9.9 Le transport de puissance

 

a) l’utilisation de transformateurs survolteurs

 

            Nous avons vu, lors de notre étude du transformateur en charge, l'avantage du transformateur dévolteur: le courant, relativement faible, qui provient de la ligne de transmission peut alors être transporté sous une tension supérieure à la tension fournie aux usagers, et être transformé en un courant beaucoup plus considérable sous une tension plus faible par le transformateur. C'est ainsi que le turbo-alternateur bâti par sir Charles Parsons en 1888 débite un courant de 75 A sous une tension de 1 kV, et que celui de 1891, débite un courant de 50 A sous une tension de 2 kV. La tension de transport est ainsi plus élevée et la perte par effet Joule dans les fils, plus faible.

 

            La tension, sous laquelle le courant de la ligne de transmission est transporté, peut être plus élevée que celle produite par l'alternateur si celui-ci est relié à la ligne par l'intermédiaire d'un transformateur survolteur. Nous avons déjà vu que Ferranti bâtit en 1889 des transformateurs survolteurs pour transformer la puissance reçue à 2,4 kV des alternateurs de sa station à Deptford en une à 10 kV pour son transport dans une ligne souterraine jusqu'à Londres. Ses transformateurs survolteurs peuvent alors transformer une puissance active de 110 kVA.

 

 


b) câbles souterrains

 

            Son câble est composé d'un fil de cuivre interne de 160 mm2 de section qui est recouvert d'un papier imprégné de cire de 6 mm d'épaisseur comme isolant. L'ensemble est placé dans un tube coaxial de cuivre de même section, lui-même recouvert de 6 mm de l'isolant et ensuite inséré dans un tube de fer de 30 mm de rayon externe. Les courants vont et viennent dans les deux conducteurs de cuivre. La résistance de pareil système est donnée par la résistivité du cuivre utilisé, fois la somme de longueurs de chaque conducteur divisée par la section de chacun. Mais celui-ci agit également comme un condensateur vu que les surfaces interne du conducteur externe et externe du conducteur interne sont séparées par un diélectrique. Cette capacité apparaît aux bornes de la ligne reliées aux transformateurs.

 

c) câbles aériens

 

            Alors qu'en Grande-Bretagne les lignes de transmission de haute tension sont enfouies dans le sol, celles-ci sont aériennes en Amérique: les deux fils conducteurs de cuivre qui relient les deux bornes du transformateur survolteur au transformateur dévolteur sont fixées à l'aide d'isolateurs en porcelaine au haut des poteaux de bois à environ un mètre l'un de l'autre. La résistance de pareille ligne se trouve de la même façon que l'autre; mais sa capacité est énormément plus faible comme la distance entre celles-ci est tellement plus grande, tellement que nous pouvons la négliger ici.

 

            Par contre, les courants, égaux mais de sens opposés, portés par chacun des deux fils causent des champs magnétiques qui ont tendance à s'additionner dans la région qui les sépare et à s'annuler ailleurs. Pareille ligne cause donc une région de champ magnétique résultant importante, de telle sorte que la ligne agit comme une inductance non négligeable. Et alors qu'il est toujours possible de réduire la résistance de la ligne en augmentant la section des fils de cuivre, il n'est pas possible de réduire pour la peine sa réactance inductive: elle est de l'ordre de 0,5 Ω par km. Aussi une ligne aérienne apparaît essentiellement comme une résistance et une réactance inductive en série.

 

d) exemple

 

 

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Considérons un alternateur dont la tension aux bornes du primaire de son transformateur survolteur de rapport des spires 1:5 est de 2,0 kV. La tension aux bornes du secondaire de ce dernier est de 10,0 kV. La ligne de transmission qui relie le secondaire du transformateur survolteur aux primaires des transformateurs dévolteurs (qui seront représentés ici par un seul équivalent à l'ensemble de ceux-ci en parallèle) est de 39 km. Elle est constituée par un fil à l'aller et un au retour, et donc par deux fils de cuivre de même section en série. La longueur du fil équivalent est donc de 78 km. La réactance inductive de la ligne est donc de 78 km fois 0,5 Ω par km, soit de 39 Ω. Le fil de cuivre choisi a une résistance de 0,3 Ω par km environ pour une résistance totale de 23 Ω. (La section de ce fil, dont la résistivité est d'environ 2⋅10-8 Ωm, est d'environ 70 mm2 et le diamètre, d'environ 10 mm.)

 

L'impédance de 21,76 mΩ représentant les abonnés, branchée aux bornes du secondaire du transformateur dévolteur de rapport de spires 125:2, est composée d'une résistance de 19,712 mΩ et d'une réactance inductive de 9,216 mΩ en série.

 

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La résistance au secondaire du transformateur dévolteur peut être transportée à son primaire où elle apparaît comme une de résistance de 77 Ω par notre équation (9.3.6). De même la réactance inductive au secondaire peut être transportée au primaire où elle apparaît comme une réactance inductive de 36 Ω par notre équation (9.3.7). L'impédance aux bornes de ce secondaire elle-même en devient une au primaire de 85 Ω par notre équation (9.3.5).

 

Les résistances de 23 Ω de la ligne de transmission et de 77 Ω juste trouvée sont en série: la résistance totale aux bornes du secondai-re du transformateur survolteur est donc de 100 Ω. Les réactances inductive de 39 Ω de la ligne de transmission et celle de 36 Ω juste trouvée sont également en série: la réactance inductive totale aux bornes du secondaire du transformateur survolteur est donc de 75 Ω. L'impédance totale aux bornes du secondaire du transformateur survolteur est donc de 125 Ω.

 

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Puisque la tension aux bornes du secondaire du transformateur survolteur est de 10 kV, il s'ensuit que le courant débité par le secondaire est de 10 kV divisé par 125 Ω, soit de 80 A. La tension aux bornes du primaire du transformateur dévolteur est donnée par le produit du courant de 80 A fois l'impédance qui a été trouvée équivalente à ses bornes, soit 85 Ω: 6,8 kV.

 

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Puisque le rapport des spires du transformateur dévolteur est de 125:2, le courant dans son secondaire est 62,5 fois 80 A, soit 5000 A, et la tension aux bornes du secondaire, 6,8 kV divisé par 62,5, soit 108,8 V.

 

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Puisque le rapport des spires du transformateur survolteur est de 1:5, le courant dans son primaire est 5 fois 80 A, soit 400 A. La résistance au secondaire du transformateur survolteur peut être transportée à son primaire où elle apparaît comme une résistance de 4 Ω par notre équation (9.3.6). De même la réactance inductive au secondaire peut être transportée au primaire où elle apparaît comme une réactance inductive de 3 Ω par notre équation (9.3.7).

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L'impédance aux bornes de ce secondaire elle-même en devient une au primaire de 5 Ω par notre équation (9.3.5). Ce qui peut également être trouvé par le fait qu'elle est donnée par le rapport de 2 kV par 400 A.

 

Si la résistance interne du stator de l'alternateur est de 0,2 Ω et sa réactance interne, de 2,6 Ω, il s'ensuit que la résistance totale du circuit du stator est de 4,2 Ω et sa réactance interne, de 5,6 Ω. L'impédance résultante est alors de 7,0 Ω. La tension qui doit être induite dans le stator est donc de 7,0 Ω fois 400 A, soit de 2,8 kV.

 

La puissance réelle donnée au consommateur est de 77 Ω fois 80 A au carré, soit de 492,8 kW; celle consommée par la ligne de transmission, de 23 Ω fois 80 A au carré, soit de 147,2 kW. Puisque la puissance réelle totale donnée au réseau est de 640,0 kW, 77% de celle-ci est disponible aux abonnés. La puissance mécanique requise de la turbine est de 4,2 Ω fois 400 A au carré, soit de 672,0 kW.