9.3 Le transformateur en charge
a) courants dans le primaire et secondaire d’un transformateur en charge
Plaçons maintenant comme charge une impédance Zc aux bornes de la seconde bobine de notre transformateur. Cette impédance doit recevoir de cette seconde bobine du transformateur un courant I2
puisque la tension V2 du secondaire apparaît à ses bornes: le secondaire doit alors agir comme une source pour elle, lui fournissant une puissance apparente ℘ donnée par le produit de V2 par I2 .
Ce courant I2 , exigé du secondaire par l'impédance Zc à ses bornes, cause évidemment une nouvelle force magnétomotrice Γ2 dans le cadre de fer doux, et donc un nouveau flux magnétique φ2 variable dans le temps.
À cela, la bobine primaire réagit aussitôt puisque la règle de Lenz stipule qu'un circuit réagit pour s'opposer à la variation du flux magnétique qui le traverse. Le primaire exige de la source à ses bornes un courant supplémentaire I1 pour causer une force magnétomotrice supplémentaire Γ1
égale mais opposée à celle causée par le secondaire, afin d'annuler avec son flux magnétique variable supplémentaire φ1 le flux magnétique variable φ2 produit par le secondaire.
Ce courant I1 , exigé de la source par la bobine du primaire, peut être considéré dans une branche en parallèle avec celle du courant de magnétisation IM . La source doit donc fournir en plus la puissance apparente ℘ requise par le primaire, donnée par le produit de la tension aux bornes du primaire V1 par le courant supplémentaire I1 . Or, cette puissance apparente peut être réécrite à l'aide des équations (9.3.2) et (9.2.10)
comme le produit de la tension V2 aux bornes du secondaire fois le courant I2 qui y circule: la puissance apparente supplémentaire fournie par la source est transformée et transférée intégralement à l'impédance Zc aux bornes de son secondaire.
b) impédance de la charge vue au primaire
Il nous est donc possible de visualiser le primaire du transformateur comme comprenant deux branches en parallèle: celle, purement réactive, dans laquelle circule le courant IM qui produit le flux magnétique qui circule dans son noyau, et celle qui, puisqu'elle reçoit la puissance ℘ exigée par l'impédance Zc, apparaît comme une impédance Zp . Cette dernière impédance reçoit la même puissance apparente que celle aux bornes du secondaire, ce qui peut s'écrire
à l'aide de notre équation (8.7.2). L'impédance Zp aux bornes du primaire peut alors s'écrire en termes de l'impédance de charge Zc aux bornes du secondaire
à l'aide de notre dernière équation et de l'équation (9.3.2).
L'impédance de charge Zc peut être vue comme constituée d'une résistance Rc et d'une réactance, disons inductive dans ce cas, en série, dans lesquelles circule un courant I2 . La branche supplémentaire doit donc recevoir la puissance réelle que consomme cette résistance et absorber la puissance réactive qu'absorbe cette réactance. Il s'ensuit que l'impédance vue aux bornes du primaire Zp peut être également vue comme constituée d'une résistance Rp qui reçoit toute la puissance réelle que consomme la résistance Rc
et d'une réactance inductive qui absorbe la puissance réactive qu'absorbe la réactance
c) exemple
Considérons notre transformateur précédent dont le primaire de 4800 spires est sous une tension efficace de 14,4 kV et dont la tension efficace au secondaire de 80 spires est de 240 V. Si une impédance de 0,8 Ω est placée aux bornes de son secondaire, un courant 300 A donné par le rapport de 240 V par 0,8 Ω y circule selon l'équation (9.3.1). La puissance apparente que le transformateur doit transmettre est alors de 240 V fois 300 A, soit 72 kVA par l'équation (9.3.3). Si cette impédance peut être vue comme une résistance de 0,64 Ω en série avec une réactance inductive de 0,48 Ω, il s'ensuit de l'équation (8.4.15) que le transformateur doit fournir une puissance réelle de 0,64 Ω fois 300 A au carré, soit 57,6 KW, et il s'ensuit de l'équation (8.5.5) que le transformateur doit fournir une puissance réactive de 0,48 Ω fois 300 A au carré, soit 43,2 kVAR.
Le courant supplémentaire requis par le transformateur est de 5 A par notre équation (9.3.2). L'impédance de cette branche, de 14,4 kV divisé par 5 A, soit de 2880 Ω. Cette impédance est également donnée par le rapport des spires au carré, soit le carré de 4800 divisé par 80, fois l'impédance de 0,8 Ω, soit 2880 Ω, par notre équation (9.3.5). Cette impédance peut être perçue comme une résistance donnée par le produit du carré de 4800 divisé par 80 fois 0,64 Ω, soit 2304 Ω, par notre équation (9.3.6), et une réactance inductive en série donnée par le produit du carré de 4800 spires divisé par 80 fois 0,48 Ω, soit 1728 Ω, par notre équation (9.3.7). La puissance alors consommée est de 2304 Ω fois 5 A au carré, soit 57,6 kW, et la puissance réactive, de 1728 Ω fois 5 A au carré, soit 43,2 kVAR.
Le courant de magnétisation, celui qui circule dans la première branche du primaire, soit celle qui fournit le flux magnétique, est de 0,132 A; celui dans la branche supplémentaire, celle qui est transformée et transportée au secondaire, de 5 A, soit 38 fois plus important. Le courant de la première branche est pratiquement négligeable comparé à celui de la supplémentaire. Aussi la première branche est-elle normalement oubliée lorsque le transformateur est en charge.
Ce transformateur dévolteur permet donc de transporter une puissance apparente de 72 kVA avec un courant de 5 A seulement, au lieu d'avec un courant de 300 A. Ce qui veut dire que les pertes par effet Joule dans le câble relié à son primaire sont 3600 fois plus faibles que sans lui. L'objectif visé est bien atteint.
d) circuit correspondant au transformateur en charge
Comme montré dans le cas spécifique précédent, la branche de magnétisation du primaire peut normalement être négligée. Il s'ensuit que l'ensemble transformateur-impédance de charge Zc composée d'une résistance et réactance en série aux bornes de son secondaire peut être remplacé par une seule impédance Zp , composée également d'une résistance et réactance en série, placée aux bornes où se trouve réellement son primaire. Et que cet ensemble demande un courant beaucoup plus faible que l'impédance aux bornes de son secondaire Zc .