- mardi 31 mars 1891, page 4
LE MEURTRIER REYNOLDS
Le cadavre de Meyers à la morgue
Ce matin, Reynolds était appelé à entendre la lecture des témoignages qui ont été rendus dans l'enquête du coroner sur le cadavre de Meyers.
Queelques instants auparavant, on a conduit le meurtrier à la morgue, en face de sa victime. Reynolds paraissait triste et repentant. Les divers témoignages rendus dans l'enquête ont ensuite été lus en sa présence.
Après lecture de ces témoignages le coroner a demandé à Reynolds s'il avait quelques questions à faire. Ce dernier suivant l'avis de son avocat, M. H. C. St Pierre, n'a posé aucune question.
- jeudi 11 juin 1891, page 4
ASSISES CRIMINELLES
Séance ce matin sous la présidence de son honneur le juge Church. M. H. J. Cloran représente la couronne.
A l'oouverture de la cour, M. l'avocat St-Pierre demande que la cause du meurtrier Reynolds soit entendue.
L'avocat de la couronne s'y oppose, mais M. St Pierre expose qu'il a fait venir deux témoins de l'Ohio qui ne peuvent attendre longtemps.
Cette discussion a duré toute l'avant-midi et finalement la cause est fixée à mardi...
- mardi 16 juin 1891, page 4
ASSISES CRIMINELLES
Reynolds, le meurtrier de Myers, comparait à la barre
Le prisonnier est défendu par MM. H. C. St-Pierre et McMaster
La cour criminelle a siégé, ce matin, sous la présidence de Son Honneur le juge Church. MM. E. N. St-Jean et H. J. Cloran représentent la Couronne...
Depuis 10 heures du matin, une foule nombreuse de spectateurs attendaient pour suivre les détails du procès de Reynolds,
Accusé de meurtre
lorsque vers midi, le prisonnier fut appelé à la barre.
Le jury est composé de six Anglais et de six Canadiens-français.
Voici leurs noms: Charles Wilson, John Brachau, James Kinleyside, William Mitchell, John Murray, James McCarthy; Louis Boucher, Ernest Michaud, François Durfand, Gustave Leblanc, Guillaume Gendron et Ernest Baillargeon.
MM. Cloran et Saint-Jean, au nom de la Couronne, expliquent aux jurés le crime sur lequel ils auront à rendre un verdict qui décidera de la vie ou de la mort d'un de leurs semblables:
"Le 13 mars dernier, Jeremiah Emerson Myers est allé au magasin de tabac de Reynolds, rue Saint-Jacques, pour lui reprocher de l'avoir poursuivi en justice pour un certain montant d'argent que Myers ne reconnaissait pas lui devoir.
Après avoir échangéquelques paroles grossières, il en vinrent aux injures, et finalement, Reynolds saidit
Un long couteau
à dépecer qu'il plongea dans l'abdomen de Myers lui disant: "Je te tue!"
Myers resta quelques instants baignant dans son sang et parvint ensuite à se trainer jusqu'au restaurant voisin, où il raconta la scène tragique qui venait de se passer.
Repentant du crime qu'il venait de commettre, Reynolds suivit sa victime et la fit transporter en voitur chez un médecin du Beaver Hall, afin de lui procurer les soins que requérait son état. Le médecin étant absent, il accompagna sa victime à l'hôpital Général et attendit quelques temps
pour connaitre l'opinion du médecin sur la gravité de la blessure de Myers.
Reynolds alla ensuite trouver la femme de Meyers à qui il offrit de l'argent afin d'étouffer l'affaire. Celle-ci ayant refusé avec indignation, le meurtrier s'enfuit pendant quelque temps puis vint se constituer prisonnier après une courte entrevue avec le maire McShane.
Quand à la victime, elle est morte le 18 mars, c'est-à-dire conqa jours après le crime.
Les jurés auront à juger
S'il y a meurtre
au premier degré ou simplement meurtre involontaire.
Le premier témoin assermenté est le coroner Jones, qui présente un rapport de l'enquête tenue le 19 mars dernier, sur la mort de Meyers.
Le second témoin est le docteur de l'hôpital Général qui donna ses soins à la victime. Il dit qu'il a vu Reynold à l'hôpital le jour où Meyers y a été amené.
Puis il ajoute que Reynolds attendait avec anxiété pour savoir si la blessure de sa victime était mortelle et paraissait très repentant.
Nous donnerons de ce procès tous les détails qui pourront intéresser nos lecteurs.
- mercredi 17 juin 1891, page 4
ASSISES CRIMINELLES
Continuation du procès de Reynolds
Le témoignage de Mme Meyers
(Suite de la séance d'hier après-midi.
Le chef des détectives, M. Collen, est le troisième témoin entendu. "Quelques jours après la mort de Meyers, dit-il, je me suis rendu au magasin tenu par Luckey et Reynolds
et me suis fait donner le couteau qui a servi au meurtrier.
M. Cullen a montré le couteau à la cour en disant: "C'est Luckey qui me l'a donné."
Appelée à rendre son témoignage, Alide Turnbull, veuve de Meyers, ayant été assermentée, dit: "Le défunt était employé à bord d'un char dortoir de la compagnie du Grand-Tronc. Il partit le 11 mars dernier pour se rendre à Boston et je ne l'ai vu ensuite que vendredi, le 13 du même mois. Il était entendu sur son lit de mort dans l'hôpital Général et Reynolds se tenait près de lit.
Vers midi, le même jour, le prisonnier Reynolds vint me trouver à ma résidence, avenue Laval, et me demanda si j'étais Mme Meyers. Je lui ai répondu affirmativement et le dialogue suivant eut lieu:
- Je viens vous entretenir d'une affaire terrible.
- Qu'est-ce que vous avez à le raconter?
- J'aurai beaucoup de peine à vous le dire, mais veuillez m'entendre.
- Eh bien! expliquez-vous. Vous venez de causer tant de mal que vous ne devez pas recommencer.
- Vous le savez déjà, madame, j'ai poignardé Jerry Emerson Myers, votre mari. Il était entré chez moi dans le but de m'insulter et dans ma colère, je lui ai plongé un couteau dans l'abdomen.
Mme Meyers ajoute: "Alors, j'ai demandé à Reynolds où était mon mari et il m'a répondu qu'il l'avait fait transporter à l'hôpital. Le prisonnier m'a ensuite demander de ne pas le faire arrêter, et, à cet effet il m'a offert une somme considérable d'argent. Je lui ai répondu que je ne pouvais accepter sans avoir vu mon mari. Je me suis aussitôt rendu à l'hôpital en compagnie du prisonnier Reynods. Il était alors midi et quinze minutes. Le prisonnier n'est sorti de l'hôpital que vers trois heures en me promettant qu'il abandonnerait la poursuite qu'il avait intentée contre Meyers. Je m'en suis retourné chez moi avant d'avoir vu mon mari car il était car il était encore en état d'ivresse. A cinq heures du soir, je suis allée au poste de police afin de savoir si Reynolds était arrêté mis la police ne connaissit rien de ce qui s'est passé.
A 9.30 heures du soir, on m'a permis de voir mon mari à l'hôpital, et j'ai demeuré près de lui jusqu'au moment de sa mort. Je n'ai pas vu la blessure qui a causé sa mort, mais j'ai remrqué qu'il avait une plaie au second doigt de la main gauche.
En transquestion, M. McMaster demande au témoin de lui dire quand son mari a appris que le prisonnier l'avait poursuivi.
Mme Meyers répond que c'était un mercredi.
- Cette nouvelle déplaisait à votre mari?
- Certainement, car il ne devait rien à Reynolds. Et cela m'ennuyait aussi.
- Votre mari était-il d'un caractère irrascible?
- Non.
- Le prisonnier n'a-t-il pas manifesté un grand regret de sa faute.
- Oui, il regrettait d'avoir à comparaître devant un tribunal criminel, mais non pas d'avoir tué Meyers.
Le témoin continue: Reynolds croyait qu'il ne pouvait pas être arrêté, sans que j'en ai exprimé le désir. Le prisonnier m'a dit que si la blessure était mortelle il se constituerait prrisonnier. Le Dr Kirkpatrick lui a dit que la blessure était mortelle.
Mon mari m'a dit, quelques jours avant sa mort, qu'il était allé chez Reynolds pour lui reprocher sa mesquinerie. En réponse à McMaster, Madame Myers déclare qu'elle a conseillé à son mari de ne pas aller chez Reynods, prétextant que cela causerait du trouble. "Non! ajouta-t-elle, il n'avait pas de rasoir dans sa poche lorsqu'il est allé chez le prisonnier.
La cour s'ajourne.
SEANCE DE CE MATIN
La cour a siégé ce matin sous la présidence de Son Honneur le juge Church.
MM. Cloran et St Jean représentent la Couronne. L'accusé est défendu par MM. St Pierre et McMaster.
Le premier témoin entendu ce matin est un Irlandais du nom de Dublin Nightingale. Ayant été assermenté, il dit: "J'étais à Montréal le 13 mars dernier. Je connais le prisonnier que j'ai vu devant la porte de son magasin le jour où le meurtre a été commis. Comme je causais avec lui, un individu que je ne connais pas est entré dans le magasin de Reynolds.
Environ 10 ou 15 minutes plus tard, l'individu en question sortit du magasin et dit à l'accusé: "Vous êtes un lâche! Vous vous êtes servi d'un couteau." Alors je pénétrai dans le magasin de Reynolds, et celui-ci me dit: "Je crois en effet avoir fait beaucoup de mal à un individu avec un couteau." Reynolds était très surexcité. Il se rendit au restaurant et fit demander l'ambulance pour faire transporter à l'Hôpital Général le malheureux Meyers. Je n'ai rien vu et Reynolds n' pas voulu consentir à me laisser voir la victime. Je n'ai pas cru devoir avertir la police car je ne croyais pas la blessure grave vû que l'accusé avait la réputation d'être assez paisible. Quelques instants plus tard, je rencontrai M. Luckey et lui ai rencontré ce que je connaissais. Alors, celui-ci m'a déclaré que la victime J. E. Meyers se mourrait et que c'était M. Wall, restaurateur, qui avait dit à Reynolds: "Tu es un lâche!" Reynolds paraissait bien peiné. J'ai vu un peu de sang sur le plancher, mais je n'en ai pas fait la remarque au prisonnier. J'ai rendu témoignage à l'enquête du coroner, mais je n'ai pas vu le cadavre de Meyers.
Transquestions:
Je demeure près du magasin de Reynolds. C'est l'accusé qui m'a demandé de l'attendre au restaurant pendant qu'il allait voir sa victime. J'ai vu le blessé monter dans une voiture avec Reynolds, mais je ne sais pas si c'était Meyers. J'ai remarqué qu'il portait un paquet sous son bras.
M. E. C. Wall, restaurateur, rend ensuite le témoignage suivant:
Le 13 mars dernier, Reynolds est venu chez moi. Dès qu'il en fut parti, Myers entra et me parla de la poursuite intentée contre lui par Reynolds. "Je pense que je pourrais le battre," dit-il alors. Au bout de quelques instants, il est sorti pour se rendre chez l'accusé, et lorsqu'il revint, il me dit: "Je viens d'être poignardé. C'est Dick qui m'a plongé un couteau dans l'abdomen." Dick est le nom sous lequel Reynolds était connu de ses amis. Au même instant, l'accusé vint exprimer à sa victime toute la peine qu'il ressentait de l'avoir ainsi frappé, et lui promit de faire tout en son pouvoir pour réparer sa faute:Grand Dieu! je ferai pour toi tout ce qu'il y a moyen de faire sur la terre.
Après avoir prononcé ces paroles, Reynolds monta dans une voiture avec sa victime qu'il conduisit à l'Hôpital Général. On ne m'a pas permis de voir Meyers à l'hôpital: je ne l'ai vu que le jour des funérailles, dans son cercueil.
Au moment où nous allons sous presse, M. P. B. Luckey rend son témoignage.
- jeudi 18 juin 1891, page 4
ASSISES CRIMINELLES
Continuation du procès de Reynolds
Témoignage importants
(Suite de la séance d'hier après-midi.
P. B. Luckey, l'associé de commerce de Reynolds, donne le témoignage suivant: "Le 13 mars dernier, jour du meurtre en question, j'étais absent du magasin de dix à onze heures du matin. J'ai été chez M. Wall vers huit heures et demie du matin mais, pendant le reste de la journée, je n'y suis pas allé. Meyers était là vers huit heures et demie. Je lui ai parlé et il m'a demandé de trinquer avec lui. Je lui ai répondu que je n'avais pas l'habitude de prendre aucunes liqueurs enivrantes. Meyers semblait être en état d'ivresse. Jamais auparavant je ne l'avais vu en cet état. Je l'ai vu dans la voiture avec Reynolds, à qui j'ai dit d'en prendre grand soin, car j'avais appris que Meyers était gravement blessé. Ensuite, je me suis rendu au magasin et j'ai remarqué qu'il y avait du sang sur le plancher. A quelques pieds plus loin se trouvait
Un long couteau
et je crois que c'est celui dont s'est servi Reynolds pour commettre son crime. La lame, surtout la pointe, était couverte de sang à l'endroit où le couteau avait été déposé. Meyers, au restaurant de M. Wall, m'a paru bien excité lorsqu'il parlait de la poursuite que Reynolds avait intentée contre lui."
En transquestion, le témoin dit: "Je n'ai pas entendu Meyers prononcer le nom du prisonnier. J'ai été témoin, pendant dix minutes, de sa conversation avec M. Wall. Pendant ce temps, il a pris deux verres de liqueurs sppiritueuses et je crois que c'était du gin. Lorsque je suis entré dans le restaurant où était Meyers, il parlait très fort. En me voyant, il me dit: "Tu vas me traiter. Je te dois aussi quelque chose; tu me poursuivras. - Oh non; je dis cela pour rire, car je veux te payer le plus tôt possible." Je crois qu'il a ensuite parlé de l'action intentée contre lui par Reynolds. Je ne sais pas si, depuis quatre ou cinq jours auparavant, le couteau, qui a servi au meurtre, avait été aiguisé."
Après avoir donné le plan du magasin qui fut le
théâtre du drame,
le témoin ajoute: "Je m'en suis retourné au magasin pour apprendre à Reynolds que Meyers était mécontent. A ce moment Meyers estentré en état d'ivresse, et j'ai dit à Reynolds de s'en méfier. A 9 heures, je partis pour aller déjeuner, et vers midi, je revenais au magasin pour avertir de nouveau Reynolds de se méfier de Meyers."
En réponse au juge:
Quand je suis revenu à neuf heures, j'ai parlé au prisonnier. Je lui ai dit que je venais de voir J. E. Meyers en état d'ivresse chez M. Wall et qu'il était faché d'avoir été poursuivi. Reynolds m'a répondu:
"Je ne crois pas que Meyers est mécontent de moi. Je suis peiné d'avoir été obligé de le poursuivre mais ce n'était pas dans le but de nuire à sa famille. Il me devait une certaine somme et depuis cinq mois il fuyait ma présence. S'il m'avait donné $2 par semaine ou au moins manifesté l'intention de me payer, je ne l'aurais jamais poursuivi. Mais, j'ai aussi besoin de mon argent."
Le témoin continue:
"J'ai donné le couteau au détective que j'ai vu hier dans la boîte aux témoins. Il y avait deux ou trois jours que je l'avais fait aiguiser lorsque le prisonnier s'est livré à la justice."
Le recorder de Montigny,
appelé à rendre témoignage, dit: "Je me suis rendu à l'hôpital général le 15 mars dernier pour prendre la déposition ante-mortem de Meyers en présence de M. Doucet, greffier de cette cour."
Après avoir examiné les documents, le témoin ajoute: "Ce sont ceux que j'ai signés. Cette déposition a été prise sous serment et j'ai ensuite signé un mandat d'arrêt lancé contre le prisonnier Reynolds.
Le Dr McKechnie est ensuite rappelé pour confier que ces dépositions ont été prises et qu'alors il n'y avait plus d'espoir pour le rétablissement de Meyers.
En réponse à M. H. C. St-Pierre, avocat de la défense, il dit que le défunt ne s'attendait pas à mourur sitôt.
Le docteur termine son témoignage en disant: "Je le jure, je crois qu'il n'y avait plus d'espoir pour le défunt lorsqu'on a pris la dernière déposition."
Le Dr Tremblay, l'un des greffiers de la cour de police, est le deuxième témoin qui a pris la déposition ante mortem du défunt. Il dit que Meyers ne pouvait répondre que "oui" et "non" mais qu'il comprenait parfaitement. Il était trop faible pour pouvoir signer son nom.
Les docteurs Kirkpatrick et McKechnie étaient présents, ainsi que la femme de la victime. Le témoin ajoute que
Myers était endormi,
lorsqu'il est entré dans sa chambre. Le Dr Kirkpatrick l'éveilla et lui parla, mais la victime était trop faible pour répondre. Quelques minutes plus tard, la victime commença à parler un peu. Je lui demandai s'il avait l'espoir de vivre encore plusieurs jours, et il m'a répondu: "Non."
Le témoin lit ensuite devant la cour la déposition angte mortem de Myers et ajoute: "je lui ai demandé s'il se rappelait d'avoir donné sa déposition, et il a répondu affirmativement. Je lui ai aussi demandé si sa déposition était vraie, et il a répondu: "oui". Je crois que Myers est mort environ une heure après que je l'eus quitté.
L'échevin J. B. R. Dufresne déclara ensuite, après avoir été assermenté, qu'il accompagnaitg le Dr Tremblay lorsque Myers a donné sa déposition. Le défunt ne pouvait plus parler, il répondait par un signe de la tête. Je me tenais en face du mourant, à deux pieds de son lit. Je ne sais pas si Myers était endormi lorsque je pénétrai dans sa chambre.
Après l'audition de ce témoignage, M. St-Jean
Rappela madame Myers
pour l'interroger de nouveau. Elle dit qu'elle était présente lorsque la victime a donné sa déposition. Il donna sa dernière déposition le 18 mars, jour de sa mort et à ce moment, il croyait mourir bientôt. Avant de faire ses déclarations, Myers avait fait demander ses enfants, mais ceux-ci arrivèrent trop tard pour l'entendre. Lorsque Myers a répondu aux questions qui lui étaient adressées, il avait sa connaissance.
En réponse à M. McMaster, le témoin reprit: "Quoique Myers n'a pas fait d'adieux, il se préparait à mourir. Je lui ai demandé s'il accepterait un verre de champagne, il m'a répondu affirmativement d'un signe de tête et je lui en ai présenté un verre qu'il a ingurgité."
M. E. N. Saint-Jean propose ensuite que les deux dépositions des 15 et 13 mars dernier soient lues devant la cour.
M. H. C. Saint-Pierre s'y oppose et la cour s'ajourne avant de se prononcer.
SÉANCE DE CE MATIN
Son Honneur le juge Church présidait ce matin lorsque le prisonnier Reynolds fut de nouveau appelé à la barre...
Le reste de la séance de ce matin est consacrée à un long plaidoyer entre les avocats de la Couronne et ceux de la défense au sujet du procès de Reynolds.
MM. St Pierre et McMaster s'opposent à ce que les déclarations de Myers avant sa mort soient amenées comme preuves.
- vendredi 19 juin 1891, page 4
ASSISES CRIMINELLES
Continuation du procès de Reynolds
M. le maire McShane dans la boîte des témoins
(Suite de la séance d'hier après-midi.
A l'ouverture de la cour, présidée par les honorables juges Church et Baby, le prisonnier Reynolds est appelé à la barre.
M. McMaster et Saint-Pierre, au nom de la défense se sont défendus bravement et ont fait d'éloquents plaidoyers.
La discussion étant prise le greffier appela comme témoin l'honorable James McShane, maire de Montréal.
M. McShane ayant été assermenté dit qu'un jour le messager de l'hôtel de ville est allé l'avertir à son bureau qu'un jeune homme désirait le voir. Il a demandé qui était le jeune homme Le messager a répondu: c'est un nègre. Le témoin dit qu'il a alors fait entrer le nègre dans l'appartement et deux journalistes l'ont suivi. Le prisonnier a déclaré qu'il voulait lui parler en privé. Lorsque les journalistes furent partis le maire demanda: Que voulez-vous?
Le prisonnier répondit: Je sais que vous êtes un brave homme et je suis venu me mettre sous votre protection. Je suis accusé d'un crime; on dit que j'ai commis un meurtre.
Le témoin répondit - Un meurtre, mon Dieu! Dites-moi la vérité, toute la vérité, rapportez-moi tous les faits.
L'accusé raconte alors son histoire. Il dit que quelques semaines auparavant il avait prêté de l'argen t à un nommé Myers. Myers ne voulait pas lui remettre cet argent. En racontant ces faits l'accusé
Pleurait comme un enfant
et à la demande du maire il reprit ses sens et put continuer. Il ajouta que Myers est allé le trouver chez lui et lui a dit: J'ai appris que tu avais quelque chose contre moi nous allons régler la chose, et en disant cela il enleva son habit. C'est alors que l'accusé frappa avec son couteau.
Je lui ai dit: "Ce que vous avez fait est horrible."
C'est vrai répondit l'accusé, mais je ne l'ai frappé qu'à corps défendant. Myers avait un rasoir et il voulait me tuer.
Vous avez bien fait, ajoute le maire, d'être venu vous livrer; je vais faire venir le chef de police et je vais lui recommander d'avoir tous les égards pour vous.
Transquestionné par l'avocat de la défense, l'honorable M. McShane répondit que l'accusé avait déclaré formellement qu'il avait agi à corps défendant. Il a ajouté aussi que Myers était un homme très fort, très robuste et qu'il a eu peur en le voyant enlever son habit, surtout en lui voyant un rasoir à la main.
Je n'ai aucun intérêt dans la cause.
John Wade, 25 rue Université, qui était au service de Reynolds et Lucket, lors du meurtre, rend le témoignage suivant: "Le meurtre a été commis au numéro 361 rue St Jacques. La première fois que j'ai vu Myers, c'est lorsqu'il a été poignardé. Ayant entendu du tapage, je me suis rendu devant le magasin et j'y aperçu Myers
Qui maudissait Reynolds
en lui faisant des menaces. Ensuite, j'ai vu Myers traîner le prisonnier près d'un vitrail. Reynolds parvint à s'éloigner derrière son comptoir et Myers le suivit en continuant à lui faire des menaces. Alors, le prisonnier saisit un couteau à dépecer qui se trouvait sur une tablette. Peu après, j'ai entendu Myers dire à Reynolds: "Vous êtes un lâche, vous m'avez poignardé." Et j'ai remarqué que Myers avait une blessure à la main. Aussitôt, Myers sortit et peu après, Reynolds alla le trouver au restaurant de M. Wall. Quelques instants plus tard, tous deux montaient dans une voiture.
"Je n'ai pu remarquer si Myers avait quelque chose dans la main."
M. St-Pierre - "Etait-il possible, d'après la position des deux hommes que Meyers serait tombé lui-même sur le couteau que Reynolds tenait dans ses mains?"
Le témoin - "Oui, c'était très possible.
M. Cloran se préparait à transquestionner le témoin lorsque s'est ajournée.
SÉANCE DE CE MATIN
Plusieurs autres témoins pour faire connaître le caractère du prisonnier ont été examiné pendant que M. H. R. Fulford, architecte, est allé prendre le plan de l'établissement de Rynolds et Lechey.
James A. Sheffield, dit: Je connais le prisonnier depuis trois ans et pendant deux ans, il était à mon emploi. C'est un homme très pacifique et qui a toujours joui d'une fort bonne réputation.
Le colonel Whitehead dit: J'ai connu le prisonnier epndant les deux années qu'il était à l'emploi de la compagnie du Pacifique. Il est de bonne vie et moeurs. J'ai vu un nommé Chandler, celui qui a tiré sur Sheffield, le quereller très souvent et jamais Reynolds n'en a fait aucun cas.
Charles Cassils, manufacturier, corrobore les deux témoignages précédents.
M. Chs H. Gleason, maire de Urbano, Ohio, sit: Je connais le prisonnier Reynolds depuis son enfance. C'est un homme respectueux, paisible, et qui mérite l'estime et la confiance de tous ceux qui le connaissent. Il jouit d'une fort bonne réputation. Ayant appris que Reynolds avait à subir un procès qui déciderait de sa vie ou de sa mort, je suis parti de 700 ou 800 milles pour venir témoigner en sa faveur, sans savoir si mes dépenses seront remboursées.
Plusieurs autres personnes d'Ohio et d'ailleurs ont rendu d'excellents témoignages en faveur de l'accusé.
SÉANCE DE CE MATIN
On a entendu ce matin plusieurs témoins importants pour la défense.
Philippe Keene dit qu'il est resté chez Wall jusqu'à ce que la voiture arrivât et déclare ce qui suit:
"J'ai vu Reynolds entrer chez Wall. J'ai été témoin oculaire que Meyers a déposé son banquet et a frappé Reynolds le premier. Meyers a été blessé la troisième fois qu'il a frappé l'accusé,"
Le procès se continue.
- samedi 20 juin 1891, page 4
ASSISES CRIMINELLES
Continuation du procès de Reynolds
(Suite de la séance d'hier après-midi.
Un jeune commis du nom de Nave est interrogé. Il dit que le 13 mars dernier il est entré chez Reynolds et qu'il a rencontré Meyers, Reynolds et Meyers étaient en grande conversation. On parla assez tranquillement d'abord, mais la discussion parut s'animer par la suite. Meyers se tenait debout près du comptoir du lunch. Le témoin dit qu'il ne prêta pas l'oreille d'abord à la conversation, mais quand il vit qu'on en venait aux gros mots il écouta avec assez d'attention. Il entendit Meyers dire à Reynolds: "Mon enfant de chienne, je vais te battre, ou tu vas me battre," et il enleva son habit et frappa l'accusé. Reynolds était assis près d'une table; après avoir été frappé, il s'enfuit derrière le comptoir, toujours suivi par Meyers. Là ils se sont pris corps à corps. Le témoin vit ensuite un couteau dans les mains de l'accusé. Meyers ouvrit sa chemise et montra une blessure et montra une blessure d'où le sang coulait abondamment.
M. Saint-Pierre pose la question suivante: Serait-il possible que Meyers poursuivant Reynolds ait été se précipiter lui-même sur le couteau que l'accusé tenait à la main.
Le témoin répondit: "La chose est possible mais je ne sais pas comment cela est arrivé. J'ai vu seulement Myers poursuivre Reynolds derrière le comptoir et revenir ensuite au milieu de la salle, en montrant sa blessure.
A 4 heures la Cour s'ajourne à ce matin.
- lundi 22 juin 1891, page 4
ASSISES CRIMINELLES
Fin du procès de Reynolds
Le dernier témoin de la défense, dans la cause de Reynolds, accusé de meurtre, a été entendu samedi midi.
Ce matin, à l'ouverture de la cour, présidée par Son Honneur le juge Church, M. McMaster, l'un des avocats de la défense, cite au juge plusieurs jugements déjà rendus en faveur des prisonniers dans des causes semblables. Après quoi il commence son adresse au jury.
MM. H. C. St Pierre et McMaster ont habilement représenté la défense.
Au moment où nous allons sous presse, M. St Pierre continue son discours.
- mardi 23 juin 1891, page 4
ASSISES CRIMINELLES
Fin du procès de Reynolds
Verdict du jury
La cour a siégé ce matin sous la présidence de Son Honneur le juge Church, MM. St-Jean et H. J. Cloran ont fait leur adresse au jury qui est entré en délibération vers midi.
Ils ont admirablement rempli leur devoir.
De leur côté, MM. St-Pierre et McMaster, avocats de la défense, ont fait preuve de beaucoup d'habileté. Dans un éloquent discours qui a duré plus de trois heures, M. St-Pierre a expliqué d'une manière si lucide les différents témoignages de la défense, que le prisonnier était souriant d'espérance.
A trois heures, les petits jurés appelés à rendre leur verdict, déclarèrent le prisonnier Reynolds coupable d'homicide involontaire et le recommandent à la clémence de la cour.
- mercredi 24 juin 1891, page 4
ASSISES CRIMINELLES...
La sentence du meurtrier Reynolds
La cour a siégé ce matin sous la présidence de Son Honneur le juge Church...
Le prisonnier Darius Austin Reynolds, trouvé coupable d'homicide involontaire a entendu prononcer contre lui une sentence plus sévère. Cependant, grâce aux recommandations du jury, la cour a bien voulu se montrer indulgente.
Avant de le condamnedr, le juge dit au prisonnier: "Je suis convaincu que vous êtes coupable de meurtre. Cinq jurés seulement voulaient prononcer un verdict d'acquittement, tandis que les sept autres vous trouvaient coupable de meurtre au premier degré; finalement, tous se sont entendus pour rendre un verdict de "meurtre involontaire" en vous recommandant à la clémence de la cour. Je vous déclare que si j'eux fait partie du jury, vous n'auriez pas été recommandé à la clémence de la cour, mais vous auriez été trouvé coupable de meurtre au premier degré. Néanmoins, je serai aussi indulgent qu'il m'est possible de l'être, en ne vous condamnant qu'à quatorze ans de pénitencier à St Vincent de Paul.
Après avoir remercié le jury, la cour d'ajourne au prochain terme.