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Eulogie de Germaine Malépart

Eulogie de Germaine Malépart par Germaine Bernier



N.B. La transcription de l'image de l'article suit celle-ci




Deuil dans le monde Musical
Germaine Malépart

C'est une page, une très belle page de l'histoire de la musique à Montréal, que l'on doit définitivement tourner avec la mort récente de Germaine Malépart, pianiste et professeur au Conservatoire.

Deux souvenirs me reviennent à la mémoire à l'évocation de cette belle carrière.

- o -

La salle de bal de l'hôtel Ritz-Carlton, brillamment éclairée comme les soirs de premières au théâtre, bourdonne des propos échangés parmi l'auditoire qui a envahi parterre et balcon: plus un siège libre, on a apporté même des supplémentaires.

Les conversations s'éteignent brusquement quand la jeune pianiste, retour d'Europe, après un séjour de cinq années d'étude, apparaît et prend place devant son clavier.

C'est avec les Trente-deux Variations de Beethoven que le programme débutait mais je me souviens surtout du Scherzo, de Chopin (le 3e) qu'elle jouait, à mon sens, de façon magistrale. Et ajourd'hui encore, je l'entends par quelqu'un d'autre, c'est le souvenir de Malépart qui revient instantanément à ma mémoire.

Mais c'est tout le concert et son programme au complet qui furent ce soir-là, un succès sans pareil, une date dans les annales musicales dse la métropole. Le public était plus que conquis, emporté dans une joie artistique et patriotique complète: une des nôtres revenait de l'étranger avec des lauriers hautement gagnés entreprendre une carrière des plus prometteuses parmi les siens.

Pendant les applaudissements, les rappels et les ovations, gerbes et corbeilles arrivaient sans cesse, si bien qu'on fut obligé de les laisser en avant de la scène pour laisser un chemin à l'artiste vers son instrument.

Le lendemain les critiques musicaux étaient d'accord pour reconnaître la valeur de la nouvelle pianiste du ciel musical canadien.

Deuxième souvenir: Sous les auspices du Cercle d'Action française de l'Université de Montréal, Jean Désy avait donné une magnifique conférence intitulée:"La renaissance polonaise". Après cette évocation pathétique des malheurs de la Pologne si longtemps occupée, un programme musical consacré à Chopin avait été exécuté par Germaine Malépart. Soirée inoubliable.

J'étais encore étudiante à ce moment. Je me le rappelle aujourd'hui comme si c'était hier, preuve que l'excellence et le fini dans les manifestations de l'esprit et de l'art laissent des traces qui ne sont pas nécessairement fugitives.

Germaine Malépart n'avait que 17 ans quand elle décrocha le Prix d'Europe décerné par l'Académie de Musique de Québec, prix qui n'avait et n'a encore rien de commun avec les bourses d'Etat qu'on accorde aujourd'hui pour des projets d'étude ou des voyages de culture générale. Le Prix d'Europe ne pouvait aller qu'à l'élève qui avait déjà un métier et une compétence indiscutable, les examens étant d'une rigueur extrême. Et il fallait que le sujet d'un tel prix continue sérieusement là-bas le travail commencé ici, et en donne des preuves. Germaine Malépart avait aussi été boursière du "Ladies Morning Musical Club". En 1942, elle avait inauguré le premier cours instrumental au Conservatoire, à Montréal. Plusieurs de ses élèves ont déjà un nom dans le monde musical.

Sur ses photos faites à Paris ou à Montréal, Germaine Malépart révélait, comme en personne d'ailleurs, à part une grande distinction, un type italien assez acusé; pour un peu on l'aurait prise pour une cousine sinon une soeur de Galli-Curci.

Contrairement aux jeunes qui ne parlent aujourd'hui que d'audace et de chance, Germaine Malépart déclarait un jour, à un reporter de "La Presse", au cours d'une entrevue: "L'avenir n'est pas aux audacieux mais aux courageux."

Ceux qui ont fait carrière dans le difficile domaine de l'art ne doivent pas, probablement, penser autrement.

C'est une grande artiste que le Canada français vient de perdre. Aux jeunes qui ont du courage d'assurer la relève et de prouver qu'ils n'ont pas peur du travail pour s'approcher de l'art et de la perfection.

Germaine BERNIER




Jacques Beaulieu
jacqbeau@canardscanins.ca
Révisé le 5 février 2015
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