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Les débuts du 65ième régiment
Ce texte est reproduit avec la gracieuse permission de son auteur, Pierre Vennat.

Pierre Vennat est un gradué du collège Mont-Saint-Louis, des universités Laval et Sherbrooke. Il a été journaliste au journal La Presse de 1959 à 2002, puis chroniqueur hebdomadaire de septembre 2002 à février 2004. Il a en plus été membre du conseil de presse du Québec de 2002 à 2007 inclusivement

Il a également été président de la semaine nationale des anciens combattants de 2002 à 2005 inclusivement puis président du comité consultatif des anciens combattants Canada au Québec en 2006 et 2007.



Les débuts du 65ième régiment

(1869-1885)

Pierre Vennat




  1. Les Canadiens français et la milice canadienne avant 1869
  2. Les Canadiens, tant francophones qu’anglophones, ne forment pas un peuple militaire. Jouissant, depuis la naissance de la Confédération canadienne en 1867 à tout le moins, du sentiment de sécurité que leur procure la situation géographique de leur pays, la majorité d’entre eux témoignent peu d’intérêt pour les questions de défense. Pourtant, la guerre a eu sur l’évolution du Canada et du Québec une influence bien plus grande que la plupart des Canadiens et Québécois ne le réalisent. En effet, si les Européens n’avaient pas occupé l’Amérique, il n’y aurait pas de Canada, pas de Québec.[1]

    Au temps de la Nouvelle-France, les Français de la métropole se montraient très peu empressés, à moins d’urgence, à maintenir de larges corps de troupes au Canada; d’autant plus que ces soldats ne viendraient que grossir le nombre de bouches à nourrir, alors que les récoltes canadiennes ne suffisaient pas, certaines années, aux besoins de la colonie.

    Comme il fallait tout de même pourvoir à la défense de la colonie; on décida donc d’officialiser un état de fait en appelant sous les drapeaux les « Canadiens », comme on désignait alors les habitants de la Nouvelle-France. La milice canadienne était née. Les unités de milice québécoises d’aujourd’hui sont donc l’aboutissement d’une longue évolution, marquée, entre autres, par de nombreux conflits armés, s’échelonnant sur une période de trois cent ans et remontant à 1649, alors que Louis d’Ailleboust fonda, à Trois-Rivières, en Nouvelle-France, le premier corps de miliciens.[2]

    Créature du régime français, la milice fut abolie après la cession du Canada à l’Angleterre, en 1763. Toutefois, quelques mois plus tard, à l’occasion du soulèvement amérindien sous la direction de Pontiac, les autorités britanniques décidèrent de la recréer. Plus tard, la milice servit de nouveau lors de l’invasion américaine de 1775, de la guerre 1812-1814 contre les Américains, lors du soulèvement des Patriotes de 1837-1838, lors du départ des troupes britanniques pour la Crimée en 1854 et 1855, lors de la guerre de Sécession aux États- Unis dans les années 1860, ainsi que lors des tentatives d’invasion des Féniens à la même époque, pour ne mentionner que les conflits précédant la naissance de la Confédération canadienne, en 1867.

    En 1840, date à laquelle on procéda à l’union des provinces du Haut et du Bas-Canada, correspondant à l’Ontario et au Québec modernes, la milice canadienne comptait, sur papier, 235 000 hommes, soit 118 000 au Bas-Canada (Québec), répartis en 178 bataillons et 117 000 au Haut-Canada (Ontario), répartis en 248 bataillons.

    Ces bataillons de milice n’avaient toutefois rien qui leur permette d’entrer en campagne en tant qu’unités de combats. « Les rassemblements annuels dégénéraient en beuveries, où régnait la confusion, et le service dans la milice était devenu presque inévitablement un objet de mépris plutôt qu’un devoir honorable. »[3]

    En 1848, le ministre britannique des Colonies, Lord Grey, écrit à Lord Elgin, alors gouverneur général du Canada, que puisque les Canadiens sont maintenant tout à fait autonomes, ils devraient également payer toutes leurs dépenses, y compris celles d’ordre militaire. Bien entendu, une pareille idée n’avait jamais effleuré l’esprit des Canadiens. Tout comme leurs voisins américains, la plupart d’entre eux ne ressentaient pas le moindre intérêt pour les questions militaires en temps de paix.

    Ce qui n’empêcha pas la population en général d’accepter facilement une réduction de l’effectif militaire britannique en Amérique du Nord, qui passa de 6 106 à 4 960 hommes dans le Canada uni et de 2 697 à 2 026 en Nouvelle-Écosse, entre 1851 et 1852.

    En mars 1854, la Grande-Bretagne entra en guerre contre la Russie et dut piger dans ses garnisons d’outre-mer pour monter une force expéditionnaire pour se rendre en Crimée. Il ne resta donc, au printemps de 1855, que 1 887 soldats britanniques au Canada uni et seulement 1 397 dans les Maritimes, incluant ceux en garnison à Terre-Neuve.

    Pour pouvoir se défendre adéquatement, le Canada se devait alors d’améliorer ses propres forces. Une commission fut donc instituée en 1855, en vue de faire une enquête sur l’état de la milice au Canada, de réorganiser cette dernière et de fournir un système de défense public qui doit être efficace et économique.

    La commission proposa des plans détaillés pour l’amélioration des forces locales, recommandant le maintien de l’ancienne milice sédentaire, tout en proposant la formation d’une nouvelle force de volontaires, qui recevraient des uniformes et des armes et qui seraient tenus de suivre un entraînement selon des normes précises.

    Ces recommandations visaient clairement à remplacer les militaires britanniques appelés à quitter le pays, par des Canadiens. La nouvelle force ainsi créée devait compter plus de 4 000 hommes, divisés en proportions égales entre la cavalerie, l’artillerie et l’infanterie, appuyés par les hommes de l’ancienne milice sédentaire.

    En plus, la commission recommandait l’achat d’armes et de munitions que l’on aurait à entreposer en vue d’équiper, au besoin, la milice sédentaire de 100 000 hommes.

    Un projet de loi, regroupant ces recommandations, fut donc présenté au parlement canadien, fractionnant le pays en dix-huit districts militaires, eux-mêmes divisés en sous-districts et abritant tous quelques régiments et bataillons, afin de faciliter la mobilisation. Chacun des nouveaux districts militaires était commandé par un colonel, assisté d’un état-major, tous bénévoles.

    L’unité de base demeurait la compagnie, dont le commandant était responsable de l’enrôlement. Au sommet de la pyramide, la nouvelle milice était dirigée par un adjudant-général et deux adjudants généraux adjoints, un pour l’ouest de ce qui constituait alors le Canada et l’autre pour l’est. Ces trois officiers étaient, quant à eux, embauchés sur une base permanente et rémunérés.

    Le colonel baron de Rottenburg fut nommé adjudant-général tandis que ses deux adjoints étaient le lieutenant-colonel Melchior-Alphonse de Salaberry, un francophone pour l’est et le lieutenant-colonel Donald Macdonald, pour l’ouest, Ces trois officiers supérieurs étaient rémunérés par l’État et employés sur une base permanente.

    L’innovation principale du projet de loi était la formation d’une « milice active » qui devait comprendre seize troupes de cavalerie, sept batteries de campagne, cinq compagnies d’artillerie et cinquante compagnies de fusiliers, soit un maximum de 5 000 volontaires, équipés et entraînés dix jours par an (vingt jours dans le cas de l’artillerie), aux frais du gouvernement qui les rémunérait pendant cette période d’entraînement et de manoeuvres.

    Le recrutement de ces hommes sur une base volontaire fit passer le principe du service militaire obligatoire au second plan et, dans les faits, la conscription ne fut plus utilisée que sur la fin des deux grandes guerres du XXe siècle. On peut donc dire que 1855 marque le commencement du volontariat en tant que caractéristique fondamentale de la politique de défense du Canada.[4]

    Le recours au volontariat fut un succès. La vague d’enthousiasme qui balaya le pays durant la guerre de Crimée laissa supposer que la Grande-Bretagne pourrait bien se débarrasser entièrement du fardeau que représentait la défense de l’Amérique du Nord. La milice volontaire avait en effet recruté la plupart de ses 5 000 hommes à la fin de 1855 et l’enthousiasme était tel que le Parlement autorisa, en 1856, que les effectifs puissent être doublés. Ce faisant, toutefois, on créa, du moins pour un temps, une deuxième classe de militaires, puisque les recrues des nouvelles formations seraient équipées, entraînées mais non payées.[5]

    Pendant quelque temps, il exista donc, parallèlement, deux catégories de miliciens : ceux appartenant à des unités dont les officiers et les hommes touchaient une solde et les autres. L’enthousiasme ne subsista toutefois pas, en partie dû à l’échec britannique en Crimée et en partie aussi dû à la crise économique qui frappa la colonie en 1858. Toutefois, en 1861, la guerre de Sécession, qui fit rage aux États-Unis jusqu’en 1865, força les autorités britanniques à réaliser la faiblesse militaire du Canada, face à la menace réelle du débordement de guerre vers le Canada.

    C’est qu’il n’y avait plus que 4 300 militaires britanniques de tous grades sur le territoire de ce qui forme aujourd’hui le Canada, dont une centaine à Fort Garry (maintenant Winnipeg), 150 en Colombie-Britannique, environ 1 800 dans les provinces maritimes et seulement 2 200 pour défendre ce qui constitue aujourd’hui les territoires du Québec et de l’Ontario. À ces soldats britanniques venaient s’ajouter quelque 5 000 volontaires en armes au Canada uni et tout autant dans les Maritimes. Théoriquement s’ajoutait en plus la milice sédentaire, sans arme, sans uniforme et sans entraînement adéquat.

    C’est pourquoi sir William Fenwich Williams qui, de Halifax, commandait les forces britanniques en Amérique du Nord, demanda des renforts afin de tenir le gouvernement des États-Unis en échec, de donner courage et confiance à notre peuple dans les provinces et de choisir le meilleur parti pour assurer le maintien de la paix.

    La Grande-Bretagne donna son accord et au printemps de 1862, pas moins de 18 000 militaires britanniques étaient en service actif en Amérique du Nord. Le Canada uni prit des mesures défensives : on installa de nouvelles batteries d’artillerie à Toronto et Kingston, on appela en service la milice sédentaire et on augmenta le nombre de volontaires. Enfin, pour la première fois, on créa un ministère de la Défense, détenu par celui qui, quelques années plus tard, devait devenir le premier chef de gouvernement de la nouvelle Confédération canadienne : John A. Macdonald.

    Macdonald dirigea une nouvelle commission, chargée d’examiner la défense du pays et de réviser la loi de la milice. La commission conclut que, pour défendre la longue frontière du Canada, il fallait au moins 50 000 hommes et autant de réservistes, ainsi qu’une force navale sur les Grands lacs. La commission proposait que cette force soit formée des volontaires ainsi que des miliciens sédentaires, choisis par tirage au sort et qui seraient tenus de suivre un entraînement militaire annuel de quatre semaines.

    Le projet de loi qui fit suite à cette recommandation devait toutefois susciter une opposition très forte et, s’il faut en croire Stanley, la députation canadienne-française, qui soutenait jusque-là le gouvernement Macdonald, décida de voter contre le projet.[6]

    Soudain, ce fut la stupéfiante nouvelle : le 20 mai 1862, le Parlement canadien avait rejeté le projet de loi sur la milice et renversé le gouvernement qui l’avait proposé. En Grande- Bretagne, journaux et gouvernements rivalisèrent d’outrage.[7]

    En 1863, toutefois, deux projets de loi concernant la milice réussirent à être adoptés. Le nombre de volontaires passa à 35 000. On devait les entraîner, les armer et les équiper. L’année suivante, 88 000 autres hommes furent versés dans les bataillons de service de la milice sédentaire. Cependant, les 34 800 miliciens des Maritimes n’ont reçu que cinq jours d’instruction militaire, tandis que, dans le Bas et le Haut-Canada, la situation est bien pire : les miliciens ne reçoivent aucun entraînement. Malgré tout, en 1864, deux écoles militaires pour officiers furent fondées sur le territoire de la future Confédération canadienne. Devant leur succès, on annonça en 1865 qu’on en ouvrirait d’autres.

    La nouvelle loi ne contribua que peu à donner un nouveau souffle à la milice, mais elle indiquait que l’opinion canadienne s’orientait au moins vers l’acceptation de responsabilités accrues. Les bataillons de service ne furent jamais très populaires; mais la milice volontaire fut accueillie avec enthousiasme par ceux qui firent leur devoir en se préparant à la défense de leur pays.[8]

    La menace d’un conflit avec les États-Unis écartée avec la fin, en 1865, de la guerre de Sécession une autre menace surgit aussitôt. Depuis les années 1840, les États-Unis avaient accueilli des centaines de milliers de réfugiés irlandais. Bon nombre de ceux-ci se joignirent à la société des Féniens, une société secrète s’adonnant à la violence, et qui avait élaboré un plan : une vaste armée, recrutée parmi d’anciens combattants irlandais, se proposait de prendre les colonies américaines de la Grande-Bretagne en otage afin d’obtenir l’indépendance de l’Irlande.

    Les Féniens croyaient que les habitants de l’Amérique du Nord les accueilleraient comme des libérateurs du joug britannique. Ils croyaient aussi que les gouvernants américains, avides d’obtenir les suffrages des immigrants irlandais, fermeraient les yeux sur les incursions armées de ceux-ci en territoire britannique voisin.

    Mais, au contraire, les Canadiens français n’éprouvaient aucune affection pour les Irlandais; les protestants, quant à eux, se hérissaient à l’idée d’une invasion catholique; et même de nombreux Canadiens d’origine irlandaise maudissaient la folie des Féniens.

    Au point de vue historique, les Féniens furent probablement une bénédiction pour le Canada. La menace qu’ils faisaient peser sur les colonies britanniques d’Amérique du Nord joua sûrement dans la décision de l’Ontario, du Québec et des provinces maritimes de s’unir pour former, à compter du 1er juillet 1867, la Confédération canadienne. Les Féniens réussissent à unir le pays comme rien ou personne d’autre n’avait réussi à le faire. Pendant quelques générations encore, les Féniens seraient l’épouvantail le plus pratique à utiliser pour tout homme d’État canadien aux prises avec l’agitation ou la désaffection.

    Cela dit, la Confédération canadienne ne changea pas grand chose à la situation militaire du pays. Le nouveau Dominion, à ses débuts à tout le moins, était autant une colonie britannique que les vieilles provinces qu’il avait fédérées. En un mot, explique Morton, la responsabilité d’Ottawa envers la milice et la défense équivalait à l’utilisation d’un pouvoir au niveau gouvernemental central et non à une diminution de l’autorité britannique.[9]

    C’est un francophone, sir Georges-Étienne Cartier, qui devint le premier Canadien à occuper le titre de ministre de la Milice et de la Défense nationale et des Institutions de la Défense nationale du nouveau Dominion. Cependant, si Cartier a bien déclaré, lors de l’adoption de la première loi de la milice du nouvel État canadien, que la milice serait la clé de voûte de la nouvelle nationalité canadienne, sa déclaration appartenait plutôt au domaine de l’hyperbole que de la réalité.

    Selon les chiffres fournis par Cartier en février 1869, le Canada pouvait compter à cette époque sur 37 170 volontaires faisant partie de la milice et, sur papier, sur 614 896 réservistes. L’état-major de cette milice, souvent nommé par patronage politique, était formé soit de vétérans miliciens non rémunérés, soit d’officiers britanniques en demi-solde. Cela dit, quelque fierté que les Canadiens aient pu en tirer, la milice demeurait une auxiliaire de la garnison britannique et continuait d’être sous-équipée.

    La loi était à peine passée que le gouvernement britannique, qui avait déjà précisé dans le passé que le Canada devrait assumer la majeure partie de sa propre défense, faisait savoir à la fin de 1868, que Londres envisageait de retirer complètement ses troupes du pays et que le nouveau Dominion devrait assumer seul le fardeau entier de sa défense.

    Quoiqu’il en soit, la nouvelle loi sur la milice divisait le Canada en neuf districts militaires, dont trois étaient situés au Québec. Le lieutenant-colonel de Lotbinière-Harwood, un gentilhomme ayant dans les veines du sang de la noblesse de la Nouvelle-France, fut nommé adjudant-général adjoint de la milice canadienne et commandant du 6e district militaire. Il entra en fonctions le 1er janvier 1869.

    En ce début de 1869, à la vérité, l’esprit militaire était très languissant depuis que l’excitation causée par les premières échauffourées des Féniens, en 1866, s’était calmée. Tous les régiments de Montréal étaient tombés presque à rien. Le seul régiment francophone de Montréal à l’époque, les Chasseurs Canadiens (4e Bataillon), dont l’existence officielle remonte au 17 janvier 1862, et qui avait droit à un effectif de 32 officiers et 440 hommes, ne réussit qu’à recruter 16 officiers et 232 hommes. Malgré tout, note Chambers, c’est ce régiment, la seule unité de milice entièrement de langue française à Montréal, qui comptait le plus gros effectif. En un mot, la situation au sein des unités montréalaises de langue anglaise était encore pire.

    Quand le lieutenant-colonel de Lotbinière-Harwood prit le commandement du nouveau district militaire, en janvier 1869, le bataillon des Chasseurs Canadiens avait d’ailleurs été dissout. La décadence de ce bataillon qui, à son origine, avait été très fort, paraît avoir été due d’abord à la difficulté de recruter les hommes et ensuite à la division qui existait parmi ses officiers. Mais l’influence de l’ancien bataillon continua de se faire sentir, notamment dans la réorganisation de la milice du district.

    Lotbinière Harwood trouva donc devant lui, au sein du district militaire, un état de choses très décourageant, allant jusqu’à écrire que le petit nombre de volontaires dans nos unités françaises découragerait l’officier le plus zélé, s’il n’avait la certitude que le patriotisme des Canadiens et leur loyauté à la Couronne sont à la hauteur de ce qu’en attendait le ministre de la Milice.[10]

    Pour un citoyen, être milicien signifiait le plus souvent un revenu d’appoint. Si les citoyens-soldats s’identifiaient à la population, les officiers en revanche formaient un monde à part. Être officier montrait une certaine réussite au sein de la société. Plusieurs officiers étaient très liés au monde de la politique et appartenir à un régiment apportait souvent des avantages. Il n’était pas rare de voir des députés commander un régiment. Se montrer aux événements mondains ou politiques, revêtus de leur prestigieux uniforme, leur accordait une certaine importance. En général, cette image sociale du milicien, et surtout de l’officier, avait une valeur moindre chez les francophones que chez les Canadiens anglais.[11]

    À ses débuts, la milice canadienne d’après la Confédération était une institution sociale et politique. Sans ennemi à combattre ni guerre à livrer, cette force armée trouvait d’autres buts à son existence. Une fonction courante, pour un bataillon, consistait à mobiliser les suffrages de ses membres. Entre un quart et un sixième des députés des sept premières législatures qui suivirent la Confédération étaient des officiers de la milice.

    Bien entendu, une milice qui comptait trop d’officiers, qui recevait trop peu d’instruction et ne disposait que d’équipement vétuste avait peu de valeur au combat. Aucun soldat professionnel ne croyait que la bataille stimulée ou la prise d’armes qui couronnait un camp d’été de douze jours était une préparation à la guerre. Par contre, ces spectacles flattaient la vanité des hommes d’État et des miliciens, tout en réjouissant les contribuables qui y assistaient.[12]

  3. La naissance des Mount Royal Rifles (65e Bataillon)
  4. À l’époque, Montréal était la métropole du Canada. L’approfondissement du chenal Saint-Laurent, la construction des voies ferrées et du pont Victoria en avaient fait le port le plus important du Bas-Canada, suscitant une activité économique qui attirait de considérables capitaux étrangers, des milliers d’immigrants et une main-d’oeuvre qui venait des quatre coins de la province. La population, en 1869, atteignait 110 000 âmes.

    Bientôt, Montréal deviendra le grand entrepôt et le centre bancaire du Canada. Tous les espoirs lui semblaient permis. Il est vrai, cependant que la ville avait perdu son titre de capitale du Canada à la suite des troubles de 1849 et de l’incendie criminel du Parlement, coup des émeutiers tories, révoltés par l’adoption d’un projet de loi visant à indemniser les victimes de la rébellion de 1837-1838.

    Mais les esprits s’étaient calmés et la Confédération qui avait uni le Bas et le Haut- Canada à deux provinces maritimes existait depuis déjà deux ans et était appelée à s’étendre. Il existait bien toujours une défiance mutuelle des éléments anglophone et francophone l’un à l’égard de l’autre mais cette méfiance n’empêchait pas certains groupes de la province de fonder des régiments de milice composés entièrement de Canadiens français pour le compte du pays, c’est-à-dire à l’époque de la Couronne britannique.

    La loi de 1868 prévoyait la naissance d’une dizaine de nouveaux bataillons de milice à travers le Québec et c’est ainsi que, le 18 juin 1869, un ordre général en provenance d’Ottawa stipulait que « la formation d’un nouveau corps est par la présente autorisée : il sera désigné sous le nom de Mount Royal Rifles » (le nom du régiment ne fut traduit par Carabiniers Mont-Royal qu’en 1902). Ceci fait du régiment des Fusiliers Mont-Royal, tel qu’on le connaît aujourd’hui, le plus ancien des bataillons actuels francophones de milice montréalais.

    Milicien cela veut dire : amateur à temps partiel en temps de paix, volontaire en temps de guerre. À bien des égards, le contraire du soldat professionnel. Que ce dernier soit essentiel à la mise en marche et à la haute direction de la machine, à l’entraînement et à l’instruction des éléments non professionnels, personne ne le nie. Mais on ne remarque pas assez que ce sont de simples citoyens en uniforme, des amateurs, qui ont gagné les deux grandes guerres mondiales sur les forces armées les plus professionnelles de l’histoire moderne.

    Les Fusiliers Mont-Royal constituent donc, depuis leur création, une unité de milice, composée de volontaires à temps partiel en temps de paix, et presque entièrement de volontaires en temps de guerre. De volontaires tirés de tous les milieux, de toutes les professions. Ce sont des hommes d’affaires, des ingénieurs, des avocats, des étudiants, qui ont endossé l’uniforme de campagne et qui, après un bref stage d’instruction, ont à leur tour entraîné les hommes qui leur arrivaient de l’usine, de la ferme, de l’atelier, et de cent métiers. Des membres d’un régiment où la langue commune était le français. Des hommes (et depuis quelques années des femmes) de chez nous appelés par l’aventure, le sens du devoir, le besoin de servir une grande cause.[13]

    Le lieutenant-colonel Joseph Beaudry, E,M. (Médaille d’Efficacité) fut nommé commandant du nouveau bataillon, assisté des majors Napoléon Labranche, E.M., et Michel C. Deguise, E.M.. Charles C. Spénard, E.M., agissait comme paie-maître et Jean B. Émond, comme quartier-maître.[14]

    Le 16 juillet, le capitaine Benjamin Parent, E.M., était nommé adjudant du régiment et, le 8 octobre, le Dr Édouard Mount était nommé chirurgien régimentaire. Le Dr Mount devait remplir ces fonctions jusqu’en 1872, alors qu’il démissionna pour être remplacé par le Dr Emmanuel-Persillier Lachapelle, lequel demeura chirurgien-major régimentaire jusqu’en 1888, alors qu’il fut remplacé par le Dr Paré.

    Dès 1878, le Dr Lachapelle, qui s’illustra par la suite comme âme dirigeante de l’hôpital Notre-Dame et doyen de la Faculté de médecine de l’Université Laval de Montréal, avait organisé les premières ambulances militaires de Montréal, l’une au carré Victoria, l’autre sur la Place d’Armes, en prévision d’émeutes de la part des Orangistes. Il ne s’agissait toutefois que d’une organisation provisoire et la première équipe régulière d’ambulanciers vit le jour l’année suivante, lors de la visite que firent dans la région métropolitaine la princesse Louise et le marquis de Lorne, à l’occasion de la Fête de la Reine. Ce sont les clairons du régiment qui avaient été mobilisés pour servir d’ambulanciers, car la fonction de secouriste régimentaire n’existait pas encore. Quant à l’ambulance mise sur pied par Lachapelle, elle rendit de multiples services, car s’il n’y eut pas de blessés comme tels, il y eut plusieurs accidents et des cas d’insolation.

    Certains des officiers du début étaient titulaires d’un certificat octroyé par une des écoles militaires établies en 1864 pour l’instruction et l’exercice pratique des officiers.

    Il ne semble toutefois pas que l’on puisse affirmer que les Carabiniers Mont-Royal, connus à leurs débuts sous le nom de 65e régiment, soient un « rejeton » des Chasseurs Canadiens contrairement à une affirmation souvent répétée dans les premières années du régiment.

    Il y eut bien quelques anciens officiers des Chasseurs Canadiens qui furent nommés dans la première publication de la liste d’officiers du 65e Bataillon, mais ils ne s’y étaient joints que vers la fin de l’existence de ces derniers. D’ailleurs, sur la centaine de jeunes gens qui participèrent, comme simples soldats, à la première parade du nouveau régiment, un seul aurait appartenu aux Chasseurs Canadiens dans le passé.[15]

    Quoiqu’il en soit, les autorités militaires tentèrent, en même temps qu’ils créaient le 65e Bataillon de faire revivre les Chasseurs Canadiens, mais celui-ci devait disparaître définitivement en 1872. Le 65e, qui devait devenir les Fusiliers Mont-Royal d’aujourd’hui, constitua donc le seul régiment francophone d’infanterie montréalais jusqu’en 1880, alors qu’on forma le 85e Bataillon, maintenant connu sous le nom de Régiment de Maisonneuve et qui lui aussi existe toujours.

    Par ailleurs, il est souvent mentionné que la Garde de l’Évêque fut le noyau autour duquel les Carabiniers Mont-Royal se constituèrent. Bien que n’ayant aucun statut officiel, la Garde de l’Évêque, commandée par MM. Renaud et Goyer comptait une centaine d’hommes et s’entraînait une fois la semaine, à compter de février 1869, à l’arsenal local.[16]

    C’est le capitaine Louis S. Goyer, E.M., commandant de la 2e compagnie du nouveau régiment lors de sa création officielle, qui parla pour la première fois de cette filiation dans une lettre en 1886 et dont personne, à l’époque, ne contesta la teneur. Selon Goyer, les Carabiniers Mont-Royal descendaient de la Garde de l’Évêque, un corps paramilitaire indépendant, composé de tout jeunes gens, et qui était, à l’époque, commandé par le capitaine Arthur Renaud, lequel, lors de la création des Carabiniers, se vit confier le commandement de la 5e compagnie.[17] ]

    Le but de ce mouvement paramilitaire était de former une garde d’honneur à l’évêque catholique du diocèse dans les cérémonies publiques, particulièrement lors de la procession de la Fête-Dieu, alors un événement d’importance dans les rues de la Métropole.

    Les membres de la Garde de l’Évêque portaient un sabre et revêtaient un uniforme se rapprochant de celui de l’armée française d’alors, avec comme coiffure un képi. Chaque membre devait défrayer lui-même le coût de son uniforme et de son sabre. Ces frais étant onéreux et les occasions de paraître ainsi en public se faisant rares, l’enthousiasme envers la Garde de l’Évêque finit par tomber et ses deux dirigeants, les futurs capitaines Goyer et Renaud firent alors des pieds et des mains pour que leur mouvement fût incorporé à la milice active canadienne alors en voie de formation.

    Les deux hommes réussirent, effectivement, à recruter le noyau d’un régiment et organisèrent même une première parade paramilitaire le premier jeudi de février 1869, sous le commandement de Goyer. Toutefois, si l’influence de Goyer et de Renaud ne fait aucun doute dans la participation aux premières parades du 65e régiment, il n’en demeure pas moins que le projet de former ce qui devait devenir les Fusiliers Mont-Royal d’aujourd’hui, avait été discuté par les autorités militaires bien avant que les deux fondateurs de la Garde de l’Évêque présentent leur projet.[18]

    D’ailleurs, lorsque le bataillon fut inspecté pour la première fois, au début de juin 1869, Renaud n’était pas présent bien que, lorsque le régiment fut officiellement créé, le 18 juin de la même année, il fut nommé capitaine à titre provisoire.

    Par ailleurs, des officiers des Chasseurs Canadiens occupèrent une place prédominante dans la formation des Carabiniers Mont-Royal. Lorsque les Carabiniers du Mont-Royal furent officiellement formés en juin 1869, presque tout l’état-major du nouveau régiment provenait de celui des Chasseurs Canadiens. C’était le cas du capitaine adjudant Benjamin Parent, du paie- maître, Charles C. Pénard et du quartier-maître Jean-Baptiste Émond. Sans compter bien sûr le commandant, le lieutenant-colonel Joseph Beaudry et ses deux adjoints, les majors Napoléon Labranche et Michel T. Deguise, qui tous trois avaient servi comme capitaines dans les Chasseurs Canadiens.[19]

    On connaît peu la vie privée des autres officiers fondateurs du régiment. L’on sait toutefois que le capitaine André-Wilfrid Delisle (1841-1922) a joué un rôle important dans la vie publique de Montréal et des Basses-Laurentides à la fin du 19e siècle, ayant été maire de Sainte- Cunégonde avant la fusion du quartier Saint-Henri à Montréal. Une rue porte d’ailleurs aujourd’hui son nom. Il fut également fondateur-propriétaire d’une usine de papier à Saint- Jérôme, à la demande du curé Labelle, de 1880 à 1893, usine qui fut vendue par la suite aux frères Wilson et dont on peut encore voir les ruines. Le capitaine Delisle en plus de l’Efficiency Medal (E.M.) a reçu deux médailles en rapport avec les raids des Féniens de 1866 et 1870, lesquelles sont maintenant en montre au musée du régiment.[20]

    Il serait toutefois erroné de laisser croire que tout commence en 1869 pour les Fusiliers. Selon lui, les compagnies volontaires de miliciens existaient à Montréal depuis 1856, mais indépendantes les unes des autres. Ceci, bien sûr, posait bien des problèmes pour l’administration et l’entraînement des troupes. Ce qui est nouveau en 1869, c’est le groupement des six compagnies des Fusiliers, jusque-là isolées, en un seul bataillon, le 65e. C’est ainsi qu’ont été formés plusieurs régiments de milice actuels.

    Quant à la Garde de l’Évêque, elle n’a pas été le seul noyau du régiment. Dans les faits, elle ne constituait qu’une des six compagnies groupées en 1869 pour former le 65e Bataillon. Il y avait en outre une compagnie de l’École normale, une compagnie d’étudiants universitaires, deux compagnies de commis et « une compagnie de chômeurs et indésirables »[21]

    Le lieutenant-colonel Joseph Beaudry, premier commandant du 65e Bataillon, était un officier capable et plein d’enthousiasme qui, pendant de longues années, a tenu à Montréal une boutique de tailleur. Lorsqu’il quitta son commandement, en 1875, il alla vivre à Ottawa. Né à Saint-Esprit, dans le comté de Montcalm, il s’éteignit le 24 février 1904, à l’âge de 84 ans.[22]

    Bien que la naissance du régiment n’ait été officialisée que le 18 juin, il avait commencé ses opérations quelque temps avant et dès le 5 juin 1869, la nouvelle unité était inspectée par le lieutenant-colonel Harwood et un vétéran des Chasseurs Canadiens le lieutenant-colonel Gustave d’Odet d’Orsonnens. Le journal La Minerve mentionnait alors la présence de la fanfare des « Révérends Frères » qui avait honoré le nouveau bataillon de sa présence et notait que le plus fin gratin de la métropole était venu encourager les nouveaux miliciens.[23]

    Quelque temps à peine après la naissance du 65e, la crainte d’une éventuelle invasion fénienne devait provoquer, pour la première fois dans l’histoire régimentaire, la mobilisation pour service actif de quelques-uns de ses hommes, sous le commandement du capitaine A. T. A. Chagnon, assisté du lieutenant A. M. Charbonneau et du sous-lieutenant J. E. Chagnon. Cela dit, les Féniens furent dispersés et renvoyés par des troupes se trouvant davantage près de la frontière américaine sans que les unités montréalaises, parmi lesquelles le 65e, aient à intervenir.[24]

    L’on conserve aussi le nom de celui qui serait le premier à s’être enrôlé comme simple soldat au sein du nouveau régiment. Il s’agit de Benjamin Husereau, né le 26 février 1850 et qui avait donc 19 ans lors de son enrôlement.

    Benjamin Husereau raconta qu’il passait au coin de l’intersection des rues Saint-Antoine (Craig à l’époque) et Saint-Laurent, là où on trouve maintenant l’immeuble de La Presse et le Palais de justice de Montréal, mais où, à l’époque, était situé l’atelier de tailleur du lieutenant- colonel Beaudry, lorsqu’il aperçut un placard sur la porte de l’immeuble, ainsi rédigé: « Bureau de recrutement du 65e Bataillon-Carabiniers Mont-Royal, sous le commandement du major Joseph Beaudry ».

    Husereau entra et rencontra sur les lieux le capitaine Alphonse Cinq-Mars, gendre de Beaudry, qui devait éventuellement devenir le premier commandant de la 3e compagnie du nouveau bataillon. Cinq-Mars enregistra la déclaration du volontaire, inscrivit son nom sur le premier rôle régimentaire et lui fit prêter serment, séance tenante, ce qui en ferait la première recrue qui ait été acceptée au sein du nouveau bataillon. Peu après, Husereau fut promu sergent et servit dans le bataillon pendant plusieurs années.

    Le 21 octobre 1869, le lieutenant-colonel de Lotbinière Harwood, commandant du district militaire de Montréal, procéda à la première inspection officielle de la nouvelle unité, qui s’était entraînée tout l’été et comptait 24 officiers et 240 sous-officiers et soldats et une fanfare de 15 musiciens. Différents changements et additions furent apportés au cadre d’officiers du nouveau régiment pendant ses quatre premiers mois d’existence et dès le 16 juillet 1869, la mutation suivante parut à l’ordre général et le capitaine Benjamin Parent, E.M., fut nommé adjudant. Le 8 octobre, en plus de la nomination du Dr Édouard Mount comme chirurgien régimentaire, on pouvait lire: « 2e compagnie: on se dispensera des services du capitaine Goyer ». L’un des fondateurs de la Garde de l’Évêque n’aura donc pas fait long feu avec le nouveau régiment.

    Enfin, le 5 novembre 1869, les Carabiniers Mont-Royal, qui ne portaient encore officiellement que leur nom anglais de Mount Royal Rifles, recevaient un numéro de bataillon: le 65e!

    Les hommes étant novices dans le métier, c’est un beau commencement. Le problème des cadres semble résolu à l’époque; formés de jeunes officiers en partie diplômés des écoles militaires, ils sont d’abord pénétrés de l’importance de leurs efforts. Mais plus tard, il faudra déchanter: certains, se croyant négligés par les autorités compétentes, démissionneront; d’autres seront mutés. Durant cette période, on connaîtra les difficultés qui handicapent toujours les unités nouvelles dont les cadres se cherchent une expérience, une tradition, une façon propre de faire les choses.[25]

    Cependant, même si Georges-Étienne Cartier, ministre de la Milice et de la Défense de 1867 à 1873, avait vu dans la milice une institution d’unité nationale, cette dernière ne réussit pas à attirer massivement les Canadiens français. Malgré ses efforts et ceux de deux autres ministres francophones de la Milice et de la Défense, Louis-François Rodrigue Masson (1878 à 1880) et Adolphe-Philippe Caron (1880 à 1892), elle demeurait une institution anglophone. Seul l’anglais était utilisé lors de l’entraînement, des manoeuvres et dans les manuels d’instruction. Les uniformes étaient modelés sur ceux de Grande-Bretagne. En fait, même si elle se voulait canadienne, la milice n’était qu’une pâle imitation parfois burlesque du modèle britannique.[26]

    La disparition des Chasseurs Canadiens n’augmenta pas les effectifs des Carabiniers Mont-Royal qui durent mener une lutte sévère pour l’existence et connurent de nombreux changements parmi les rangs de ses officiers durant ses premières années d’existence.

    Pendant leurs dix premières années d’existence, les Carabiniers Mont-Royal se heurtèrent à des difficultés plus grandes encore que n’eurent à éprouver ordinairement les régiments anglophones de milice à leurs débuts. C’est que le service volontaire était une expérience complètement nouvelle pour les Canadiens francophones, tandis que c’était une des traditions les plus chères à leurs compatriotes descendants des Britanniques. Il n’y a donc pas à s’étonner que le nouveau régiment ait eu des débuts assez pénibles.[27]

    En 1871, le bataillon prit part au grand camp tenu à Laprairie, qui regroupait presque toutes les unités des 5e et 6e districts militaires , où se rassemblaient 5 310 hommes, officiers compris, parmi lesquels plus de 2 000 Canadiens français. Le camp dura seize jours.

    Selon le colonel Robertson Ross, adjudant général de la milice, l’apparence et l’état réel de la majorité des corps d’infanterie, en ce qui regarde l’exercice militaire, le bon état des armes, l’équipement et le port militaire, étaient inférieurs généralement à ce qu’il avait constaté pour la majorité des corps d’infanterie de la province d’Ontario, quoiqu’il y eût des exceptions. Mais les hommes, bien qu’en général ils ne fussent pas si grands de taille, paraissaient au moins aussi vifs et aussi robustes. Quelques compagnies rurales, aussi bien parmi les francophones que parmi les anglophones, paraissaient capables d’endurer de grandes fatigues, et l’adresse avec laquelle ils s’adaptèrent à la vie de camp était très frappante. Ross concluait qu’en ce qui concernait cette branche très importante de l’instruction militaire, les Canadiens, tant francophones qu’anglophones, avaient peu à apprendre d’aucune armée, et même auraient pu en remontrer à plusieurs.

    Ross ajoutait que, bien qu’un grand nombre d’hommes, dans la ville de Montréal, aient le désir de s’engager, beaucoup d’entre eux en étaient pratiquement empêchés par ceux qui les employaient, lesquels, par leur égoïsme, les obligeaient à démissionner de la milice active avant de consentir à les engager.

    C’est sans doute une des principales raisons pour lesquelles, en 1871, bien que le 6e district de milice (Montréal) fut autorisé à recruter 3 228 hommes, il n’en comptait que 1 512 qui participèrent aux exercices, dont, pour le 65e, 17 officiers et 158 hommes.

    Dans son rapport annuel de 1872, le lieutenant-colonel Harwood devait attirer l’attention des autorités sur cet épineux problème:« Plusieurs personnes d’une bonne position m’ont déclaré qu’elles porteraient très volontiers le fusil s’il y avait danger immédiat, mais qu’elles ne pouvaient négliger leurs affaires et compromettre leur fortune, en s’attachant régulièrement à un régiment, oubliant sans doute que contribuer à la défense du pays est une dette sacrée pour tous les hommes valides… ».

    L’année suivante, l’inspection annuelle donna lieu à du jamais vu: les miliciens étaient en civil. Les anciens uniformes étaient usés à la corde et les nouveaux, pas arrivés. Le lieutenant- colonel Beaudry avait sous ses ordres 18 officiers, lui compris, et 194 sous-officiers et soldats. En 1874, Beaudry avait réussi à augmenter son effectif de 40 hommes mais encore une fois n’avait pas pu faire suivre aux hommes la pratique de tir réglementaire.[28]

  5. La fanfare
  6. Le corps de clairon du 65e fut organisé en 1875 par Armand Beaudry. Des débuts du régiment à 1875, chaque compagnie n’avait qu’un clairon. Beaudry eut l’idée de réunir les six clairons en question, d’en augmenter le nombre et de leur adjoindre des tambours. James Lafontaine, un détective de la police de Montréal dans la vie civile en fut le premier instructeur. Le corps des clairons du régiment connut sa première grande sortie à Québec, en 1880, alors que ses 18 clairons et 10 tambours firent sensation sur les Plaines d’Abraham.

    Par ailleurs, dès la fondation du régiment, en 1869, on note la présence d’une fanfare de 15 musiciens. Mais dans les faits, il faudra attendre plusieurs années avant que les musiciens ne fassent partie des effectifs réguliers du régiment. Quant à la première fanfare du régiment, elle fut formée de l’ancienne fanfare dirigée par M. Hardy père, ex-chef de la fanfare des Voltigeurs Canadiens, dont le fils Edmond était, au début du 20e siècle, un musicien bien connu.

    Puis, vers 1875, la Musique de la Cité, une des meilleures fanfares du Canada à l’époque, dirigée par Ernest Lavigne, ex-chef de fanfare des Victoria Rifles, entra en pourparlers avec le 65e pour accompagner le régiment dans ses déplacements, lorsque le besoin s’en ferait sentir.

    Cette fanfare fut intégrée au régiment, sous le commandement du sergent d’état-major D. Picard, lui aussi un ancien de la Musique de la Cité et commença à donner des concerts en plein air dans les parcs de la métropole.

    Lavigne, à qui le régiment octroya le grade de lieutenant, était né à Montréal en 1851. En 1869 et 1870, il avait accompagné les Zouaves en Europe où il servit dans la fanfare en 1870 et 1871. Quittant les Zouaves, il fit carrière en Europe avant de revenir au Québec en 1874. Après une brillante carrière musicale, il devait décéder, le 18 janvier 1909, à l’âge de 58 ans.

    Lavigne devait avoir comme successeur, à compter de 1909, le capitaine Joseph-Jean Goulet, qui dirigea la fanfare régimentaire pendant plus de 40 ans et qui ne quitta son poste qu’à la veille de son décès, en 1951, à l’âge de 81 ans. Goulet, d’origine belge, était arrivé au Canada en 1891, à l’âge de 21 ans. Violoniste, il avait pris la décision de faire carrière au sein de l’orchestre du parc Sohmer que dirigeait Lavigne. Chef d’orchestre par la suite de l’Opéra français (1893-1895), Goulet fut simultanément violon solo dans le premier ensemble musical à porter le nom d’Orchestre symphonique de Montréal, entre 1889 et 1896. Il en devint directeur artistique de 1898 à 1919.

    En 1910, Goulet prit la direction du Corps de musique de la tempérance de la paroisse Saint-Pierre Apôtre, mieux connu sous le vocale de Bande de la tempérance. Décidant de faire peau neuve, l’orchestre échangea habit galonné et casque à plumet contre un uniforme bleu marine plus sobre et changea son nom en Alliance musicale. Le 65e approcha alors le comité de direction de l’Alliance musicale et quelque temps après, l’ancienne Bande de la tempérance, rebaptisée Alliance musicale commença à défiler régulièrement avec le régiment, si bien que, avec les années, le groupe fut intégré à l’effectif régimentaire.

    Si pendant quatre décennies, le nom de Joseph-Jean Goulet fut synonyme de musique militaire et de fanfare, il fut beaucoup plus que cela. En plus de diriger la musique des Fusiliers Mont-Royal, lors d’imposants cortèges ou au cours de concerts populaires offerts l’été dans les parcs, Goulet joua en effet un rôle important au Mont-Saint-Louis où, en plus de former des ensembles instrumentaux, il a monté des opéras-comiques.

    Il enseigna aussi le violon dans plusieurs institutions d’enseignement de Montréal, fut chef de l’Opéra français à Montréal, puis réorganisa la Montreal Symphony Orchestra, fondée par Guillaume Couture. Pendant des années, à compter de 1897, il dirigea cet ensemble symphonique, ancêtre de l’Orchestre Symphonique de Montréal actuel, dans des audiences qui réunissaient l’élite locale à la salle Windsor, ensuite à l’Académie de Musique, puis aux théâtres His Majesty’s et Princess. Comme si cela n’était pas suffisant, il fut maître de chapelle dans quelques églises, enseigna le solfège au Monument National et fonda un ensemble qui portait le nom de Disciples de Mozart.

    Cela dit, les Fusiliers Mont-Royal eurent l’honneur de compter dans ses rangs le plus grand animateur de la musique que le Canada français ait connu au 20e siècle, nul autre que Wilfrid Pelletier, qui donna son nom à la principale salle de concert de la Place des Arts de Montréal. Pelletier, qui était déjà un virtuose du piano, s’engagea en effet, à l’âge de 14 ans, dans la fanfare des Fusiliers et, en 1910, en était déjà le premier tambour. C’est d’ailleurs grâce à l’aide du régiment et de son colonel honoraire, Rodolphe Forget, qu’il put poursuivre ses études musicales à New York, où il dirigea l’orchestre de la Metropolitan Opera House avant de devenir, par la suite, le grand animateur de la musique au Canada français.[29]

  7. Les successeurs de Beaudry
  8. Le lieutenant-colonel Beaudry demeura en poste jusqu’au 1er octobre 1875, alors qu’un ordre général stipula que ses services ne seraient requis à l’avenir comme officier de la milice active. Il fallut cependant trois ans pour lui trouver un successeur en titre.

    Après avoir assumé pendant trois ans le commandement intérimaire de l’unité, le major Napoléon Labranche, qui s’était joint au régiment dès sa création neuf ans plus tôt, fut enfin nommé commandant et promu lieutenant-colonel le 19 juillet 1878.

    Quelques semaines après son entrée en fonction comme commandant intérimaire, le régiment, fort de 14 officiers et 242 sous-officiers et soldats. Le lieutenant-colonel Harwood nota, dans son rapport de décembre 1875, que les hommes, sous la direction du lieutenant- colonel Labranche, allaient bientôt devenir un des meilleurs corps de la milice, mais que la plupart d’entre eux étaient dépourvus d’uniformes et de fourniments.

    Durant ces années, le régiment fut quelques fois appelé à maintenir l’ordre dans les rues de Montréal. C’est qu’à cette époque, les services de police n’avaient pas atteint le degré d’efficacité qu’on leur connaît aujourd’hui et c’est pourquoi les pouvoirs civils faisaient souvent appel à la milice.

    Quelques jours avant le 12 juillet 1877, des rumeurs voulant que les Orangistes défilent dans la rue pour défier les Irlandais et célébrer la victoire de Guillaume d’Orange sur les Irlandais catholiques, on mobilisa le 65e en prévision d’une émeute possible. C’est ainsi que le 11 juillet, un soldat du régiment, du nom de Francis Fitzpatrick, eut le triste honneur d’être le premier membre du régiment à tuer quelqu’un alors qu’il était en devoir.

    En effet, Fitzpatrick, qui était de faction, eut à se défendre contre un groupe de voyous et ce faisant, en tua un d’un coup de baïonnette. Une enquête du coroner décréta que Fizpatrick était en légitime défense et n’avait fait que son devoir. Quant à l’émeute appréhendée, elle n’a pas eu lieu, mais un jeune Orangiste ayant été assassiné, le 65e fut mobilisé à nouveau le 16 juillet pour prévenir toute violence lors de ses funérailles.[30]

    Enfin, le 31 août 1878, un conflit opposant le gouvernement provincial aux entrepreneurs de la compagnie de chemin de fer Québec, Montréal & Occidental nécessita la présence de troupes, dont 120 hommes du 65e aux gares de Montréal et de Sainte-Thérèse afin de décourager de potentiels manifestants. Toujours la même année, le 65e monta une garde d’honneur pendant le séjour montréalais du gouverneur-général, le marquis de Lorne et sa femme, Son Altesse Royale la princesse Louise. Ces petits incidents, qui étaient la monnaie courante du service dans les milices de l’époque, aidèrent une unité encore jeune, à lui inculquer les amorces d’une tradition.[31]

    C’est à cette époque que le régiment s’est donné la devise latine qui est la sienne depuis 125 ans : Nunquam Retrorsum et qui se traduit en français par Ne jamais reculer ou, plus familièrement : Nous ne reculerons jamais!

    On n’a jamais pu établir de façon précise si l’on devait cette devise au capitaine P. J. Bédard ou au capitaine Tancrède Terroux. Ce que l’on sait c’est que le régiment l’a proposée à Ottawa et qu’elle fut approuvée par un ordre général du 10 avril 1879 : « 65e Bataillon Mount Royal Rifles- le bataillon, en vertu du présent ordre, reçoit l’autorisation de faire usage de la devise Numquam Retrorsum ».[32]

    Une version veut qu’elle ait été imitée de quelque précédent dans l’armée anglaise; mais aucun régiment anglais, soit de cavalerie, d’infanterie ou d’artillerie, n’emploie une devise semblable, quoique deux ou trois en aient une qui en approche beaucoup : Vestigia nulla retrorsum. Une autre opinion est que cette devise fut suggérée par le capitaine Terroux, qui avait remarqué ces mots sur une marque de commerce accompagnant des marchandises importées d’Angleterre.

    Enfin, il y a une troisième version, disant que le capitaine Bédard fut le père de la devise du régiment et qu’il l’aurait proposée à une réunion des officiers, en plaidant pour son adoption, de préférence à toutes celles qui avaient été soumises. Il est remarquable que le capitaine Bédard était dans la même branche de commerce que le capitaine Terroux et que si ces mots avaient été employés par quelque grande maison anglaise d’importation à cette époque, il pourrait les avoir remarqués et les avoir gardés dans sa mémoire. Quoi qu’il en soit, Nunquam Retrorsum est resté la devise du régiment. ».[33]

    Napoléon Labranche ne fit pas long feu à la tête du régiment. Une crise était à la veille de se produire au régiment. Le nombre des officiers allait toujours en diminuant, et parmi ceux qui restaient, les différences d’opinions s’accentuaient. En dépit d’une bonne volonté générale, l’unité traversa à cette époque une crise de croissance qui menace un moment la permanence des cadres. On enregistra plusieurs démissions qui résultaient, selon certains, de divergences de point de vue, assez naturelles en l’occurrence, devant les exigences respectives du commandement, de l’administration et de l’instruction.

    Sans doute, à cause de l’inexpérience générale- celle du ministère dont les directives flottent et celle de l’état-major même du régiment- on n’arrivera pas à trouver cet équilibre des responsabilités qui est l’essence même de l’efficacité de l’ensemble.

    Selon une première version, bien que Labranche ait été un admirable instructeur pour l’exercice, un des meilleurs qu’on ait jamais vus sur le Champ de Mars, il ne réussissait pas si bien dans les sujets d’administration et de discipline. De plus, on peut s’imaginer que l’intervalle de trente-et-un mois entre la retraite du lieutenant-colonel Beaudry et sa nomination au commandement du 65e, n’était pas faite pour améliorer la discipline du régiment.[34]

    Le 5 décembre 1879, un peu plus d’un an après qu’il eut pris les rênes du régiment, sa démission était acceptée. Labranche ne partait pas seul. L’ordre général du 5 décembre 1879 mentionnait également la démission du capitaine Wolfred DuPlessis et celle du capitaine Georges S. Malépart tandis que le capitaine Tancrède Terroux était par la présente remercié de ses services comme officier de la milice active. Quant au major François Lapointe, non seulement était-il remercié de ses services mais on précisait même que ses services n’étaient plus requis.

    Une autre version, plus plausible, attribue toutefois les démissions de 1879 à une cause beaucoup moins noble que des troubles de croissance ou des « divergences de points de vue quant au service ». Selon celle-ci, le patronage politique était la raison d’être de la Milice canadienne de cette époque. « Lorsque Macdonald reprend le pouvoir en 1878, tous les postes clefs de la milice doivent revenir à des conservateurs. De fait, la crise interne se résorbera avec le nouveau commandant des Fusiliers, J.-A. Ouimet, un député conservateur; chez les Voltigeurs de Québec, c’est aussi un député conservateur, Guillaume Amyot; de même que chez les Royal Rifles. On comprend mieux alors que les cadres du régiment aient été presque complètement renouvelés. Dans les faits, des officiers conservateurs remplaçaient les officiers libéraux. »

    Ainsi prenait fin ce qu’on pourrait appeler l’enfance du régiment. « Cette enfance avait été rude. Pour ceux qui jugeaient la situation du dehors, il paraissait y avoir peu de chances pour une amélioration dans un temps prochain. Cependant, les quelques bons officiers qui restaient ne désespéraient pas. Ils pensaient que le 65e avait réussi, malgré tout, à traverser la période la plus délicate de son existence, et qu’on allait bientôt marcher sur un terrain plus solide.[35]

    Ces officiers, avec la coopération du lieutenant-colonel Harwood, entrèrent en pourparlers avec un certain nombre d’hommes influents qui avaient été rattachés au régiment ou à d’autres corps de la milice, et bientôt, on vit se dessiner un heureux plan de réorganisation sur des bases plus satisfaisantes.

    Le 16 janvier 1880, le lieutenant-colonel Joseph Aldric (et non Aldéric comme il est souvent écrit) Ouimet, E.M., ancien officier des Chasseurs Canadiens, fut nommé commandant à la place de Labranche et George E. A. Hughes, E.M., fut nommé major et second en commandement à la place de Lapointe. Alphonse Denis fut promu capitaine adjudant.

    Joseph Aldric Ouimet était natif de Sainte-Rose, maintenant un quartier de la ville de Laval, où il vit le jour le 20 mai 1848. Fils d’un juge de paix, il étudia au Séminaire de Sainte- Thérèse puis, au Victoria College, de Cobourg en Ontario où il prépara le droit. Admis au Barreau en 1870, il fit ses débuts dans la politique en 1874, en tant que commissaire d’écoles à Montréal. Parallèlement, il devint directeur de la Banque d’Épargne de la ville et du district de Montréal et du Crédit foncier franco-canadien et nommé conseiller de la Reine (C.R.).

    Élu pour la première fois à la Chambre des Communes, en tant que député de Laval en 1873, sous la bannière conservatrice, il fut réélu successivement en 1874, 1878, 1882, 1887 et 1891. Le 13 avril 1887, il fut nommé président de la Chambre des Communes (on disait orateur ou speaker à l’époque) et, en 1892, il accéda au cabinet fédéral en tant que ministre des Travaux publics. Au début de 1895, il quittait la politique pour devenir juge à la Cour du Banc de la Reine. En 1908, il tenta sans succès un retour en politique et décida ensuite de se consacrer à la finance, assumant la présidence de la Banque d’épargne de la cité et du district de Montréal, jusqu’à son décès, en 1916.

    Georges A. Hugues, né à Trois-Rivières en 1848, a eu une carrière militaire plus active que la plupart des officiers de milice de son temps. Diplômé de l’école militaire de Saint-Jean, il fut appelé en service actif pour la première fois en 1866, pour repousser les Féniens. Deux ans plus tard, on le retrouve en Italie avec les Zouaves pontificaux. Après avoir accompagné le régiment et avoir brillamment servi durant la campagne du Nord-Ouest, il devint chef de police de Montréal en 1888, poste qu’il conserva jusqu’en 1901. Il devait décéder en 1906.[36]

    Dès le mois de juin suivant, le régiment- sous des cadres presque complètement renouvelés- s’était resaisi. Les difficultés que connaît le 65e à cette époque ne lui sont d’ailleurs pas exclusives. Elles résultaient, en bonne part, des tâtonnements d’un ministère de la Défense encore incertain de ses objectifs et dont les directives manquent souvent de netteté, de vigueur et de consistance. Mais un grand pas fut accompli avec l’établissement d’une École pour l’instruction des officiers d’infanterie et l’examen des candidats sollicitant un brevet. Plusieurs des officiers du régiment profitèrent de l’occasion ainsi offerte d’acquérir les connaissances théoriques et pratiques exigées par leur grade et leur poste.[37]

    L’école en question, inaugurée durant la première semaine de janvier 1880 n’eut toutefois qu’une existence éphémère puisqu’on la ferma dès le 13 mars. C’est pourquoi il ne faudrait exagérer son importance, ni celle des rapports d’inspection favorables au régiment, publiés au XIXe siècle.

    Tout d’abord, il existait à Montréal, depuis 1865, une école militaire pour l’infanterie et une semblable pour l’artillerie depuis 1868, tandis que les examens nécessaires pour l’obtention d’un brevet d’officier dateraient de 1871, non de 1880. Quant aux rapports d’inspection, certains historiens soutiennent que l’entraînement de la Milice au 19e siècle était tout au plus un divertissement contre l’ennui collectif.[38]

    La réorganisation du bataillon, dont le nombre de compagnies fut porté à huit, lui permit de sortir de Montréal et de participer, en mai 1880, à une grande revue sur les Plaines d’Abraham, en présence de la princesse Louise, fille de la reine Victoria et de son mari, le marquis de Lorne, gouverneur général du Canada. Pour se rendre à Québec, le régiment avait loué un bateau à vapeur, le Cultivateur. Le régiment fit bonne impression, le voyage dans la Vieille capitale plut aux hommes et aida au recrutement.

    Les efforts du nouveau commandant et de ses adjoints ne passèrent pas inaperçus. Dans son rapport pour l’année 1880, le lieutenant-colonel Harwood note que Ouimet est un bon soldat, plein de zèle et d’énergie, qui sait se faire obéir par les officiers et les soldats. Sous sa direction, affirme-t-il, le bataillon, est destiné parmi les meilleurs au Canada.[39]

    Les années suivantes se déroulèrent en dents de scie jusqu’en 1885, alors que le régiment devait connaître son baptême de feu, avec des alternances d’enthousiasme et de découragement.[40]





[1] STANLEY George F. G., Nos Soldats : L’Histoire militaire du Canada de 1604 à nos jours, Éditions de l’Homme, 1980, et MORTON Desmond, Une histoire militaire du Canada, 16081991, Éditions du Septentrion, 1992.

[2] STANLEY George F. G., Nos Soldats…, op. cit., p. 13, et CECIL Pierre, Trois-Rivières, berceau de la milice canadienne, Histoire Québec, juin 2001.

[3] STANLEY George F. G., Nos Soldats…, op. cit., p. 287 à 289.

[4] MORTON Desmond, Une histoire…, op. cit., p. 120, et STANLEY George F. G., Nos Soldats…, op.cit., p. 289 à 292.

[5] MORTON Desmond, Une histoire…, op. cit., p. 122 et 123.

[6] STANLEY George F. G., Nos Soldats…, op. cit., p. 290 et 292 et p. 296 à 302.

[7] MORTON Desmond, Une histoire…, op. cit. p. 128.

[8] STANLEY George F. G., Nos Soldats…, op .cit., p. 299.

[9] MORTON Desmond, Une histoire…, op. cit., p. 136 et 138.

[10] CHAMBERS Ernest J., Histoire du 65e Régiment, Carabiniers Mont-Royal, Imprimerie Guertin, Montréal, 1906, p. 71 et 73.

[11] LITALIEN Michel, Dans la tourmente : Deux hôpitaux militaires canadiens-français dans la France en guerre (1915-1919), Athéna Éditions, Montréal, 2003, p. 25 et 26.

[12] MORTON Desmond, Une histoire…, op. cit., p. 144.

[13] COMITÉ HISTORIQUE DES FUSILIERS MONT-ROYAL, Cent ans d’histoire d’un régiment canadien-français : Les Fusiliers Mont-Royal 1869-1969, Éditions du Jour, p. 13 et 14.
Les officiers suivants vinrent seconder le lieutenant-colonel Beaudry à la fondation du régiment: 1re compagnie: capitaine Alphonse T. Chagnon, E.M., 2e compagnie: capitaine Louis S. Goyer. E.M., lieutenant Moïse Trudeau, E.M., sous-lieutenant H. A. Sainte-Marie, E.M., 3e compagnie: capitaine Alphonse Cinq-Mars, E.M., lieutenant Michel Gaulin, E.M., sous-lieutenant Joseph C. Marchand; 4e compagnie: capitaine André-Wilfrid Delisle, E.M., lieutenant Joseph Brault, E.M., 5e compagnie: capitaine à titre provisoire Arthur Renaud; lieutenant Cyprien J. Fistzpatrick, E.M., sous-lieutenant Eugène Paradis, E.M., 6e compagnie: capitaine Alphonse Denis, E.M., sous-lieutenant G. Gadoua, E.M.

[15] CHAMBERS Ernest J., Histoire du 65e Régiment…, op cit., p. 73 et 147.

[16] COMITÉ HISTORIQUE DES FUSILIERS MONT-ROYAL…, op. cit. p. 23 et HISTORICAL SECTION, DEPARTMENT OF NATIONAL DEFENSE, A Short History of les Fusiliers Mont-Royal. Ottawa, février 1932, p. 16.

[17] Montreal Star, 10 août 1886.

[18] CHAMBERS Ernest J., Histoire du 65e Régiment…, op. cit., p. 73.

[19] KYTE SENIOR Élinor, Roots of the Canadian Army : Montreal District 1846-1870, Société du Musée militaire et maritime de Montréal, 1981, p. 95.

[20] Communication personnelle de M. Gaudry Delisle, 17 février 2008.
[21] GRAVEL Jean-Yves, Revue d’Histoire de l’Amérique française, 1972, p. 433 à 436.

[22] CHAMBERS Ernest J., Histoire du 65e Régiment…, op. cit, p. 144.

[23] La Minerve, 5 juin 1869.

[24] KYTE SENIOR Élinor, Roots of the Canadian Army..., op. cit., p. 95. et A SHORT HISTORY OF LES FUSILIERS MONT-ROYAL, op. cit. Les annales régimentaires ont conservé les noms des autres sous-officiers et soldats qui furent les premiers à être appelés en service actif dans l’histoire du régiment.: Joseph Normandin, Charles Champagne, Francis Meunier, A. McMahon, Alain Demers, A. A. Archambault, Alexis Demers, A. Archambault, A. M. Laviolette, A. Loiselle, U. A. Bélanger, Louis Brodeur, Vincent Gosselin, Charles Fafard, Joseph Perreault, P. P. Jacques, N. R. Loranger, P. Audet dit Lapointe, P. A. Prévost, Uldège Hébert, J. E. Martineau, D. L. Olivier Auger, L. H. Carufel, Benjamin Parent, Omer Larue, F. F. Darrignan, L. N. A. Demers, A. Gaudet, A. Carrière, J. Flynn, P. Bélanger, J. E. Racine, Aristide Sainte-Marie, C. White, A. O. Desforges, J. R. Comte, Charles Benoit, Félix Crochu, Toussaint Archambault, Joseph Guérard, P. Giroux, Moïse Robert, James Wickham, Ernest Bisson, L. P. Comte, Louis Morin, O. Riendeau, Arthur Lynch et E. Bastien.

[25] CHAMBERS Ernest J., Histoire du 65e Régiment…, op. cit., p. 73, 144, 146 et 147.

[26] LITALIEN Michel, Dans la tourmente…, op. cit., p. 25 et 26.

[27] COMITÉ HISTORIQUE DES FUSILIERS MONT-ROYAL…, op. cit., p. 23 et 24.

[28] CHAMBERS Ernest J., Histoire du 65e Régiment…, op. cit., p. 77, 80, 81 et 133.

[29] DÉSY Laurent, Historique de la musique du régiment des Fusiliers Mont-Royal (65e Régiment), Document dactylographié, Archives régimentaires des Fusiliers Mont-Royal.

[30] COMITÉ HISTORIQUE DES FUSILIERS MONT-ROYAL…, op. cit., p. 24 et 25.

[31] CHAMBERS Ernest J., Histoire du 65e Régiment…, op. cit., p. 135.

[32] COMITÉ HISTORIQUE DES FUSILIERS MONT-ROYAL…, op. cit., p.25.

[33] CHAMBERS Ernest J., Histoire du 65e Régiment…, op. cit., p.135.

[34] COMITÉ HISTORIQUE DES FUSILIERS MONT-ROYAL…, op. cit. p. 25.

[35] CHAMBERS Ernest J., Histoire du 65e Régiment…, op, cit., p. 135 et 79.

[36] GRAVEL Jean-Yves, Revue d’Histoire…, op. cit., p. 484 et 485 et 150.

[37] VENNAT Pierre, LITALIEN Michel, Carabiniers et Voltigeurs contre Louis Riel, Éditions du Méridien, Montréal, 2003. op. cit., p. 285.

[38] CHAMBERS Ernest J., Histoire du 65e Régiment…, op. cit., p. 146.

[39] COMITÉ HISTORIQUE DES FUSILIERS MONT-ROYAL…, op. cit., p. 25 et 26.

[40] CHAMBERS Ernest J., Histoire du 65e Régiment…, op. cit., p. 86.





Jacques Beaulieu
beajac@videotron
Révisé le 22 juillet 2019
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