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Procès de Joseph Bureau, accusé de vol

Joseph Bureau, accusé de vol

Dates du procès: 1er au 5 juin 1888
Verdict: coupable
Sentence: 7 ans de pénitencier.



  1. vendredi 1er juin 1888, page 4
    COUR CRIMINELLE
    Le choix des grands et des petits jurés
    Cause de Bureau

    Ce matin, la session d'été de la Cour du Banc de la Reine, réunie au Criminel, s'est ouverte à 10.25 au local ordinaire au palais de justice

    ...

    La première cause appelée est celle de Bureau.

    MM. Geoffrion et Greenshield représentent la couronne. M. Préfontaine représente la poursuite pour la compagnie du Grand-Tronc. MM. St Pierre et Bary occupent le banc des avocats de la défense. Aussitôt après l'ouverture de la séance, on s'occupe du choix des jurés. Plusieurs personnes appelées sont récusées parce qu'elles ne parlent pas français. Finalement, on en arrive à former un jury composé comme suit: Alphonse Angty, mécanicien, rue Fulford; Louis Fleureuns, cultivateur, Ste Rose; Ls Desjardins, cult., id.; Barthelemy Dufresne, id., id.; Olivier Paré, id. Saint-Vincent-de-Paul; Fabien Moncion, cult., id., Philias Chartrand, cult., Saint-François-de-Sales; Michel Trudeau, cult., Verchères; Théodore Jacotel, plombier, rue Notre-Dame; Télesphore Julien Chagnon, cultivateur, Verchères; Amedée Morin, forgeron, Beloeil; Pierre Tétreault, bourgeois, Beloeil.

    Aussitôt après que l'acte d'accusation contre Bureau, le premier prisonnier amené à la barre, eut été lu, le greffier de la cour, M. Sicotte, fait prêter serment à chacun des jurés choisis en cette cause, après quoi lecture est [?] de l'acte d'accusation portée contre l'accusé. Cet acte d'accusation est semblable à celui qui a été produit lors des procès de Fahey et de Naegelé. Cette formalité terminée, les personnes appelées pour faire partie du petit jury, qui n'ont pas été désignée pour assister au procès de Bureau, reçoivent permission de quitter la salle, sous l'obligation de se représenter demain à 10 heures. Après la lecture de l'acte d'accusation, M. Geoffrion, avocat de la Couronne, commence à adresser la parole au jury. Après avoir relevé les principaux points de la poursuite et avoir résumer sa preuve, le savant avocat reprend sa place et la séance s'ajourne à 2 heures.

    ...

    Séance de l'après-midi

    La séance est reprise à deux heures.

    Le premier témoin appelé est M. Flynn, détective en chef du Grand Tronc.

    Le témoin connaît le prisonnier. Il n'a jamais vu donner en sa présence de boisson forte à Bureau et il jure que celui-ci après une conversation un peu longue avec Wilson l'a fait rappeler et lui à demandé de le faire conduire devant le juge Dugas. Il a déclaré que Wilson et lui avaient quelque chose à faire connaître à ce magistrat. La déposition du témoin est aussi longue qu'intéressante, mais le défaut d'espace nous force à la remettre remettre à demain.

    La cause continue au moment où nous allons sous presse.

  2. samedi 2 juin 1888, page 6
    COUR CRIMINELLE

    La cour s'est ouverte à 10.10 hrs.

    Les juges Baby et Church occupaient le banc.

    ...

    Aussitôt après que la liste des accusés eût été lue, l'affaire Bureau, le dernier des détectives accusé de vol au Grand-Tronc commença.

    MM. Geoffrion et Greenshields représentaient la Couronne; MM. St-Pierre et Barry la défense. M. Préfontaine M.P., agissait en tant qu'avocat de la poursuite privée pour la compagnie du Grand Tronc.

    Bureau se montra à la barre et aussitôt après l'un des avocats de la défense, M. St Pierre, demanda à la cour que son client fut fourni une chaise, en alléguant que l'état de santé du prisonnier était en ce moment déplorable. Cette demande fut accordée par le juge et le meuble en question apporté.

    On procéda ensuite à l'appel des témoins. Nous ne rapporterons pas aujourd'hui leurs dépositions qui sont absolument similaires à celles qui ont été données lors des procès de Fahey et de Naegelé. Les témoins suivants ont été appelés ce matin:

    Robert T. Hersman, agent du G.-T., à Cornwall.

    Joseph D. Kennedy, agent du G.-T., à Brockville.

    R. J. Summerskill, agent du G.-T., à Brockville.

    W. Stefford, agent du G.-T., à Lynn.

    Ambroise Coulomb, agent du G.-T., à St-Jean.

    Arthur Hébert, préposé aux bagages à Montréal.

    Aimé Langevin, l'individu qui a trouvé les sacs abandonnés par les voleurs, le lendemain du vol.

    J. B. Auger, sergent de police qui a reçu les sacs en question au bureau de police.

    Narcisse Pollender, un constable qui corrobore le dire de son chef.

    Joseph Paquin qui a aidé Langevin à porter les sacs.

    Andrew Cullen, chef des détectives de la ville, qui a vu les sacs à la station de police.

    James Boaz les a reçus en main.

    Adolphe Bissonnette, député sous-connétable, a officiellement pris note du dépôt des mêmes sacs.

    Paul Hill, constable, corrobore les dires précédents.

    Térange W. Elliott, caissier du G. T., est appelé alors et répète la déposition précédente.

    Viennent ensuite: James Phelan, messager du G. T.

    Le Dr Stach de Farnham, qui a voyagé avec Wilson.

    John H. Sheldon & Kilburn G. Brown, tous deux conducteurs du G. T.

    Hiram Sheeley, serre frein pour la même compagnie.

    Marcus Alexe, agent de billets, pour la compagnie du Vermont Central.

    Et enfin Flavien Cauchon, agent de billets pour la Delaware & Hudson Co.

    Comme nous l'avons dit plus haut, ces dépositions ne présentent aucun intérêt et il suffit de s'en rapporter aux diverses dépositions faites dans les causes de Fahey et Naegelé pour se rendre compte de la question.

    Le public d'ailleurs a si bien compris le peu d'intérêt qu'offrait cette cause, que depuis hier, dès l'ouverture du procès, la salle de la cour du Banc de la Reine est presque à moitié vide.

    Et pour une fois, les absents ont raison.

  3. lundi 4 juin 1888, page 4
    COUR CRIMINELLE
    Continuation du procès de Bureau
    Naegelé et Fahey appelés comme témoins

    La Cour Criminelle a été ouverte ce matin, à 10.14 heures, sous la présidence de Son Honneur le Juge Baby.

    L'interrogatoire des témoins de la défense commence aussitôt.

    Le premier témoin appelé est le jeune messager du télégraphe, le nommé Daniel Creighton, qui ne fait que répéter la déposition qu'il a faite, lors du premier procès. Au cours de cette déposition, l'un des avocats de la défense, M. St Pierre, dit que la boîte aux témoins est placée d'une façon peu commode et il demande à ce qu'il soit remédié à cet état de chose. Le shérif Chauveau répond que, conformément aux demandes d'un certain nombre de juges et d'avocats, cette boîte a été déplacée et que son emplacement actuel a été désigné par plusieurs des membres les plus éminents de la magistrature. Le juge Baby, en réponse à M. St Pierre, déclare que la demande du savant avocat va être prise en considération et qu'il sera essayé d'y faire droit.

    Thomas Ingrant, gardien du Grand Tronc, appelé ensuite, a vu Bureau à la gare le 23, Bureau n'était pas en devoir ce jour-là et il lui a demandé de l'accompagner à l'hôtel situé vis à vis de la station pour lui faire prendre quelque chose. Le témoin a refusé. Peu après, Bureau est revenu avec une voiture et lui a demandé d'essayer le cheval, ce à quoi le témoin s'est refusé.

    Transquestionné par M. Barry, avocat de la défense: Je n'ai jamais pris un verre, lorsque j'étais en devoir. Hors de service, j'ai souvent pris des verres avec Bureau.

    On appelle ensuite successivement le détective en chef Cullen, le détective Flynn, le détective Maxwell, Thomas Chalot, comptable de l'hôtel Richelieu, le député grand connétable, père du précédent. Témoignages peu importants.

    James Harvey qui demeurait chez Phillips est appelé ensuite. Sa déposition est identique à celle qu'il a faite lors des précédents procès.

    Deux autres témoins de la défense sont encore s ur la liste, avant les noms de Fahey et de Naegelé. Ce sont Richard ex-sergent de police et le constable Sénécal. Tous deux sont présents, mais on décide d'amener avant eux

    Fahey et Naegelé

    Tous deux sont depuis ce matin, à 5 ½ hrs enfermés dans les cellules du palais de justice. Comme il était décidé qu'ils devaient être entendus aujourd'hui, ce matin, dès 4 heures, le grand connétable Bissonnette et le constable spécial Champagne partirent en voiture pour St Vincent de Paul où ils devaient prendre les témoins prisonniers. Ils y arrivèrent vers 6 heures. Les nouveaux condamnés Fahey et Naegelé semblèrent très surpris de recevoir l'ordre de venir témoigner en cour et ne paraissaient guère satisfaits d'avoir à accomplir ce devoir. Le grand connétable prit charge de Naegelé, son fils, député grand connétable et le constable Champagne surveillaient Fahey.

    Les deux [?] avaient les menottes aux poignets et le boulet au pied, mais par suite d'un acte de complaisance des avocats de la couronne, ils avaient obtenu de revêtir des costumes civils eet d'abandonner momentanément la livrée réglementaire du pénitencier. Tout le long de la route, Naegelé n'a que peu parlé. Il a simplement fait remarquer que sa déposition ne pouvait guère servir au prisonnier.

    Au moment où le nom de "Naegelé" a été prononcé à haute voix par l'huissier de la cour, un mouvement de curiosité fit lever toutes les têtes. Le nouveau condamné a la tête rasée; sa moustache a été enlevée. Il tousse fréquemment et le mouchoir qu'il porte à sa bouche, est chaque fois couvert d'un peu de sang. Naegelé paraît très malade.

    La déposition ne jette guère aucune lumière sur la cause en litige. Naegelé déclare qu'il n'a parlé à Neilson, l'opérateur du télégraphe à la gare du Grand tronc, le jour où le vol fut commis. Il rapport les divers incidents de sa première présentation à Wilson et à Maxwell. Bureau, dit-il n'est resté qu'un instant dans la chambre de Wilson, le jour où il lui fut présenté.

    L'interrogatoire du témoin se termine à 1 heure et est remise à 2 heures pour la comparution de Fahey.

    Séance de l'après-midi

    La séance est reprise à 2 heures.

    Fahey est appelé à la barre.

    Le témoin a conservé sa barbe, ses cheveux et ne semble guère émotionné. La déposition n'a pas présenté d'intérêt bien saillant, si ce n'est que pendant la transquestion du témoin par l'avocat de la couronne, une polémique s'engagea entre M. St Pierre et M. Jeoffrion, au sujet des lettres que le témoin auraient écrites à Wilson.

    Plusieurs des questions posées par la couronne sont l'objet d'objections de la part de l'avocat St-Pierre.

    L'avocat Geoffrion demande que ces questions soient admises, disant que le témoin à la barre n'est plus prisonnier et en qualité de témoin il doit donner tous les renseignements qui peuvent jeter de la lumière dans la cause.

    Le juge maintient les objections de l'avocat St-Pierre.

    L'interrogatoire continue.

  4. mardi 5 juin 1888, page 4
    COUR CRIMINELLE

    La séance s'ouvre à 10 heures.

    La salle du tribunal est peu remplie; deux ou trois costumes de dames tranchent sur les bancs des témoins sur les costumes plus sombres des hommes.

    On appelle d'abord le grand connétable Bissonnette, qui répète presque mot pour mot ce qu'il a déclaré aux examens antérieurs lors des affaires Fahey et Naegelé.

    Le député chef de police Naegelé arrive ensuite et prend place dans la boîte des témoins.

    Son témoignage est comme celui du témoin précédent, une répétition de ce qu'il a déjà déclaré dans les précédents procès.

    Lorsque Naegelé se retire, la liste des témoins est épuisée et l'un des avocats de Bureau, M. St Pierre, prend la parole. Il reprend, point par point, dans un style chaud et vibrant, les différents points de la défense qu'il a employé dans la cause des soi-disant complices de Bureau. Il insiste surtout sur le fait que le juge Dugas, lorsque Bureau a été incarcéré par la première fois, a semblé étrange que l'avocat demandit à consulter son client. Son discours commencé à 11.20 hrs, se termine à une heure par une brillante péroraison qui n'a étonné personne, étant donné le talent de l'éminent criminaliste.

    A 1 heure la Cour s'ajourne jusqu'à 2 heures.

  5. mercredi 6 juin 1888, page 3
    COUR CRIMINELLE
    L'affaire des détectives
    Condamnation de Bureau

    Ce lugubre drame qui a tant passionné l'opinion publique à Montréal, s'est terminé hier à 5 heures par la condamnation du dernier accusé.

    La séance levée à 1.30 heures.

    M. Geoffrion a immédiatement adressé la parole aux jurés au nom de la poursuite.

    Son Honneur le juge Baby parle ensuite aux jurés.

    A cinq heures moins vingt minutes, les jurés se retirent à leur chambre pour délibérer.

    Pendant tout le discours du juge le prisonnier était d'une pâleur excessive.

    A cinq heures, le jurés rentrèrent en cour.

    L'heure suprême est arrivée. Le juge monta sur le banc et le prisonnier paraissait vivement affecté.

    "Etes vous d'accord sur votre verdict, messieurs: trouvez-vous le prisonnier à la barre coupable ou non coupable."

    COUPABLE

    répondit le juré à voix basse; puis il recommanda le prisonnier à la clémence de la cour.

    Le juge dit qu'il prendrait la recommandation en considération.

    Le greffier s'adressant au prisonnier, lui dit: "Avez-vous quelque chose à dire pour que sentence ne soit pas prononcée contre vous!"

    JE SUIS INNOCENT!

    répondit le prisonnier d'une voix faible.

    "Bureau, dit le juge, vous avez été trouvé coupable par un jury de votre pays et ce verdict est très juste.

    Malgré la condamnation de vos deux complices, vous vous êtes obstiné à lutter contre la justice. Vous avez eu tort.

    Il est vrai que vous n'étiez que l'instrument des autres pour commettre le vol, mais vous avez abusé de la confiance que l'on reposait en vous. Si vous aviez plaidé coupable; si vous n'aviez pas tenté de lutter contre la justice, j'aurais été heureux d'user de clémence envers vous. Toutefois je prendrai en considération la recommandation du jury et je vous condamne à être enfermé dans le pénitencier de Saint Vincent de Paul, pendant l'espace de 7 années.

    En entendant cette sentence Bureau n'a montré aucune faiblesse; cependant, il était bien pâle quand il s'est retiré.

    Il sera conduit aujourd'hui à Saint Vincent de Paul, où il purgera sa longue condamnation.






Jacques Beaulieu
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