Mes racines / my roots

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L'affaire Tarte vs Grenier (troisième partie):

Extraits de La Patrie:
la poursuite de la Reine et Tarte contre Grenier
pour diffamation criminelle

III
Le procès en Cour Criminelle
du 24 septembre au 2 octobre 1897

_______




  1. vendredi 24 septembre 1897, page 6

    EN COUR CRIMINELLE
    La Reine vs Grenier
    Commencement du procès
    Les jurés assermentés
    Témoignage de l'hon. Tarte
    S'il avait payé $200, il n'aurait pas été diffamé
    L'explication de "Business is Business"
    Le plan de défense adopté par M. Cornellier

    La cause, maintenant célèbre, de la Reine vs Grenier est commencée de ce matin en cour d'assises.

    C'est l'hon. juge Wurtele qui préside et la foule se masse dans la grande salle d'audience. On a enlevé les bancs qui entourent la tribune réservée au juge et aux officiers de la cour.

    Cette cause passionne les esprits, mais ceux qui s'attendaient à des émotions violentes ce matin en ont été pour leur peine. Il n'y a eu à proprement parler qu'un moment solennel, c'est lorsque, d'après la décision du tribunal, l'accusé, M. Grenier, a dû se rendre dans la boîte des accusés pour y rester tout le temps que durera le procès. Le public est paisible et suit avec intérêt les procédures de la cour. [Le texte a été corrigé, une ligne ayant été mal placée.]

    A dix heures et quart précises Son Honneur le juge Wurtele monte sur le banc, et après avoir renvoyé devant Son Honneur le juge Ouimet une application faite par M. de Salaberry au sujet de l'affaire Ewan, ordonne que M. W. A. Grenier, accusé de libelle, soit appelé à la barre.

    M. Cornellier, avocat de la défense, demande pour son client un jury français. Le juge Wurtele déclare qu'il n'a pas le droit, dans le cas présent, d'accorder un jury essentiellement français, mais qu'il sera choisi au hasard des noms, et on procède immédiatement à ce choix. Voici les noms de ceux qui ont été assermentés: Gédéon Daniel, Alphonse Provost, Alphonse Anctil, F. X. Leclaire, A. Carignan, N. Sicard, M. Riel, F. Pépin, Léopold Larue, J. Valois, Pronovost, Lalonde et Larivière. Voici maintenant les noms de ceux qui ont été recusés: Aimé Geoffrion, par la défense; F. Bourdon, par la défense; Lachapelle, par la couronne; Daoust et Robillard, par la défense.

    M. Raoul Dandurand présente alors au jury assermenté le chef d'accusation porté contre Grenier. Voici en substance l'adresse de M. Dandurand:

    "Au mois de septembre dernier, l'accusé Grenier, qui fut d'abord agent d'annonces et plus tard éditeur de la "Libre Parole," se rendit à Ottawa et demanda à l'hon. M. J. I. Tarte, ministre des Travaux Publics, s'il voulait lui donner de l'argent. En retour, l'accusé s'engageait à faire de la "Libre Parole" l'organe personnel du ministre. Il fit valoir les avantages présents et futurs qu'aurait M. Tarte à être défendu contre ses ennemis personnels par un journal qui ne s'afficherait pas comme organe officiel. L'honorable ministre lui répondit poliment, très poliment, que pour le moment le besoin d'un tel organe personnel ne se faisait pas sentir. Il dit qu'il réfléchirait à la chose et qu'il rendrait sa décision. Subséquemment, M. Tarte refusa de payer, et c'est alors et pour cela seulement que l'article diffamatoire a été publié.

    Le premier témoin entendu a été M. Doucet, qui a produit la déclaration de M. Grenier, attestant qu'il était éditeur de la "Libre Parole."

    M. G. Desaulniers a ensuite prouvé la circulation du journal, puis l'hon. M. Tarte fut appelé.

    Q.- Dans le cours de la conversation que vous avez eu avec l'accusé à Ottawa, vous avez dit qu'il avait mis son journal qu'il venait de créer, à votre disposition, et qu'il avait été jusqu'au point de vous offrir d'accepter son rédacteur, votre propre secrétaire, c'est-à-dire que le journal aurait été rédigé dans votre propre bureau, pour votre bénéfice personnel?
    R.- Oui.
    Q.- A-t-il indiqué jusqu'à quel point il entendait combattre en votre faveur dans ce temps-là? A-t-il indiqué les moyens?
    R.- Il croyait que M. Beausoleil était mon ennemi personnel. Il me l'affirmait, déclarant que M. Beausoleil avait résolu de me démolir politiquement et que j'aurais besoin d'être défendu contre lui. Alors, il m'offrait d'être mon organe personnel contre M. Beausoleil spécialement et m'annonça alors qu'il y aurait une caricature dans le second numéro de son journal.
    Q.- Contre qui?
    R.- Contre Beausoleil.
    Q.- Vous a-t-il déclaré à peu près qu'elle figure M. Beausoleil devait faire dans ce second numéro.
    R.- Il m'avait annoncé que M. Beausoleil serait représenté sur la clôture, se préparant à tomber d'un côté ou de l'autre, selon que sir Charles Tupper ou M. Laurier arriverait au pouvoir, quelque chose comme cela.

    À transcrire



  2. samedi 25 septembre 1897, page 8

    LA REINE VS GRENIER
    Continuation de la preuve de la couronne
    Les transquestions de M. Cornellier
    Le plan de la défense
    Les discours de hustings pour la galerie
    L'affaire des $5,000 de Whelan
    La défense impuissante jusqu'ici à justifier l'article libelleux

    À transcrire



  3. lundi 27 septembre 1897, page 2

    LA REINE VS GRENIER
    Fin de la preuve de la Couronne
    Les $3,000 de M. Georges Demers
    Une transaction absolument inattaquable
    L'affaire McGreevy
    L'exploitation du nom d'un mort par la défense
    Les relations de M. Tarte avec M. Beemer
    L'imprimeur de la "Libre Parole"
    Ce que lui a déclaré l'accusé
    Si M. Tarte ne me donne pas d'argent, je me tourne contre lui
    Les avocats de la défense demandent l'ajournement jusqu'à ce matin

    À transcrire



  4. lundi 27 septembre 1897, page 3

    La REINE VS GRENIER
    (suite de la 2ème page)
    À transcrire


  5. lundi 27 septembre 1897, page 6

    La REINE VS GRENIER
    L'un des jurés malade

    (suite de la 3ème page)
    À transcrire


  6. mardi 28 septembre 1897, page 6

    LA REINE VS GRENIER
    La tactique de la défense
    Prolonger le procès pour embrouiller le jury
    Grenier incapable de justifier son libelle
    Vaines tentatives de ses avocats
    L'hon. M. Tarte de nouveau interrogé
    Querelle en pleine cour
    Entre Grenier et son avocat
    M. Cornellier menace d'abandonner la cause

    À transcrire



  7. mercredi 29 septembre 1897, page 2

    LA REINE VS GRENIER
    L'hon. M. Tarte toujours témoin
    M. Cornellier perd son temps et fait perdre celui de la cour
    L'affaire McGreevy-Langevin
    Une page d'histoire politique intéressante
    Comment les scandales du Havre de Québec furent révélés

    À transcrire



  8. mercredi 29 septembre 1897, page 3

    La REINE VS GRENIER
    (suite de la 2ème page)
    À transcrire


  9. mercredi 29 septembre 1897, page 6

    LA REINE VS GRENIER
    Séance de ce matin
    M. Gustave Lamothe, bailleur de fonds de la "Libre Parole"
    M. Tarte encore dans la boîte
    Comment sa famille a vécu à Montréal
    La ruine financière de M. Shaughnessey

    À transcrire



  10. jeudi 30 septembre 1897, page 2

    LA REINE VS GRENIER
    L'hon. M. Tarte sort enfin de la boîte des témoins
    Les déclarations de M. J. P. Whelan
    Pourquoi il a donné $10,000 à M. Pacaud
    Il n'a eu aucune relation avec M. Tarte
    La preuve de la défense tire à sa fin

    À transcrire



  11. jeudi 30 septembre 1897, page 3

    La REINE VS GRENIER
    (suite de la deuxième page)
    À transcrire


  12. jeudi 30 septembre 1897, page 6

    LA REINE VS GRENIER
    La "Patrie" fait l'objet d'un incident
    NOTRE REPONSE D'HIER A LA "PRESSE"
    Passe-d'armes entre MM. St-Pierre et Cornellier
    Les provocations de la "Presse"
    Ses insinuations à l'adresse du juge Wurtele
    Remarques du président du tribunal
    Les jurés resteront désormais enfermés

    À transcrire



  13. vendredi 1er octobre 1897, page 2

    LA REINE VS GRENIER
    L'accusé termine son témoignage
    Plusieurs scènes comiques provoquées par les réponses du témoin
    M. St-Pierre traite Grenier de blasphémateur
    Déclarations de l'hon. C. A. Geoffrion

    À transcrire



  14. vendredi 1er octobre 1897, page 3

    La REINE vs GRENIER
    (suite de la deuxième page)
    À transcrire


  15. vendredi 1er octobre 1897, page 6

    LA REINE VS GRENIER
    Le proces tire à sa fin
    La preuve de la défense terminée
    La preuve "lu rebuttal" de la Couronne
    Grenier contredit sur plusieurs points

    À transcrire



  16. samedi 2 octobre 1897, page 4

    LA REINE VS GRENIER
    Le proces tire à sa fin
    La preuve terminée
    Un verdict ce soir
    À transcrire


  17. samedi 2 octobre 1897, page 8

    LA REINE VS GRENIER
    (Suite de la 4ème page)
    À transcrire


  18. lundi 4 octobre 1897, page 1

    La Reine vs Grenier
    UN VERDICT DE CULPABILITE
    Après quelques minutes de délibération
    PLAIDOYER DE M. H. C. SAINT-PIERRE EN FAVEUR DE LA COURONNE
    Le discours du juge Wurtele aux jurés
    À transcrire


  19. mardi 5 octobre 1897, page 2

    La Reine vs. Grenier
    Discours du juge aux jurés
    TEXTE OFFICIEL ET COMPLET
    À transcrire


  20. mardi 5 octobre 1897, page 3

    La REINE vs GRENIER
    (suite de la 2ème page)
    À transcrire


  21. lundi 11 octobre 1897, page 6
    IL VEUT UN AUTRE PROCES
    W. A. Grenier de nouveau devant le juge Wurtele
    La motion de son avocat
    M. H. C. St-Pierre et M. R. Dandurand la combattent
    Décision mercredi
    Le nommé W. A. Grenier a comparu de nouveau ce matin devant M. le juge Wurtele siégeant en cour d'assises et demandé, par l'entremise de son avocat, M. Cornellier, que sentence ne fut pas prononcée contre lui, mais qu'on lui accorde un nouveau procès. Voici le texte de la motion présentée au tribunal et que M. Cornellier a accompagné d'un long discours, dans le genre de celui qu'il a prononcé devant les jurés l'autre jour:
    COUR DU BANC DE LA REINE
    (Assises Criminelles)
    Terme de septembre 1897.
    La Reine
    vs
    W. A. Grenier,
    Accusé de libelle.

    Motion de la part de l'accusé:

    Attendu qu'un verdict de culpabilité a été trouvé contre lui en cette cause.

    Attendu que l'accusé est maintenant devant la Cour pour subir sa sentence.

    Attendu que l'accusé désire faire reviser par la Cour du Banc de la Reine siégeant en Appel, certaines décisions mues en cette cause.

    Qu'il ne soit pas maintenant procédé à prononcer sentence et que les questions suivantes soient réservées pour la considération du tribunal de la Cour du Banc de la Reine siégeant en appel.

    1o Le juge a quo avait-il juridiction pour connaître la publication du libelle décrit dans l'indictement comme étant daté du 26 de septembre 1896 alors que l'accusation originaire était portée 4 jours avant la publication du libelle, savoir le 22.

    2o Y a-t-il juridiction attendu que le bref de committimus a renvoyé l'accusé aux assises pour subir son procès pour une offense commise le 22 du mois susdit tandis que l'indictement l'accuse d'une offense commise le 26.

    3o Qu'il n'y a pas preuve de la circulation de libelle le 22.

    4o La cour aurait-elle dû permettre la production des documents suivants savoir:

    (A) Les lettres du plaignant Joseph Israël Tarte, à Sir Hector Langevin aux fins de prouver sa profession de foi politique à cette époque.

    (B) La production du discours de Son Honneur Sir Adolphe Chapleau, délivré en 1882, alors qu'il était Premier Ministre de la Province pour établir les changements d'opinion du plaignant.

    (C) La production du numéro du journal "La Justice" pour établir la source d'informations auquel l'accusé a puisé.

    (D) La copie du journal "The World" pour établir la notoriété des mêmes révélations devant le public.

    (E) La copie du journal "The Globe" publié à Toronto pour établir la source d'informations du journal "La Libre Parole" accusant le plaignant de n'avoir livré qu'un à un.

    Transcription en cours


  22. mercredi 13 octobre 1897, page 6

    LE PROCES GRENIER
    La motion du coupable rejetee
    Il recevra sa sentence demain matin

    M. le juge Wurtele a rejeté, hier après-midi, après un jugement très élaboré, la motion du nommé W. A. Grenier pour faire décider par la Cour d'Appel certaines questions de droit et avoir un nouveau procès.

    M. Cook, avocat de la Couronne, a immédiatement demandé que sentence fut prononcée contre le coupable.

    M. le juge Wurtele dit qu'il condamnera le nommé W. A. Grenier demain matin à 11 heures.

    Le coupable a reçu l'ordre de se trouver en cour à l'heure fixée.

    M. Cornellier annonça qu'il fera motion demain matin pour qu'il y ait "arrêt de sentence."




  23. jeudi 14 octobre 1897, page 7

    L'APPEL RENVOYE
    Dans la cause de la Reine vs W. A. Grenier
    Le jugement de l'hon. juge Wurtele

    Son Honneur le juge Wurtele a rendu jugement hier après-midi, à 2.30 heures, sur la motion de M. Cornellier, C. R., procureur de W. A. Grenier, dans la cause pour libelle criminel de la reine vs Grenier, sur certains points de loi, soulevés par la défense. La motion a été renvoyée.

    Les remarques du savant juge se lisent comme suit:

    Le 10 novembre dernier, Les Grands Jurés pour le District de Montréal ont déclaré l'accusation fondée contre le défendeur pour avoir, le 26ième jour de septembre 1896, en la Cité de Montréal, illégalement publié dans un journal appelé "Libre Parole", un libelle faux et diffamatoire à l'endroit de l'honorable Joseph Israël Tarte, sachant que tel libelle diffamatoire était faux. Lorsque le défendeur fut traduit devant le magistrat, il plaida non coupable et ajouta à ce plaidoyer, un plaidoyer de justification, alléguant que l'article en question avait été publié dans son journal et l'avait été de bonne foi, et que les allégations qu'on y prétendait diffamatoires, étaient vraies et avaient été publiées dans l'intérêt public, sur la contestation ainsi liée, le défendeur fut condamné à subir son procès. Le 24 septembre dernier, un jury fut assermenté, et le deuxième jour d'octobre, le défendeur fut trouvé coupable sur les chefs d'accusation tels que portés dans l'indictement. Dans le cours de l'examen des témoins, plusieurs objections furent faites sur lesquelles le juge sur le Banc aurait à rendre une décision, et à la demamde du Procureur du défendeur ces objections furent notées.

    Aussitôt après que le verdict eut été rendu, le procureur du demandeur fit application à la cour, lui demandant de réserver ces points de loi soulevés sur quelques-unes des objections qui avaient été notées pour la cour d'Appel, et il fut résolu qu'une motion en règle, demandant telle réserve devrait être présentée et discutée le 11 courant; et cette motion fut présentée et discutée ce jour-là.

    Le juge fit alors lecture des points de loi soulevés, qui sont au nombre de trois, et lesquels ont été publiés dans la "Patrie" à la date du 11 octobre dernier.

    L'INDICTEMENT EST MAINTENU

    Quant au premier point qui soutenait, que l'indictement était défectueux et illégal, le Procureur du défendeur référait à l'article 641du Code Criminel, qui déclare qu'un indictement peut être soumis aux grands jurés sur l'accusation sur laquelle le prévenu a été condamné à subir son procès, ou sur aucune autre accusation fondée d'après les faits ou la preuve révélée, dans les dépositions prises à l'enquête préliminaire. Il alléguait de plus que l'information sur laquelle le défendeur avait été condamné à subir son procès, l'accusait d'avoir publié un libelle diffamatoire, le 22ième jour de septembre 1896, et que l'indictement tel que soumis était pour un libelle qui avait été publié le 26ième jour de ce mois, et que par conséquent, l'indictement était défectueux et illégal. Le point principal de mon objection repose sur le moment de la commission de l'offense. Un rapport exact ou temps auquel une offense a été commise, n'est nécessaire, que lorsque la question de temps est matérielle et forme partie de l'essence même de l'offense. Dans le cas actuel, il est en preuve que la publication du libelle a eu lieu entre les 22 et 26 septembre, c'est-à-dire avant le verdict des Grands Jurés.

    Parmi les faits contenus dans l'article incriminé, il est dit que le plaignant est un acrobate politique, un traître et un vagabond de tous les partis, et pour justifier cette affirmation, le défendeur dans son plaidoyer de justification dit qu'il est généralement connu que le plaignant a souvent changé ses opinions politiques. Ce dernier a avoué sous serment qu'en effet il avait changé d'opinion. On a voulu produire des lettres écrites par le plaignant à Sir Hector Langevin, et certains papiers que l'on a prétendu être des copies exactes de certains documents qu'on attribuait au plaignant, mais vu que ce dernier sous serment n'a pas admis l'authenticité de tels écrits, et vu qu'ils n'avaient pour but que de prouver un changement d'opinion chez le plaignant, ce qu'il a d'ailleurs admis, je n'ai pas permis la production de ces documents. Pour la même raison, je n'ai pas permis la production d'une copie d'un discours qui aurait prononcé en 1882, par l'honorable J. A. Chapleau, alors premier ministre de la province de Québec.

    Cependant, j'ai permis au défendeur d'interroger le plaignant sur le contenu de ces documents.

    J'ai aussi refusé de permettre la production de copies du "World", pour montrer la publicité des choses mentionnées dans l'article incriminé, de la "Justice" pour la même chose, et du "Globe" pour prouver que le plaignant avait remis les papiers dans l'affaire McGreevy un par un. Le défendeur voulait aussi produire un pamphlet appelé "Baie des Chaleurs" pour prouver que le plaignant avait reçu $2,000 de M. Pacaud, sur les $100,000 que ce dernier avait obtenues comme subsides pour le chemin de fer de la Baie des Chaleurs. La raison de mon refus est que telles publications ne justifient pas la publication d'un libelle diffamatoire.

    J'ai aussi dû refuser la lecture d'une certaine lettre qui aurait été écrite par le Très Honorable Sir Wilfrid Laurier à un nommé Albert Lafortune, au sujet d'une transaction appelée "l'affaire du pont Curran". La raison de mon refus est que dans l'article incriminé, on n'accuse nullement le plaignant d'avoir eu quoique ce soit à faire avec cette transaction.

    Pour toutes ces raisons, la seconde partie de la motion du défendeur est renvoyée.

    Le défendeur a aussi demandé à ce que le plaignant rendit compte des $5,000 qu'il a reçues de M. Ernest Pacaud dans l'affaire Whelan. Cette preuve est aussi renvoyée, vu que le plaidoyer de justification n'en parle pas.

    L'on a prétendu que le placement ou la dépense de cette somme devait être prouvée afin d'éclaircir certains doutes qui planent actuellement sur la tête de personnes occupant des positions de ministres, juges et lieutenants-gouverneurs. Nul doute, que cela serait très intéressant et pourrait faire le sujet d'une enquête parlementaire; mais il ne faut pas perdre de vue que le devoir d'un juge est de renvoyer toute preuve étrangère aux causes. La preuve en question n'a donc pas été permise, et je remarque que le savant magistrat qui a présidé à l'enquête préliminaire en a décidé dans le même sens.

    J'ai encore une autre raison pour refuser le privilège d'Appel invoqué par le défendeur, et cette raison est que le prévenu lui-même a admis avoir publié l'article incriminé dans un esprit d'animosité contre la personne de l'hon. M. Tarte, et de plus parce que un grand nombre des allégués libelleux de l'article n'ont pas été prouvés.

    La preuve d'animosité et malice, et le défaut de prouver la vérité de telle assertions libelleuses, justifient complètement le verdict du jury.

    Je considèrerais donc comme inopportun de décider en faveur des points de loi qui m'ont été soumis, parce que telle décision n'affecterait en rien la preuve de mauvaise volonté et de malice qui a été faite, et le fait que certaines accusations libelleuses de l'article incriminé n'ont pas été prouvées. En outre la loi ajoute que même dans le cas où certaine preuve a été admise illégalement, le verdict du jury ne pourra être renversé, et un nouveau procès ne pourra pas être accordé à moins qu'une grave erreur judiciaire ait été commise.

    La motion pour aller en Appel est donc renvoyée.

    Aussi après que le juge eut rendu sa décision, M. Cooke, avocat de la couronne, fit application pour que la sentence fut prononcée, mais M. Cornellier demanda du délai pour préparer une nouvelle motion. Ce délai lui a été accordé jusqu'à onze heures ce matin.




  24. jeudi 14 octobre 1897, page 8

    LE CHATIMENT DE GRENIER
    LE JUGE WURTELE LE CONDAMNE A SIX MOIS DE PRISON
    Et à garder la paix pendant deux ans
    Il devra fournir un cautionnement personnel de $500 et de $250 par deux autres cautions
    Sinon il sera incarcéré pendant une autre année
    Grenier confié à un gardien se rend à Bourcherville faire ses adieux et régler ses affaires
    Il se rendra à la prison ce soir

    Le juge Wurtele a prononcé ce matin la sentence contre W. A. Grenier, trouvé coupable de libelle diffamatoire à l'endroit de l'honorable Joseph Israël Tarte.

    A l'ouverture de la cour, M. C. A. Cornellier, avocat du défendeur demanda à la cour qu'en veru de l'article 744, du code de Procédure Criminelle, il lui est permis de présenter une motion à l'effet d'obtenir que la sentence se fut pas prononcé maintenant contre son client. M. Cornellier prétendit que d'après cet article il avait un dernier droit de demander l'appel au Procureur-Général.

    M. Cooke, avocat de la Couronne, s'objecta à ce que cette motion fut accordée et M. St-Pierre, avocat de la poursuite privée, cita des précédents, pour faire rejeter la motion.

    Le juge déclare qu'il ne voit pas de raison pour accorder un arrêt de sentence.

    Alors sur proposition de l'avocat de la Couronne pour que sentence soit prononcée, on fait entrer Grenier dans la boîte aux accusés et le juge prononce les paroles suivantes:

    "Grenier vous avez été accusé d'avoir publié un libelle diffamatoire contre l'honorable Joseph Israël Tarte et le jury devant lequel vous avez subi votre procès vous a trouvé coupable. Vous ne devez pas croire que l'offense dont vous êtes accusé n'est pas sérieuse; au contraire, c'est une offense de la plus grande gravité. Vous avez publié un libelle contre un ministre, un officier public et les accusations que vous avez portées n'ont pas été prouvées. L'offense dont vous vous êtes rendu coupable est non seulement contre celui que vous avez diffamé mais contre le pays lui-même, car vous avez accusé un homme à qui le pays a confié un mandat important.

    "L'accusation la plus grave que vous avez portée contre lui est d'avoir introduit dans le département des Travaux Publics un système de brigandage et de chantage. Cette accusation contre un ministre de la Couronne est de nature à flétrir son honneur, c'est une accusation, si elle était vraie, eût flétri le pays tout entier.

    "Maintenant, le ton de l'article incriminé indique le dépit et la mauvaise volonté, ce qui constitue un fait des plus graves. Ce qui montre encore les sentiments qui vous animaient au moment de la publication du libelle, c'est le témoignage que vous avez rendu en cour. Si vous n'aviez pas été dans des circonstances exceptionnelles, je vous aurais certainement condamné pour mépris de cour, mais je ne l'ai pas fait parce que vous défendiez votre propre cause. C'est la seule raison pour laquelle votre conduite dans la boîte n'a pas été punie comme elle le méritait.

    "L'offense dont vous vous êtes rendu coupable a toujours été considérée par les tribunaux comme très grave, et la punitiion en a toujours été très sévère.

    "Durant le cours du procès, la défense a invoqué le privilège de la liberté de presse. J'espère que dans tout pays libre, cette liberté existera toujours, car elle constitue une des plus fortes garanties de la liberté publique. Mais il ne faut pas que cette liberté dégénère en licence. Il faut que les journaux comprennent qu'ils ont droit de critiquer la conduite d'un homme public, mais seulement dans ses actes publics, et non pas se livrer à des attaques personnelles. Qu'on discute sans gêne et sans restriction les actes publics d'un homme; mais, quand la presse outrepasse ses droits, sa liberté n'est plus que la licence. Avec les journaux, on peut faire plus de mal, que les grnds criminels qui paraissent devant une cour de justice. En effet, un homme accusé d'avoir volé le bien d'autrui est moins coupable que celui qui commet un libelle, parce que l'objet volé peut être restitué, mais celui qui fait un libelle, attaque un homme non seulement dans sa réputation et dans son honneur, mais flétrit ses enfants et sa postérité. Le crime est donc beaucoup plus grand.

    "Il y a quelques années, un libelle fut commis contre un homme distingué, maintenant mort, feu l'honorable Rodolphe Laflamme, qui était alors ministre de la Couronne, et le "Mail", de Toronto, l'auteur du libelle publié contre lui, a été condamné à payer $10,000 de dommage, ce qui démontre combien les tribunaux condamnent ce genre d'offense contre les hommes publics. Personne n'a trouvé à redire contre cette condamnation, parce que le journal avait attaqué l'honneur d'un homme public.

    "A Québec, feu le juge en chef Sir A. A. Dorion a déjà présidé un procès semblable à celui-ci, c'était à propos d'un libelle publié par un M. James McGuire, propriétaire du "Mercury", contre l'honorable François Langelier. McGuire a été condamné à 6 mois de prison et $200 d'amende. Si je vous mentionne ces faits, c'est pour vous montrer combien vous êtes coupable.

    "L'article de notre code qui traite de cette offense rend passible celui qui s'en rend coupable d'un emprisonnement d'un an ou d'une amende de $400, ou bien l'une et l'autre. La loi permet aussi aux juges, afin d'empêcher une personne coupable de commettre un nouveau crime du même genre, de condamner l'accusé à donner caution de garder la paix et de se conduire comme un bon citoyen. Maintenant, sans avoir de sympathie pour vous, je ne puis m'empêcher d'avoir pitié de vous. Je crois que lorsque vous avez publié l'article en question, vous avez cédé à un esprit de vengeance et de malice, mais je suis convaincu que d'autres ont profité de votre disposition pour se venger eux-mêmes. Mais cependant, vous avez commis le crime, et vous êtes obligé de porter la peine, non seulement de votre propre offense, mais aussi de celles des autres. Je ne vous infligerai pas le maximum de la pénalité, mais je veux donner un exemple aux journaux qui, pour satisfaire leur animosité contre un homme, publient un libelle diffamatoire contre lui. Il faut qu'un exemple soit fait, il faut que la presse évite de tomber dans la licence qui consiste à écrire des mensonges et des calomnies contre des hommes publics.

    "Je ne veux pas vous imposer d'amende, ce qui serait faire souffrir votre famille qui est déjà assez affligée, et d'un autre côté, si vos amis ne vous abandonnaient pas, vous ne seriez pas puni. Je n'infligerai que la prison pour pénalité et j'ordonnerai que vous fournissiez un cautionnement. Vous irez en prison pendant 6 mois, sans travaux forcés, et j'ordonne qu'avant de sortir vous fournissiez un cautionnement de garder la paix et de tenir une bonne conduite pendant deux ans; ce cautionnement sera de $500 par vous-même et de $250 par deux autres cautions; et à défaut de fournir ce cautionnement, vous soyez emprisonné pour une autre année à la condition que vous serez libéré aussitôt que le cautionnement sera fourni."

    Le juge autorisa ensuite le shérif à envoyer un homme pour accompagner Grenier aujourd'hui pendant que ce dernier arrangera ses affaires avant de partir pour la prison.

    Grenier fut alors officiellement livré au gouverneur Vallée, qui le confia à M. Phillias Brousseau, gardien de la prison. Tous deux partirent subséquemment pour Boucherville où réside Grenier. Celui-ci a promis d'être de retour à Montréal à 6.40 heures ce soir, après quoi il se rendra à la prison.




  25. vendredi 12 novembre 1897, page 6

    GRENIER

    Ottawa, 12.- Grenier ayant retirer son plaidoyer à la poursuite civile intentée contre lui et ayant signé une rétraction complète, M. Tarte s'est rendu auprès de sir Oliver à 2.30 hrs., cet après-midi, pour demander son élargissement.






Jacques Beaulieu
beajac@videotron
Révisé le 22 juillet 2019
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