CHAPITRE TROIS

 

 

 

COURANT ET TENSION ÉLECTRIQUES

 

 

 

            Nous avons vu dans notre premier chapitre comment le concept de charge électrique est introduit, et comment Franklin prouve que celle-ci est conservée. Nous avons également vu l'effet d'une charge sur une autre, son influence en un point et comment il est possible de charger un corps par influence ainsi que précisé la différence entre un conducteur et un isolant. Ces concepts vont tous nous être utiles dans ce chapitre, qui va nous introduire aux concepts de tension, de courant et de pile électriques.

 

            Nous avons vu plusieurs façons de déterminer si un corps est chargé ou non. Certes le meilleur appareil pour déterminer la charge est, jusqu'ici, la balance électrique de Coulomb. Mais celle-ci est peu commode: elle est en effet très délicate.

 

3.1 L'électroscope

 

            Abraham Bennet (1750-1799) invente en 1787 un nouvel instrument pour, du moins à première vue, mesurer la charge d'un corps. Il le baptise électroscope, du grec pour voir la charge. Cet appareil existe sous plusieurs variantes, dont nous allons donner ici un des meilleurs modèles.

 

fig1b.gif             Électroscope

            Notre électroscope comprend un ensemble conducteur interne placé dans un boîtier rectangulaire B , presqu'entièrement métallique, muni d'une vitre V sur un de ses côtés pour voir son intérieur et d'un trou en son sommet. Le boîtier métallique est relié à la terre E . L'ensemble conducteur interne comprend une tige de bronze T à l'extrémité inférieure de laquelle se trouvent une feuille verticale de bronze fixe F et une feuille mobile très mince en or A ; il est relié à un plateau externe en bronze P. La tige T traverse le boîtier conducteur B en son sommet à travers un bouchon isolant L . Les feuilles de bronze fixe verticale F et d'or mobile A sont initialement verticales et parallèles à deux des côtés du boîtier métallique B mis à la terre. La vitre V se trouve sur un des deux autres côtés du boîtier, de telle sorte que celle-ci permette de voir tout mouvement de la feuille d'or A . L'angle que fait la feuille d'or par rapport à la verticale peut alors être lu sur des graduations G placées sur la vitre V.

 

            (L'électroscope de Bennet avait deux feuilles d'or; le boîtier était en fait un bocal de verre dans lequel se trouvaient deux feuilles conductrices parallèles aux feuilles et mises à la terre, ce qui revient pratiquement au même.)

 

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            Si un électrophore chargé est placé sur le plateau P de l'électroscope, la feuille d'or va dévier de la verticale. Cela, parce que la charge de l'électrophore se répand, en quelque sorte, sur les deux feuilles F et A et que celles-ci, étant de même signe, vont se repousser. Mais il y a plus: ces feuilles vont attirer, de la terre sur les faces opposées du boîtier, des charges de signe opposé; et donc, non seulement la feuille d'or A est repoussée par la feuille fixe F , mais elle est attirée par les charges maintenant placées sur la surface interne du boîtier la plus proche d'elle. Ces charges de signe opposé sur la surface interne du boîtier attirent davantage des charges, de l'ensemble interne sur les feuilles F et A . L'instrument de Bennet permet donc de détecter des charges assez facilement.

 

3.2 La tension électrique

 

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            Volta se sert d'un instrument analogue en 1781. Mais voici qu'il l'utilise de façon quelque peu différente: à l'aide d'un fil conducteur, il relie le plateau P de l'électroscope à un point d'une sphère conductrice C chargée et isolée du sol. Il remarque une certaine déviation de l'angle que fait la feuille mobile A de l'appareil avec la verticale. Il remarque maintenant que la déviation de la feuille mobile A ne change pas lorsqu'il déplace son point de contact sur la sphère conductrice chargée C isolée du sol.

 

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            Il met maintenant une deuxième sphère métallique D, identique à la première mais initialement déchargée, en contact avec celle-ci. Il remarque que la feuille mobile A fait maintenant un angle avec la verticale qui est à peu près deux fois moindre qu'avant. Encore une fois, l'angle avec la verticale reste le même pour tout point de contact, et pour les deux sphères.

 

            Volta cherche à comprendre ses résultats. Il part avec le principe de la conservation de la charge. Sa première sphère C avait une charge donnée. Celle-ci a dû en perdre une partie lorsqu'il l'a mise en contact avec le plateau de son électroscope, comme celui-ci doit en avoir reçu pour que sa feuille mobile dévie. Certes, la déviation angulaire de sa feuille A doit dépendre de sa charge. Quand il met les deux sphères en contact, la charge doit maintenant se répartir sur les deux sphères et l'électroscope: il y en a donc moins pour chacun, à peu près la moitié moins, et donc l'angle de déviation de la feuille d'or avec la verticale n'est plus que la moitié de ce qu'il était.

 

            Mais les deux sphères en contact ne font-elles pas un seul corps électrisé conducteur? Et sa charge n'est-elle pas essentiellement la même que celle de la sphère conductrice originale?

 

            L'électroscope, ainsi branché, ne mesure pas la charge du corps conducteur auquel son plateau est relié: en effet la charge est la même sur l'ensemble des deux sphères métalliques en contact que sur la sphère originale alors que la déviation angulaire est différente. Que mesure-t-il alors? Quelque chose qui a diminué de moitié lorsque deux corps conducteurs identiques ont porté la charge que l'un seulement portait. Ou, dit autrement, quelque chose qui diminue de moitié quand la charge du corps particulier C diminue de moitié.

 

            La charge électrique placée sur la sphère C est d'un même signe: ses parties se repoussent donc; et ce, d'autant plus que la charge est grande. Les forces électriques qui cherchent à les repousser les unes des autres sont donc d'autant plus fortes que chacune des parties est fortement chargée. Mais les parties en question ne sont pas repoussées. Il faut donc qu'il existe une force de cohésion qui retienne chaque partie chargée sur la sphère.

 

            La même chose se produit lorsqu'on suspend une charge à un ressort: des forces apparaissent dans ce dernier, qui cherchent à l'étirer; mais il y a une force de cohésion, sa tension, qui les contrecarre et maintient ensemble les parties du ressort. Cette tension requise doit être, pour un ressort donné, d'autant plus grande que la charge qu'il supporte est grande.

 

            Volta décide donc d'appeler tension électrique Te cette "force" requise pour tenir ensemble la charge Q de la sphère, "force" qui est d'autant plus grande que la charge qui s'y trouve est grande

La tension électrique Te a donc diminué de moitié quand la charge Q de la sphère C a diminué de moitié.

 

            Il remarque que la tension électrique a une différence importante d'avec la tension d'un ressort; alors que celle du ressort est toujours positive, la tension électrique est négative si la charge du corps est négative.

 

            Volta reprend ses expériences. Lors de la charge d'une sphère conductrice C avec son électrophore, il remarque une étincelle entre l'électrophore et la sphère juste avant que ceux-ci ne se touchent. Après contact, le sphère conductrice reçoit une charge Q et donc a une tension électrique Te , mesurée comme une déviation angulaire de la feuille d'or de son électroscope. Il remarque qu'une seconde sphère D, déchargée, ne cause pas de déviation angulaire de la feuille d'or avec la verticale de son électroscope. Et, puisqu'elle est déchargée, elle n'a pas de tension électrique selon notre équation (3.2.1). Il amène la seconde sphère conductrice D en contact avec sa première: il remarque à nouveau une étincelle entre les deux sphères juste avant qu'elles se touchent. Il sait que l'étincelle indique le passage du fluide électrique d'un corps à l'autre. C'est donc l'indication d'un transfert de charge d'un corps à l'autre. Il remarque, encore une fois, que la déviation angulaire de la feuille d'or de son électroscope avec la verticale n'est plus que la moitié, situation dans laquelle la charge de l'ensemble des deux sphères est la même mais la tension électrique sur chaque est la moitié. Il remarque que la déviation angulaire de la feuille d'or de son électroscope avec la verticale ne change pas s'il éloigne les deux sphères l'une de l'autre et ce, quelle que soit la sphère reliée à son électroscope. Et, s'il les remet en contact, il n'y a pas d'étincelle entre elles juste avant le contact.

 

            Volta peut donc conclure que son électroscope, mis en contact avec un corps conducteur, ne mesure pas sa charge mais bien sa tension électrique puisque c'est elle qui a diminué de moitié. Il peut conclure également qu'il n'y a pas de transfert de charge (vu qu'il n'y a pas d'étincelle) entre deux conducteurs qui ont même tension électrique. Ce qui est fort raisonnable, comme la force de tension électrique qui les retient est aussi forte sur l'une que sur l'autre; mais qu'il y a transfert de charge (vu la présence de l'étincelle) entre deux conducteurs qui n'ont pas même tension électrique, comme les forces de tension électrique ne sont pas égales. Ce n'est que lorsque les tensions électriques des deux corps en contact se seront égalisées que le mouvement de fluide électrique cessera.

 

            Volta imagine alors une autre analogie de la tension électrique: la tension élastique de la membrane qui retient l'air à l'intérieur d'un ballon. Celle-ci équilibre la pression de l'air qui presse contre elle, tout comme la tension élastique du ressort équilibre le poids suspendu. Cette tension élastique doit être constante partout sur la membrane du ballon puisque la totalité de celle-ci subit la même pression de l'air. De même la tension électrique doit être partout constante sur la surface du conducteur puisqu'il y a même pression (de charges) électrique. Comme il existe souvent des points faibles sur les surfaces des membranes, points où se produisent à des pressions trop fortes des fuites d'air, il existe des points faibles sur les surfaces conductrices, points où se produisent à des pressions électriques trop fortes des fuites de fluide électrique.

 

            Les aigrettes et les étoiles se produisent donc lorsque la pression électrique à la surface du corps conducteur excède la tension électrique possible en ce point de la surface: comme la tension électrique n'équilibre plus la pression électrique, le fluide fuit alors la surface.

 

            Il s'ensuit de cela que toutes les parties d'un ensemble conducteur doivent sentir la même tension électrique. Toute la surface d'un corps ellipsoïde chargé doit être sous la même tension électrique; et c'est bien ce que l'électroscope indique: la déviation angulaire de sa feuille d'or d'avec la verticale reste la même quel que soit le point du corps électrisé conducteur en contact avec son plateau.

 

            L'électroscope mesure donc la tension électrique du corps auquel il est relié. Mais celle-ci ne cause souvent qu'une très faible déviation de la feuille d'or, si faible qu'elle est très difficile à mesurer.

 

3.3 Le "condensateur" de Volta

 

            Volta charge avec son électrophore une grosse bouteille de Leyde. Il remarque que la déviation de la feuille d'or de son électroscope est très faible lorsque la bouteille est reliée à son plateau, trop faible pour être bien mesurée. Son électroscope n'est pas assez sensible.

 

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            Aussi décide-t-il d'inventer en 1782 ce qu'il appelle le "condensateur". Une plaque métallique M , de dimensions un peu plus petites que celles du plateau métallique P de son électroscope, est recouverte, sur une surface, avec une mince couche de vernis N . Elle est ensuite reliée à la terre (et donc au boîtier de l'électroscope). Il la place sur le plateau de son électroscope, avec sa surface vernie N en contact avec ce dernier. Son "condensateur" comprend en fait trois éléments: le plateau conducteur P de l'électroscope, le vernis isolant N , et la plaque conductrice M placée sur le plateau.

 

            Il se forme une étincelle juste avant qu'il ne relie sa bouteille de Leyde au plateau P de son électroscope, comme la tension électrique de la bouteille n'est pas la même que celle du plateau de l'électroscope. Puis, une fois que le fluide électrique a cessé de couler, la tension électrique est la même sur le plateau de l'électroscope et sur la bouteille de Leyde, et la feuille d'or de son électroscope dévie très légèrement puisque la charge Qe sur les feuilles F et A de l'électroscope est très faible. La tension Te de la bouteille de Leyde est devenue celle de l'électroscope; et ainsi, la charge Qe est apparue sur ses feuilles.

 

            Les charges (disons positives) de la bouteille ne se sont pas seulement placées sur les feuilles F et A comme auparavant, mais également, et en plus grand nombre, sur la surface supérieure du plateau P devant la mince couche de vernis. En effet, les charges qui viennent se placer sur le plateau P attirent sur la plaque M des charges de signe opposé, qui viennent de la terre, comme celle-ci lui est reliée. Ces charges, ici négatives, attirent elles-mêmes de nouvelles charges positives de l'ensemble interne de l'électroscope relié au plateau. La très faible épaisseur du vernis N qui retient les charges de signe opposé sur leurs plaques P et M respectives fait que presque toutes les charges positives de l'ensemble viennent s'y condenser: d'où le terme condensateur inventé par Volta en 1782. L'effet d'attraction de charges de signe opposé est d'autant plus grand que la distance qui les sépare est plus faible; ce qui est le cas dans cette région, et non pas dans la zone interne du boîtier entre les feuilles F et A et les murs du boîtier qui leur sont parallèles.

 

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            L'électroscope lui-même, le condensateur et la bouteille de Leyde sont tous reliés, et donc tous sous même tension, si faible que la feuille A ne bouge presque pas.

 

            Volta débranche maintenant la bouteille de Leyde de l'ensemble condensateur-électroscope, dont la charge Q est principalement sur le condensateur (environ 99%) et légèrement sur les feuilles de l'électroscope (charge Qe d'environ 1% de la charge Q totale). Puis il soulève la plaque M du condensateur, plaque qui est reliée à la terre: la feuille A dévie davantage. Il l'enlève complètement: l'angle de déviation de sa feuille d'or A d'avec la verticale est agrandi par un facteur d'une centaine!

 

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            Volta sait que l'attraction des charges de signe opposé diminue avec la distance; en éloignant la plaque M de son condensateur de la plaque P , il se trouve à diminuer la condensation de charges sur la plaque P , puisque celles-ci peuvent aller sur les feuilles F et A . C'est ce qui se passe; et, à la limite, quand la plaque M a été éliminée, le condensateur a été éliminé et toute la charge Q est sur son électroscope. Puisque la charge sur les feuilles de l'électroscope est maintenant cent fois plus grande qu'avant, il s'ensuit que sa tension Te l'est également, et est donc plus facile à mesurer, puisque l'angle de déviation de la feuille A d'avec la verticale est plus facile à mesurer. Volta vient donc de mettre au point une méthode simple de mesurer de faibles tensions électriques.

 

3.4 La pile électrique

 

            En 1780, un assistant de Luigi Galvani (1737-1798) approche un scalpel d'acier des nerfs cruraux d'une grenouille fraîchement tuée alors qu'une machine électrostatique est en opération dans la pièce: la grenouille subit alors une violente contraction musculaire. Cette contraction a lieu lorsqu'une étincelle se produit entre le nerf et le bout du scalpel. Ce que Galvani vérifie lui-même aussitôt.

 

Galvani considère d'abord que l'effet est dû à l'électricité produite dans l'atmosphère par sa machine électrostatique. Aussi tente-t-il l'expérience dans d'autres conditions. Il trouve que l'effet de convulsion a lieu seulement avec certains métaux; et la force de la convulsion varie selon le métal employé. L'effet n'a pas lieu avec les isolants et se produit tout aussi bien en absence d'électricité dans l'atmosphère. Il en conclut que l'électricité responsable de la convulsion doit être dans l'animal.

 

Galvani continue l'étude de cet effet. Il remarque en 1786 qu'il y a une convulsion chaque fois qu'une connection est faite entre les nerfs et les muscles à l'aide d'un arc métallique préférablement constitué de deux métaux différents. Et il comprend cet effet, qui prend le nom de galvanisme en 1797, comme le transport de fluide électrique des nerfs aux muscles à travers le conducteur, les nerfs et muscles agissant comme une bouteille de Leyde, qui se décharge à l'aide du conducteur.

 

Volta n'est pas du tout de cet avis. Pour lui, il est impossible que la grenouille soit chargée comme une bouteille de Leyde; mais, conductrice comme le corps humain, elle ne fait que réagir au passage du fluide électrique qui vient de l'extérieur. Pour Volta donc, la cuisse de grenouille n'est que le détecteur d'un effet électrique.

 

            En 1793, Volta reprend les expériences de Galvani et en ajoute de nouvelles, grâce à son électroscope rendu cent fois plus sensible par son condensateur. Il presse deux conducteurs métalliques l'un sur l'autre: il remarque qu'il existe une tension électrique entre eux. Cette tension électrique n'est pas la même dans le cas de la paire cuivre-fer que dans le cas de la paire cuivre-zinc, et donc dépend de la paire de métaux employés. Il trouve la tension électrique causée par chaque paire de métaux en contact. Il place maintenant plus de deux métaux en contact. Il trouve que la tension aux bornes de l'ensemble, soit celle entre le premier et le dernier, est la même que si ces deux métaux étaient seuls en contact. Il mesure que le zinc est positif par rapport au cuivre, par exemple. Ces métaux qui, en contact, ont une tension électrique en eux, forment ce que Volta nomme la première classe des conducteurs.

 

            Volta ne trouve pas de tension aux bornes d'une paire de conducteurs dont l'un est un métal et l'autre un liquide conducteur (dans lequel il est immergé) en faisant contact avec le métal d'une part et le liquide d'autre part. Volta considère alors les liquides conducteurs comme faisant partie de la seconde classe des conducteurs, puisqu'ils ne causent pas de tension électrique.

 

            La tension électrique apparaît donc lorsque deux métaux de la première classe sont en contact. Si ces deux métaux, déjà en contact sur une surface, sont réunis également par la patte de la grenouille, qui est un conducteur de la seconde classe, du fluide électrique va y couler, causant la convulsion au moment du contact. Mais le fluide électrique ne cessera pas, argumente Volta, car la tension électrique causée par le contact des métaux va demeurer. Il donne maintenant au fluide électrique le nom de courant électrique et à cette tension électrique entre les métaux, celui de force électromotrice, puisqu'elle met les charges en mouvement. Tant et aussi longtemps qu'un ou des conducteurs forme(nt) une boucle qui comprend la force électromotrice due aux deux conducteurs de la première classe en contact, il y aura courant électrique dans le circuit ainsi formé. Mais celui-ci est très faible et n'a aucun effet mesurable intéressant. Aussi le travail de Volta n'est guère utile.

 

            En 1800, Volta construit ce qu'il baptise la pile électrique. Celle-ci est formée en empilant plusieurs fois des ensembles de trois conducteurs: un disque de zinc sur lequel est placé un disque de cuivre (deux conducteurs de la première classe, entre lesquels il existe une tension électrique), et sur ce dernier, un carton imprégné d'une solution saline (un conducteur de la seconde classe, qui ne cause pas de tension entre lui et un conducteur de la première). Il remarque que s'il place deux de ces ensembles l'un sur l'autre, la tension aux bornes extrêmes est doublée.

 

            La pile électrique construite par Volta comprend 20 ensembles en série. Nous avons vu dans notre chapitre un, et encore dans celui-ci, que l'étincelle est le signe d'un mouvement de fluide électrique dans l'air, d'un courant électrique dans l'air. Volta remarque une petite étincelle continue entre une des bornes de sa pile et un fil conducteur relié à l'autre, si ces deux sont proches l'une de l'autre. C'est donc que sa pile fournit un courant électrique continu, contrairement à une bouteille de Leyde, qui cause de fortes étincelles, et donc de forts courants électriques, mais qui ne durent qu'un instant.

 

            La même année, sir Humphrey Davy (1778-1829) remarque que la pile de Volta ne fonctionne que si le liquide entre les plaques peut oxyder le zinc; de cela il conclut que le processus qui cause la force électromotrice de la pile doit être de nature chimique.

 

            En 1801, Johann Wilhelm Ritter (1776-1810) charge des bouteilles de Leyde avec une pile de Volta. Il montre que les électricités produites aux pôles de la pile sont, l'une positive, l'autre, négative et qu'elles agissent exactement comme les électricités produites par les machines électrostatiques. C'est donc que la force électromotrice de la pile fait circuler du fluide électrique pour charger, en quelque sorte, la bouteille de Leyde, comme la machine électrostatique y amène des charges.

 

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            La pile électrique cause donc un mouvement de fluide électrique, ce que Volta avait baptisé le courant électrique, si ses bornes sont reliées ensemble par des conducteurs. Nous représentons la force électromotrice d'une pile par le symbole trouvé dans le croquis ci-contre: la barre la plus longue représente la borne positive de la pile; la barre plus courte et plus épaisse, sa borne négative. Dans le fil conducteur, le courant électrique I circule de la borne positive à la borne négative.

 

3.5 La découverte de l'électrolyse

 

            En 1800, pour obtenir de bons contacts électriques entre les bornes de leur pile électrique et leurs fils conducteurs, William Nicholson (1753-1815) et sir Anthony Carlisle (1768-1840) placent une goutte d'eau, un assez bon conducteur, à chacun des points où fils et bornes se rencontrent. Ces gouttes d'eau jouent alors le même rôle que la soudure aujourd'hui. Ils remarquent alors que des petites bulles de gaz s'échappent des gouttes d'eau conductrices lorsque la pile électrique fonctionne.

 

            Ils décident alors de placer les deux fils reliés aux deux bornes de la pile dans un bocal d'eau. Ils remarquent que des gaz sont produits autour des deux fils immergés. Ils recueillent les gaz produits: celui au fil négatif brûle dans l'air; celui au fil positif entretient la combustion. Ils trouvent que le gaz au fil négatif est de l'hydrogène, gaz identifié par Henry Cavendish (1731-1810), et que le gaz collecté au fil positif est de l'oxygène, découvert par Priestley en 1774.

 

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            Ils remarquent, en utilisant des fils de platine, que le volume d'hydrogène est le double de celui de l'oxygène. Ils comprennent qu'ils viennent de décomposer l'eau en ses deux constituants, l'oxygène et l'hydrogène. Cavendish, lui, avait uni les mêmes gaz dans ces mêmes proportions pour en faire de l'eau sous l'action d'étincelles électriques.

 

            William Hyde Wollaston (1766-1828) montre en 1800 que l'eau se décompose aussi bien par l'électricité produite par une machine électrostatique que par une pile de Volta: ces deux "machines" permettent donc de créer toutes deux des courants électriques.

 

            Encore en 1800, sir Humphrey Davy remarque que plus l'oxydation des plaques de sa pile est importante pour un temps donné, plus celle-ci est capable de décomposer de l'eau ou de donner des chocs électriques importants. En 1807, par décomposition électrique, il produit le potassium à partir de la potasse en fusion ainsi que le sodium à partir de la soude en fusion; en 1808 il produit le baryum, le strontium, le calcium et le magnésium.

 

En 1806, Theodor von Grothuss (1785-1822) suggère que les fils, chargés par la pile électrique, décomposent, par action électrique, les molécules dans leur voisinage. Dans le cas des molécules d'eau, le fil positif attire l'oxygène d'une molécule, chargé négativement, et repousse l'hydrogène de la même molécule, chargé positivement, la brisant ainsi; le fil négatif attire l'hydrogène positif d'une autre molécule et en repousse l'oxygène négatif, brisant lui-aussi la molécule. Évidemment, ces forces électriques diminuent avec la distance de chaque fil chargé. La partie attirée par le fil est dégagée sous forme de gaz, dans notre cas; l'autre partie, chargée, attaque la molécule voisine et en cause la décomposition. Toutes les molécules sont décomposées, l'une après l'autre. Mais, dans la plupart des cas, soit hors de la région proche des fils, l'oxygène négatif et hydrogène positif se recombinent pour refaire de l'eau vu leur force d'attraction.

 

3.6 L'arc électrique

 

            Nous avons vu que la pile électrique de Volta a permis de produire des étincelles, une manifestation, dans l'air, du courant électrique qu'elle produit. Davy obtient des étincelles de grande taille en 1802 avec une pile électrique comprenant 120 éléments en zinc et 120 en argent. Il remarque que l'étincelle est beaucoup plus forte et blanche lorsque celle-ci a lieu, dans l'air, entre deux pièces de charbon calciné. Il a découvert l'arc électrique. En 1808, il réussit, avec une pile plus forte qui comprend 2000 éléments en zinc et autant en cuivre, à produire un arc électrique tellement intense qu'il fait fondre le platine placé sur son parcours; il fond le quartz et le saphir et volatilise le diamant. L'arc électrique produit une lumière très brillante mais demande un courant électrique important; ce que la plupart des piles électriques ne peuvent produire, surtout pendant des intervalles de temps considérables.

 

3.7 La contribution d'Oersted

 

            Nous avons vu qu'une pile électrique cause un courant électrique I grâce à sa force électromotrice . Cette dernière est une tension électrique, mesurée par un électroscope et le condensateur de Volta. Le courant électrique, lui, n'est mesuré, en quelque sorte, que par l'intensité de l'étincelle produite entre deux pointes très rapprochées qui font partie du circuit. Il est alors montré que la décomposition électrique, que Faraday baptise électrolyse en 1833, n'a lieu que s'il y a une étincelle. Il faut donc un courant électrique pour qu'il y ait électrolyse.

 

            Il avait été remarqué à plusieurs reprises que les objets de fer frappés par la foudre devenaient magnétisés. Et nous avons vu dans notre chapitre un que la foudre n'est qu'une gigantesque étincelle. Il se pourrait bien que ce soit vraiment le courant électrique qui ait causé la magnétisation en question, et donc que le courant électrique agisse sur les boussoles, par exemple. Il avait déjà été remarqué que les boussoles s'affolent durant les orages.

 

            En 1819, Hans Christian Oersted (1777-1851) décide d'examiner si le courant électrique exerce vraiment une force magnétique sur une boussole. Il utilise un long fil rectiligne dans lequel il fait passer le courant dû à une pile électrique. Il suppose que le fil devient alors un aimant dont les pôles sont aux bouts, sous l'action du courant qui le parcourt. Dans ce cas il devrait créer un champ magnétique le long de son axe. Il place alors son fil selon un axe est-ouest. Sa boussole pointe, normalement, vers le nord, vu l'attraction magnétique terrestre. Il branche son fil aux bornes de sa pile électrique et espère voir son aiguille dévier dans le sens

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du champ magnétique qu'il espère trouver, soit selon l'axe est-ouest. Il est déçu: la boussole ne bouge pas.

 

            Il décide alors d'essayer autre chose: il place son fil électrique le long de l'axe nord-sud, parallèle au champ magnétique terrestre, et le branche aux bornes de sa pile électrique de telle sorte que son courant circule vers le nord. Le pôle nord de sa boussole, placée en dessous du fil électrique, tourne alors et pointe vers le nord-ouest, à sa grande surprise (cas A ). Il remarque aussitôt que sa boussole pointe vers le nord-est si le courant circule vers le sud (cas B ); et que la boussole pointe vers le nord-ouest si elle est placée au-dessus du fil plutôt qu'en-dessous si le courant va vers le sud (cas D ), et vers le nord-est si celui-ci va vers le nord (cas C ).

 

            C'est donc que, lorsqu'il circule vers le nord, le courant du fil cause, dans la région sous lui, un champ magnétique BI vers l'ouest qui, superposé au champ magnétique terrestre BT , fait pointer le pôle nord de la boussole vers le nord-ouest; et, dans la région au-dessus de lui, un champ magnétique BI vers l'est qui, lorsque superposé au champ magnétique terrestre BT , fait pointer le pôle nord de la boussole vers le nord-est.

 

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            Et que, lorsque le courant circule vers le sud, il cause, dans la région sous lui, un champ magnétique BI vers l'est qui, superposé au champ magnétique terrestre BT , fait pointer le pôle nord de la boussole vers le nord-est; et, dans la région au-dessus de lui, un champ magnétique BI vers l'ouest qui, lorsque superposé au champ magnétique terrestre BT , fait pointer le pôle nord de la boussole vers le nord-ouest.

 

            Voilà évidemment pourquoi Oersted n'avait pas remarqué de déviation de l'aiguille de sa boussole dans le cas où son fil était orienté selon l'axe est-ouest: son champ magnétique BI était alors selon l'axe nord-sud, dans le même sens que le champ magnétique terrestre BT.

 

            Oersted remarque, dans le cas où le courant circule vers le nord, que l'angle θ fait par la boussole avec le nord est le même que la boussole soit placée au-dessus ou en dessous du fil, tant et aussi longtemps qu'elle est à même distance du fil.

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Puisque la tangente de cet angle est donné

par le rapport des champs, et que le champ terrestre ne varie pas, il s'ensuit que la grandeur du champ BI dû au courant ne varie pas pour une même distance d au fil.

 

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            Le champ magnétique BI , dû au courant qui circule dans un long fil rectiligne, est donc constant sur un cercle coaxial au fil, et son sens sur le cercle est donné par la règle suivante: si le pouce de notre main droite pointe dans le même sens que le vecteur courant qui coule dans ce long fil rectiligne, le sens de rotation de son vecteur champ magnétique est donné par le sens de rotation dans lequel pointent les doigts de cette main.

 

            Oersted enferme sa boussole dans une boîte de cuivre placée à terre: la boussole dévie comme si elle n'était pas enfermée. Comme les charges électriques extérieures à pareille boîte n'agissent pas sur ce qui s'y trouve, il conclut que ce qui agit sur sa boussole n'est pas électrique, mais bel et bien magnétique.

 

3.8 La contribution de Biot et Savart

 

a) montage utilisé pour mesurer le champ magnétique

 

            François Arago (1786-1853) annonce en France la découverte d'Oersted le 11 septembre 1820. Jean-Baptiste Biot (1774-1862) et Félix Savart (1791-1841) retrouvent aussitôt les résultats d'Oersted. Mais ils cherchent en plus à mesurer la grandeur de la force magnétique Fm subie par les pôles de la boussole lorsque placée à une distance d d'un long fil rectiligne.

 

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            Mais comment mesurer la grandeur d'un champ magnétique? Ils placent leur boussole au bout d'un fil de suspension et la laisse s'orienter librement: celle-ci tourne et pointe, comme nous avons vu dans notre section (1.12), dans le sens du champ magnétique, le champ magnétique terrestre par exemple, dans ce cas où il n'y a pas de courant.

            Ils tournent maintenant d'un angle β la tête du fil de suspension de telle sorte que la boussole, suspendue à l'extrémité inférieure du fil, soit à angle droit avec le champ. La boussole, attachée à l'extrémité inférieure du fil, n'a donc tourné que d'un angle de 90° alors que la tête du fil a, elle, tourné d'un angle β : le fil lui-même a donc été tordu d'un angle de torsion θ

donné par la différence de ces deux angles.

 

            Le moment de force résultant MR , qui est dû à deux moments de force Mm causé par le champ magnétique B sur la boussole, est alors

fig18c.gif

puisque les deux forces magnétiques Fm , égales, à angle droit avec le bras de levier R , sont données par notre équation (1.12.4).

 

            Le fil, avons-nous vu, a dû être tordu d'un angle θ pour mettre notre boussole à angle droit avec le champ. C'est alors que le moment de torsion Mt du fil de suspension, au bout duquel se trouve la boussole, se trouve à égaler le moment de force magnétique résultant MR .

 

            La mesure de l'angle de torsion θ requis pour amener la boussole à angle droit avec le sens du champ magnétique

est donc une mesure de la grandeur du champ magnétique là où elle se trouve.

 

b) sens et grandeur du champ magnétique d’un courant rectiligne

 

            Ils laissent de nouveau leur boussole libre de s'orienter à sa guise. Ils font couler un courant électrique dans leur long fil rectiligne placé juste en dessous de leur boussole. Celle-ci change d'orientation. C'est donc qu'elle subit le champ magnétique du courant en plus du champ magnétique terrestre. Ils remarquent que c'est lorsque le courant du fil coule vers l'ouest que leur boussole pointe strictement vers le nord.

 

            Ils utilisent la méthode décrite plus haut pour mesurer le champ magnétique résultant là où se trouve leur boussole; le champ magnétique dû au courant seul est la différence des deux valeurs trouvées si les deux champs magnétiques sont, comme dans ce cas, de même sens.

 

            Biot et Savart vérifient ainsi que le champ magnétique décrit bien des cercles, dont l'axe est le fil rectiligne parcouru par le courant électrique I , comme l'avait trouvé Oersted. Ils trouvent, également, que le champ magnétique trouvé dans la région centrale du fil rectiligne

va comme l'inverse de la distance d au fil.

 

c) proportionnalité entre le champ magnétique et le courant qui le cause

 

            Ils trouvent qu'il leur faut tordre le fil de suspension par un angle de torsion supplémentaire θ1 pour placer la boussole à angle droit avec le champ lorsque le fil est parcouru par un courant I1 quelconque; de même, qu'il leur faut tordre le fil par un angle de torsion supplémentaire θ2 lorsqu'il est parcouru par un courant I2 , ces deux courants étant, tous deux, inconnus. Ils remarquent que l'angle de torsion requis supplémentaire θR pour amener la boussole à angle droit avec le champ lorsque les deux courants coulent à la fois est donné par la somme des deux angles trouvés préalablement

alors que le courant est certes également la somme des courants précédents

            Le champ magnétique est proportionnel à l'angle de torsion; il s'ensuit que le champ magnétique résultant BR , provenant des courants, est donné par la somme des champs magnétiques précédents

qui sont, eux, causés par ces courants dont la somme donne le courant résultant.

 

            Ceci n'est théoriquement possible que si le champ magnétique trouvé en un point est proportionnel au courant I qui coule dans le fil

puisque le champ magnétique résultant est alors donné par la somme des champs

grâce à nos équations (3.8.9), (3.8.7) et (3.8.8); calcul bien en accord avec l'expérience.

 

            Biot et Savart ont donc montré que le champ magnétique B spécifique au courant, en un point situé à une distance d d'un long fil rectiligne, dans lequel circule ce courant I ,

est à la fois proportionnel à l'intensité de ce courant (notre équation (3.8.9) et inversement proportionnel à la distance d (notre équation 3.8.5).

 

d) montage pour mesurer le courant

 

            La mesure de l'angle de torsion requis pour amener la boussole à 90° avec le champ est une mesure du champ magnétique là où se trouve la boussole, nous dit notre équation (3.8.4). Et la mesure du champ magnétique à un endroit donné, une mesure du courant dans le fil, nous dit notre équation (3.8.9). Biot et Savart ont maintenant une méthode pour mesurer l'intensité du courant qui coule dans un fil: il est proportionnel à l'angle de torsion requis pour amener la boussole à angle droit avec le champ là où elle se trouve.

 

fige.gif

            Johann Salomo Christoph Schweigger (1779-1857) invente, encore en 1820, afin de mesurer plus facilement des faibles courants, un montage qu'il appelle le multiplicateur: il bobine autour d'un cadre rectangulaire N tours de fil isolé et place sa boussole en son milieu de telle sorte qu'elle soit à même distance d des deux portions de fil horizontales. Le courant I qui circule dans chaque portion horizontale cause alors le même champ magnétique BI dans la même direction sur la boussole: si le courant va vers le sud dans la portion supérieure du cadre, son champ est alors vers l'est sur la boussole alors sous lui. Puisque le courant revient alors vers le nord dans la portion inférieure du cadre, son champ est également vers l'est sur la boussole placée au-dessus de lui.

 

qwa3.gif                     Multiplicateur

            Et cet effet est multiplié N fois puisque le même courant circule dans les N tours de fil. Le champ résultant vers l'est dû au courant I est alors 2 N fois plus grand que dans le cas d'un seul fil et l'angle θ fait avec le nord par la résultante de ce champ et du champ magnétique terrestre, donné par notre équation (3.7.1), est plus important. C'est d'ailleurs ce que Schweigger remarque expérimentalement avec une bobine de 100 tours placée selon l'axe nord-sud pour mesurer ainsi les courants. Le voilà avec un montage qui lui permet de mesurer facilement le courant vu qu'il n'a pas à tordre de fil, mais seulement à mesurer l'angle que fait sa boussole avec le nord. André Marie Ampère (1775-1836) baptise aussitôt galvanomètre le multiplicateur de Schweigger.

 

 

 


3.9 La contribution d'Ampère

 

a) attraction et répulsion de courants

 

            Nous avons déjà remarqué dans notre chapitre premier que le fer doux s'aimante une fois placé aux alentours d'un aimant permanent; et qu'il a tendance à s'orienter dans le sens du champ magnétique qui existe là où il se trouve, s'il a la forme d'une aiguille. Aussi des fines parcelles de limaille de fer doux s'orientent alors toutes selon le sens du vecteur champ magnétique, présent là où elles se trouvent. Qui plus est, comme elles s'attirent l'une l'autre, elles ont tendance à se placer à la suite, à la queue-leu-leu, suivant la direction du champ magnétique local. Elles se trouvent ainsi à rendre visible ce que Faraday baptise en 1831 les lignes de force magnétique: la forme du champ magnétique dû, dans notre cas, à un aimant permanent.

 

figw1210.gif

            En 1820, Arago montre qu'une bobine de courant cause l'aimantation d'une aiguille de fer doux. Mais en plus, que celle-ci agit sur la limaille de fer doux tout comme l'aimant permanent, et y cause des formes très similaires. La bobine semble donc avoir des pôles, nord et sud, tout comme un aimant, tant et aussi longtemps qu'il y circule un courant. Ces pôles se situent sur son axe, de chaque côté. Dans le cas d'une bobine dont le courant coule dans le sens anti-horaire dans le plan horizontal, le pôle nord se trouve au-dessus, et son pôle sud, en dessous.

 

            Ampère montre alors que deux bobines agissent exactement comme deux aimants, qui s'attirent ou se repoussent selon le sens de rotation de leur courant. Supposons deux bobines superposées avec des courants dans le même sens: dans ce cas, les pôles se suivent, disons, nord-sud et nord-sud. Les pôles avoisinants des deux bobines étant différents, les bobines s'attirent.

 

            Supposons maintenant que le sens de rotation de leur courant soit opposé. Les pôles se suivent alors, disons, nord-sud et sud-nord. Les pôles avoisinants des deux bobines sont identiques et celles-ci se repoussent.

 

            Oersted, Biot et Savart ont montré qu'un courant cause une force magnétique sur une boussole, Ampère vient de montrer que deux courants s'attirent et se repoussent comme deux aimants. Il montre, le 18 septembre 1820, que deux longs fils rectilignes, proches et parallèles, s'attirent si leurs courants sont de même sens, et se repoussent s'ils sont de sens opposés.

 

b) balance de courant

 

             Pour ce faire, il fixe un fil rectiligne mobile, de longueur L , au-dessus d'un autre fil fixe et plus long, de telle sorte qu'il ne surplombe que la région centrale du fil fixe. Il ajuste le fil mobile de longueur L à une distance d du premier à l'aide d'un balancier.

 

fig20c.gifBalance de courant

            Il fait passer maintenant un courant I1 dans le fil fixe et un courant I2 dans le fil mobile. Il remarque que les deux fils s'éloignent si les courants sont de sens contraires; c'est donc que le fil mobile subit une force magnétique de répulsion Fm . Il place une petite masse m sur le fil mobile de telle sorte que celui-ci revienne à sa position originale, à la distance d du fil fixe. La force magnétique Fm est alors contrée exactement par le poids P de la petite masse m . Il peut donc la mesurer. Refaisant cette expérience pour des courants différents qu'il peut additionner, et pour des distances d différentes ainsi que pour des longueurs L différentes, il trouve que la force magnétique subie par le fil mobile de longueur L

est proportionnelle à celle-ci; qu'elle est inversement proportionnelle à sa distance d du fil fixe; et proportionnelle au produit des courants I1 et I2 .

 

            Évidemment, il est possible de faire couler le même courant dans chacun des deux fils; isoler le courant de notre équation précédente nous donne

une relation où celui-ci dépend de deux longueurs, d'un poids et de la constante km . Il s'ensuit qu'une fois la valeur de la constante fixée, la valeur du courant est calculée en fonction de ces paramètres.

 

c) définition de l’ampère et du coulomb

 

            Aussi est-il décrété, mais cela seulement en 1881, que, par définition de l'unité de courant nommé ampère et noté par la lettre A , la constante km vaut 2⋅10 - 7 N / A 2 . Si la force magnétique subie par un fil mobile de 200 mm de longueur et distant de 1 mm du fil fixe est de 4⋅10-5 N, il s'ensuit que le courant qui traverse les deux fils est de 1 A exactement.

 

            Nous avons vu (à la section 3.4) que la décharge d'une bouteille de Leyde cause un courant électrique. Il s'ensuit que le courant électrique I est un mouvement de charges.

 

            Une machine électrostatique, avons-nous vu, amène des charges sur une sphère, par exemple, à un taux constant dQ / dt si sa manivelle est tournée à vitesse constante. Elle se trouve donc à causer un mouvement de fluide électrique à ce taux. C'est ce taux de mouvement de fluide électrique qui est le courant électrique

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            L'unité de la charge, le coulomb, est maintenant bien définie comme étant le produit de l'unité de courant électrique, l'ampère, par l'unité de temps, la seconde: C = A ⋅ s ; et le volt, comme un joule par coulomb: V = J / C .

 

d) courant et tension

 

            Ampère éclaircit le rôle de la tension et du courant électriques, encore peu clairs à l'époque, malgré le travail de Volta. Il monte un circuit électrique comprenant une pile électrique et un bac à électrolyse, reliés par deux fils conducteurs. Il place un électroscope entre les points A et B , les bornes de la pile électrique, alors que le second fil conducteur n'est pas relié à la borne du bac en D . Il remarque une tension aux bornes de la pile, puisque la feuille mobile de son électroscope dévie de la verticale. Mais il n'y a alors ni formation de dépôt autour des plaques de son bac, ni déviation de l'aiguille du montage de Biot et Savart placé proche de l'un des deux fils. La tension, réaffirme-t-il, est ce que mesure l'électroscope. La tension de la pile n'est donc pas la cause du dépôt électrolytique puisqu'il n'y en a pas, quoiqu'elle ne soit pas nulle.

 

fig22.gif

            Si le fil conducteur est relié à la borne du bas en D , il remarque alors la création d'un dépôt électrolytique et la déviation de l'aiguille aimantée. Ce qui lui permet d'affirmer que c'est le courant électrique produit par la pile qui est la cause de ces deux phénomènes, comme de celui des étincelles, et non pas sa tension.

 

            Il obtient les mêmes résultats, dans l'expérience décrite précédemment, en utilisant une pile électrique où les plaques sont assez éloignées l'une de l'autre. Il est alors en mesure de placer le montage de Biot et Savart juste dans la région de l'acide dilué entre les deux plaques de sa pile électrique. Il remarque alors un courant électrique dans la pile électrique, et montre ainsi, le premier, que le courant électrique circule dans tout le circuit comprenant la région interne de la pile, le premier fil conducteur, le bac et le second fil conducteur. Il montre aussi que le courant est partout le même dans ce circuit en le mesurant à plusieurs endroits.

 

3.10 La pile thermo-électrique

 

            Dans toutes les expériences décrites jusqu'ici, la tension aux bornes des piles n'est malheureusement pas constante, ce qui a un effet sur le courant qu'elles fournissent. Nous examinerons dans la section 3.14 la raison de cette détérioration.

 

fig23.gif

            Thomas Johann Seebeck (1790-1831) soude un fil de bismuth B et un fil de cuivre C à leurs deux extrémités A et D . Il chauffe une jonction, disons la jonction A en maintenant l'autre D à température de la pièce. Il mesure un courant dans le circuit formé par ces deux fils, avec le montage de Biot et Savart placé à proximité. Il vient donc de créer une pile de type différent de celui de Volta.

 

            Il constate que le courant produit reste le même aussi longtemps que la température de chaque jonction reste la même; et qu'il augmente avec une différence entre la température TA de la jonction A et celle TD de la jonction D .

 

fig24.gif

            Il peut couper le conducteur C , par exemple, en son milieu, et se servir de ce nouveau montage comme une pile. Cette pile, dite thermo-électrique, a une force électromotrice qui peut être mesurée à l'aide de l'électroscope. Elle produit un courant qui peut être mesuré soit par le montage de Biot et Savart, soit par le galvanomètre de Schweigger.

 

            L'inconvénient de cette pile est que sa force électromotrice est environ 100 fois plus faible que celle de la pile de Volta; son avantage est que sa force électromotrice est constante dans le temps pour des températures de jonctions constantes.

 

3.11 Théories de l'électrolyse

 

fig13c.gif

En 1825, Auguste De La Rive (1801-1873) utilise deux liquides conducteurs au lieu d'un seul: une solution de sulfate de zinc S et de l'eau E . Ces deux liquides sont mis en contact par une membrane poreuse M . Le fil P relié à la borne positive de la pile électrique baigne dans le sulfate de zinc S et le fil N relié à la borne négative de la pile, dans l'eau E . Selon la théorie de von Grothuss, on devrait trouver un dégagement d'hydrogène près du fil négatif, puisque l'eau est le liquide conducteur. Or, De La Rive trouve un dépôt d'oxyde de zinc autour du fil N relié à la borne négative de la pile, celui qui baigne dans l'eau. La théorie de von Grothuss n'est donc pas vérifiée.

 

Pour De La Rive, la dissociation des molécules n'a lieu qu'au voisinage des fils. Il considère que le zinc, électrifié positivement, est repoussé par le fil P relié à la borne positive et attiré par le fil N relié à la borne négative. Il voyage donc jusqu'à ce dernier, traversant la barrière poreuse et se déposant sur le fil en question. Les constituants électrifiés du liquide décomposé voyagent donc d'un fil à l'autre.

 

Dans le cas de l'électrolyse de l'eau, l'hydrogène, électrifié positivement dans la région autour des fils, est repoussé par le fil positif et attiré par le fil négatif. Et l'oxygène, électrifié négativement dans la région autour des fils, est repoussé par le fil négatif et attiré par le fil positif. Il y a donc un mouvement physique d'hydrogène électrifié et d'oxygène électrifié dans le bocal. Au fil positif, l'oxygène perd sa charge négative et devient le gaz qui s'y échappe; au fil négatif, l'hydrogène perd sa charge positive et devient le gaz qui s'y échappe.

 

Pour De La Rive donc, il y a un mouvement physique de l'hydrogène et de l'oxygène, les deux électriquement chargés. C'est donc ce mouvement d'hydrogène et d'oxygène chargés qui constitue le courant électrique entre les fils positifs et négatifs.

 

En 1833, Michael Faraday (1791-1867) mouille un morceau de papier dans une solution saline et le suspend dans l'air à l'aide de la cire. Il place, à quelque distance de chaque face de la feuille de papier mouillée, deux aiguilles conductrices reliées à une machine électrostatique. Ces aiguilles conductrices jouent le rôle des fils des expériences précédentes. Mais ces fils ne baignent pas dans un liquide conducteur, mais bien dans l'air. Il fait fonctionner sa machine électrostatique, qui produit alors des étincelles, ce que nous savons être la manifestation dans l'air du courant électrique. Ces étincelles traversent l'air ainsi que le papier mouillé. Le sel du papier mouillé frappé par l'étincelle subit alors une décomposition chimique.

 

La décomposition chimique n'a donc pas lieu uniquement aux fils reliés aux bornes de la pile électrique comme le voulait De La Rive. Faraday donne l'explication du phénomène: il y a décomposition et recombinaison dans le liquide conducteur, comme le veulent von Grothuss et Davy.

 

            Le processus de décomposition est dû au courant électrique lui-même, et n'a lieu qu'en sa présence. C'est donc, par exemple, le courant électrique qui cause la dissociation des molécules d'eau sur son parcours; l'oxygène d'une molécule, chargé négativement, se combine maintenant avec l'hydrogène, chargé positivement, de ce qui était une autre molécule pour refaire de l'eau; et ainsi de suite; de telle sorte qu'il semble y avoir migration des oxygène et hydrogène chargés.

 

            Les substances produites n'apparaissent donc normalement qu'au voisinage des fils, les régions d'où part et arrive le courant électrique, et où il n'y a pas de recombinaison moléculaire possible.

 

            En 1833 toujours, Faraday établit une nomenclature relative à ce domaine avec la collaboration de William Whewell (1794-1866). Il baptise le phénomène de décomposition par électricité électrolyse, du grec èlectron (qui veut maintenant dire charge) et lysis (qui signifie décomposition). C'est bien ce qu'avaient trouvé Nicholson et sir Anthony Carlisle en 1800: la décomposition de l'eau en ses deux constituants, l'oxygène et l'hydrogène, due au passage d'un courant électrique. Le liquide qui subit cette dissolution est dit électrolyte. Ce liquide doit être conducteur; en fait, il est assimilable à la deuxième classe de conducteurs de Volta.

 

            Les fils ou plaques électriques qui baignent dans l'électrolyte et sont reliées à la pile électrique sont dites électrodes, du grec èlectron (charge électrique) et odos (du grec pour chemin) puisque le courant électrique fourni par la pile électrique passe à travers l'électrolyte par ces chemins. L'anode (du grec pour chemin vers le haut) est l'électrode reliée à la borne positive de la pile électrique; et la cathode (du grec pour chemin vers le bas) est l'électrode reliée à la borne négative de la pile électrique.

 

            La molécule d'eau, par exemple, est dissociée en ses deux constituants. Les substances qui constituent l'électrolyte sont dites ions (du grec iènai qui signifie aller) comme elles semblent se déplacer dans l'électrolyte. Les anions, chargés négativement, sont les ions qui semblent migrer vers l'anode; et les cations, chargés positivement, les ions qui semblent migrer vers la cathode. La cuve comprenant les électrodes, l'électrolyte et l'équipement nécessaire pour mesurer les produits dégagés par électrolyse est baptisée voltamètre.

 

3.12 Les lois de l'électrolyse

 

            Faraday relie une machine électrostatique aux électrodes d'un voltamètre. Il remarque alors que la quantité de produits dégagés à son anode, par exemple, augmente proportionnellement avec le temps. Comme le flux de charges dQ / dt produites par la machine est constant, il résulte que le flux de charges qui traverse le voltamètre est constant et que la charge Q qui le traverse est proportionnelle au temps. La quantité de produits dégagés à son anode est donc proportionnelle à la charge Q qui traverse le voltamètre. Ceci constitue la première loi de l'électrolyse.

 

            Faraday remarque de plus que la quantité de produits dégagés à une électrode ne dépend pas de sa forme, ni de la concentration de la solution utilisée, mais seulement de la charge Q qui a traversée le voltamètre.

 

            Faraday reprend cette même expérience avec une pile électrique et non avec une machine électrostatique. Il remarque que la quantité de produits dégagés à une électrode est encore proportionnelle au temps. Comme il avait prouvé qu'elle est due au passage d'une charge Q durant ce laps de temps, il s'ensuit que la pile a causé un courant électrique I au voltamètre, selon notre équation (3.9.3).

 

fig15c.gif

            Faraday relie l'anode d'un voltamètre à la cathode d'un second, identique au premier; puis relie la borne positive de sa pile électrique à l'anode du premier voltamètre et la borne négative de sa pile électrique à la cathode du second voltamètre. Pareille configuration est dite en série. Il est raisonnable de supposer que le courant électrique qui traverse le premier voltamètre traverse également le second, et que la même charge Q va traverser les deux dans le même temps. De fait, Faraday remarque alors la production de la même quantité de produits aux deux cathodes et aux deux anodes.

 

            Faraday utilise maintenant des électrolytes différents dans ses deux voltamètres en série. Il trouve que, lorsque la masse d'hydrogène dégagée à la cathode est de 10-3 kg, la masse d'oxygène dégagée à l'anode est de 8⋅10-3 kg si l'électrolyte est de l'eau.

 

            Faraday peut montrer que la charge Q requise pour dégager une masse de 10-3 kg d'hydrogène est de 9,65⋅104 C. Il y a donc une charge bien déterminée qui dégage une masse donnée d'hydrogène, ou de tout autre élément.

 

            Le courant électrique dans l'électrolyte peut maintenant être décrit comme un mouvement physique des anions et cations, comme l'expérience de De La Rive l'exige, et comme une série de dissociations et recombinaisons successives, comme le suggéraient von Grothuss et Davy. Dans chaque cas, il y a un nombre donné d'anions qui quittent (ou semblent quitter) la région de l'anode et un nombre donné de cations qui y arrivent (ou semblent y arriver). Chaque anion et chaque cation porte une charge spécifique. La charge portée par l'ion positif d'hydrogène H + sera baptisée électron en 1891 par George Johnstone Stoney (1826-1911).

 

3.13 Les applications de l'électrolyse

 

            Nous avons déjà vu que l'électrolyse permit à Davy d'isoler le potassium, le sodium, le baryum, le strontium, le calcium et le magnésium.

 

            En 1840, George Richards Elkington (1801-1865) met au point un procédé de dorure et d'argenture par électrolyse. Des objets d'étain ou de fer sont ainsi recouverts d'une très mince couche d'or ou d'argent. Ils doivent d'abord être amalgamés par immersion dans du nitrate de mercure. Ils sont ensuite reliés au pôle négatif d'une pile et deviennent ainsi la cathode du voltamètre. L'anode est de l'or ou de l'argent pur; et l'électrolyte est une solution de cyanure d'or et de potassium dans le cas de la dorure et de cyanure d'argent et de potassium dans le cas de l'argenture. L'or ou l'argent se dépose alors par électrolyse sur la surface de la cathode alors que l'anode est lentement dissoute.

 

            En 1825, Christian Oersted (1772-1851) isole l'aluminium par électrolyse. En 1886, Charles Martin Hall (1863-1914), d'une part, et Paul Louis Toussaint Héroult (1863-1914), d'autre part, inventent le processus industriel moderne d'obtention de l'aluminium par électrolyse de l'alumine dissoute dans de la cryolite.

 

3.14 Modèles de piles chimiques

 

a) réaction parasite et polarisation

 

            La pile électrique construite en 1800 comprend des plaques de cuivre P et de zinc N trempées dans un bain d'acide, nitrique ou sulfurique S . Mais la pile voit sa capacité d'opération diminuer rapidement, même lorsqu'elle n'est pas en opération, puisque les plaques de zinc se détériorent rapidement. Cet effet est dit réaction parasite et est dû aux impuretés de la surface du zinc. William Sturgeon (1783-1850) résout ce problème en 1828 en amalgamant le zinc par frottage avec du mercure à l'aide d'un linge imprégné d'acide. Il produit ainsi une surface zinc sans trace d'impuretés en contact avec l'électrolyte.

 

fig14c.gif

            Une molécule d'acide sulfurique se décompose dans l'eau en deux ions positifs (cations) d'hydrogène H + et un ion négatif (anion) SO4- - . Les atomes de zinc Zn , en surface de la plaque N , se dissolvent lentement dans l'acide en ions positifs Zn++ qui s'unissent avec les anions SO4- - pour former du sulfate de zinc. La plaque de zinc N se charge négativement, puisqu'elle cède des charges positives.

 

            Évidemment, des cations d'hydrogène H + de l'électrolyte se retrouvent à la plaque de cuivre P . Là ils reçoivent les charges négatives requises pour annuler leur charge positive. De ce fait, la plaque de cuivre P cède des charges négatives, et donc, se charge positivement. Les cations d'hydrogène, déchargés, se pairent pour former des molécules d'hydrogène H2 , lesquelles se groupent en bulles de gaz qui s'échappent, pour la plupart.

 

            Mais même ce type de pile électrique fournit un courant de plus en plus faible avec le temps. Cela parce qu'un nombre sans cesse croissant de bulles d'hydrogène B restent collées contre la surface de cuivre P et isolent la plaque de cuivre de l'électrolyte, empêchant le "mouvement" des cations. Ce phénomène est dit polarisation.

 

b) la pile de Daniell

fig7c.gif  Pile de Daniell

 

            John Frederic Daniell (1790-1845) met au point en 1836 la première pile impolarisable pratique. Elle porte son nom. Elle comprend une boîte de cuivre P remplie avec une solution de sulfate de cuivre saturée S . La boîte de cuivre P constitue le pôle positif de la pile. Un vase poreux V , contenant une solution d'acide sulfurique diluée L dans laquelle se trouve un bâton de zinc amalgamé N , est placé dans la solution de sulfate de cuivre S . Le bâton de zinc N constitue le pôle négatif de la pile.

 

            Une molécule d'acide sulfurique, trouvée dans la partie L de la pile, se décompose dans l'eau en deux ions positifs (cations) d'hydrogène H + et un ion négatif (anion) SO4- - . Les atomes de zinc Zn , en surface de la plaque N , se dissolvent lentement dans l'acide en ions positifs Zn++ qui s'unissent avec les anions SO4- - pour former du sulfate de zinc. La plaque de zinc N se charge négativement, puisqu'elle cède des charges positives. Des cations d'hydrogène H + se retrouvent cette fois au séparateur poreux V qui agit comme frontière entre les électrolytes L et S .

 

            Le sulfate de cuivre de l'électrolyte S se décompose lui-même en anions SO4- - et en cations Cu++ . Ces anions SO4- - sont attirés par les cations H + de l'électrolyte L à la frontière V et y forment de l'acide sulfurique. Il n'y a donc pas de formation de bulles d'hydrogène au séparateur. Les cations Cu++ reçoivent, à la plaque de cuivre P , les charges négatives requises pour annuler leur charge positive. De ce fait, la plaque de cuivre P se trouve à céder des charges négatives et donc, à se charger positivement.

 

            Le dépôt qui s'effectue sur le cuivre est également de cuivre, et non pas d'hydrogène, de telle sorte qu'il n'y a pas de polarisation. Des cristaux de sulfate de cuivre C sont placés dans la solution de sulfate de cuivre S afin de la maintenir saturée. (La force électromotrice de pareille pile est de 1,1 V.)

 

c) la pile Leclanché

 

fig8c.gif Pile Leclanché

            Georges Leclanché (1839-1882) met au point en 1868 la pile impolarisable qui porte son nom. Son pôle positif est un bâton de charbon P ; il est entouré de bioxyde de manganèse et de charbon en poudre M . Cet ensemble, placé dans un vase poreux V , baigne, ainsi qu'un bâton de zinc N , dans une solution de chlorure d'ammonium S . La région M est solide. La seule région liquide est l'électrolyte S .

 

            Les atomes de zinc Zn en surface de la plaque N se dissolvent lentement en ions positifs Zn++ qui s'unissent avec les anions Cl - pour former du chlorure de zinc. La plaque de zinc N se charge négativement, puisqu'elle cède des charges positives à l'électrolyte. Les cations NH4+ vont au bâton de charbon P à travers le vase poreux V et la zone M et y forment de l'ammoniac NH3 neutre et de l'hydrogène H2 . Mais le bioxyde de manganèse, qui se trouve dans la région M qui entoure le bâton de charbon P , s'unit alors à l'hydrogène pour faire de l'eau. Il n'y a donc pas de formation de molécules d'hydrogène. (La force électromotrice de cette pile est de 1,5 V.)

 

d) la pile sèche

 

fig9c.gif    Pile sèche

            Cette pile devient une pile sèche, transportable, si le chlorure d'ammonium S est immobilisé avec une substance gélatineuse. Le bâton de charbon P est alors entouré du mélange pressé de poudre de charbon et de bioxyde de manganèse M , et placé dans un contenant cylindrique de zinc N rempli de gelée électrolytique de chlorure d'ammonium S . Le contenant de zinc N est le pôle négatif, et le bâton de charbon P , recouvert en son sommet d'un capuchon de bronze C , le pôle positif. La partie cylindrique du contenant de zinc est recouverte d'un carton isolant T . La partie supérieure du contenant est fermée par un isolant.

 

            La pile thermo-électrique, les piles chimiques causent toutes un courant quand elles sont placées dans un circuit, avons-nous vu. Et ce courant cause toujours un champ magnétique. C'est ce dernier phénomène qui va nous préoccuper dans notre prochain chapitre.

 


3.1       Une sphère métallique est mise en contact avec une borne d'une pile chimique alors que l'autre borne de cette dernière est à la terre. Le plateau d'un électroscope dont le boîtier est à la terre est également relié à la sphère. L'angle que fait la feuille d'or de l'électroscope avec la verticale est alors de 6°. La sphère est maintenant débranchée de la pile et ensuite mise en contact avec une deuxième sphère, semblable mais initialement déchargée.

       a) Quel angle fait alors la feuille de l'électroscope?

La deuxième sphère est maintenant éloignée de la première, toujours reliée au plateau de l'électroscope.

       b) Quel angle fait alors la feuille de l'électroscope?

 

3.2       Immergé dans le seul champ magnétique terrestre, le pôle nord d'une boussole suspendue au bout d'un fil de torsion pointe strictement vers le nord lorsque la tête du fil de torsion est tournée de telle sorte que ce dernier ne soit pas tordu. La tête du fil doit alors être tournée d'un angle de 96° pour forcer la boussole à se placer à angle droit avec le champ terrestre.

 

Immergé dans un champ magnétique résultant inconnu, le pôle nord de cette boussole suspendue pointe dans une direction donnée lorsque la tête du fil de torsion est tournée de telle sorte que ce dernier ne soit pas tordu. La tête du fil doit être cette fois tournée d'un angle de 108° pour forcer la boussole à se placer à angle droit avec le champ résultant inconnu. De combien ce champ résultant inconnu est-il plus grand que le champ magnétique terrestre?

 

3.3       Immergé dans le seul champ magnétique terrestre, le pôle nord d'une boussole suspendue au bout d'un fil de torsion pointe strictement vers le nord lorsque la tête du fil de torsion est tournée de telle sorte que ce dernier ne soit pas tordu. La tête du fil doit alors être tournée d'un angle de 114° pour forcer la boussole à se placer à angle droit avec le champ terrestre.

 

Un courant passe maintenant dans un fil rectiligne placé selon l'axe est-ouest. Immergé dans le nouveau champ magnétique résultant, le pôle nord de cette boussole suspendue pointe encore vers le nord lorsque la tête du fil de torsion est tournée de telle sorte que ce dernier ne soit pas tordu. La tête du fil doit cette fois être tournée d'un angle de 150° pour forcer la boussole à se placer à angle droit avec le sens du champ. De combien de fois le champ magnétique dû au fil est-il plus grand que le champ magnétique terrestre?

 

3.4       Deux longs fils métalliques sont placés parallèlement l'un à l'autre, à 3 mm de distance. Le fil supérieur, de 600 mm de longueur, plus court que l'autre, est mobile alors que l'autre est fixe. Quand un même courant circule dans ces deux fils, mais en sens opposés, il faut placer une masse de 1,02⋅10-3 kg dans le plateau placé au-dessus du fil mobile afin de le maintenir à sa distance originale de 3 mm. Quelle est la grandeur du courant en question?

 

 


3.5       Sont reliés en série une pile, une balance de courant et un long fil rectiligne orienté selon l'axe est-ouest. Il faut tordre de 165° la tête du fil au bout duquel est suspendue une boussole placée au-dessus du fil rectiligne pour la forcer à pointer selon l'axe est-ouest lorsque le courant produit est tel qu'une masse de 1,36⋅10-4 kg est requise pour tenir la tige mobile de 400 mm de longueur de la balance de courant à 1,5 mm de la tige fixe. Quel courant passe maintenant dans le fil rectiligne si l'angle duquel il faut tourner la tête du fil est dans ce cas de 210° pour amener la boussole à pointer selon l'axe est-ouest, supposant que le champ magnétique terrestre est négligeable?

 

3.6       Sont reliés en série un voltamètre, une balance de courant et une pile. Les tiges de la balance sont tenues à une distance de 1,6 mm lorsque la tige mobile de 360 mm de longueur supporte une masse de 1,25⋅10-4 kg. Les électrodes du voltamètre baignent dans une solution de nitrate d'argent. Un dépôt de 4,2⋅10-2 kg d'argent est alors trouvé à la cathode après un temps de 2 heures.

       a) Quel courant passe dans le voltamètre?

       b) Quel est le rapport masse sur charge des ions d'argent?

 

3.7       La charge requise pour déposer une masse d'argent de 10-3 kg est de 895 C. Quelle est la quantité d'argent déposée sur la cathode si le courant qui coule dans une solution de nitrate d'argent est de 4 A pendant 600 s?

 

3.8      La tête du fil de suspension doit être tournée de 140° pour que la boussole suspendue pointe franc est dans le champ magnétique terrestre. Si cette même boussole est maintenant placée au-dessus d'un fil rectiligne dans lequel le courant circule vers l'ouest, il faut tourner la tête du fil de suspension dans le même sens d'un angle de 70° additionnel pour forcer la boussole à continuer de pointer franc est.

       a) Quel est le rapport entre les champs magnétiques (dûs au courant et terrestre) là où se trouve la boussole?

       b) Ce même courant passe ensuite dans un voltamètre où il entraîne un dépôt d'argent de 5⋅10-4 kg après un temps de 2 minutes. Sachant qu'une charge de 895 C cause un dépôt d'argent de 10-3 kg, quel est le courant dans le fil?

       c) Quel est le rapport entre les champs magnétiques (dûs au courant et terrestre) là où se trouve la boussole si le dépôt d'argent créé en 2 minutes n'est plus que de 4⋅10-4 kg?

 

 


3.9       Un aimant, laissé libre de s'orienter à sa guise, pointe franc nord dans le champ magnétique terrestre. Il faut tourner la tête de son fil de suspension par 154° pour forcer l'aimant à pointer franc est. Cet ensemble est maintenant placé juste au-dessus d'un long fil rectiligne dans lequel circule un courant vers l'ouest. L'aimant, laissé à nouveau libre de s'orienter à sa guise, pointe franc nord. Il faut cette fois tourner la tête de son fil de suspension de 186° pour forcer l'aimant à pointer franc est.

       a) Quel est le rapport entre les champs magnétiques (dûs au courant et terrestre) là où se trouve la boussole?

 

Le long fil rectiligne est maintenant ramené de telle sorte que le courant, en plus de circuler sous l'aimant vers l'ouest, circule également, mais vers l'est, à une même distance de l'aimant mais au-dessus.

       b) De combien de degrés additionnels faut-il alors tourner la tête du fil de suspension pour que l'aimant continue de pointer franc est?

 

Le courant en question circule également dans une balance de courant où il faut placer une masse de 8,2⋅10-4 kg pour tenir, à 1,5 mm d'un long fil rectiligne stationnaire, un fil mobile de 600 mm de longueur.

       c) Quelle est sa valeur?

 

3.10     Un courant qui coule dans un fil rectiligne placé selon l'axe nord-sud fait pointer une boussole libre placée juste au-dessus à un angle de 12° à l'est du nord.

       a) Dans quel sens le courant du fil coule-t-il?

        b) Quelle proportion du champ magnétique terrestre est alors le champ magnétique dû au courant en ce point?

 

       c) La tête du fil de suspension de la boussole doit être tournée de 120° pour qu'elle pointe strictement vers l'est dans le seul champ magnétique terrestre. Si cette même boussole est maintenant placée à la même distance que préalablement au-dessus du fil rectiligne orienté pour que le courant circule vers l'ouest, de combien de degrés additionnels faut-il tourner la tête du fil de suspension pour qu'elle continue à pointer strictement vers l'est?

 

        d) Ce même courant passe ensuite dans un voltamètre où il entraîne un dépôt d'argent de 15⋅10-4 kg après un temps de 5 minutes. Sachant qu'une charge de 895 C cause un dépôt d'argent de 10-3 kg, quel est le courant dans le fil?