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Le procès de John Bensen, accusé du meurtre

John Bensen, accusé du meurtre de son épouse Bridget Doyle le 30 décembre 1888

Dates du procès: 13 au 16 mars 1888
Verdict: Non coupable



  1. mercredi 13 mars 1889, page 4

    BENSON A LA BARRE!
    Le meurtre de la rue St-Jacques
    La déposition du fils de la défunte

    Ce matin, un nombre considérable de curieux avait réussi à se faufiler dans la salle de la cour criminelle, pour suivre les débats du procès de John Benson, accusé du meurtre de son épouse Bridget Doyle.

    Tout à coup la voix du greffier se fait entendre et l'accusé paraît à la barre, la figure portant un ca[?]t de dureté peu commun.

    Il est défendu par MM. St. Pierre et Cook.

    Après l'assermentation d'un jury anglais, l'avocat de la Couronne explique les faits de la cause.

    Le premier témoin appelé est le coroner Jones qui dit avoir tenu une enquête sur le corps de la défunte et que le jury n'a pu rendre de verdict parce qu'il ne s'accordait pas.

    Le fils de la défunte, le jeune Willie Bensen, âgé de 14 ans est ensuite assermenté et dépose: Il se rappelle que dans la nuit du 29 au 30 décembre dernier, un coup de feu a été tiré par le prisonnier sur sa mère. Il demeurait alors avec le prisonnier et la défunte au 1,263 rue St Jacques. C'était un restaurant où l'on donnait à manger et qui se composait de quatre ppièces: la première était la boutique, la deuxième en arrière, la salle de rafraichissement, la troisième la cuisine et la quatrième la chambre à coucher, dans laquelle, étaient deux lits appuyés sur le mûr de chaque côté de la porte.

    Il se rappelle que le jour de l'assassinat plusieurs personnes sont venus au restaurant du prisonnier, parmi lesquels il a remarqué: Jummy Boston et son frère, Daly, Patrick Singer, John Scalon et d'autres dont il ne se rappelle pas les noms. Ils sont venus pour manger des huîtres et ont apporté avec eux de la boisson, savoir: une bouteille de gin et de brandy. Mon père ne tenait pas de boisson, Jimmy Boston en a donné à ma mère, à mon père et à Daly. Quant aux autres, il ne leur en a pas vu prendre.

    Plus tard Daly se coucha sur un canapé dand la salle de rafraichissement, deux autres allèrent s'asseoir autour d'une table dans un des coins de la même salle, pendant que d'autres mangeaient des fèves. Un nommé Coleman et Scanlan étaient dans la cuisine. Mon père jouait aux cartes et continua ainsi pendant environ un heure et demi. Pendant ce temps-là, je ne sais où était ma mère.

    Au bout de quelque temps j'allais demander à mon père la permission d'aller me coucher, qu'il m'accorda. J'étais au lit depuis quelques minutes quand mon père aidé d'un autre homme emmena ma mère sous le bras pour la faire coucher. Elle était dans un état de demi-ivresse. Elle prit place à côté de moi dans le même lit et se coucha toute habillée.

    J'ai reconnu alors l'homme qui avait aidé mon père à transporter ma mère comme le frère de Jimmy Scanian. Il était alors plus de minuit. Je dormis alors pendant quelque temps et je fus réveillé soudain par ma mère qui se levait et qui sortit de la chambre. Je sortis aussi et dizaine de minutes après quelqu'un la ramenait de nouveau dans la chambre à coucher. Elle se coucha de nouveau toute habillée encore et je me couchai aussi. Je m'endormis de nouveau et quelques minutes après j'étais réveillé de nouveau par un coup de la main que je reçus à la figure. J'ouvris les yeux et je vis un homme entrer dans la chambre et venir s'étendre sur le pied du lit en travers de ma mère er de moi-même, et il avait la tête tournée vers le mûr.

    Il était alors à peu près 4 ½ heures du matin. Il ne faisait pas très sombre dans la chambre car il y avait une lumière dans la cuisine qui éclairait un peu la chambre à coucher. Cet homme je l'ai reconnu, quand il est sorti de la chambre, pour être Frank Singer. Je ne sais pas combien de temps il est resté dans la chambre. Quand je l'ai vu sur le lit il avait les mains sous les vêtements de ma mère. Quand cette dernière vit que je remuais, elle me dit de rester tranquille.

    Ma mère est alors sortie de la chambre aorès Singer et de suite après j'ai mis mes pantalons et je suis allé avertir mon père, qu'un homme était dans la chambre avec ma mère, je lui indiquai du doigt Singer. Mon père était alors dans la cuisine et ma mère y vint un peu plus tard s'adosser à la porte de derrière. Je ne sais pas ce qui se passa alors, mais j'entendis ma mère crier "Va t'en Bensen! Va t'en Bensen!

    A ce moment là Jimmy Boston et son frère étaient partis, Daly reposait encore sur le sofa, Singer et Scanlan étaient dans la cuisine où ce dernier se lavait les mains. Je me rappelle que vers ce temps là quelqu'un demanda l'heure et qu'on lui répondit qu'il était cinq heures.

    Alors mon père s'avança et tira un coup de revolver sur ma mère qui était à environ dix pieds de lui. Quant à moi j'étais entre les deux, un peu en arrière. En entendant le coup de feu, je les vis tous s'enfuir à toutes jambes, dans toutes les directions, à l'exception de Daly qui dormait sur le sofa. Ma mère tomba à la renverse sur le plancher, la tête sur un panier, laissant échapper quelques gémissements. Je courus chercher un oreiller pour lui mettre sous la tête.

    Mon père a alors quitté la maison pour aller se livrer aux mains de la justice à la station de police la plus proche.

    Le grand connétable Bissonnette identifie le pistolet qui est produit en cour comme étant celui qui lui a été remis par le sergent Choquette ainsi que la somme de $2.25 que le prisonnier avait sur lui au moment de son arrestation. Il y a quatre chambres chargées et deux vides. Il est du calibre 38 et suffisant pour causer la mort d'une personne.

    Le témoin Bensen reprend son témoignage et dit qu'il n'avait jamais vu de revolver dans la maison avant ce temps là; mais que trois ou quatre jours avant le meurtre il avait vu des cartouches. Sa mère en avait trouvées dans la poche de gilet du prisonnier et les avaient données à un boucher du nom de Armstrong.

    A cette phase de la déposition de Benson, un des jurés est pris d'un saignement du nez et la séance est suspendue.

    Le témoin est ensuite longuement transquestionné par la défense.

    Séance de l'après midi.

    Le témoin Bensen continue son témoignage.

    J'ai près de treize ans, mon beau-père s'est marié avec ma mère, alors que j'étais né d'un premier lit. Mon beau-père a toujours été bon pour moi. J'ai toujours demeuré avec eux. Bien souvent des jeunes gens viennent à la maison. Je ne me rappelle pas que la maison eut jamais été forcée chez nous. J'ai l'habitude de me coucher entre dix et onze heures. J'ai entendu parler que huit jours avant le meurtre la maison avait été forcée par un nommé Armstrong.

    Je ne me rappelle pas que mon père ait dit qu'il allait acheter un pistolet pour protéger sa maison. Le premier homme qui est entré dans la maison, le soir du meurtre, est entré vers minuit. Ils sont entrés sept. Je n'ai pas vu Singer avec eux. Ils ont demandé des huîtres et je leur en ai servies. Le soir je ne me suis pas couché dans mon lit mais dans celui de ma mère parceque un nommé Scalan y était déjà couché.

    Ma mère se mettait souvent en boisson et mon père lui reprochait sa conduite.

    Au moment de mettre sous presse la cause se continue.



  2. jeudi 14 mars 1889, page 1

    LE MEURTRIER BENSEN
    (Suite de l'enquête)
    Témoignage de Scanlan

    Nous donnons ci-après la suite de l'enquête dans le procès du meurtrier Bensen:

    Dr Girard - Le 30 décembre dernier, j'ai été appelé à la demeure du prisonnier. La victime est morte vers huit heures. La cause de la mort est l'hémorragie causée par la blessure. J'ai vu le cadavre dans la cuisine; j'ai examiné tous les organes vitaux; le foie et le poumon gauche n'étaient pas percés; le sein gauche et la colonne vertébrale étaient brisés.

    Dr J. N. Mount - Le 30 décembre dernier il s'est rendu avec l'ambulance à la résidence du prisonnier et a assisté à l'examen post mortem. Son témoignage est la confirmation du précédent.

    John Scanlan - Il connaît le prisonnier depuis environ six mois. Le 30 décembre dernier il se rendit avec le prisonnier à la résidence de ce dernier vers minuit et en partit vers quatre heures.

    A son tour il alla à la chambre à coucher où la défunte l'avait appelé et celle-ci lui demanda pourquoi il avait amené son mari.

    Il lui répondit en lui demandant si elle n'avait pas arrêté de boire.

    Il a bu un verre à la résidence du défunt et c'est la victime qui lui la lui a offert. Il croit que c'est du rye.

    Il s'est couché dans la chambre et il a dormi quelque temps; madame Benson l'a réveillé. Après s'être levé quelques instants il s'est couché de nouveau et ne s'est levé que vers six heures.

    Lorsqu'il est sorti de la chambre, Bensen et sa femme étaient dans la cuisine; Benson marchait seul et paraissait s'être disputé avec elle.

    En traversant l'appartement pour aller se laver, il a entendu la défunte qui parlait durement au prisonnier, puis il a entendu celle-ci qui criait:

    "Va-t'en, Bensen."

    Il observa Bensen qui paraissait extraordinairement agité; le prisonnier s'avançait la main au côté et s'apercevant qu'il était examiné par le témoin, il se retourna à demi et alors éclatèrent deux coups de pistolet.

    Il s'écoula environ une minute entre les deux détonnations. Le prisonnier n'était pas en boisson.

    Il entendit après le second coup de pistolet Singer qui s'écria: I am shot!

    Il n'a vu que Mme Bensen et son petit garçon, dans la chambre à coucher, durant la nuit.

    La cour s'ajourna à dix heures ce matin.

    Avant de se retirer, les jurés se plaignent au tribunal qu'ils ont de mauvais lits pour se coucher et qu'ils peuvent difficilement dormir.

    Le juge a dit au greffier de voir le shérif à ce propos et si la chose est nécessaire il s'adressera lui-même aux autorités pour faire donner aux jurés des lits confortables.



  3. jeudi 14 mars 1889, page 4

    L'affaire de la rue St Jacques
    Incident pendant le témoignage du jeune Bensen.

    (Suite de l'enquête)

    La salle du palais de Justice était encore comblée de curieux, ce matin, qui venaient assister à cette cause qui commence à passionner beaucoup l'opinion publique.

    On a continué, ce matin, la cause de Bensen, accusé du meurtre de sa femme.

    Le jeune Willie Bensen est examiné de nouveau par M. St-Pierre.

    Le savant avocat de la défense signale au témoin quelques différences dans sa déposition, devant le coroner et la présente.

    Il lui pôse alors la question suivante:

    Q. - Vivez-vous avec votre oncle et que fait-il?

    R. - Le témoin commence à pleurer et ne veut pas répondre à cette question parce qu'il sera chassé de sa demeure, si son oncle voit son nom accolé à cette affaire dans les journaux.

    M. St-Pierre insiste alors pour avoir une réponse à sa question.

    Le juge remarque alors qu'il serait étrange qu'une homme agirait d'une telle manière.

    L'enfant consent alors à donner le nom de cet homme qui s'appelle O'Connor.

    On appelle de nouveau Scanlan et l'avocat de la Couronne l'examine.

    Le soir de l'affaire, Benson vint me trouver et me dit qu'il irait coucher chez moi, vu qu'il avait des difficultés avec sa femme. Je lui conseillai alors de retourner chez lui et il me répondit qu'il m'écouterait si je voulais aller coucher avec lui, parce que sa femme était en boisson et lui chercherait noise. Je fis comme il voulait.

    Une fois le prisonnier me dit: Je ne sais pas comment faire pour venir à bout de ma femme, si elle ne veut pas changer de conduite. Je lui conseillai alors de la quitter pour avoir la paix. Il me répondit: "C'est ce que j'ai fait à deux reprises différentes, mais je ne peux pas resté éloigné d'elle, car je l'aime trop. Quand elle est sobre, il n'y a pas de meilleure femme. Je n'ai plus rien dans le monde qui me plaise, car tu vois quelle maison j'ai." J'essayai alors à le consoler et à lui faire prendre courage qu'il semblait avoir perdu. Il m'indiqua alors une personne qui semblait monter trop d'attentions à sa femme, quand il était absent de chez lui. Cette personne n'était pas Singer. Le nom de la personne qu'il voulait désigner est George Armstrong.

    [?] ait m'emener comme pacificateur. Quelques jours auparavant, j'avais fait promettre à la défunte de ne plus boire et c'est avec étonnement que le jour du meurtre je la vis boire de nouveau. J'ai travaillé un an et demi avec le prisonnier qui travaillait depuis longtemps chez Mitchell.

    Le prisonnier est un homme qui est affable, inoffensif et d'habitudes paisibles.

    Il m'a parlé d'une bagarre qui avait eu lieu chez lui à quelques temps de là où on avait brisé ses vitres et d'autres choses.

    Daniel Scanlan est alors examiné. Je connais le prisonnier depuis deux ans, je sais que le prisonnier avait chez lui un revolver et des cartouches chez lui avant le meurtre, j'ai vu le revolver environ trois semaines avant le meurtre.

    Environ trois semaines avant le meurtre entre 11 ½ et 12 heures le prisonnier est venu à mon restaurant et m'a demandé de prendre un coup avec lui. Et peu après il m'invita de nouveau en me disant, tu fais mieux de prendre un coup, car c'est probablement le dernier que nous prenons ensemble." Je consentis à condition qu'il vint me faire les mêmes politesse. Le prisonnier était accompagné d'un charretier. Vû qu'il n'en avait pas besoin, je voulus le rernvoyer, ce qu'il refusa. Finalement je payai le cocher. Bensen passa alors en arrière et je lui vis mettre dans sa poche une boîte de cartouches. Je remarquai qu'il avait alors un oeil au beurre noi et je lui demandai qui lui avait fait ce mal et il me répondit que c'était dans une bagarre qui avait eu lieu dans la maison et à laquelle sa femme n'avait pas été étrangère.

    M. St. Pierre s'oppose à ce que le témoin rapporte la conversation.

    Le témoin continue à dire qu'il toucha la poitrine du prisonnier et lui demanda ce qu'il avait dans sa poche. Il me répondit: Un revolver. Je m'avançai et me saisis du revolver avec lequel je m'enfuis dans une chambre du haut et le jetai sur le lit. Je le trouvai vide. C'est le même que celui produit maintenant en cour. Il me redemanda son revolver mais je ne voulus pas lui rendre. En même temps je chargeai un nommé Boston d'aller dire à Mme Bensen ou la servante que le témoin avait enlevé un revolver à son mari et en outre une boîte de cartouches.

    La veille de Noël, le prisonnier revint chez moi, me demander le revolver. Je l'interrogeai pour savoir à quel usage il le destinait et il me répondit que c'était pour le remettre où il l'avait eu. Je le lui remis. Quand je lui remis, il n'était pas chargé.

    Une semaine environ avant le meurtre le prisonnier vint chez moi et me dit qu'il faisait son possible pour tenir sa maison sur un pied convenable, mais qu'il ne le pouvait pas à cause de sa femme qui buvait trop. Il me demanda d'aller chez lui et de tâcher de convaincre sa femme de mieux se conduire. Elle promit, après avoir bu un dernier verre de bièrre, devant le témoin.

    Voyant plus tard que la défunte recommençait à boire, je ne voulus plus retourner chez le prisonnier.

    Je ne me rappelle pas que le prisonnier ait menacé sa femme.

    D'après ce qu'il connaît, le prisonnier est un homme tranquille et honnête qui n'usait pas beaucoup de boisson.

    Le sergent Choquette donne ensuite son témoignage. Il est sergent de la station No. 8, rue des Seigneurs. Je connais le prisonnier et l'établissement qu'il tenait sur la rue St-Jacques. Le 30 décembre dernier le prisonnier est allé à la station et lui a dit qu'il avait tiré sur sa femme. Je lui ai demandé pourquoi il avait fait cela et il m'a répondu qu'il avait surpris sa femme couchée avec un autre homme. Il me donna le revolver qu'il avait sur lui. Le prisonnier dit qu'il n'avait pas l'habitude de boire, mais qu'il buvait depuis quelques temps. J'appelai un homme de réserve et lui dit de fouiller le prisonnier et nous trouvâmes sur lui une boîte de cartouches, un paquet de clefs et une somme de $1.79 en argent. Je me suis rendu chez lui où je trouvai le petit garçon qui appelait son père à grands cris. J'ai trouvé la femme couchée sur le plancher de la cuisine, près du poële. Je suis allé cherché le médecin et l'ai rencontré à la porte de cour, le Dr Girard, celui qui a fait l'examen post mortem.

    Nous avons placé la défunte dans son lit. M. Scanlan est arrivé sur les entrefaites et lui avons envoyé chercher le prêtre. Nous avons ouvert ses vêtements et trouvé la plaie. J'ai alors téléphoné pour l'ambulance. Le Dr Girard a jugé à propos de la renvoyer parce qu'elle se mourait et le Docteur a envoyé Singer à l'hôpital. Un constable a trouvé une balle dans le mur et me l'a apportée.

    Séance de l'après midi.

    Frank Singer est ensuite assermenté. Il nie qu'il ne se soit couché en travers du lit et qu'il ait touché en quelque manière que ce soit à la femme du prisonnier. Il n'y avait personne dans la cuisine quand j'y suis entré. Je suis entré dans la chambre à coucher, ai secoué la personne qui était dans le lit et n'y suis demeuré que deux minutes. Je n'ai pas touché à Mme Bensen et si je l'ai fait, c'est par mégarde.

    Il est marié et sa femme a entendu parler de cette affaire; mais elle ne m'a jamais menacé à ce sujet. Je suis marié depuis 3 ½ ans et j'ai deux enfants. Après être sorti de la chambre, Benson ne m'a pas parlé. Je n'ai pas vu le jeune Willie Bensen. Je n'ai fait que goûter aux fèves après être sorti de la chambre.

    Après avoir été blessé je suis allé à l'hôpital où j'ai passé une semaine. Je ne me suis jamais plaint d'avoir été blessé. En entendant le coup de feu, nous nous sommes tous sauvés.

    Je ne puis pas dire si la défunte était jolie ou non, car je n'y faisais pas attention.

    Quand je suis entré dans la chambre à coucher de la défunte, c'était pour prendre mon chapeau et pour cela je n'ai pas été obligé d'embarquer sur le lit car mon bras était assez long pour le saisir.

    Le constables Burns est ensuite assermenté. La balle qui m'est montrée est celle que j'ai trouvée dans la maison de Benson et que j'ai remise au sergent Choquette.

    John Kielly est assermenté et dépose. Je connais le prisonnier et son établissement sur la rue St Jacques. Je suis entré le soir du meurtre avec Singer et un autre pour manger des huîtres. Il y en avait d'autres avant notre arrivée. Singer avait de la boisson et en donna à Mme Bensen. Peu après il vit M. Bensen rransportant sa femme dans la chambre à coucher.

    Singer était avec nous dans la cuisine quand il est allé dans la chambre à coucher il n'y est pas demeuré plus de deux minutes. J'ai été tout le temps éveillé et sobre. Je n'ai pas eu connaissance que Singer ait pris quelque liberté avec Mme Bensen, ce soir-là.

    Au moment de mettre sous presse la cause se continue.



  4. vendredi 15 mars 1889, page 1

    LE PROCES DE BENSEN

    Nous donnons ci après la suite de l'enquête dans le procès de Benson.

    Pat Baunum - Il était dans la salle à dîner quand le coup de pistolet a été tiré et alors il est sorti. Il ne peut pas jurer qui a tiré le coup de pistolet, mais il a vu la flamme dans la cuisine.

    Singer était dans la salle des rafraîchissements au moment de la détonation.

    Il est sorti dans la cour avec Singer environ quinze minutes avant l'accident et à son retour ils ont mangé des fèves ensemble.

    Il n'a pas vu Singer enter dans la chambre à coucher.

    Il n'était pas ivre et n'est jamais allé en prison.

    Il est ami avec Singer, il est allé le voir à l'hôpital.

    Denis Boston - Il demeure à Ste Cunégonde et travaille à la manufacture "Sewing Machine." Il connaît le prisonnier. Le 30 décembre dernier il alla à la résidence de ce dernier vers dix heures. Benson lui demanda d'aller voir si sa femme était dans la chambre. Il y alla et elle lui dit que si le prisonnier entrait elle le tuerait avec une bouteille.

    Il a causé longtemps avec la victime pour la calmer.

    Vers minuit Benson entra dans la salle de rafraichissements où se trouvait la défunte et celle-ci prit alors une bouteille de Ginger Ale pour le frapper mais le témoin ne sait pas qui a enlevé la bouteille ddes mains de Mme Benson. Vers quatre heures il a vu entrer quelques personnes qui ont demandé des huîtres. L'une d'elles était son frère.

    Madame Bensen a pris de la boisson dans la matinée ainsi que le prisonnier.

    Le témoin et le prisonnier sont ceux qui ont transporté Mme Bensen dans la chambre à coucher.

    Il dormait quand la détonation eut lieu; il s'erst dirigé vers la porte et la rue il a rencontré Singer qui perdait du sang.

    Il ne sait qui a tiré.

    La transquestion de ce témoin est ajournée à demain à dix heures;...



  5. vendredi 15 mars 1889, page 4

    L'affaire de la rue St Jacques
    Le caractère de la défunte
    Les relations de Armstrong avec Madame Bensen

    Denis Boston est transquestionné longuement par la défense.

    Il dit que Madame Bensen a poussé le prisonnier et qu'elle voulait le frapper. Elle s'est répandue en injures sur son compte. Je lui ai dit que je ne voulais pas intervenir dans ses querelles avec sa femme.

    Je n'ai connu le prisonnier que trois semaines avant la terrible tragédie, mais je puis dire qu'il jouit d'une bonne réputation.

    Madame Daniel Sinnett est ensuite assermentée. Son mari est armurier sur la place Victoria. Elle a vu le prisonnier en décembre dernier chez elle. Je lui ai vendu alors un revolver et des cartouches. Il paraît être le même que celui produit en cour. Il revint ensuite à la fin du mois de décembre et s'est plaint que le revolver ne fonctionnait pas bien. Je lui répondis que tel ne pouvait être le cas, parcequ'il était neuf. Il s'est aussi plaint que les cartouches n'allaient pas dans le revolver. Après quee mon mari l'eût examiné. Je partis pour aller servir d'autres clients, et il partit avec le revolver.

    Pendant qu'il me montrait le revolver, il me dit que des personnes venaient faire du train chez lui et brisait ses vitres. Je ne veux pas tirer sur personne mais seulement les effrayer et me protéger. Il ne paraissait pas excité dans ce moment là.

    Thomas Daly est ensuite assermenté. Je connais le prisonnier depuis deux ans. Je suis allé chez lui le 29 décembre dernier et n'y suis demeuré que deux minutes.

    Le prisonnier jouit d'une bonne réputation. Il a toujours été bon pour sa femme. En une circonstance, je suis arrêté chez lui et sa femme m'a appris que le prisonnier avait été arrêté et qu'elle espérait qu'il aurait six mois de prison.

    Mme John Doyle, la mère de la défunte: Je connais le prisonnier depuis 7 ans. Il était marié à ma fille qui a été tuée le 30 décembre dernier.

    La Couronne a terminé sa preuve et la défense commence par le témoignage de Anna Phipps. J'ai vécu deux mois chez le prisonnier et ai quitté le service le 18 décembre dernier. J'ai connaissance que le 17 septembre quatre jeunes gens parmi lesquels était Geo Armstrong ont brisé la maison du prisonnier, le lundi matin, à 4 heures. M. et Mme Benson étaient à la maison, dans cette occurence. Mme Bensen me dit alors d'aller ouvrir la porte et a demandé "Qui est là?" Elle lui a crié pousse la porte, mais ce dernier a répondu qu'il était incapable de l'ouvrir parce qu'elle était fermée. Se tournant alors vers moi elle m'a souffletée parce que je ne voulais pas lui obéir.

    Le prisonnier avait la clef dans sa poche et ne voulait pas la lui donner. Armstrong vint alors à la porte de derrière et malgré nos efforts il réussit à forcé la porte, encouragé par la défunte. Le même jour le prisonnier était couché dans la cuisine et la défunte qui était en boisson demanda au témoin si son mari était là et elle lui répondit qu'il était absent. Ayant parvenu à découvrir où il était, elle voulut le mettre à la porte. Cela se passait avant que le bris de vitre fut commis.

    Ces jeunes gens là venaient souvent à la maison du prisonnier et elle a vu Armstrong dans la chambre à coucher avec la défunte et agir d'une manière indécente. Il a commis l'adultère avec elle, les choses se passaient en l'absence de M. Benson.

    Un jour, Mme Bensen, partit en voiture pour l'Est de la ville et M. Armstrong se dirigea vers l'Ouest, mais ils se parlèrent à l'oreille avant de partir, ce qui fait croire au témoin qu'ils se sont rencontrés en ville. Mme Bensen revint un peu avant le retour de son mari vers six heures.

    La défunte et Armstrong étaient assis de chaque côté du comptoir, s'écrivaient des billets doux qu'ils ne voulurent pas lui montrer.

    Elle entendit parler du revolver par Dennis Boston, tel que mentionné hier.

    En une circonstance. je me rappelle qu'un jeune Smith entra dans le restaurant appelé par Mme Benson et que cette dernière s'assit sur ses genoux. Quand son mari arriva, elle se leva et eut avec lui une conversation à voix basse, après laquelle elle lui appliqua sur la joue un vigoureux soufflet. Smith intervint et donna plusieurs coups de poing au prisonnier. La défunte et lui se mirent de la partie pour maltraiter le prisonnier. Je suis alors partie pour aller à la station de police chercher de l'aide. Quand ils arrivèrent, Mme Bensen était seule.

    Séance de l'après midi.

    Le Rév. M. Wood, ministre protestant est assermenté. Il fait lecture du certificat de mariage du prisonnier signé par lui. Il ne peut identifier les parties qu'il a mariées en 1881, parce que le temps est trop éloigné.

    Adolphe Johnson est ensuite assermenté et dépose: Je connais le prisonnier depuis sept ans. Il n'était pas marié alors. J'ai pensionné chez le prisonnier depuis son mariage, il y a six ans.

    Il jouissait d'eune bonne réputation. Il connaissait aussi la femme du prisonnier. Il y a deux ans que j'ai aussi vécu avec le prisonnier. Il aimait beaucoup sa femme.

    F. Berg, membre de la police du hâvre, dépose: Je suis norvégien.

    Je connais le prisonnier depuis huit ans. Il a pensionné chez moi pendant trois ans, en arrivant au pays. Il s'est toujorus bien conduit et n'a jamais fait de mal à personne.

    M. R. Mitchell, manufacturier, dépose: qu'il connait le prisonnier qui a été à son emploi pendant huit ans. Il avait un bon caractère, il était travaillant et sobre.

    I. Ross, connait le prisonnier depuis six ans, témoigne du bon caractère de l'accusé.

    A. Cooper et autres sont examinés pour la défense afin de témoigner de son caractère.

    Contre-preuve

    Le jeune Willie Benson est de nouveau appelé de la part de la Couronne. Il connait la servante Ann Phipps qui a paru comme témoin. Elle est partie de là parce qu'elle avait pris de l'argent. Il connait Smith et sait qu'il jouait avec la servante Phipps. Il n'a pas vu Smith faire des familiarités avec sa mère.

    La preuve est alors close de part et d'autre.

    Au moment de mettre sous presse, M Cook, l'un des avocats de la défense adresse la parole aux jurés.



  6. samedi 16 mars 1889, page 4

    LE PROCES DE BENSEN
    Les plaidoyers
    Acquittement probable de l'accusé

    Ce matin encore la salle de la Cour Criminelle était remplie d'une foule de personnes qui venaient suivre la dernière phase de ce procès qui a excité à un si haut degré la curiosité publique. Tous les sièges étaient occupés et beaucoup stationnaient dans les corridors.

    M. St Pierre, avocat de la défense, commence son plaidoyer en citant les punitions qu'encouraient jadis le crime d'adultère et l'atténuation que ce crime devait nécessairement apporter à la commission du meurtre de la rue St Jacques.

    Il fit ensuite une revue éloquente des différentes circonstances qui avaient entouré cette affaire et termina par un chaleureux appel au sentiment de justice des jurés.

    M. Trenholme adressa ensuite la parole pour la Couronne et fut suivi du président du tribunal qui résuma impartialement les débats.

    Au moment de mettre sous presse, le verdict n'est pas encore rendu, l'impression étant cependant que l'accusé sera complètement exonéré.



  7. lundi 18 mars 1889, page 1

    BENSEN
    NON COUPABLE
    Il est porté en triomphe

    A l'ouverture de la cour du Banc de la Rine, samedi, les couloirs du palais de justice étaient encombrés de curieux. La foule se massait dans les portes pour pénétrer dans l'enceinte judiciaire et la police eut beaucoup de difficultés à maintenir l'ordre.

    Le procès Bensen, accusé d'avoir tué sa femme, touchait à sa fin. Ces sortes de procès ont pour don de passionner vivement les esprits, c'est tout naturel; à travers les voiles qui enveloppent le procès d'un meurtrier on entrevoit l'échafaud ou du moins l'exil pour de longues années, pour la vie peut-être.

    M. H. Saint-Pierre, l'avocat de l'accusé, adresse la parole aux jurés. Après avoir fait un exposé de la cause et avoir analysé les témoignages, il s'attacha particulièrement à la provocation due aux agissements de la femme Bensen, qui, par sa mauvaise conduite, a poussé le prisonnier à commettre le crime, et termina une plaidoierie des plus éloquentes et qui a duré au-delà de deux heures, en demandant l'acquittement de son client.

    Il fut suivi de l'avocat de la couronne.

    Son Honneur le juge parla ensuite.

    Pendant toute la durée des discours, le prisonnier paraissait vivement ému, et quand son défenseur parla d'emprisonnement à vie, de l'échafaud, il devint horriblement pâle.

    A trois heures les jurés se retirèrent pour délibérer.

    L'attente fut longue pour les spectateurs; elle dut être cruelle et terrible pour le prisonnier.

    Enfin, à cinq heures et demie, les jurés firent leur entrée en cour et le juge monta sur le banc.

    "Bensen à la barre!" cria le greffier.

    Bensen parut, pâle comme un spectre, ses yeux se portèrent sur les jurés impassibles et il cherchait à lire dans leur coeur quelle serait sa destinée. Le moment fatal était arrivé; il ne dura que peu de minutes, mais que d'angoisses le prisonnier a dû éprouver.

    Que se passa-t-il dans son âme? Nul ne le saura jamais.

    Le greffier demanda: "Messieurs du jury, êtes-vous d'accord sur votre verdict, trouvez-vous le prisonnier à la barre coupable ou non coupable?

    " - NON COUPABLE," répondirent les douze jurés.

    Il y eut un murmure chez les spectateurs. Le prisonnier sourit et se retira.

    L'avocat de la défense se leva alors et demanda que Bensen, trouvé non coupable, fût mis en liberté. Cette demande fut accordée aussitôt, et quelques minutes après, Bensen quittait le palais de justice, accompagné de son avocat. Plus de mille personnes les suivirent.

    Bensen fut reconduit chez lui en triomphe.





Jacques Beaulieu
jacqbeau@canardscanins.ca
Révisé le 5 février 2015
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