8.12 Syntonisation radio
a) ondes radio
Le circuit oscillant avec lequel nous avons débuté notre chapitre nous a permis d'obtenir un courant alternatif sinusoïdal dont la fréquence angulaire est donnée par l'inverse du radical de son inductance fois sa capacité.
En 1886, Heinrich Hertz (1857-1894) place deux bobines minces coaxiales l'une près de l'autre. Il relie les fils d'une des deux bobines à des aiguilles métalliques dont les extrémités se font face: ce qui constitue son circuit récepteur. Il place une bouteille de Leyde chargée aux bornes de la première bobine: ce qui constitue son circuit émetteur. Il remarque des étincelles entre ces extrémités des aiguilles, reliées à la seconde bobine, lorsqu'une bouteille de Leyde est déchargée dans la première bobine. Ce qui, soit dit en passant, ressemble fort à la première expérience de Faraday sur l'induction électromagnétique: deux bobines à proximité dans chacun des deux cas: un courant induit dans le second étant donnée la variation du courant dans le premier. La différence, à première vue, n'est que l'absence de noyau de fer pour les relier.
Hertz embroche deux boules métalliques ajustables trouées sur ses aiguilles métalliques, constituant ainsi un condensateur ajustable, placé aux bornes de la bobine récepteur. Il remarque qu'il obtient des étincelles d'intensité maximale lorsque ce deuxième circuit est ajusté de telle sorte qu'il oscillerait naturellement à la même fréquence que le circuit émetteur. Dit autrement, à la fréquence de résonance. C'est pour cette étude approfondie des fréquences d'oscillation des circuits que l'unité de fréquence porte son nom: le hertz, noté Hz.
Il modifie, l'année suivante, son circuit oscillant émetteur en remplaçant sa bouteille de Leyde par une bobine d'induction (comme celle de Ruhmkorff) qui, elle, fournit constamment une tension saccadée à une fréquence donnée. C'est elle qu'il relie maintenant à un éclateur muni des boules métalliques ajustables. Il obtient alors des étincelles de fréquence données avec son circuit émetteur. Il utilise, comme circuit récepteur, un anneau conducteur presque complet muni d'un éclateur minuscule et de deux petites boules métalliques ajustables, afin de pouvoir ajuster ce dernier circuit à la même fréquence d'oscillation que le premier. Il peut remarquer ensuite que ce qui cause le courant dans le second circuit est une onde électromagnétique, ce que nous n'examinerons pas ici. Mais c'est pourquoi ces ondes sont dites hertziennes.
Guglielmo Marconi (1874-1937), reliant un côté de son circuit émetteur à la terre et l'autre à une longue tige métallique, l'antenne, réussit à transmettre sur une distance de 1 km en 1895. Après plusieurs modifications, son circuit lui permet de transmettre à travers la Manche en 1899. Et le 13 décembre 1901, Marconi réussit la première transmission transatlantique. Il est maintenant possible de relier tout récepteur, où qu'il soit ou presque, à un émetteur donné grâce aux ondes hertziennes. Les premiers navires sont munis de postes émetteurs et récepteurs en 1898, et le bureau de météorologie américain émet sur les ondes à partir de 1900 sur la côte est des Etats-Unis.
L'élément oscillant de son circuit émetteur est encore notre circuit élémentaire du début de notre chapitre: un condensateur qui se décharge dans une inductance, et perd lentement son énergie. Mais cette énergie est perdue dans l'onde électromagnétique émise. Ce circuit ne peut donc pas émettre constamment, mais seulement par bouffées. Ce qui ne cause pas de problème pour l'émission d'ondes dont la durée requise est décidée par le code Morse: ce circuit peut émettre pendant un temps supérieur à la durée requise pour un trait en Morse.
Reginald Aubry Fessenden (1866-1932) remplace le circuit oscillant par un alternateur qui fournit une oscillation électrique de même fréquence. L'avantage est que celui-ci la fournit constamment. Il module l'amplitude du courant, émis par son alternateur, à l'aide de son microphone, changeant ainsi la résistance de son circuit. Les ondes alors émises voient alors leur amplitude mimer le son qui a fait vibrer le microphone. Le 23 décembre 1906, il transmet la première émission radiophonique de sa station à Brent Rock, Massachusetts. Il réussit en 1907, à transmettre ainsi entre Brent Rock et l'Ecosse. Plus besoin de connaître le Morse. L'ère des télécommunications sans fil pour le grand public est maintenant établie. Il reste que le signal reçu par le récepteur ne peut pas encore être amplifié, de telle sorte que des écouteurs sont pratiquement de rigueur.
Le nombre de stations émettrices va rapidement en augmentant. Ce qui veut dire que le circuit récepteur reçoit plus d'un signal à la fois. Il lui faut donc en choisir un et oublier les autres. Ce choix est fait en syntonisant celui désiré: en ajustant la fréquence naturelle d'oscillation du récepteur à celle de l'émetteur désiré.
b) circuit représentant l’onde radio
Ce qui est capté par l'antenne est une onde électromagnétique qui vibre à une fréquence angulaire donnée, avec une certaine tension VS locale. C'est elle qui est la source qui va agir sur le récepteur. La densité d'énergie dont dispose l'onde est celle qui se trouve dans ses champs électrique et magnétique locaux: c'est donc une valeur très faible. Aussi est-il raisonnable de concevoir la source comme pourvue d'une forte résistance interne Ri : puisque l'impédance du circuit comprenant le réseau de réception et la résistance interne de la source est toujours grande, le courant fourni par la source est toujours faible, ainsi que la puissance qu'elle peut transmettre au récepteur.
c) circuit récepteur des ondes
Le récepteur comprend une bobine (une inductance ℒ et une résistance R en série) et un condensateur de capacité C en parallèle. Sa fréquence angulaire naturelle d'oscillation est donnée par l'inverse du radical carré du produit de sa capacité fois son inductance. Les inductance et résistance de la bobine peuvent être remplacées par une réactance et résistance en parallèle avec la capacité, comme nous avons-vu dans notre section 8.10.
d) impédance de la bobine du circuit récepteur
L'impédance Ze de la bobine est donnée par notre équation (8.10.3). Or, dans le cas des circuits de syntonisation, la valeur résistive de la bobine est toujours très faible comparée à sa réactance aux fréquences angulaires considérées. Il s'ensuit que
l'impédance de la bobine est donnée par sa réactance inductive. Notre équation (8.10.6), réécrite avec notre dernier résultat,
nous donne la valeur des réactance inductive Xℒ et résistance R* vues en parallèle, sous tension V , et où la résistance R*
est donnée par le dernier terme sous le radical.
e) cas de la résonance du circuit récepteur
La situation de résonance pour un réseau parallèle, avons-nous vu dans notre section 8.9, s'obtient lorsque les puissances réactives fournie et absorbée sont égales; ce qui est, puisque les tensions aux bornes des réactances inductive Xℒ et capacitive XC sont égales, lorsque les réactances sont égales. L'impédance Z du réseau, alors maximale et purement résistive, a la valeur de la résistance perçue en parallèle R* , soit,
dans notre cas. La résistance totale du circuit est alors donnée par la valeur juste trouvée plus celle de la résistance interne Ri de la source. La source fournit alors le courant le plus faible qu'elle a à fournir. Mais la tension qui apparaît aux bornes du récepteur est donnée par le produit de ce courant par l'impédance encore maximale du réseau récepteur.
f) exemple
Supposons que notre onde apparaisse comme une source de 12 mV de tension, à une fréquence angulaire de 5⋅105 rad/s, et de 50 kΩ de résistance interne. Supposons que la bobine du réseau récepteur soit une inductance de 1 mH de 2,5 Ω de résistance. Sa réactance inductive est alors de 500 Ω à la fréquence angulaire de la source selon notre équation (8.5.3). Et l'impédance de la bobine, donnée par notre équation (8.10.3), est bien de pratiquement 500 Ω. Sa résistance en parallèle, donnée par notre équation (8.12.3), est de 500 Ω au carré divisée par 2,5 Ω, soit de 100 kΩ. La valeur de la réactance capacitive telle que le réseau récepteur soit à la résonance est égale à celle de l'inductance, soit de 500 Ω. La capacité doit donc être de 4 nF par notre équation (8.6.5).
L'impédance, purement résistive, du récepteur est alors de 100 kΩ selon notre équation (8.12.4). La résistance totale du circuit, incluant la résistance interne de 50 kΩ de la source, est de 150 kΩ puisque ces deux résistances sont en série. Le courant est donc de 12 mV divisé par 150 kΩ, soit de 80 nA et la tension aux bornes du récepteur, de 100 kΩ fois 80 nA, soit de 8 mV. La puissance réelle consommée par le récepteur, donnée par l'équation (8.4.15), est de 8 mV au carré divisé par 100 kΩ, soit de 0,640 nW. La puissance réactive fournie par le condensateur à l'inductance, donnée par l'équation (8.6.7), est de 8 mV au carré divisé par 500 Ω, soit de 128 nVAR, une valeur 200 fois plus grande que la puissance réelle consommée.
g) cas de la non résonance du circuit récepteur
Le réseau récepteur parallèle apparaît très différemment lorsque la fréquence angulaire de la source ne correspond pas à sa fréquence angulaire naturelle: en d'autres mots, lorsqu'il n'y a pas résonance. La fréquence angulaire, imposée par l'onde captée, n'est plus telle que la puissance réactive absorbée est égale à la puissance réactive fournie: en fait la différence entre ces deux valeurs excède rapidement, pour un faible changement de fréquence angulaire, la puissance réelle consommée. L'effet est que la puissance réactive (ou absorbée, ou fournie) du réseau est rapidement beaucoup plus grande que celle de la puissance consommée: elle devient le seul terme important dans l'équation de sa puissance apparente: le réseau n'apparaît alors à la source que comme une faible réactance. L'impédance totale du circuit série comprenant le réseau récepteur et la résistance interne de la source diminue donc, et le courant fourni par la source augmente, mais par une valeur limitée puisque la résistance interne est grande. La tension aux bornes du récepteur est alors plus faible puisque l'augmentation de courant ne compense pas du tout la forte diminution de son impédance. Ce poste, qui n'émet pas à la même fréquence angulaire que la fréquence angulaire naturelle du circuit récepteur, est donc capté avec une tension beaucoup plus faible. Et, puisque la puissance réelle consommée par le récepteur est donnée par la tension à ses bornes au carré, divisée par sa résistance en parallèle, celle-ci est beaucoup plus faible que dans le cas de la résonance. Le poste entendu, syntonisé, est donc celui à la fréquence de résonance. Les autres postes, émetteurs sur des fréquences différentes, sont étouffés.
h) exemple
Si la fréquence angulaire de notre onde, une source de 12 mV de tension, est de 4⋅105 rad/s, alors que sa résistance interne demeure de 50 kΩ, la réactance inductive de la bobine de 1 mH est alors de 400 Ω à la fréquence angulaire de la source selon l'équation (8.5.3). Et l'impédance de la bobine est bien de pratiquement 400 Ω selon l'équation (8.10.3). Sa résistance en parallèle est, elle, de 400 Ω au carré divisé par 2,5 Ω, soit de 64 kΩ par l'équation (8.12.3). La valeur de la réactance capacitive du condensateur de 4 nF est de 625 Ω par l'équation (8.6.5).
L'impédance, pratiquement celle d'une réactance inductive, du récepteur est alors de 1,11 kΩ selon notre équation (8.9.3). L'impédance totale du circuit, comprenant la résistance interne de la source de 50 kΩ et la réactance inductive de 1,11 kΩ du récepteur en série, est de pratiquement 50 kΩ selon l'équation (8.8.3) sans terme capacitif. Le courant, donné par l'équation (8.7.1), est donc de 12 mV divisé par l'impédance totale de 50 kΩ, soit de 240 nA et la tension aux bornes du récepteur, donnée par l'équation (8.5.3), de 240 nA fois 1,11 kΩ, soit de 0,266 mV. La puissance réelle consommée par le récepteur, donnée par l'équation (8.4.15), est de 0,266 mV au carré divisé par la résistance parallèle de 64 kΩ, soit de 1,11 pW, ce qui est 0,17% de celle consommée par le récepteur à la résonance. La puissance réactive nette absorbée par le récepteur, donnée par l'équation (8.5.5), de 0,266 mV au carré divisé par 1,11 kΩ, soit de 64 pVAR, a une valeur 58 fois plus grande que celle de la puissance réelle consommée.
Le graphique ci-contre donne la puissance réelle captée en fonction de la fréquence angulaire émise par la source dont la force électromotrice et sa résistance interne sont de 12 mV et 50 kΩ quelle que soit sa fréquence, pour notre récepteur ajusté pour résoner à la fréquence angulaire de 5,0⋅105 rad/s.
Le récepteur syntonise des stations émettrices différentes en ajustant la valeur de sa capacité: il change alors sa fréquence angulaire naturelle et donc celle pour laquelle il entre en résonance. C'est là la raison d'être des condensateurs variables que nous avons vus dans notre chapitre sept.
i) facteur de qualité du circuit récepteur
L'aisance qu'a un récepteur d'étouffer les postes qui émettent à des fréquences différentes de sa fréquence naturelle est son facteur de qualité. Il est défini comme le rapport de la réactance capacitive XC du récepteur à la résonance sur la résistance série R de sa bobine. La réactance inductive est alors égale à la réactance capacitive, et la résistance parallèle de la bobine, donnée par le carré de la réactance inductive sur la résistance série. Le facteur de qualité est donc aussi égal au rapport de la résistance parallèle de la bobine sur sa réactance inductive. Et plus la résistance parallèle est grande comparée à la réactance, plus la courbe de l'impédance en fonction de la fréquence angulaire est pointue. Et puisque la tension aux bornes de la résistance en parallèle est la même que celle aux bornes des réactances, le facteur de qualité est égal au rapport des puissances réactives (fournie ou absorbée) à la résonance sur la puissance réelle consommée.
La réactance capacitive et inductive à la résonance est de 500 Ω alors que la résistance série de la bobine est de 2,5 Ω. Sa résistance parallèle est alors de 100 kΩ selon l'équation (8.12.3). La puissance réactive fournie ou absorbée alors est de 128 nVAR par les équations (8.6.7) et (8.5.5); la puissance réelle consommée, de 0,64 nW par l'équation (8.4.15). Son facteur de qualité est de 500 Ω divisé par 2,5 Ω, soit 200; ou encore, de 100 kΩ divisé par 500 Ω, soit 200 et finalement, de 128 nVAR divisé par 0,64 nW, soit 200.