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Inauguration comme juge de Beauharnois

LE JUGE ST-PIERRE

Il prête le serment d'office

L'hon. juge H. C. St-Pierre a été assermenté, cet avant-midi, par le juge en chef, Sir Melbourne Tait.

Il siègera, demain, à Beauharnois, pour la première fois.


La Patrie
Lundi le 16 juin 1902
page 8


LE JUGE H. C. ST PIERRE

Le Barreau de Beauharnois lui souhaite
la bienvenue

Comme nous l'avons déjà annoncé, l'honorable juge H. C. St-Pierre a siégé hier pour la première fois, à Beauharnois. À cette occasion, le barreau de ce district lui a fait une jolie démonstration. À l'ouverture de la Cour, Mtre Thomas Brossoit, C.R., au nom de ses confrères, a lu au nouveau magistrat l'adresse suivante:

Qu'il plaise à Votre Seigneurie

Le barreau du dustrict de Beauharnois accomplit un devoir fort agréable aujourd'hui, en vous souhaitant la bienvenue à votre arrivée dans ce district qui vous a été assigné par l'autorité pour y exercer la justice. Une des plus importantes et des plus honorables fonctions dont l'homme puisse être chargé est celle de rendre la justice à ses semblables.

La haute position que vous occupiez au barreau, vous désignait à cette dignité, aussi celui de ce district compte-t-il sur vos lumières pour l'aider à acquérir la science des lois, qui est sans contredit la plus importante dans l'ordre des connaissances humaines.

Vous succédez à un homme qui, par son urbanité, son tact et sa connaissance approfondie des lois, s'était acquis la considération, le respect et l'estime de tous et des justiciables de ce district. Le nom du juge Bélanger dont l'impartialité restera proverbiale, vivra longtemps parmi nous.

En terminant ces quelques remarques, permettez-moi de vous souhaiter au nom de mes confrères et au mien une carrière aussi longue que fructueuse, vous assurant d'avance notre concours et notre dévouement dans l'exercice des hautes fonctions que vous allez exercer parmi nous.

L'honorable juge Saint-Pierre répondit à peu près en ces termes:

M. le doyen et Messieurs les membres du barreau.

Le Gouvernement de sa Majesté a jeté les yeux sur moi et m'a choisi pour être le successeur dans cette province et plus particulièrement dans ce district de l'honorable juge qui vient de prendre sa retraite. Malgré que j'aie appartenu au barreau de la grande métropole et que durant la longue période de trente-deux ans, j'aie exercé la profession d'avocat presqu'exclusivement à Montréal, je ne suis pas tout à fait étranger aux avocats et aux justiciables du district de Beauharnois. En 1878 et 1879, durant l'administration de l'honorable M. Joly alors premier ministre de la province, j'ai été appelé à comparaître ici devant les assises criminelles, présidées par l'honorable juge qui est à mes côtés et je dus porter la parole dans cette enceinte en qualité de substitut du procureur de Sa Majesté alors régnante. Plus tard, dans la célèbre cause de Shortis, j'ai fait au milieu de vous un séjour qui s'est prolongé pendant plusieurs semaines. Le bon accueil que j'ai reçu dans ces diverses occasions m'était d'avance une garantie que mon arrivée auprès de vous, lorsqu'après avoir été choisi pour administrer la justice dans ce district, je me présentais à vous après avoir été revêtu du nouveau titre qui vient de m'être conféré serait salué avec bienveillance. Aussi ne suis-je nullement surpris d'entendre les paroles de sympathies que vous m'adressez aujourd'hui.

Je ne me déguise pas l'importance de la tâche qui m'a été confiée et la redoutable responsabilité qui va peser sur mes épaules.

Accepter une position de juge, c'est toujours et dans tous les cas assumer une grave et solennelle responsabilité, mais il me semble que dans les circonstances actuelle la tâche qui m'est imposée est plus lourde et la responsabilité que j'assume plus onéreuse et plus redoutable que dans les cas ordinaires. J'arrive ici pour être le successeur de l'homme éminent qui penant la longue période de vingt-neuf années, a administré la justice sur ce banc sans faveur et sans passion, sans crainte et sans reproches. Chargé d'ans et d'honneur, ce magistrat distingué nous quitte pour aller prendre le repos qu'il a si bien mérité laisant autour du siège qu'il a si longtemps occupé comme une auréole de gloire qu'il sera difficile à son successeur de pouvoir perpétuer. En descendant de ce banc qu'il a illustré par sa sagesse et ses vertues il emporte avec lui la reconnaissance et l'admiration de tous ceux qui sont venus demander justice devant son tribunal. D'autres ont brillé davantage par des qualités qui réveillent l'esprit et flattent l'imagination, personne n'a jamais parlé, en s'adressant à la raison, un langage plus lucide ni plus convaincant. Les nombreuses décisions qu'il a rendues nous révèlent le jurisconsulte profond, souvent le conciliateur sage et toujours l'homme de bien qui cherche la justice.

Il m'incombe la tâche difficile de remplace ce Magistrat distingué et en quelque sorte de vous faire oublier la perte que vous venez de faire.

Messieurs c'est tenter la Providence que de trop exiger d'elle. Pendant vingt-neuf ans vous avez eu comme juge l'homme distingué dont je viens de faire l'éloge. Vous n'avez pas le droit d'exiger davantage. L'homme qui vit du travail de l'intelligence n'est pas plus exempt de fatigue et de lassitude que les autres membres de la famille humaine. Après de longues années d'un travail sans relâche, il arrive un moment où il sent son front alourdi s'incliner sous l'effet de l'épuisement. Il sent qu'il a besoin de retremper ses forces et de ressaisir la vie aux forces vives des joies de la famille et sur les lèvres souriantes de ses enfants.

C'est le cas de Votre Magistrat. Pour lui les jours de labeur et les longues veilles consacrées à l'étude sont des choses du passé. C'est maintenant le temps du repos.

Souhaitons-lui à ce digne Magistrat une longue et heureuse vieillesse, et pour me servir de l'expression du poète, je dirai
Que la fin de ses ans,
Soit le soir d'un beau jour.

Je vous prierai Messieurs d'éviter toute comparaison entre l'ancien magistrat que vous perdez et celui qui lui succède. Vous tiendrez compte de ma bonne volonté et du zèle dont pendant toute ma vie j'ai fait preuve en faveur du droit et de la justice.

En prenant mon siège de juge, je trouve devant moi un barreau éclairé et studieux, jaloux de ces droits et de ces privilèges que la justice est toujours prête à accepter et à maintenir du moment que ces carmes sont dans les mains du franc chevalier qui ressentirait comme un outrage la plus légère imputation contre son titre de gentilhomme.

La loi a institué votre corps pour assister le juge dans la recherche du droit et de la vérité. C'est pourquoi je compte sur vous, sur vos lumières et sur votre coopération.

C'est Berryer qui a dit: "Combien il y a de charme à remplir ces grands devoirs au sein d'un ordre où les rivalités, ardentes et sincères pendant la lutte s'éteignent, quand la lutte a cessé, dans les épanchements d'une mutuelle estime et d'une naturelle affection."

Telle est le souhait que j'ose formuler en montant sur le banc et telle est l'espérance que je n'en ai aucun doute, vous vous chargerez de réaliser dans l'intérêt de la belle profession que vous exercez,mais surtout dans l'intérêt de la justice de Dieu que tous ensemble nous nous sommes engagés à maintenir même sous la garantie solemnelle et la sainteté du serment, afin d'assurer la paix dans les familles et le bon ordre dans la société.

Étaient présents en Cour à ce moment, le shérif Philorum Laberge, M. Jos. Mayer, régistrateur du comté de Beauharnois; M. Bisson, protonotaire de la Cour Supérieure; M. J. A. Lapointe, député protonotaire; MM. Thomas Brossoit, C.R., J. E. Laurendeau, de Beauharnois; L. J. Papineau, recorder de Valleyfield; A. E. Mitchell, de Huntingdon; L. A. Létourneau, de Montréal, représentant la société légale McCormick & Moffat, et A. Primeau, de Beauharnois.


La Patrie
Mercredi le 18 juin 1902
page 7



Jacques Beaulieu
beajac@videotron
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