9.2 Le transformateur sans charge

 

            Dans un réseau électrique de distribution d'électricité alternative, le dispositif qui réalise simplement cette transformation, d'un faible courant en un plus fort, est le transformateur dévolteur, inventé à cet effet en 1882 par Lucien Gaulard (1850-1888). Quoiqu'il peut être dit que le montage utilisé par Faraday lors de son expérience du 29 août 1831 constitue le premier transformateur, il reste que le dispositif de Gaulard a un rôle très différent.

 

            Nous allons examiner le fonctionnement du transformateur dans ce contexte à l'aide des théories énoncées par Hopkinson d'une part, et Heaviside et Steinmetz d'autre part, quoique ces théories n'ont été produites que par après, comme nous avons vu.

 

A) flux magnétique dans son cadre et courant de magnétisation

 

fig4.gifBobinages primaire et secondaire

            D'après le travail d'Hopkinson examiné dans notre section 6.12, un flux magnétique φm est produit dans un circuit magnétique sous l'action d'une force magnétomotrice Γ . Le circuit magnétique est la région de l'espace où se trouve le flux magnétique. Nous avons vu dans le cas d'un cadre de section A et de périmètre L fait en fer doux de perméabilité μ , que le flux magnétique φm , constant dans le volume du cadre, est donné par notre équation (6.12.5)

que nous pouvons réécrire comme

si la force magnétomotrice Γ est produite par le courant de magnétisation IM , qui alimente une bobine de N1 spires roulées autour d'une des deux colonnes du cadre de fer doux.

 

            Si le courant de magnétisation alternatif IM (t) en question varie dans le temps selon la fonction sinus avec une fréquence angulaire ω , la force magnétomotrice Γ (t) fait de même, ainsi que le flux magnétique

fig5.gif

qui circule dans tout le cadre de fer doux. Mais encore faut-il que la perméabilité magnétique μ du noyau de fer soit une constante quel que soit le courant de magnétisation.

 

            La perméabilité magnétique est, avons-nous vu, proportionnelle à la constante magnétique Km , selon notre équation (6.11.4), qui est le rapport des champs magnétique résultant Br et agent Ba , selon notre équation (6.11.1). Or il existe des matériaux ferromagnétiques doux tels que la constante magnétique est, en fait, une constante pour des champs résultants Br inférieurs à une certaine valeur limite BL , comme le montre la courbe d'hystérésis ci-contre. Cette valeur est de l'ordre de 1,15 T. La théorie énoncée ici suppose que cette condition est satisfaite, puisqu'elle suppose que la perméabilité magnétique est constante.

 

b) tension induite dans chaque spire

 

            Le flux magnétique φm (t) qui traverse chaque spire de la bobine en variant dans le temps y cause une force électromotrice induite Ve (t)

selon la loi de Faraday. L'amplitude de la tension induite dans chaque spire est évidemment le terme trouvé devant la fonction cosinus, et sa valeur efficace Ve ,

cette dernière, divisée par le radical de deux.

 

c) tension au primaire

 

            La tension efficace V1 aux bornes de la bobine de N1 spires roulées autour d'une des colonnes du cadre de fer doux est

la somme des tensions efficaces Ve trouvées aux bornes de chacune,

parcourues par le courant de magnétisation efficace IM . Les termes devant le courant IM de cette dernière équation forment

 

la réactance inductive X de la bobine de N1 spires roulées autour de notre cadre de fer doux.

 

fig6.gif

            Notre bobine agit donc comme une inductance dont la réactance inductive X est donnée par notre équation précédente. La tension V1 qui apparaît à ses bornes est en avance de π / 2 et sur le courant de magnétisation IM qui y circule et sur le flux magnétique φm que ce courant y cause.

 

            Mais ce courant de magnétisation IM va circuler dans les spires de cette bobine que si une source de tension alternative efficace V1 est branchée à ses bornes. Le primaire requiert donc, pour créer le flux magnétique φm , une puissance réactive Πb donnée par le produit de la tension à ses bornes V1 par le courant qui y circule IM , courant requis justement pour créer ce flux magnétique. Cette puissance réactive doit donc être fournie par la source branchée au primaire du transformateur.

 

d) exemple

 

Considérons un transformateur moderne de distribution dont la section du noyau est de 10-2 m2 , la longueur, de 2,0 m et la perméabilité, constante à 2000 fois celle du vide pour des champs magnétiques résultants inférieurs ou égaux à 1,125 T. Supposons que sa bobine de 4800 spires est alimentée par un courant sinusoïdal dont la fréquence est de 60 Hz et donc dont la fréquence angulaire est de 377 rad/s. Sa réactance inductive est alors de 109 kΩ par notre équation (9.2.8).

 

Si cette bobine est placée sous une tension efficace de 14,4 kV, le courant qui y circule est de 132 mA par notre équation (9.2.7). La puissance réactive absorbée est de 14,4 kV fois 0,132 A, soit 1,9 kVAR, selon notre équation (8.5.5). La tension efficace dans chaque spire est de 3,0 V par l'équation (9.2.5). L'amplitude du courant est de 132 mA fois le radical de deux, soit 184 mA, par notre équation (8.4.4). L'amplitude du flux magnétique est de 1,125⋅10-2 T m2, donnée par notre équation (9.2.3), et celle du champ magnétique, par cette dernière valeur divisée par la section du cadre, soit 1,125 T. Le transformateur opère donc dans la région où la perméabilité magnétique de son noyau est constante pour toute valeur utilisée du champ.

 

e) tension au secondaire

 

fig7.gif

            Roulons une seconde bobine, de N2 spires, autour de l'autre colonne du cadre de fer doux. Nous avons alors la configuration de la figure de la page 9.3. Celle-ci se représente schématiquement comme deux bobines verticales symétriques entre lesquelles se trouvent deux droites verticales représentant le noyau qui les réunit.

 

            La même tension efficace Ve , qui apparaît aux bornes de chaque spire de la première bobine, va apparaître aux bornes de la seconde, puisque le flux φm est constant dans tout le cadre. Il s'ensuit qu'une tension V2 est induite aux bornes de cette seconde bobine, tension donnée

par la somme des tensions Ve induites dans chacune de ses N2 spires en série.

 

            La tension aux bornes de la seconde bobine, dite secondaire, est reliée à celle aux bornes de la première, dite primaire. Leur rapport

est donné en divisant les équations (9.2.9) et (9.2.6) terme à terme.

 

f) exemple

 

Considérons notre transformateur dévolteur précédent dont la bobine primaire est placée sous une tension efficace de 14,4 kV et la tension efficace dans chaque spire, de 3,0 V. Une tension efficace de 240 V apparaît aux bornes de sa bobine secondaire si celle-ci comprend 80 spires selon notre équation (9.2.10).