Le texte qui suit fut envoyé le 7 février 2014 aux journaux Le Devoir ainsi que La Presse sans résultat. Il fut ensuite envoyé le 14 février 2014 au Ministre des institutions démocratiques qui était en charge du dossier de la Charte des Valeurs proposé par le gouvernement péquiste de Madame Marois ainsi qu'à Messieurs Kotto, mon représentant à l'Assemblée Nationale du Québec, Couillard, alors chef de l'opposition et du parti libéral du Québec, Legault, chef du parti Coalition Avenir Québec, et Khadir, chef de Solidarité-Québec. Nulle réponse ne m'a été donnée sauf un accusé de réception... Le texte qui suit prouve hors de tout doute la mauvaise foi du gouvernement péquiste qui fut heureusement défait aux élections peu de temps après. Les symboles et la charteLes Québécois, nous dit-on, désirent un État séculier, un État sans religion de quelque sorte que ce soit. Une façon d’obtenir ce résultat, nous dit-on encore, est de forcer les employés directs et indirects de l’État à ne porter aucun signe religieux ostentatoire. La neutralité religieuse de l’État exige la neutralité religieuse vestimentaire des employés des secteurs à la fois public et parapublic. On mentionne de plus que certaines tenues vestimentaires vont en quelque sorte à l’encontre des valeurs de la nation puisque ici et là leur port est obligatoire. Permettez-moi d’examiner deux symboles religieux ostentatoires trouvés au Québec, symboles qui remontent à l’ère de Maurice Duplessis. C’est sous son gouvernement que le crucifix a fait son apparition à l’Assemblée Nationale. Pourquoi? Pour signifier que le Québec était une province catholique et que le catholicisme était religion d’État au Québec. (Les autres chrétiens n’arborent pas le crucifix mais seulement la croix.) Le gouvernement actuel du Québec, du moins initialement, considérait que ce symbole devrait être maintenu à l’Assemblée Nationale vu son caractère historique, patrimonial, faisant fi de ce qu’il symbolisait initialement: la suprématie de l’Église catholique au Québec, une suprématie vécue alors dans les écoles, les collèges classiques, les hôpitaux, les universités francophones, tous dirigés par des communautés religieuses ou des prêtres, ainsi que dans les syndicats et œuvres caritatives francophones, toutes au moins guidées par le clergé ou des prêtres. Le clergé indiquait également aux fidèles comment voter aux élections. Le rôle du crucifix à l’Assemblée Nationale était donc de rappeler aux députés que ceux-ci auraient à rendre des comptes à l’Église catholique et romaine. Et cet état de choses correspondait sans nul doute avec les valeurs d’alors de la population francophone. Le crucifix est-il un symbole que le gouvernement actuel veut maintenir compte tenu de son intention avouée dans sa charte des valeurs, intention d’imposer la suprématie de l’État sur ses citoyens et de refuser celle de toute religion quelle qu’elle soit? Maintenant que le symbole du crucifix à l’Assemblée Nationale est clairement explicité, est-il question de le maintenir comme relique du passé? Si oui, voici un bel exemple où l’on décide que le symbole a perdu toute sa force. Et si c’est le cas, pourquoi devrions-nous en attacher à un turban, une kippa ou un hijab? Nous ne vivons pas là où ces symboles ont des effets similaires au crucifix à l’ère de Duplessis. L’autre exemple de symbole ostentatoire est beaucoup plus important, et risque de me causer bien des ennuis : il s’agit du drapeau du Québec, adopté par l’Assemblée Nationale sous Duplessis. Ce drapeau, faut-il le dire, comprend une croix et quatre fleurs-de-lys sous un fond azuré. On a donc une croix, le ciel et quatre fleurs-de-lys. Ce drapeau indique clairement le caractère chrétien du Québec. Les fleurs-de-lys, elles, sont une représentation stylisée du symbole de la royauté française, et donc de la France de Louis XIV et de Louis XV, celui-là même qui a donné sa Nouvelle France à son «cousin» Georges III. Louis XIV, dont le pouvoir était absolu comme celui de son successeur, est celui qui a révoqué l’Édit de Nantes qui tolérait la religion protestante dans son Royaume : Louis voulait que tous ses sujets soient catholiques; les autres devaient disparaître. Le gouvernement Duplessis regardait d’un très mauvais œil la France républicaine, une France dans laquelle l’ingérence de l’Église catholique dans les affaires de la Nation n’était pas tolérée; il rêvait à la France royale, avec son rapport symbiotique avec l’Église catholique. Et encore une fois cet état de choses correspondait sans doute avec les valeurs d’alors de la population francophone. Voici ce que symbolisait le drapeau du Québec lorsqu’il fut accepté. Évidemment, celui-ci a pris d’autres connotations depuis, mais il reste que la représentation symbolique de celui-ci demeure, et est, officiellement en tout cas, en désaccord complet avec la charte des valeurs promues maintenant. Il s’ensuit que le gouvernement devrait extirper ce symbole de tous ses documents et en trouver un autre qui, lui, serait en accord avec sa charte des valeurs. Le drapeau comprend vraiment une croix et quatre fleurs-de-lys, symboles de la royauté de droit divin de la France d’avant la Révolution. Dire qu’il signifie également autre chose, je veux bien, mais cet autre chose n’élimine pas la réelle signification des symboles qui s’y trouvent. Et encore une fois, si ces symboles ont maintenant perdu leur force, pourquoi ce même argument ne s’applique pas à des signes ostentatoires de religions parfaitement marginales dans notre pays? Si la charte a vraiment comme objectif de mettre fin à l’ingérence religieuse dans les affaires de l’État, elle se doit d’interdire le drapeau et son utilisation comme sigle sur les documents comme représentation de l’État. Cette représentation est des plus ostentatoires (le drapeau flotte sur tous les édifices publics et parapublics; son sigle apparait sur tous les documents officiels de l’État); dire qu’un foulard a un effet plus grand sur la population prouve que le rôle de la charte n’est pas celui qui est promulgué officiellement. Ce que je crains est que l’on a bien noté que les chrétiens ne portent pas de signes ostentatoires; ce ne sont que les autres religions qui en ont. Et que les citoyens francophones du Québec sont ou contre toute religion, ou pour leur catholicisme, et donc que le but véritable de la charte des valeurs est de forcer, comme Louis XIV, les autres à se rallier à ces deux groupes: on ne veut pas, au Québec, voir des gens qui sont manifestement musulmans, manifestement juifs, manifestement sikhs, manifestement hindous. On veut des gens comme nous, purement et simplement. Voilà malheureusement ce qui semble être le vrai message de la charte des valeurs: devenez comme nous ou disparaissez. Ce message est ni plus ni moins celui de la révocation de l’Édit de Nantes de notre bon roi Louis XIV. Pas étonnant que le gouvernement tienne au drapeau et au crucifix de Duplessis |