- samedi 6 mars 1897, page 1
COUR DU BANC DE LA REINE
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Une motion de M. St-Pierre dans la cause de la Reine vs Grenier
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A la séance de ce matin, M. H. C. St-Pierre, avocat de l'hon. Tarte dans la cause de la Reine vs Grenier, dit que M. C. A. Cornellier, avocat du défendeur, est venu presque chaque matin présenter des motions sans même avoir eu la délicatesse de lui en avoir donné avis. Il ajoute que ce matin il a une motion très sérieuse à l'effet d'empêcher l'assignation d'un certain nombre de témoins tout-à-fait inutiles et qui occupent un haut rang dans la politique, la magistrature et le clergé.
Cette motion est prise en délibéré.
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- lundi 8 mars 1897, page 1
COUR DU BANC DE LA REINE
Une motion de M. St-Pierre en délibéré
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Après que le jury eut été remercié et renvoyé, on a débattu la motion qui avait été présenté le matin par M. l'avocat St-Pierre.
Voici cette motion:
"Attendu que sous le prétexte de produire dans cette cause de la Reine vs Grenier, un plaidoyer de justification, le défendeur a produit un document qu'il intitule un plaidoyer de justification, lequel est composé pour plus des trois quarts, d'une longue série de lettres datées d'il y a plus de vingt ans, dont quelques-unes sont sans signatures, et d'autres portent les signatures de certains membres du clergé de la cité de Québec;
"Attendu que les jurés lors de l'instruction de la cause, ont droit de prendre connaissance des plaidoiries et que la lecture de pareils documents peut avoir pour effet de créer un préjugé dans leur esprit;
"Attendu que devant la cour criminelle, les pièces justificatives ou les copies d'icelles ne peuvent être produites qu'à l'audience, en présence du juge, qui constate la légalité d'une telle production;
"Toutes ces pièces soient rejetéées du dossier;
"Et attendu que les dites pièces se trouvent incorporées dans le prétendu plaidoyer de justification de manière à former un tout indivisible, le dit plaidoyer soit renvoyé avec dépens."
Après que M. St-Pierre eut expliqué le sens de sa motion, M. Cornellier a répondu par un discours de "husting" comme il sait en faire, puis la motion de M. St-Pierre a été prise en délibéré. M. Cornellier a aussi demandé à corriger quelques erreurs de rédaction dans son plaidoyer.
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- mardi 23 mars 1897, page 3
LA REINE VS. GRENIER
Le plaidoyer de l'accusé retranché du dossier
Texte du jugement du juge Wurtele
Un coup raté de M. Cornellier
Texte du jugement
- mercredi 7 avril 1897, page 6
L'AFFAIRE DE LA REINE vs GRENIER
Nouvelle motion de M. Cornellier
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M. C. A. Cornellier a fait, ce matin, à l'ouverture de la séance, une motion demandant que le procès de la reine contre W. A. Grenier soit aussitôt après l'affaire Poitras terminée.
M. St-Pierre s'objecte, disant qu'il n'a été averti que M. Cornellier avait produit un nouveau plaidoyer que par la voie des journaux et que par conséquent il n'a pris connaissance du plaidoyer que ces jours derniers.
M. Cornellier ne reconnaît que les avocats de la couronne dans cette cause et dit qu'il n'a pas affaire avec M. St-Pierre.
L'avocat de la couronne donne quelques explications.
Il déclare que le tribunal ne devrait jamais permettre qu'il y ait des poursuites privées devant cette cour. Il dit que la couronne ne fera pas défaut si le président du tribunal juge à propos de faire ce procès immdiatement. M. Archambault est prêt à assumer les responsabilités attachées à l'exécution de ses fonctions, mais il ne veut avoir le contrôle des causes.
L'honorable juge Wurtele promet de décider la question demain à dix heures...
- jeudi 8 avril 1897, page 6
COUR DU BANC DE LA REINE
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... Le procès de la Reine contre W. A. Grenier prendra place à la suite de celui de Poitras, si la question des procédures qui sera discutée demain justifie la production du plaidoyer produit par C. A. Cornellier, pour son client...
- vendredi 9 avril 1897, page 6
L'AFFAIRE DE LA REINE VS GRENIER
De nouveau discutée devant la cour criminelle
Un discours échevelé de M. C. A. Cornellier
Réplique pondérée de M. St-Pierre
La cour a entendu ce matin les arguments des avocats de la poursuite et de la défense dans l'affaire Tarte vs Grenier, sur la réponse en droit de la reine au deuxième plaidoyer de justification, le premier produit par l'accusé ayant été rejeté. Cette réponse en droit dit: Que ce plaidoyer de justification est illégal, irrégulier, et qu'il ne constitue pas un plaidoyer de justification tel que l'exige l'article 634 du Code Criminel, ni une réponse légale à l'accusation légale portée contre l'accusé. Que dans son plaidoyer le défendeur allègue purement et simplement que M. Tarte a modifié ses opinions ou ses appréciations sur les hommes et les choses publiques, circonstance qui même en la supposant vraie, ne serait que l'acte d'un bon citoyen et ne pourrait constituer une justification de l'accusation de malhonnêté portée contre lui.
Que la majorité des clauses du dit plaidoyer ne sont que des réflexions sur les prétendus changements d'opinion de M. Tarte et que ces réflexions ne peuvent constituer une justification du libelle reproché à l'accusé et que de plus certaines clauses de ce même plaidoyer contiennent des paroles outrageantes qui constituent un nouveau libelle. Que la clause 13ème, entre autre chose, reproche à M. Tarte d'avoir reçu illégalement certaines sommes d'argent, connaissant leur provenance illégitime et que cet allégué ne dit pas en quoi consistait cette prétendue illégalité et partant ne saurait constituer une justification à l'accusation de vol ou de boodlage proférée contre lui par le défendeur, dans l'article incriminé. Que la clause 14ème invoque la rumeur publique au sujet des sommes d'argent que M. Tarte auraient reçues illégalement, ce qui ne peut pas constituer une défense légitime devant un tribunal de juridiction criminelle. La défense en droit conclut au rejet du plaidoyer de justification produit par l'accusé.
M. Cornellier a fait, pour maintenir son plaidoyer, un discours violent. L'honorable président du tribunal dut le rappeler à l'ordre à plusieurs reprises.
M. St-Pierre, dans quelques remarques qu'il fit à l'avocat de W. A. Grenier, lui dit qu'il n'avait pas ici à convaincre les badeaux et le public illétré, mais qu'il parlait en face d'une cour criminelle, et que les discours échevelés, les gestes et les grands mouvements à la Chapleau ne servaient en rien dans les circonstances.
M. Archambault, l'avocat de la Couronne, a déclaré qu'il concourrait entièrement dans les raisons apportées par M. St-Pierre pour faire rejeter le plaidoyer.
L'hon. juge Wurtele rendra sa décision lundi matin au sujet de cette argumentation...
- lundi 12 avril 1897, page 6
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Encore l'affaire de la Reine vs Grenier
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L'honorable président du tribunal rend ensuite sa décision au sujet du plaidoyer de justification produit par C. A. Cornellier pour son client, W. A. Grenier. Comme on le sait,M. H. C. St-Pierre avait demandé le rejet du plaidoyer du défendeur, alléguant les raisons que nous avons rapportées dans notre numéro de vendredi dernier. Le savant juge a décidé, ce matin, que la plupart des clauses du plaidoyer du défendeur doivent être rejetées. La clause treize seule, fut maintenue dans son entier. Cette cause de la Reine contrre Grenier devra suivre le procès Poitras, et les témoins devront être assignés pour jeudi matin...
- mercredi 14 avril 1897, page 6
L'AFFAIRE DE LA REINE VS GRENIER
Encore une motion de M. C. A. Cornellier
Des discours de hustings déplacés
Réplique energique de M. H. C. St-Pierre
Remarques du juge Wurtele
M. C. A. Cornellier a produit, ce matin, devant la Cour du Banc de la Reine la motion suivante, au nom de son client, W. A. Grenier:
Attendu que le dit accusé est sans ressources pécuniaires, et qu'il ne pourrait payer au trésor public les frais de mandants d'assignation des témoins essentiels à sa défense, et sans lesquels il ne pourrait prouver les allégations maintenues par le tribunal dans le plaidoyer de justification produit en cette cause, il soit ordonné que les mandats d'assignation, vu l'affidavit produit par le défendeur, soient émis aux frais de la Couronne aux personnes ci-après nommées, Mgr C. A. Marois de Québec, l'hon. François Langelier, l'hon. Wilfrid Laurier, premier ministre du Canada; sir Oliver Mowat, ministre de la justice du Canada; l'hon. C. A. Pelletier, [?] D. Decelles, l'hon. Thomas Chapaos, Roch Pamphile Vallée, Benjamin Trudel, Ernest Pacaud, Elzéar Vincent, J. D. Langlais, Charles Langelier, L. Simoneau, John P. Whelan, Raymond Préfontaine, l'hon. C. A. Geoffrion, l'hon. L. O. Taillon, l'hon. G. A. Nantel et sir Alexandre Lacoste, juge en chef de la Coour d'Appel de la province de Québec.
Que tous ces témoins sont nécessaires à la défense du défendeur, sont parties essentielles dans la preuve qu'il a à offrir et que le dit défendeur ne pourrait répondre à l'accusation qu'il porte dans son plaidoyer si ces témoins n'étaient pas à sa disposition. C'est pourquoi, vu l'affidavit produit, le dit défendeur prie cette honorable cour et le représentant de l'honorable Procureur-Général de vouloir bien lui accorder les mandats d'assignation sans frais, sauf par lui à se pourvoir ultérieurement auprès de qui de droit si plus amples ressources sont nécessaires et le dit accusé a signé et ne cessera de prier pour les fins de la justice.
(Signé) C. A. CORNELLIER
L'avocat de W. A. Grenier avait eu la précaution de donner les raisons pour lesquelles il assignait chaque témoin. Le Procureur de la Couronne se leva après la motion de M. Cornellier et dit que si la Couronne se rendait aux exigences de la défense, il lui faudrait nommer des administrateurs à l'Eglise et à l'Etat pour le temps de ce procès; il se déclare, cependant, prêt à assigner l'hon. J. I. Tarte.
M. H. C. St-Pierre, prenant ensuite la parole, dit que M. Tarte est à faire son devoir comme ministre de la Couronne à Ottawa, et qu'il ne doit pas quitter son poste. Pour ce qui est de l'étrange document que la défense dans cette cause a produit ce matin, voici la manière de l'apprécier. Toutes les raisons alléguées pour justifier l'assignation des témoins ne sont qu'une série d'injures et d'insultes que le tribunal ne devrait pas même examiner.
Ce qui ressort de tout ce document, c'est que M. Cornellier, à la veille des élections provinciales, voudrait faire avec cela du capital politique. Ce papier, a ajouté M. St-Pierre, n'est qu'un papier odieux et méprisable et l'auteur derait en rougir.
"Evidemment ce document-là est fait dans le but de servir de canevas à M. Cornellier pour aller pérorer dans les campagnes, et pour déclamer contre les hommes de l'administration actuelle.
"Ce qui m'étonne le plus, ajoute le savant avocat, c'est qu'un orateur de husting à la manière de M. Cornellier, puisse croire notre population assez ignorante pour ne pas discerner tout ce qu'il y a de ridicule, d'odieux et de révoltant dans cette série d'injures." L'honorable président du tribunal, interrompant ici M. St-Pierre, dit. "Si les habitants de nos campagnes permettent qu'on leur dise des choses telles, ça ne sera dû qu'à leur politesse et à leur patience bien connues." Le sage procureur de la poursuuite privée répartit: "J'aime mieux l'attribuer à cette cause et je suis bien convaincu que les personnes qui entendront M. Cornellier répèter ce joli réquisitoire, sauront, en effet, apprécier ces paroles à leur juste valeur. L'hon. juge Wurtele rendra son jugement à ce sujet demain...
- mardi 20 avril 1897, page 6
COUR DU BANC DE LA REINE
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La Reine vs Grenier
A l'ouverture de la séance, on remarquait edn cour les honorables C. A. Geoffrion et L. O. Taillon, qui avaient été assignés par la défense dans l'affaire de la Reine contre Grenier. La cour demande au défendeur s'il pouvait procéder en l'absence de M. Tarte qui est justifiable d'invoquer son privilège et de ne pas se rendre pour témoigner dans cette cause. M. Lamothe proposa alors que le procès soit fixé à demain et qu'à l'ouverture de la cour il déclarerait, après avoir vu M. Cornellier, s'il peut s'engager à procéder, M. Tarte étant absent. L'honorable président du tribunal refusa d'accéder à cette demande, disant que la cour n'avait pas à retarder de siéger à cause de l'absence d'un des avocats de la défense. Il fut donc statué que la cour s'enquerrait de l'affaire Grenier cet après-midi si le verdict est rendu dans le procès Poitras...
- mercredi 21 avril 1897, page 5
COUR DU BANC DE LA REINE
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L'affaire de la Reine vs Grenier remise au prochain terme
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Une dernière fois, pour le présent terme, nous vous parlerons du procès Grenier.
Hier encore, nous disions que cette cause suivrait celle de Poitras, mais voici qu'à la dernière séance, M. Grenier déclara ne pouvoir se disculper, sans le témoignage de l'hon. M. Tarte. Alors, l'honorable président du tribunal, comme d'ailleurs la chose avait déjà été réglée, dit au défenseur que le plaignant était à son poste et qu'il ne devait pas le laisser. Il ajouta que le tribunal auquel appartient M. Tarte est supérieur à celui de la cour d'assise et que cette dernière ne saurait commander à son supérieur.
La cause est maintenant remise au premier jour juridique du prochain terme de juin...
- mercredi 2 juin 1897, page 1
LA REINE VS GRENIER
Une motion de M. C. A. Cornellier rejetéepar le juge Wurtele
Le procès sera fixé plus tard
Pour permettre à M. Cornellier de faire sa motion dans l'affaire de la Reine Vs A. W. Grenier, Son Honneur le juge Wurtele préside, pour un moment, hier après-midi à deux heures, la Cour du Banc de la Reine, à la place de Sir Alexandre Lacoste. L'avocat de Grenier fit motion à l'effet d'avoir un jour fixé pour le procès de son client. Il fit un grand discours pour appuyer sa motion; mais les gestes à la Chapleau n'eurent pas plus de succès qu'au dernier terme.
M. Desmarais prit ensuite la parole et répondit à l'avocat de la défense que la Couronne n'est pas à blâmer pour le retard apporté dans l'affaire Grenier. Il dit un mot des différents plaidoyers de M. Cornellier, que la cour a dû refuser; puis il termina en distant qu'il allait voir à ce que ce procès soit fixé le plus tôt, si la chose en est possible.
M. St. Pierre se leva alors, et après avoir montré que l'avocat de Grenier se plaignait à tort, et qu'il y avait peut-être un peu de sa faute si le procès n'avait pas eu lieu plus tôt, il ajouta qu'il était encore prêt à procéder immédiatement, comme il l'était au dernier terme, si la présence de l'hon. Tarte n'était pas requise ici par la défense. Seulement, si M. Grenier a besoin du témoignage de l'hon. Ministre des Travaux Publics, il faudra au moins attendre une réponse de M. Tarte, disant s'il pourra venir à Montréal, et en quel temps il le pourra. M. Cornellier murmura de nouveau, puis l'hon. président du tribunal déclara que la cause était dans le même état qu'au dernier terme, et que les raisons qui retenaient alors M. Tarte à Ottawa existaient encore et que, par conséquent, il lui était impossibled de fixer un jour pour le procès, sans savoir si un témoin que la défense juge essentiel pourra être présent à ce moment en cour et être entendu. La cause sera fixée dès qu'on saura que M. Tarte pourra se rendre pour comparaître...
- mardi 8 juin 1897, page 1
COUR DU BANC DE LA REINE
Encore l'affaire de la Reine vs Grenier
Nouvelle motion de M. Cornellier
M. C. A. Cornellier avait donné hier avis au procureur de la couronne, qu'il ferait aujourd'hui motion à l'effet de faire fixer un jour pour le procès de son client M. W. A. Grenier, ou bien de le faire libérer par la cour. En conséquence, l'honorable juge Wurtele monta, ce matin, un moment sur le banc, à la place de sir Alexandre Lacoste qui est désigné comme témoin de la défense dans cette cause. L'avocat de M. Grenier n'était pas en cour pour présenter sa motion; mais l'honorable président du tribunal déclara toutefois qu'il ne pouvait déterminer un jour pour ce procès et que ses raisons sont les mêmes qui ont déjà été données à diverses reprises.
En second lieu l'accusé ne peut pas être libéré parce que si le procès n'a pas lieu, il n'en dépend nullement de la couronne...
- vendredi 10 septembre 1897, page 6
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Le procès Grenier remis au 20 septembre
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Le greffier avait déjà fait l'appel d'une autre cause lorsque M. Dandurand intervint et présenta une motion à l'effet de déterminer une date pour le procès de W. A. Grenier, poursuivi par l'hon. M. Tarte pour libelle criminel.
M. C. A. Cornellier, avocat de la défense, veut faire quelques objections, mais M. Desmarais, l'avocat de la Couronne a bientôt réduit à néant ces vaines et futiles protestations. Finalement, avec le consentement des deux parties, le juge Wurtele fixe le procès au 20 septembre courant...
- lundi 13 septembre 1897, page 1
L'AFFAIRE TARTE-GRENIER
Nous recevons de M. H. C. Saint-Pierre, C.R. la correspondance suivante que la "Presse" a refusé de publier.
Monsieur le Rédacteur,
Mon attention a été appelée sur un article dans la "Presse" de vendredi le 3 courant que j'aurais dû remarquer, mais qui, par accident m'est passé inapperçu: je veux parler du premier Montréal intitulé "La cause Tarte-Grenier."
Dans cet article vous commencez par poser en principe que tout le monde doit être placé sur un pied d'égalité devant la loi et que le simple citoyen accusé d'un crime ou d'une offense a le droit d'avoir son procès dans un délai raisonnable, même lorsque son accusateur est un homme puissant, un ministre de la couronne, par exemple. Jusque là, Monsieur le Rédacteur, je suis absolument de votre avis. Mais vous allez plus loin et vous insinuez que si M. Grenier accusé de libelle par l'honorable M. Tarte n'a pas eu son procès avant aujourd'hui, ça été grâce à l'influence de ce dernier et à la complaisance de l'honorable juge qui présidait les assises. Une pareille insinuation est tout simplement une insulte à l'adresse de l'honorable juge et un acte de dénigrement contre l'administration de la justice dans ce district, que je ne puis laissée passer sous silence.
Examinons un instant ensemble la marche de la procédure. La plainte de l'Hon. M. Tarte a été déposée dans le cours du mois de juillet de l'année dernière. Dans notre district, les assises siègent pendant 4 termes chaque année, ces termes s'ouvrent le 1er septembre, le 1er novembre, le 1er mars et le 1er juin. Au terme de septembre dernier un "bill" ou "acte d'accusation" fut soumis aux grands jurés qui rapportèrent un "true bill", et dès le lendemain M. Grenier était mis en accusation. Son plaidoyer fut le plaidoyer général de "non coupable", mais il annonça en même temps que son intention était de déposer un plaidoyer spécial de "justification". Naturellement ce plaidoyer devait être par écrit et il était impossible de procéder à l'instruction du procès avant sa production. A quelle date ce plaidoyer de justification a-t-il été déposé par M. Grenier? Pour un homme qui se disait si pressé on se serait attendu à autre chose; M. Grenier a déposé son plaidoyer de justification le dernier jour du terme de septembre et après le renvoi des petits jurés.
Le plaidoyer de justification est sujet à contestation s'il est irrégulier ou s'il contient des choses qui sont en dehors des questions en litige. Or, le plaidoyer de M. Grenier était tellement irrégulier que sur une motion faite par moi dès les premiers jours du terme de novembre il fut rejeté en entier. Cependant le savant juge que l'on semble vouloir accuser aujourd'hui accorda à M. Grenier la faveur peut être sans précédent d'en "déposer un autre". C'est ce qu'il fit, mais au terme de mars dernier seulement. Jusque là donc pas de procès possible, grâce à la faute de M. Grenier. Dès que ce nouveau plaidoyer fut produit, je m'aperçus qu'il était presqu'aussi irrégulier que le premier et je l'attaquai par une "réponse en droit" qui fut maintenue par le jugement de la cour.
L'effet de ce jugement fut que plus des deux tiers de ce plaidoyer furent retranchés. La discussion sur ma défense en droit avait été fixée de consentement mutuel entre les avocats de chaque partie aux derniers jours du terme de mars et le jugement fut prononcé très peu de temps après, mais le jour même où les jurés venaient d'être congédiés à l'expiration du terme de leurs travaux. Donc jusque-là encore pas de procès possible et cela toujours par la faute de M. Grenier.
Au terme de juin dernier les procédures de M. Grenier étaient régulièrement produites devant le tribunal, mais le parlement siégeait et l'hon M. Tarte était forcément retenu à Ottawa. M. Grenier profita de cette circonstance pour faire faire beaucoup de tapage par son avocat; lui qui n'était prêt que depuis quelques jours seulement. Il insistait pour avoir son procès immédiatement.
Dans le but d'éviter de nouveaux retards, les avocats de la poursuite offrirent de procéder à l'instruction du procès en l'absence de l'honorable Tarte. M. Grenier refusa et sollicita lui-même l'ajournement de la cause au terme de septembre, c'est-à-dire au présent terme.
Je m'attendais au commencement de cette session des assises à un discours bruyant et tapageur un peu dans le genre de ce que M. Grenier faisait faire pour la galerie, lorsqu'il savait que ses procédures n'étaient pas en règle et que la cause ne pourrait pas être appelée, mais il n'en a rien été, je ne l'ai jamais vu si paisible. Le parlement est en vacance voyez-vous et l'honorable M. Tarte se tient à la disposition du tribunal, ça change un peu la situation. Le procès aura certainement lieu durant le présent terme et très probablement dans le cours de la semaine prochaine.
Pardonnez-moi, Monsieur le Rédacteur, d'avoir été un peu long, mais j'ai cru qu'il était de mon devoir de venger l'honneur de nos tribunaux et la dignité d'un magistrat dont le nom est synonyme de justice et d'honorabilité.
Veuillez me croire,
Monsieur le Rédacteur,
Votre serviteur très dévoué,
H. C. SAINT-PIERRE.
- lundi 20 septembre 1897, page 6
EN COUR CRIMINELLE
La cause de la Reine vs Grenier
Ne sera entendue que demain
Les Assises Criminelles étaient présidées ce matin par Son Honneur le Juge Ouimet. A l'ouverture de la Cour, le greffier a appelé la cause de la Reine vs W. Grenier. Les avocats déclarent que tous les témoins dans cette cause sont à la disposition de la Cour.
Comme le procès de Parks et Lee n'était pas encore terminé, le juge informe les avocats que la Cour ne pourra entendre la cause que demain, à 10 a. m.
- Au nombre des témoins présents ce matin, on remarquait les honorables MM. Tarte, Geoffrion, Taillon, Leblanc, etc...
- mardi 21 septembre 1897, page 6
EN COUR CRIMINELLE
La cause de la Reine vs Grenier renvoyée à demain
A l'ouverture de la séance, ce matin, M. Cornellier demande si le défaut constaté hier contre Sir Wilfrid Laurier et sir Oliver Mowat, a été inscrit. M. Dandurant déclare que Sir Wilfrid Laurier est à la disposition de la Cour. Quant à Sir Oliver Mowat, M. Dandurand dit qu'il n'a reçu aucune notification.
La cause de la Reine vs Grenier est alors renvoyée à demain, et on continue le procès de Lee et Parks...
- mercredi 22 septembre 1897, page 6
EN COUR CRIMINELLE
La cause de la Reine vs Grenier
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La cause de la Reine vs Grenier est encore remise à demain...
- jeudi 23 septembre 1897, page 6
EN COUR CRIMINELLE
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La cause de la Reine vs Grenier
Commencera probablement cette après-midi
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M. Dandurand demande que les témoins dans la cause de la Reine vs Grenier soient assignés pour deux heures cet après-midi...