9.4 Transformateurs réels
a) le problème des courants de Foucault
Remarquons bien que nous avons supposé ici que la résistance de nos deux bobines est négligeable, vu que nous n'avons pas tenu compte de la puissance qu'elles consommeraient. Nous avons également supposé que le flux magnétique produit n'existe que dans le noyau de fer. Ces deux hypothèses ne sont pas parfaitement vérifiées.
De plus, la variation temporelle du flux magnétique dans le noyau de fer y cause des courants de Foucault, et donc la consommation d'une puissance supplémentaire, qui peut être importante et que va, encore une fois, devoir fournir la source. Le transformateur se trouve donc à consommer une certaine puissance, dont nous n'avons pas tenu compte ici. Il reste que les transformateurs modernes remettent plus de 95% de la puissance qu'ils reçoivent, et souvent, plus de 98%. Aussi allons-nous négliger cet effet dans nos équations.
Gaulard peut sans trop de difficulté résoudre le problème de l'effet Joule dans les fils des bobines, car il lui suffit de choisir des fils dont la résistance est suffisamment faible pour que la perte de puissance dans ceux-ci soit négligeable en comparaison à la puissance transformée. Mais le problème des courants de Foucault est, lui, très sérieux. Afin de le réduire à fort peu, il forme son cadre avec une gerbe de fils de fer vernis réunis en leur extrémité un à un pour en faire un circuit magnétique complet.
Le transformateur de Gaulard est utilisé d'abord à Londres, puis à Pittsburg par Westinghouse. Dès 1883, le noyau de fer est produit à l'aide de tôles vernies plutôt que de fils de fer minces. Il est en effet beaucoup plus facile de fabriquer et d'installer ces dernières. Après un certain temps, les bobines sont préformées de telle sorte que leurs sections sont rectangulaires. Les tôles formant le noyau sont taillées en forme de E et placées dans les sections des bobines, l'une d'un côté, l'autre de l'autre, et sont ensuite rivetées ensemble. Cette façon de faire est utilisée en 1891.
b) les deux types de transformateur
Les bobines primaire et secondaire sont également superposées. Puisque le noyau est toujours mis à terre, la bobine qui porte le potentiel le plus faible est roulée d'abord. Un isolant est ensuite appliqué sur cette dernière, avant d'y rouler l'autre bobine.
Dans le cas du transformateur à colonnes, les enroulements primaire et secondaire sont placés autour des deux colonnes C du noyau N de section constante, l'enroulement au plus bas potentiel I roulé en premier, et l'enroulement au plus haut potentiel II roulé ensuite sur l'autre.
Dans le cas du transformateur cuirassé, le noyau de fer N est constitué non pas d'un seul cadre de section constante, mais de deux, collés l'un contre l'autre. Il possède donc trois colonnes C . Sa colonne centrale T a une section double du reste du cadre. C'est autour de cette dernière que les deux bobines P et S sont superposées. Il s'ensuit que les bobines sont recouvertes en majeure partie par le noyau N , d'où le terme cuirassé. Ce type de transformateur est mis au point en Amérique par William Stanley en 1886 pour Westinghouse et en Angleterre en 1887 par Ferranti. La plupart des transformateurs sont de ce type.
c) limite de la puissance apparente transformée
Il reste qu'il y a réellement un certain échauffement du transformateur dû aux effets Joule dans le noyau et dans chacune des deux bobines. C'est pourquoi en pratique un transformateur ne peut pas transformer une puissance apparente excédent une certaine valeur limite: il chauffe alors trop, et le vernis qui recouvre les fils de ses bobinages va fondre, entraînant des courts-circuits et la destruction du transformateur.
Ce problème de chauffage est réduit en le plaçant dans un cuve remplie d'huile, elle-même munie d'ailettes comme radiateurs.
d) transformateurs dévolteur et survolteur
Les transformateurs, avons-nous vu, sont, au départ, utilisés pour permettre le transport d'une puissance apparente importante à l'aide d'un courant faible. Les transformateurs qui abaissent la tension sont dits dévolteurs: ils transforment la tension V1 que reçoit leur primaire en une tension plus faible V2 aux bornes de leur secondaire.
Évidemment, rien n'empêche de renverser un transformateur et de l'utiliser ainsi pour hausser la tension: il est alors survolteur: la tension V1 reçue par le primaire est alors transformée en une tension plus haute V2 aux bornes de son secondaire. Ce rôle apparaît à partir du moment où sont construites des lignes de transmission de tension plus haute que celle des alternateurs qui la produisent. Ainsi Ferranti bâtit en 1889 des transformateurs survolteurs pour transformer la puissance active de 110 kVA reçue à 2,4 kV des alternateurs de sa station à Deptford en une à 10 kV pour son transport jusqu'à Londres.