9.7 Les alternateurs rapides
a) les turbines
Sir Charles Algermon Parsons (1854-1931) invente la turbine à vapeur et l'utilise en tandem avec une génératrice à courant continu en 1884. La pression de la vapeur agit sur une série d'ailettes montées sur un arbre rotorique et ainsi le fait tourner aussi efficacement que possible; des ailettes fixes, placées entre celles montées sur l'arbre, sont orientées de telle sorte que la vapeur frappe ces dernières le mieux possible. Cette première turbine à vapeur, utilisée pour la génération d'électricité, tourne à 1800 révolutions par minute. L'arbre de la génératrice de tension continue est commun avec celui de la turbine. La génératrice débite alors 75 A sous une tension de 100 V, pour une puissance de 7,5 kW.
Parsons produit en 1887 des turbo-alternateurs de 32 kVA de puissance apparente. Dans tout turbo-alternateur, les rotors des alternateur et turbine ont le même arbre de rotation.
Ceux qu'il produit en 1888 débitent 75 A sous une tension de 1 kV à la fréquence de 80 Hz alors que l'induit tourne à 4800 révolutions par minute devant deux pôles. Ceux qu'il produit 1891 débitent un courant de 50 A sous une tension de 2 kV à la fréquence de 80 Hz pour une même vitesse de rotation de l'induit.
En 1894, afin de pouvoir augmenter davantage la puissance produite, il bâtit ses premiers turbo-alternateurs à champ tournant, à savoir dont le stator de l'alternateur comprend les segments où la tension est induite. Les rotors tournent à 3000 révolutions par minute. Le stator débite 175 A sous une tension de 2 kV à la fréquence de 50 Hz.
L'efficacité supérieure des turbo-alternateurs fait que sir Charles ne sait fournir la demande. La compagnie Westinghouse débute leur fabrication sous licence pour les Etats-Unis et la compagnie Brown-Boveri pour l'Europe continentale. La puissance apparente produite par ses turbo-alternateurs augmente encore par la suite: 1,5 MVA sous une tension de 11 kV à 1500 révolutions par minute en 1905, puis 6 MVA sous même tension et à même vitesse dès 1906. Un turbo-alternateur moderne peut produire 1 530 MVA sous une tension de 15,6 kV: le rotor de son alternateur de quatre pôles, de 7,5 m de longueur et 1,8 m de diamètre, tourne à 1500 révolutions par minute pour produire une fréquence électrique de 50 Hz.
b) transformation de puissance réelle
Le turbo-alternateur transforme donc une puissance mécanique Pa , due à la pression de la vapeur surchauffée, en puissance électrique Pe qui, elle, est consommée par l'ensemble des résistances RT du circuit du stator. Cette puissance mécanique développe un moment de force Ma mécanique sur l'arbre de rotation commun qui tourne avec une vitesse angulaire ωR
donnée par notre équation (6.13.6).
Le courant qui circule dans chaque segment placé dans un champ magnétique y cause une force magnétique qui cherche à les faire tourner. Mais ce mouvement est impossible, puisque ceux-ci sont placés dans des encoches taillées dans les tôles empilées du noyau du stator. Les segments veulent réagir pour s'opposer au changement du flux magnétique qu'ils subissent mais la force magnétique exercée sur eux est compensée par une force de réaction de la paroi de l'encoche.
La force magnétique exercée par le champ magnétique tournant (l'agent) sur le courant du segment (patient) n'existe pas seule; la loi d'action-réaction de sir Isaac Newton exige l'existence d'une autre force, encore magnétique, égale mais de sens opposé, exercée par le courant du segment (agent) sur le pôle du champ magnétique (patient). Cette force qui agit sur les pôles du rotor cause un moment de force de réaction MR qui cherche à le ralentir; et ce, d'autant mieux que le courant I est fort.
Plus la quantité de vapeur fournie à la turbine est grande, plus la puissance mécanique Pa qui agit sur son rotor est grande, et donc plus il peut fournir une grande puissance électrique Pe . Mais cette dernière est fixée par les besoins des usagers composant le circuit de son stator. Si la puissance électrique Pe requise baisse soudainement, la puissance mécanique Pa fournie par la turbine est maintenant trop grande: l'équilibre est rompu et le moment de force de rappel MR dû au courant I produit ne compense plus le moment de force mécanique Ma : l'arbre de rotation accélère. Ce qui ne peut pas être toléré: aussitôt que l'accélération est détectée, l'ouverture des vannes d'amenée de vapeur est réduite afin de réduire la puissance mécanique appliquée Pa à la valeur de la puissance électrique Pe requise. Inversement, si la puissance électrique Pe requise augmente, les rotors ralentissent puisque le moment de force de rappel MR dû au courant I l'emporte sur le moment mécanique Ma ; et la décélération aussitôt détectée, l'ouverture des vannes d'amenée de vapeur est augmentée. La raison pour laquelle un changement de vitesse angulaire ne peut être toléré est que la fréquence électrique doit être maintenue rigoureusement à 60,0 Hz en Amérique du Nord (et 50,0 Hz en Grande-Bretagne) puisque tous les alternateurs d'un réseau sont branchés en parallèle et donc doivent avoir la même période électrique, sans quoi les tensions produites vont s'annuler.
La vapeur utilisée par les turbo-alternateurs originaux de sir Charles Parsons est produite en brûlant du charbon; ce qui est encore le cas en Grande Bretagne et aux Etats-Unis à bien des endroits. Le mazout est également utilisé comme combustible, ainsi que l'uranium dans le cas des centrales nucléaires. La centrale d'Hydro-Québec installée à Tracy, débutée en 1964 et terminée en 1968, brûle du mazout. Elle comprend quatre groupes de turbo-alternateurs de deux pôles produisant 150 MVA chacun sous une tension de 16 kV. Les rotors tournent à 3600 révolutions par minute. La centrale d'Hydro-Québec de Gentilly 2 utilise le combustible nucléaire et produit une puissance apparente de 685 MVA.