8.1 Le premier circuit oscillant

 

a) mise en marche

 

            Lorsque Henry examine, en 1842, les étincelles produites entre les extrémités des fils qui vont relier ensemble les armatures d'une bouteille de Leyde, et donc la décharger, il remarque non pas une seule étincelle, mais un train d'étincelles, partant l'une d'une électrode, et la suivante, de l'autre. Et ce, avec une intensité qui va en s'amenuisant. C'est donc que le courant causé par ce circuit oscille. C'est à ce circuit oscillant que lord Kelvin s'est intéressé d'abord en 1853, et non pas au problème de la charge et décharge d'un condensateur à travers une résistance.

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            Débutons avec un condensateur, la bouteille de Leyde de Henry, portant sur ses armatures une charge Q0 , aux bornes duquel nous branchons une inductance: les fils et l'air conducteur entre leurs extrémités. Ceux-ci forment une inductance car tout élément où un courant cause un champ magnétique en est une.

 

 


b) énergies magnétique, électrique et totale

 

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            Un courant I (t) circule donc dans cette inductance, de l'armature positive du condensateur à l'autre. Le courant, de nul au départ, augmente dans le temps: l'inductance réagit, selon la loi de Lenz, pour s'opposer à l'établissement de ce courant: ses polarités sont celles d'une force contre-électromotrice (soit celle d'une résistance): l'énergie électrique Ue , donnée par notre équation (7.9.4), emmagasinée dans le condensateur, le quitte donc, et migre dans l'inductance sous forme d'énergie magnétique Um , donnée par notre équation (7.9.9).

 

            Le principe de conservation de l'énergie, mis de l'avant par Helmholtz quelque temps auparavant, implique ici que la somme de ces deux formes d'énergies, l'énergie totale

 

doit être constante. Initialement, toute l'énergie est emmagasinée sous forme d'énergie électrique

dans le diélectrique du condensateur. Puis, une partie sans cesse grandissante est emmagasinée dans le champ magnétique de l'inductance puisque le courant grandit. Elle est entièrement emmagasinée dans le champ magnétique

quand la charge du condensateur devient nulle, moment auquel le courant dans l'inductance est maximal I0 . Le principe de conservation de l'énergie implique une relation entre le courant maximal I0 et la charge initiale (et également maximale) Q0

puisque les termes de droite des équations (8.1.3) et (8.1.2) correspondent tous deux à l'énergie totale .

 

c) charge et courant obtenus

 

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            Les armatures du condensateur reçoivent maintenant des charges, mais de signes opposés au cas initial. Le condensateur recommence donc à emmagasiner de l'énergie électrique, énergie qui provient du champ magnétique de l'inductance qui agit maintenant comme une force électromotrice. Nous avons donc une situation de flux et de reflux, le courant allant d'abord dans un sens dans l'inductance, puis dans l'autre. Le courant est donc oscillatoire, ainsi que la charge des armatures du condensateur. Cette dernière peut donc être donnée par

 

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sa valeur initiale Q0 fois la fonction oscillatoire cosinus, choisie puisqu'elle donne l'unité au temps zéro, et où la vitesse angulaire, dite également fréquence angulaire, ω est une constante. Ce terme est la rapidité avec laquelle la fonction revient à sa situation originale. Le temps T requis pour que la fonction revienne, de nouveau, à la même valeur, est sa période. Sa fréquence f est l'inverse de la période. La fonction cosinus étant récursive à tous les 2 π radians, il s'ensuit que

vitesse angulaire, période et fréquence sont reliées.

 

            Le courant est, avons-nous vu à plusieurs reprises, la dérivée de la charge dans le temps; ce qui est, dans le cas où la charge est donnée par notre équation (8.1.5),

le négatif de la valeur maximale Q0 fois ω fois la fonction oscillatoire sinus. Puisque la valeur maximale de la fonction sinus (tout comme celle de la fonction cosinus d'ailleurs) est l'unité, le terme entre le signe négatif et la fonction sinus est la grandeur maximale I0 que peut valoir le courant. Ce terme est dit son amplitude. Notre dernière équation peut donc se réécrire

d) fréquence d’oscillation

 

            Notre équation d'évolution de la charge dans le temps (8.1.5) implique, d'après notre dernière équation, que la fréquence angulaire ω est le rapport des amplitudes du courant I0 et de la charge Q0

rapport, trouvé à notre équation (8.1.4). La fréquence f du train d'étincelles est trouvée

avec notre dernière équation et (8.1.6).

e) énergies

 

            Nous pouvons vérifier que notre équation de l'évolution de la charge dans le temps (8.1.5) est bien une solution de notre équation initiale (8.1.1)

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après avoir fait appel aux équations (8.1.2), (8.1.8), et (8.1.3), puisque la somme des carrés des fonctions cosinus et sinus est bien l'unité par le théorème de Pythagore. L'énergie totale passe donc d'électrique à magnétique, et vice-versa, avec une fréquence qui dépend de la valeur de l'inductance et de la capacité du circuit en question. Cette fréquence f est la fréquence naturelle d'oscillation du circuit.

 

f) énergie dissipée par la résistance

 

            Il reste que le circuit est résistif, et donc que l'énergie totale emmagasinée est dissipée par effet Joule. Supposons cette dissipation suffisamment lente pour que l'amplitude du courant puisse être considérée constante sur la durée de chaque période. L'évolution, dans le temps, de la puissance dissipée durant une période est alors

donnée par la loi de Joule avec notre équation (8.1.8) pour le courant.

 

            La puissance moyenne Pm , dissipée durant la période T , est donnée par le rapport de

la valeur absolue de l'énergie ∣Δℰ∣ dissipée dans ce temps, divisée par cet intervalle.

 

            L'énergie dissipée ∣Δℰ∣ sur une période T est l'intégrale de la puissance instantanée P (t) donnée par notre équation (8.1.12)

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sur cet intervalle, notre période T .

 

            Le calcul de cette énergie dissipée ∣Δℰ∣ sur une période T revient à trouver la surface sous la courbe en question, dont le croquis est donné ci-contre. Traçons-y une droite parallèle à l'axe des temps, de hauteur égale à la moitié de la hauteur maximale de notre courbe. La région 1 , qui se trouve sous la courbe mais au-dessus de cette droite, peut être renversée pour remplir la région 2 qui, elle, n'est pas sous la courbe, mais entre cette droite et la courbe. La région 3 peut, elle, remplir la région 4 et la région 5 , la région 6 . Il s'ensuit que toute région, sous la courbe originale qui est au-dessus de notre droite à mi-hauteur, se trouve à avoir rempli toute région de la courbe originale qui n'était pas sous celle-ci. L'énergie dissipée ∣Δℰ∣ sur une période T est donc donnée par la surface d'un rectangle

dont la "hauteur" est la moitié de la puissance maximale R I02 et dont la base est la période T.

 

g) puissance moyenne dissipée

 

            La puissance moyenne Pm n'est donc rien d'autre que

la moitié de la puissance instantanée maximale, puissance produite au moment où le courant est maximal.

 

            De plus, nous remarquons que la moyenne, sur une période, de la fonction sinus carré

est de une demie en comparant les équations (8.1.14) et (8.1.15).

 

h) variation du courant pour un circuit oscillant faiblement résistif

 

            L'énergie totale du circuit oscillant est donnée par notre équation (8.1.3). Celle-ci décroît avec le temps. La variation temporelle de l'énergie totale est donc négative. Le taux de perte de celle-ci dans le temps est donné par la puissance moyenne Pm dissipée par la résistance. Mais cette dernière est une quantité positive. Il faut donc placer un signe négatif devant la variation temporelle de l'énergie totale

pour que les deux membres de notre équation soient positifs.

 

            Une fois la dérivée effectuée, notre dernière équation devient

à l'aide de l'équation (8.1.16). Isoler la variation de l'amplitude du courant dans le temps

après simplification montre que celle-ci est proportionnelle à elle-même. Sa solution est donc

la fonction exponentielle. L'amplitude décroît d'autant plus vite que la résistance est grande puisque la puissance dissipée lui est proportionnelle, pour un courant donné; et d'autant moins vite que l'inductance est grande, puisque celle-ci a emmagasiné d'autant plus d'énergie que celle-ci est grande, encore une fois, pour ce même courant.

 

            L'équation de l'évolution du courant en fonction du temps est donc, dans le cas du circuit oscillant où l'énergie n'est dissipée que très lentement, donnée par

nos équations (8.1.21), (8.1.8) et (8.1.9).

 

            Berend Wilhelm Feddersen (1832-1918) mesure la fréquence d'oscillation de circuits semblables en 1857, à l'aide d'un miroir tournant, et montre alors que la fréquence double quand la capacité devient quatre fois plus faible; et que la fréquence double quand l'inductance devient quatre fois plus faible, comme l'affirme notre équation (8.1.10).