9.10 Le biphasé
a) transformateur biphasé
L'exemple précédent montre bien que la ligne de transmission consomme une puissance qui croît avec sa longueur. Évidemment, une solution consiste à augmenter la tension sous laquelle la puissance est transportée, mais cette solution cause des problèmes pratiques que nous allons voir bientôt. Aussi une autre solution est d'abord envisagée.
Si un montage peut être produit où le courant est nul dans le fil de retour, la résistance de la ligne de transmission ainsi que sa réactance inductive sont réduites par un facteur deux vu qu'un fil sans courant ne consomme pas et ne cause pas de champ magnétique. Nous avons déjà vu un premier montage semblable dans notre section 9.5: les bornes du secondaire du transformateur de distribution sont telles que les différences de potentiel entre celle à la terre et chacune des deux autres sont déphasées de π radians et les courants produits également, si la charge entre chacune et la terre est identique. Le courant est alors nul dans le fil de retour dit fil de terre. Pareil système est dit biphasé. Steinmetz introduit des transformateurs survolteurs avec pareils branchements à leur secondaire pour transporter la puissance produite à Niagara en 1895. Une ligne de transmission en biphasé a besoin de trois fils: deux pour porter chacun la moitié de la puissance apparente, et le troisième, pour porter un courant nul. Il va sans dire qu'il faut alors assurer que les charges aux bornes de chacun sont au moins à peu près égales pour que le courant réel dans le fil de terre soit pratiquement nul.
b) exemple
Considérons un alternateur dont la tension aux bornes du primaire de son transformateur survolteur de rapport des spires 1:10 est de 2,0 kV. La tension aux bornes du secondaire de ce dernier est de 10,0 kV des bornes extrêmes à celle du centre. Si la ligne de transmission qui relie les trois bornes du secondaire du transformateur survolteur aux primaires des transformateurs dévolteurs (qui seront représentés ici par un seul équivalent à l'ensemble de ceux-ci en parallèle) pour chaque phase est de 78 km, deux fois la longueur de l'autre. Elle est constituée par trois fils de cuivre identiques à ceux de l'exemple précédent. Le fil de retour ne porte pas de courant: c'est donc tout comme s'il n'existait pas. La réactance inductive de chaque phase de la ligne est donc de 78 km fois 0,5 Ω par km, soit de 39 Ω. Le fil de cuivre choisi a une résistance de 0,3 Ω par km environ pour une résistance totale de 23 Ω.
Le réseau de chaque phase alimenté par la ligne est celui déjà examiné dans l'exemple précédent. L'impédance totale aux bornes d'une phase du secondaire du transformateur survolteur est donc de 125 Ω, comme trouvé dans le cas précédent.
Puisque la tension aux bornes d'une phase du secondaire du transformateur survolteur est de 10 kV, il s'ensuit que le courant débité par une phase du secondaire est de 10 kV divisé par 125 Ω, soit de 80 A.
Comme dans le cas précédent, la puissance réelle donnée aux consommateurs d'une phase est de 77 Ω fois 80 A au carré, soit de 492,8 kW; celle consommée par une phase de la ligne de transmission, de 23 Ω fois 80 A au carré, soit de 147,2 kW. La puissance réelle totale donnée au réseau est le double de 640,0 kW, soit 1 280 kW. La puissance réelle donnée au consommateurs des deux phases, de 492,8 kW fois deux, soit 995,6 kW, 77% de celle donnée au réseau.
Ajouter un fil à la ligne de transmission originale en a fait une ligne biphasée. L'impédance de celle-ci est deux fois plus faible pour une même distance de ligne. Nous avons donc pu doubler la distance sans augmenter le pourcentage de pertes. Et porter avec un seul fil supplémentaire une puissance double.