Le programme en partie numérisé ici est
la propriété d'Odile Malépart,
nièce de Germaine Malépart
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Récital de Germaine Malépart et Mary Izard
donné le 25 novembre 1924 au Ritz-Carlton à Montréal
Couverture du programme:
Intérieur du programme:
Compte-rendu d'Henri Letondal
trouvé dans La Patrie:
LES CONCERTS
GERMAINE MALEPART ET MARY IZARD
A la salle du Ritz Carlton
Il nous est rarement accordé la faveur d'entendre un concert d'une aussi belle tenue
artistique que celui donné, hier soir, au Ritz, par Germaine Malépart, pianiste, et
Mary Izard, violoniste.
Tour à tour partenaires dans deux sonates de Mozart et de Beethoven, ces deux artistes
se sont révélées ensuite comme solistes dans un programme d'oeuvres éprouvées et souvent
exécutées, à l'exception d'une ou deux pièces. En somme, programme intéressant, fait
pour paire, et ne manquant pas son but.
Au piano, Germaine Malépart a donné une interprétation vraiment remarquable de finesse
et de style du "Carnaval" de Schumann, interprétation qui lui a valu une véritable
ovation. Signalons aussi le délicieux "Nocturne" de Fauré (le quatrième) et le "Pantin"
de Granados, paraphrase éblouissante de thèmes esopagnols.
Germaine Malépart peut marcher de pair avec les plus illustres virtuoses qui nous viennent
de l'étranger. Aussi mérite-t-elle plus que de banals éloges. Son jeu est fait
d'intelligence et de précision, à ce point qu'il nous semble un peu trop cérébral. Son
interprétation est réfléchie, et si l'artiste craint parfois de s'abandonner aux élans
qui lui viennent en cours d'exécution, c'est précisément par crainte de nuire à la
beauté de l'ensemble. Il y a dans cette interprétation une sorte de netteté sculpturale,
qui est bien l'une des caractéristiques du probe talent de Germaine Malépart. Elle
manque assurément de confiance et de spontanéité, et cela perce suffisamment pour nous
révéler une nature d'artiste inquiète, passionnément éprise de perfection, et ne
voulant rien laisser au hasard. Sa compréhensive interprétation des oeuvres la classe
bien au-dessus des pianistes qui n'ont que de la fougue et des doigts.
Soit que les deux artistes se fussent communiqué leurs scrupules respectifs, soit par
souci de bien jouer, Mary Izard se montra plus à son avantage dans des pièces originales
comme "En bateau" de Debussy eet "Danse Espagnole" de Sarasate, que dans la "Chaconne" de
Vitali-Chariter, par exemple, où les difficultées techniques sont en abondance. L'archet
glisse plus volontiers sur la corde qu'il ne s'y attache pour donner une impression de
fermeté et certains pianissimos sont d'une inquiétante ténuité. Si la finesse nuit parfois
à la décision des doigts, le sentiment, lui, se manifeste avec éclat, sans être ni trop
alangui ni trop mièvre.
Les deux artistes ne pouvaient manquer de s'infuser une part de leur sensibilité dans les
oeuvres qu'elles interprétaient. La "Sonate, op. 23" de Beethoven fut rendue avec un bel
ensemble et dans un mouvement juste. L'exécution en fut bien préférable à celle de la
"Sonate en la majeur" de Mozart, qui ne parut pas conserver tout son caractère et la
distingue fort peu de la sonate de Beethoven.
Malgré certaines critiques de détails que nous n'avons pas manqué de faire, parce que
nous nous adressons à des artistes et non à des amateurs, l'audition d'hier soir fut un
succès sans précédent. Salle comble; plus un fauteuil de libre; jusque sur les marches
de l'escalier de la galerie. Le public avait été parqué. Voilà de quoi faire réfléchir
nos imprésarii qui s'entêtent à faire salle vide avec des artistes étrangers.
Henri LETONDAL
La Patrie
26 novembre 1924
page18
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