Le texte de l'article du journal La Patrie de lundi le 9 juin 1902, page 6, est en noir. Des détails supplémentaires trouvées ou des corrections faites par Jacques Beaulieu sont en rouge entre [ ] La transcription des procès parus dans ce même journal sont disponibles sur ce site.
LE JUGE H. C. ST. PIERRE
Notes biographiques
Nous avons annoncé hier la nomination de Mtre H. C. St-Pierre à la position de juge de la Cour Supérieure, pour succéder au juge Bélanger qui démissionne.
Ottawa, 10. - La nomination de M. H. C. St-Pierre, C. R., de Montréal, comme juge de la Cour Supérieure de Beauharnois en remplacement du juge Bélanger, démissionnaire, a été sanctionnée par le conseil des ministres, hier après-midi.
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Henri Césaire Breillé Saint-Pierre est né à Ste-Madeleine de Rigaud, le 13 septembre 1844 [Il est né à Rigaud, mais le 13 septembre 1842.] . Son père Joseph Saint-Pierre était cultivateur.
Quelque temps après la naissance de son fils, la famille qui avait auparavant vécu à St-Raphaël de l'Île Bizard, revint occuper la terre paternelle, dans cette paroisse. Les ancêtres paternels de M. Saint-Pierre ont été les premiers pionniers de l'Île Bizard.
Deux ans plus tard, son père, Joseph Saint-Pierre, mourut et Cyrille Raymond, le beau-frère de l'orphelin, adopta ce dernier comme son fils et se chargea de son éducation.
À onze ans, il entra au collège de Montréal, où il fit de brillantes études.
En 1862, à sa sortie du collège, ayant manifesté le désir de se livrer à l'étude du droit, il fut envoyé à Kingston dans la province de l'Ontario,
où il commença ses études sous James Agnew, avocat de la ville de Kingston.
Au mois de juillet 1863, entraîné par un penchant irrésistible pour la vie militaire, M. Saint-Pierre, alors âgé d'un peu moins de vingt ans,
se rendit à New-York et s'enrôla dans le 76ème régiment des Volontaires de l'État de New-York.
Le 27 novembre 1863, à la bataille de Mine Run, en Virginie, M. Saint-Pierre fut blessé et ramassé sur le champ de bataille par la cavalerie sudiste (Stewart Cavalry).
Dans son régiment il fut inscrit sur la liste des morts et son nom fut publié dans les journaux américains et canadiens comme étant un de ceux qui avaient été tués à la bataille de Mine Run.
Au collège de Montréal et dans sa paroisse de l'Île Bizard, on récita des prières pour le repos de son âme.
M. Saint-Pierre a toujours conservé les relations les plus amicales avec les membres de son ancien régiment, et il entretient encore avec eux dans le moment, une correspondance suivie.
Au mois d'avril 1866, il reprit ses études de droit. Il étudia successivement sous Cartier, Pominville et Bétournay, puis sous l'honorable J. J. C. Abbott, et enfin, sous Bernard et Pagnuelo. Il fut admis à la pratique de la profession d'avocat au mois de juillet 1870. [Il fut admis au Barreau le 12 juillet 1870.]
En 1871, à la demande de l'honorable Gédéon Ouimet, il devint l'un des membres de la société légale de Moreau et Ouimet, qui prit alors le nom de Moreau, Ouimet et Saint-Pierre. Une année lus tard, cette société était modifiée par l'admission de feu M. Olivier Augé et prenait le nom de Ouimet, Saint-Pierre et Augé.
Au mois de septembre 1874, M. Saint-Pierre épousa Mademoiselle Albina Le Sieur, fille de feu Adolphe Le Sieur, marchand de Terrebonne.
En 1877, M. Saint-Pierre, malgré qu'il professa les idées libérales, s'était abstenu jusqu'alors de prendre part à aucune démonstration politique par respect pour les opinions de ses associés qui tous appartenaient au parti conservateur, se sépara d'eux et vint prendre place ouvertement dans les rangs du parti libéral.
Lors des élections générales de 1878, pour la province de Québec, il accepta la candidature libérale dans le comté de Jacques-Cartier. Il y fut défait par l'ancien député conservateur, feu L. N. Lecavalier, après une lutte des plus acharnées. M. Saint-Pierre ne fut défait que par une faible majorité. Cette lutte eut pour résultta d'ouvrir les portes du comté au parti libéral.
Depuis 1878, M. Saint-Pierre a constamment fait preuve d'une fidélité à toute épreuve et d'un dévouement sans bornes pour le parti libéral et soit par sa parole, soit par ses écrits ou même par son assistance pécunière il a puissamment contribué à faire prévaloir les idées de son parti et surtout la politique de Sir Wilfrid Laurier.
Mais c'est surtout au barreau que M. Saint-Pierre s'est distingué. Doué d'un physique imposant, d'une voix sonore et sympathique, possédant son droit à fond, il s'est créé une réputation enviable. Il a peut-être eu des égaux, mais jamais de supérieurs. La réputation qu'il s'est faite comme criminaliste restera légendaire.
La liste des personnes qu'il a sauvées du bagne et de l'échafaud que nous publions ci-après, parle d'une façon plus éloquente que nous pourrions le faire nous-même:
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GAGNON, CÔTÉ, GODMAIRE et LACHAPELLE, accusés du meurtre du laitier Miller au champ Fletcher. Gagnon, déclaré coupable d'assaut; Côté, Godmaire et Lachapelle, acquittés.
[Joseph Gagnon, accusé du meurtre Robert Miller; procès des 7 au 17 octobre 1873.]
- POTHIER, accusé du meurtre d'un nommé Verong, à Hochelaga, trouvé coupable d'homicide involontaire.
[Cyrille François Pothier, accusé du meurtre Jacques Verhung le 29 mars 1875; procès des 14 au 16 avril 1875. Condamné à trois ans de pénitencier.]
- CALCAT, accusé du meurtre d'un nommé Irwin, à Hochelaga, acquitté.
[Pierre Calcat, accusé du meurtre Francis McHugh le 14 novembre 1875 à Montréal; procès le 11 avril 1876.]
- FRANKLIN, accusé du meurtre de sa femme, acquitté.
- ANGELO FERRARI, accusé du meurtre de Jules Lefebvre, défendu par M. Saint-Pierre et M. McMaster, acquitté. Cette cause fit beaucoup de bruit dans le temps.
- Une femme dont nous ne voulons pas donner le nom, accusée d'avoir empoisonné son mari, acquittée.
- CHARETTE, accusé d'homicide, défendu par M. Saint-Pierre et M. Poirier, acquitté.
- MIRON, accusé du meurtre de son beau-frère. Trouvé coupable d'assaut.
[Tancrède Miron, accusé du meurtre d'Adolphe Tessier; procès des 6 au 9 juin 1884.]
- CONSIDINE, accusé du meurtre d'un homme de police, défendu par M. Saint-Pierre et feu M. Barry qui fut plus tard juge de la Cour de Circuit, acquitté après trois procès.
[Martin Considine, accusé du meurtre du constable John Malone; premier procès le 16 septembre 1885, avorté; deuxième procès des 17 au 21 septembre, avorté également; troisième procès des 9 au 12 novembre.]
- ROCH, accusé de meurtre, acquitté. [Je n'ai rien trouvé concernant ce client.]
- Les deux frères GAUTHIER et les deux frères POINEAU, accusés du meurtre d'un cultivateur du nom de Monteith à Verdun, acquittés après un long procès qui eut beaucoup de retentissement. Feu le juge Barry était le collègue de M. Saint-Pierre dans cette cause.
[Napoléon Gauthier, le premier a subir son procès, accusé du meurtre de William David Monteith; procès du 7 au 15 septembre 1885. Comme celui-ci fut acquitté, les autres furent libérés.]
- ÉDOUARD CONSTANT, accusé de meurtre, acquitté.
[Édouard Contant, accusé du meurtre de Eugène Corbeille en la paroisse de Saint François de Sales; procès le 28 septembre 1878; il est acquitté.]
[Terence Carroll fut accusé du meurtre de Dennis O'Connor et fut défendu par Henri Césaire Saint-Pierre et D. Barry. Son procès eut lieu des 21 au 26 septembre 1887; le verdict fut homicide sans préméditation; la sentence fut 2 ans de pénitencier.]
- Une autre femme accusée d'avoir empoisonné son mari et son enfant. Elle était défendue par Mtre Saint-Pierre et M. McMaster. [Je n'ai rien trouvé concernant ce client.]
- CAZA accusé du meurtre de l'hôtelier Lalonde au Coteau Landing, défendu par M. Saint-Pierre et son associé M. Poirier. Acquitté. La foule fit une ovation aux défenseurs de Caza.
[Alexis H. Caza, accusé du meurtre de Joseph Pilon à Côteau Landing; procès à Montréal des 27 septembre au 2 octobre 1888.]
- LABELLE, accusé du meurtre de sa femme, défendu par M. Saint-Pierre et M. McMaster. Acquitté.
[Léonce Labelle, accusé du meurtre de son épouse à Ottawa; procès le 17 septembre 1892.]
- BENSON, un Norvégien, accusé du meurtre de sa femme. Ce procès eut beaucoup de retentissement. Benson fut défendu par M. Saint-Pierre et feu M. Cook. Benson fut acquitté et son avocat reconduit en triomphe jusqu'à son bureau.
[John Benson, accusé du meurtre de son épouse Bridget Doyle; procès des 13 au 16 mars 1889.]
Le lendemain de l'acquittement de Benson, M. Saint-Pierre recevait
le quatrain suivant:
"De ce nouveau succès qu'il ajoute à tant d'autres,
Je viens féliciter l'ami Sanctum Petrum
Grâce à lui Sir Benson passe au rang des apôtres,
"Non licet omnibus adire corinthum".
- Un mulâtre du nom de LUTHER T. McGRATH, accusé d'avoir tranché le cou d'un compagnon de pension avec un rasoir. Défendu avec M. St-Pierre,
assisté de M. McCormick. Verdict: homicide involontaire.
[Luther T. McGrath, accusé du meurtre de Billy Holden; procès le 18 mars 1889; la défense plaide homicide involontaire; ce que la Couronne accepte; condamnation à 14 ans de pénitencier.]
[Francesco Vitulli fut accusé du meurtre de Auguste Blache et fut défendu par Henri Césaire Saint-Pierre. Son procès eut lieu les 9 et 10 juin 1889; il fut acquitté.]
- REYNOLDS, un métis, accusé du meurtre de Meyer, défendu par M. Saint-Pierre et M. McMaster. Verdict: Coupable d'homicide involontaire avec forte recommandation à la merci de la cour.
[Darius Austin Reynolds, accusé du meurtre de Jeremiah Emerson Myers; procès des 14 au 24 juin 1801; la sentence fut malgré tout 14 ans de pénitencier.]
- SHORTIS, en octobre 1895. Plaidoyer de folie. Shortis était défendu par M. Saint-Pierre, M. J. N. Greenchields et M. Foster. La poursuite était représentée par M. McMaster, de Montréal, et M. Laurendeau, de Beauharnois. Sentence de mort commuée et plaidoyer de folie acceptée.
[Francis Cuthbert Valentine Shortis, accusé du meurtre de John Loy (Lowe); procès des 1er octobre au 4 novembre 1895 dont le verdict fut coupable et la sentence la pendaison le 3 janvier 1896; la peine fut commuée le 2 janvier 1896 par le gouverneur-général, Lord Aberdeen.]
- PASQUALE CHIARLO en 1897, accusé du meurtre de Frédéric Linteau, rue Montcalm, à Montréal. Acquitté.
[Pasquali Ciarlo, accusé du meurtre de Frédéric Linteau père; procès des 8 au 13 mars 1897.]
- ÉDOUARD LAURIN, accusé du meurtre du nègre George W. Smith. Verdict: Homicide involontaire. Édouard Laurin était défendu par M. Saint-Pierre et M. McMaster.
Et plusieurs autres.
Les causes des détectives Fahey, Naggelé et Bureau pour vol avec effraction à la gare du Grand Tronc et de conspiration pour frauder.
[John Fahey dont procès eut lieu du 14 au 26 mars 1888, fut trouvé coupable et fut condamné à 14 ans de pénitencier; Louis Naegelé dont procès eut lieu du 18 au 25 mai 1888, Joseph Bureau dont procès eut lieu du 1er au 5 juin 1888, fut trouvé coupable et fut condamné à 7 ans de pénitencier.]
Celle de Howley, accusé d'incendie criminel à Westmount,
[James Howley jr dont procès eut lieu du 7 au 10 juin 1893 environ.]
celle du
pompier Édouard Latour, également accusé d'incendie criminel, [Edouard Latour dont procès eut lieu du 28 au 30 juin 1893 environ.]
celle d'Herménégilde Legault, accusé de tentative de meutre sur son fils, [Herménégilde Legault, accusé de tentative de meurtre sur son fils François Legault, dont procès eut lieu du 8 au 11 novembre 1892; il fut acquitté.]
ont été des causes célèbres.
La clientèle de M. Saint-Pierre au civil, quoique d'un caractère moins retentissant, a été plus considérable encore.
"On me désigne souvent comme étant un spécialiste, dit souvent M. Saint-Pierre, et cependant pour une cause que je plaide devant les tribunaux criminels, j'en compte dix ou quinze devant les tribunaux civils", et cette affirmation est vraie.
La Patrie,
Lundi, le 9 juin 1902
page 6
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