divisée par le volume en question, puisque cette densité est constante dans tout ce volume. Nous pouvons donc dire que l'énergie requise pour instaurer un courant dans une inductance est emmagasinée, stockée dans le champ magnétique qu'elle cause. Créer un champ magnétique requiert de l'énergie. Tout système électrique où il y a création d'un champ magnétique quelque part est donc, en quelque sorte, une inductance. Et c'est cette énergie magnétique qui est remise lors de la formation de l'étincelle remarquée par Henry, comme nous avons déjà dit.