Mes racines / my roots

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Biographie d'Henri Césaire Saint-Pierre

Mes racines / My roots

Henri Césaire Saint-Pierre


Ce document a été transcrit par Jacques Beaulieu, arrière-petit-fils de son sujet.

H.-C. BREILLÉ-SAINT-PIERRE, C.R.

Il existe au Canada trois familles qui portent le nom de Saint-Pierre, mais qui appartiennent à des souches différentes.

Henri Césaire Breillé-Saint-Pierre, l'éminent avocat qui est le chef de la société légale Saint-Pierre, Pélissier et Wilson, est né à Sainte-Madeleine de Rigaud, le 13 septembre 1842, et est le fils de Joseph Saint-Pierre, qui mourut en 1844. Le futur criminaliste dut donc être confié aux soins de son beau-frère, C. Raymond, marchand de l'île Bizard. À l'âge de douze ans il fut envoyé au collège de Montréal où il fit de brillantes études.

Lorsqu'il sortit du collège la guerre de Sécession venait d'éclater aux États-Unis. L'idée lui vint aussitôt de s'enrôler dans l'armée du Nord, mais ses amis l'en empêchèrent pour le moment. Il se rendit donc à Kingston où il commença l'étude du droit dans le bureau de M. James Agnew, célèbre avocat du temps. Mais aussitôt qu'il eût été admis à l'étude du droit, le goût des armes l'emporta sur celui des codes; il passa aux États-Unis et s'enrôla dans les 76ième Volontaires de New York, bataillon qui fut incorporé dans l'armée du Potomac. Au bout de deux mois il était sergent, et se distinguait parmi les plus ardents dans les combats quotidiens. Deux fois blessé, il resta sur le champ de bataille à Mine Run, près de Fredericksburg, et fut compté parmi les morts. On célébra même des services funèbres au Canada pour le repos de son âme. Mais la vie lui réservait d'autres honneurs que celui de succomber sur le champ de bataille; il n'était que blessé et fut conduit dans les prisons militaires du Sud, où la famine régnait presque en permanence. M. Saint-Pierre a lui-même raconté, dans un spirituelle conférence, les misères qu'il endura durant les treize mois de sa captivité.

Ayant enfin retrouvé sa liberté en 1865, il revint à Montréal où il fut en effet reçu comme un revenant. Il recommença l'étude du droit à Montréal et en 1870 il était admis membre du barreau de la province de Québec. Peu de temps après il entrait en société avec M. Gédéon Ouimet, ancien premier-ministre de Québec et ancien surintendant de l'instruction publique.

Avocat d'intuition, doué de l'éloquence à un haut degré, travailleur zélé, M. Saint-Pierre ne tarda pas à se faire une réputation à lui. Dès 1872 il obtint un triomphe qui fit comprendre à tout Montréal que notre barreau venait de trouver un grand criminaliste. Il avait à défendre trois hommes accusés de meurtre et contre lesquels il y avait des preuves apparamment très fortes. Deux d'entre eux furent acquittés et le troisième ne fut condamné que pour assaut grave.

En 1878, M. Saint-Pierre se laissa tenter par le démon de la politique, et il se présenta pour la législature provinciale dans Jacques-Cartier. Il fut défait et ne s'en affligea guère. Réflexion faite, il préférait se livrer exclusivement à l'exercice de sa profession; et depuis il a résisté à toutes les instances pour l'engager à se mêler d'affaires politiques ou municipales.

Il faut dire qu'il n'en aurait guère eu le temps, car les causes ont afflué à son bureau. Il a été appelé à défendre pas moins de trente-cinq à quarante individus accusés de meurtre et presque chaque fois il a réussi à faire acquitter ses clients; trois ou quatre furent trouvés coupables d'homicide, et un seul, Shortis, fut condamné à mort, et même cette peine fut commuée en emprisonnement pour la vie. Parmi ses triomphes restés mémorables citons les causes de Ferrari, de Cazas, de Fahey et Naeglé, et de Benson.

Cette dernière cause faisait dire à un poëte de ses amis:


" De ce nouveau succès qu'il ajoute à tant d'autres,
Je viens féliciter l'ami Sanctum Petrum.
Grâce à lui Sir Benson passe au rang des apôtres
'Non licet omnibus adire Corinthum.' "

Pour être juste il faut dire que si M. Saint-Pierre a si souvent triomphé c'est que, comme Berryer, il s'est fait une règle de ne prendre en main que les causes qui méritent d'être défendues. Le cas échéant, il sait aussi faire condamner: témoin, la cause célèbre de Tarte vs. Grenier.

Enfin la réputation de M. Saint-Pierre comme criminaliste est répandue dans tout le pays. Il fut fait conseil de la reine par le gouvernement fédéral en 1889, et le gouvernement provincial a confirmé cette nomination en 1898. Tout récemment il refusait l'honneur d'une élection comme bâtonnier du barreau.

En 1874, M. Saint-Pierre épousa mademoiselle Adeline-Albina Lesueur, fille de feu Adolphe Lesueur, marchand, de Terrebonne. Musicienne distinguée, excessivement charitable, madame Saint-Pierre partage dans le monde la popularité de son mari.

Le temps qu'il a pu dérober à son bureau et à sa famille, M. Saint-Pierre l'a consacré à l'étude des arts et de la littérature. Sa réputation comme musicien est bien connue et il cultive aussi les muses à ses heures. C'est en outre un protecteur zélé des jeunes qui veulent se consacrer à cette carrière.

Versé également dans les deux langues, ayant étudié les lettres des deux nations qui vivent au Canada, il va sans dire que l'éloquence de M. Saint-Pierre n'est pas seulement celle du palais. En 1895, à l'occasion de l'inauguration du monument Chénier, il prononça un discours où il exposa les idées les plus larges et les plus élevées sur l'avenir du Canada. L'an dernier il prononça un autre remarquable discours sur la tombe des vétérans de la guerre américaine inhumés à Montréal. En juin dernier, sans doute en conséquence de ce discours, il était nommé colonel dans la Grande Armée de la République et aide-de-camp du Général Butterfield, commandant-en-chef du contingent du Vermont.


Montréal fin-de-siècle: histoire de la métropole du Canada au dix-neuvième siècle,
(Montréal? 1899)
pages 102-103.




Jacques Beaulieu
Ce document a été mis en ligne le 16 septembre 2003
jacqbeau@canardscanins.ca
http://canardscanins.ca/canins/roots/biohcfrancais.htm


Jacques Beaulieu
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