Discours lors du Centenaire du Barreau (1949) |
Centenaire du Barreau à MontréalLA REVUE DU BARREAU DE LA PROVINCE DE QUÉBEC Tome 9 Montréal - Décembre 1949 No 10 Centenaire du Barreau de Montréal Le Barreau de Montreal, le 17 février 1949, commémorait son centenaire par une fête grandiose, en l'hôtel Mont-Royal, à Montréal. La Revue du Barreau est honorée de pouvoir publier dans leur entier les textes des diverses allocutions qui y ont été prononcées. Avant de ce faire, toutefois, il convient de reproduire le rapport du comité d'organisation, préparé par son secrétaire, Me Maréchal Nantel c.r., bibliothécaire du Barreau de Montréal, dont le dévouement a contribué à faire de cette fête un succès éclatant. Le banquet organisé par votre comité pour commémorer le centenaire de la fondation du Barreau de Montreal eut lieu à l'hôtel Mont-Royal, le jeudi 17 février 1949, à 7 h. 30. Me P.-A. Badeaux c.r. avait bien voulu se charger d'arrêter les arrangements nécessaires avec la direction de l'hôtel. Un autre sous-comité, composé du Bâtonnier, Me C. G. Heward c.r., et de MM. Victor Pager c.r. et Maréchal Nantel c.r., s'est occupé de dresser la liste des invités et d'assigner les places à la table d'honneur. Un troisième sous-comité, composé de MM. Lazarus Phillips c.r., John A. Nolan, René Lippé c.r. et Maréchal Nantel c.r ., a vu à la publicité et à la vente des billets. Tous ces sous-comités agissaient de concert avec le comité général dont Me C. G. Heward c.r. était le président. Plus de 350 convives, invités, juges et avocats assistèrent au banquet qui remporta un vif succès. Les invités suivants prirent place à la table d'honneur que présidait M. le Bâtonnier C. G. Heward c.r. : l'hon. Robert F. Bradford, orateur invité et ancien gouverneur de l'état du Massachusetts; l'hon. Ernest Bertrand c.r., ministre des Postes et représentant du premier ministre du Canada, le t. h. Louis-S. St-Laurent c.r., retenu à Ottawa par ses devoirs parlementaires; l'hon. Antoine Rivard c.r., ministre d'État et représentant le premier ministre de la province de Québec, l'hon. Maurice-L. Duplessis c.r ., retenu à Quebec par ses devoirs parlementaires; l'hon. Sévérin Létourneau, juge en chef de la province; l'hon. Albert Sévigny, juge en chef de la Cour supérieure; l'hon. 0. S. Tyndale, juge en chef adjoint de la Cour supérieure; M. le magistrat de district en chef adjoint Auguste Boyer; M. Édouard Archambault, juge en chef de la Cour des sessions de la Paix; Me Roland Paquette, recorder en chef de Montréal; l'hon. Paul-H. Bouffard c.r ., Bâtonnier de la province; Me S. H. McCuaig c.r., président de l'Association du Barreau canadien; Me Dominique Pelletier, président de la Chambre des notaires; s. h. Camillien Houde, maire de Montréal; Me L.-E. Beaulieu c.r., doyen de la faculté de droit de l'Université de Montréal; Me C. S. LeMesurier c.r., doyen de la faculté de droit de l'Université McGill; Me Jean-Marie Bureau c.r., Bâtonnier du Barreau des Trois-Rivières; Me Redmond Hayes c.r., Bâtonnier du Barreau de Saint-François; Me Redmond Quain c.r., Bâtonnier du Barreau de Hull; Me Antoine Biron c.r., Bâtonnier du Barreau d'Arthabaska; Me Camille-L. de Martigny c.r., Bâtonnier du Barreau des Laurentides; Me Gontran Saintonge c.r., Bâtonnier du Barreau de Richelieu; Me Benoit Marchessault, Bâtonnier du Barreau de Bedford; Me Charles Coderre c.r., secrétaire-trésorier du Barreau de la province; Me Jean Trudel c.r., syndic du Barreau de Montréal; Me Victor Pager c.r., trésorier du Barreau de Montréal; Me John L. O'Brien, conseiller; Me Yvon Jasmin, secrétaire; Me Maréchal Nantel c.r., bibliothécaire et secrétaire-trésorier adjoint; John A. Nolan, président de l'Association du Jeune Barreau. Le t. h. Thibaudeau Rinfret, juge en chef du Canada, avait exprimé ses regrets de ne pouvoir assister au banquet parce que la Cour suprême était en session; Me Jean Pelletier c.r., Bâtonnier du Barreau du Saguenay, et Me J.-L. Gagnon c.r., Bâtonnier du Bas-St-Laurent, s'étaient aussi excusés.
Àprès avoir proposé la santé du roi et du président des
États-Unis d'Amérique, M. le Bâtonnier Heward proposa la
santé de la magistrature, à laquelle répondit le juge en chef
adjoint de la Cour supérieure, l'hon. 0. S. Tyndale. Me L.-E.
Beaulieu c.r., répondit à la sanée du Barreau,
également proposée
par M. le Bâtonnier. L'orateur invité, l'hon.
Robert F. Bradford,
compléta la série des discours. Me John L. O'Brien c.r., le
remercia.
* * *
Santé à la MagistratureOn this occasion, when we meet to celebrate our arrival at a milestone in the journey of our Bar, it is only natural that our thoughts turn to that other great institution - the Bench - with which the Bar, by its nature, is so intimately joined. We are indeed officers of the Courts in which the judiciary exercises its functions. Close and loyal cooperation between the Bar and the members of the judiciary is essential for the proper administration of justice. We, as members of the Bar and as citizens of Canada, rejoice that over the years the prestige, the integrity, and the independence of our judiciary have been maintained at a high level. That such is the case is a source of pride for all of us, and if it were not the case, the results to our country and our people would of course be disastrous. It is particularly fitting that we should pay tribute to the Bench on this occasion, because the year 1949 marks not only the centenary of the incorporation of our Bar, but also the centenary of the establishment of our Court of Appeal and our Court of First Instance in their present forms. It was in 1849 that the Legislature of the Province of Canada established the Court of Queen's Bench of Lower Canada as a court of Appeal in civil cases, and as a court of first instance and appeal in criminal matters, and also established the Superior Court of Lower Canada as a Court of original jurisdiction in civil matters. In each generation, including that of today, the Courts of our Province have included among the judiciary men of the highest distinction who have rendered outstanding service to the Province and the country, men who have accepted the duties and burdens of the office because of the prestige and honour, which that office brings, and because of their desire to serve their country, and this in spite of the fact that their pecuniary remuneration has been inadequate compensation for the services which they have rendered and now render, and the sacrifices which they have made and still make.
* * * Mesdames et Messieurs: À notre admiration pour la magistrature, il faut ajouter nos sentiments de sympathie à l'égard des juges de la Cour supérieure du district de Montréal qui, à cause de leur nombre insuffisant, sont surchargés de travail. Le nombre des juges de cette Cour n'a pas augmenté depuis 1912, quoique la population ait au moins triplé. Malgré les efforts courageux des juges, les arrérages de causes augmentent à une vitesse effarante. Je ne veux pas vous assommer de statistiques. II suffit de dire qu'il y a 4809 causes inscrites qui n'ont pas été entendues. Les causes sur le rôle ordinaire du mois de février 1949 furent inscrites en février 1947; ce qui veut dire que normalement une cause n'est pas entendue par la Cour avant deux ans et demi après le commencement de l'action. Une telle situation est très injuste pour les juges et grandement nuisible au barreau et aux justiciables; mais il en résulte surtout un manque de confiance de la part du public dans l'administration de la justice. Le conseil au Barreau de Montréal a fait depuis quelques années et fait encore des démarches nombreuses, en coopération avec la magistrature, en vue d'accélérer la procédure et déblayer les rôles. Une délégation composée de représentants de la magistrature, du conseil et des fonctionnaires de la Cour ira bientôt à Boston pour y étudier le système de discussion préalable - pre-trial -, employé avec tant de succès dans cette juridiction. Mais, bien que les remèdes que nous avons appliqués et que nous pourrons trouver à l'avenir amélioreront quelque peu la situation, il reste que le seul efficace c'est la nomination de juges additionnels. Nous avons besoin d'au moins cinq autres juges à la Cour supérieure du district de Montréal. Espérons que les deux gouvernements, le fédéral et le provincial, entendront enfin nos doléances et écouteront nos prières dans un avenir immédiat. Mes confrères, j'offre de votre part aux membres de notre magistrature nos hommages et notre admiration. Nous leur assurons notre appui loyal pour l'avenir, comme ils l'ont toujours eu dans le passé. Buvons donc à la santé de la magistrature. Ladies and Gentlemen, a toast to the Bench.
* * *
Allocution de l'hon. 0. S. Tyndale, juge en chef adjoint
de la Cour supérieureJe débute en français, en m'inspirant de l'exemple donné par le distingué Bâtonnier, pour souligner le bilinguisme non seulement de notre Barreau, mais aussi de notre Magistrature. Mon premier mot est pour remercier le distingué Bâtonnier pour les aimables paroles qu'il vient de prononcer à propos de la Magistrature. Nous faisons notre possible, mes collègues et moi, pour remplir d'une façon adéquate les fonctions difficiles dont nous sommes chargés; malgré que notre tâche soit rendue bien difficile par les conditions déplorables qui existent dans le Palais de justice. À propos du bilinguisme, sur l'importance duquel je ne cesse, comme vous le savez, d'insister, permettez-moi, de vous rappeler ce que je disais le 14 novembre 1946, date à laquelle le doyen d'alors, l'hon. Philippe Demers, me fit prêter serment comme juge en chef suppléant de la Cour supérieure. Je savais d'avance que je serais appelé à cette occasion à faire une allocution et je l'avais préparée avec soin. Je désire vous en lire quelques mots que j'adressais spécialement à mes nouveaux collègues et à mes anciens confrères de langue française: Je veux dire un mot concernant la tradition, établie depuis plusieurs générations, qui veut que le juge agissant comme juge en chef de la Cour supérieure de ce district soit choisi parmi les juges de langue anglaise. II va sans dire que cette tradition est bien précieuse à vos concitoyens d'origine britannique. Mais ce qui m'est aussi précieux, c'est la bienveillance et la courtoisie avec laquelle vous avez toujours accepté cette tradition. Permettez-moi de vous en remercier de tout mon coeur. Ce remerciement, je le répète publiquement à cette fête du centenaire de l'Ordre des avocats, non seulement en mon nom personnel, mais aussi au nom du groupe ethnique auquel j'appartiens. J'ose croire que je n'ai plus besoin de vous assurer que la nomination d'un juge de langue anglaise comme juge en chef de la Cour supérieure de ce district ne met aucunement en danger ni la langue française ni le Code civil de cette Province, dont nous sommes tous si fiers. * * *
Until October, 1942, I earned my living chiefly by talk - to clients, to witnesses, to juries, to judges and to law students. When I was elevated to the Bench, I hoped that my talking days were over; except for my lectures in the Faculty of Law which I continued to give in order to eke out my judicial salary. For a brief period, my hope was realized to some extent. But in October 1946 I was charged with the duties of Chief Justice of the Superior Court within the appellate district of Montreal and the following May I was appointed Chancellor of McGill University. The latter appointment made it impossible for me to continue my lectures - thus depriving me of some of my income; and the slight increase in remuneration consequent upon my promotion to the post of Associate Chief Justice was more than offset by the additional work and worry involved. Moreover, in my two new qualities, I have in the the last couple of years been called upon to make more speeches without monetary compensation than I have made in all the rest of my career. Most of you have heard me more than once and I cannot understand why you should voluntarily submit to the experience again. I could not, however, refuse the request of my old and dear friend the Bâtonnier, so here I am again. But there is one consolation - both for you and for me - namely, that the essential quality of a reply to a toast is that it be brief; particularly when, as in this instance, I am to be followed by two such distinguished orators as the Dean of the Faculty of Law of the University of Montreal and the Honourable Robert Bradford, ex-Governor of the Commonwealth of Massachusetts, that most delightful of all the States of the Union. In these circumstances, what am I to say to you ? I am a man of few ideas. I think they are good ideas; but you have heard me express them before. When speaking to a body of lawyers I have an almost irresistible inclination to expatiate upon the problem of my Court; but I have done that so frequently and so recently that I really have not the nerve to lay them before you again. Let me say simply that the situation has not improved. My colleagues and myself are still overburdened; no improvements have been made in our cramped and dreary quarters; and the staff of the Superior Court are still very inadequately paid - all of which, as you must know, seriously impedes the administration of justice. So much for that. It has been said that the legal profession is the second oldest in the world; and, notwithstanding the many criticisms to which lawyers have been subjected, they have always been, and, I am sure, always will be essential in a civilized community. We know that under the French regime in Canada lawyers were not received with any enthousiasm; but they could not be kept out indefinitely. Judges, of one sort or another, there have been, of course, since the beginning of human history. But do not be alarmed; I have no intention of tracing the development of the judiciary ab initio. There is just one, or rather two, dates which I wish to mention. As you know, we hold the King's Commission, under the Great Seal of Canada, - of which we are justifiably proud. In the olden days in England His Majesty's Judges were appointed by His Majesty's personal choice and were, to a considerable extent, subect to his caprice. This was changed however, after the Revolution of 1688; since when the High Court Judges are appointed on the recommendation of the King's Ministers; and, by a specific provision of the Act of Settlement of 1701, they can be dismissed from office only upon an address from both Houses of Parliament. It is the security of tenure resulting from that wise provision (which we in Canada have inherited), together with a sense of public duty and the special interest of judicial work, that induces some successful lawyers to make the financial sacrifice consequent upon a judicial appointment. Before I say anything more about judges, I desire publicly to retract a statement which I made on New Year's Day, 1939, in the University Club. On that occasion I delivered to the members an address entitled "An Apology for Lawyers". Inter alia, I endeavoured to dissipate the misconception of the public concerning the rôle of the lawyer, pointing out that he was often unjustly blamed for defects in the law, the vagaries of judges and the insufficiency of the evidence placed at his disposal. It is what I said on the second of those three points that I wish to withdraw; but to make clear the gravity of my error, I should, I think, read you also what I said about the first point: As to defects in the law, they are more apparent than real, and if any do exist they are to be found rather in the recent statutes than in the basic principles. Moreover, the laws are not made by lawyers (nor, thank God! by judges. It is no answer to this proposition to say that there are many lawyers in the Legislatures - because they are there not as lawyers but as elected representatives of the sovereign people. On entering the portals of parliament my learned confrères appear to divest themselves of their professional capacity and, albeit perhaps unconsciously, of their legal erudition. The way to obviate defects in legislation is not to cease electing lawyers, however; but rather to appoint a sufficient number of highly qualified and adequately remunerated law officers, to ensure more competent draftmanship. Except for the parenthetical remark, that paragraph is, I submit, unexceptional. But alas! I cannot say the same about the next. To use a most apt phrase from Virgil ( one of the very few I remember) : horresco referens. I read the paragraph with shame and as an act of contrition : On the second point, which great respect, without prejudice and invoking the protection of a privileged occasion, I suggest that the barrister cannot reasonably be held responsible for the eccentricities of the judiciary. It is true that in some few instances the occupants of the bench have been intelligent and successful practitioners. But their translation to the higher sphere seems to involve such a change in their cerebra} construction that their mental processes often remain a mystery not only to litigants but also to their erstwhile colleagues at the bar. I ask that those slanderous words be stricken from the record, and hasten to resume the thread of my serious discourse. I have mentioned that one of the factors which may persuade a successful lawyer to accept a judgeship is a sense of public duty and in many cases it is, I think, the predominant one. To feel that one is performing a really important public function is at once a source of satisfaction and a spur to do one's best. In that connection, may I remind the members of the Bar of the old truism that the better the case is presented the better the judgment will be. Apart from obvious duty to your clients, you have a very real public duty with regard to the administration of justice. The Judge's work is not easy and he is, I submit, entitled to receive all possible help from the advocates pleading before him. I ask you to remember that our system is based on the assumption that no better way has as yet been found to arrive at the solution of conflicting claims than to have both sides ably and honestly presented by well-trained advocates before a Judge who, with a background of active experience at the Bar occupies a completely impartial and independent position. There is one other element which is of fundamental importance and which conduces to efficient work on the part of the judiciary, namely, the publicity of the administration of justice. I do not refer to the more or less accurate accounts which appear from time to time in the daily press. I mean, of course, the fact that the hearings are conducted coram publico and that the judgments, which must contain the reasons for the decision, are open to scrutiny by all concerned. As Lord Hewart so aptly said: "Justice must not only be done; it must manifestly be seen to be done". I have also mentioned the special interest of a Judge's work. Needless to say, the degree of interest varies considerably. Some cases are, frankly, very dull from the intellectual point of view; but even in such cases there may be compensation (at least for the trial Judge) on the psychological side. You will, I hope, forgive me if I say that the psychological interest can often be found in the attitude and conduct of the lawyers as well as of the parties and witnesses. It is said that one of the qualifications for a good advocate is to know how to handle (if I may use the expression) the particular Judge before whom he is pleading. There is also, however, the other point of view. The Judge becomes acquainted with the methods and idiosyncrasies of certain advocates and he is not entirely ignorant of the more or less justifiable "tricks of the trade", which, at times, afford him considerable amusement. He is not always taken in. We of the judiciary know as well as the members of the Bar that Judges vary in intellectual ability, temperament and perhaps even in zeal. But, as I need hardly assure you, we all most sincerely endeavour to fulfil our judicial function to the best of our respective capacities and so be faithful to our oath of office. Santé au Barreau Il n'est guère nécessaire de dire que dans tout pays civilisé le Barreau joue un rôle d'importance primordiale. Si dans un pays on constate que le Barreau n'est pas libre, indépendant, vigoureux et honnête, on peut s'attendre à ce que la condition de ce pays ne soit pas saine. Nous avons lieu de nous réjouir du fait que chez nous l'état de santé du Barreau est excellent. Bien que l'organisation des Barreaux au Canada soit strictement provinciale, des liens étroits unissent tous les avocats du pays. L'existence de l'Association du Barreau canadien et le développement éclatant de cette Association, en ces dernières années, démontrent que les avocats de toutes les provinces ont des intérêts et des buts communs et qu'ils sont résolus de s'unir pour maintenir ces intérêts et faire triompher leur ideal.
* * * In this connection may I say how happy we are that the President of the Canadian Bar Association, our valued friend, Mr. Stanley McCuaig, has honoured us by his presence at our board to-night. Comme je viens de le dire, l'organisation de la profession dans notre pays relève des provinces. Le Barreau de la province de Québec ne cède pas sa place à aucun autre. Dès son origine, il a compté parmi ses membres des hommes de premier plan, non seulement dans la profession, mais aussi dans la vie publique, fédérale et provinciale. Nous constatons avec fierté que le premier ministre du Canada et le premier ministre de notre province sont tous deux membres de notre Ordre. Nous regrettons que les exigences parlementaires les aient empêchés d'être avec nous ce soir, mais nous sommes honorés d'accueillir leurs représentants respectifs, l'hon. Ernest Bertrand, ministre des Postes, et l'hon. Antoine Rivard, membre du Cabinet provincial et ancien Bâtonnier de la Province. Si je puis continuer à gasconner un peu, je me permettrai de rappeler qu'en plus des premiers ministres, cinq ministres du Gouvernement fédéral et cinq ministres du Gouvernement provincial appartiennent au Barreau de la Province de Québec. Puis-je dire à son honneur le Maire le plaisir qu'il nous fait d'assister à notre dîner du centenaire. Nous sommes heureux aussi de faire un accueil chaleureux au Bâtonnier de la Province, l'hon. sénateur Bouffard et aux Bâtonniers des autres sections. Le fait qu'ils aient bien voulu venir de loin pour assister à notre fête témoigne éloquemment de l'esprit de confraternité qui existe parmi tous les membres de notre profession. Permettez-moi de saluer le président de la Chambre des notaires, Me Dominique Pelletier, représentant la profession soeur qui, comme la nôtre, sert le droit.
* * * Ladies and Gentlemen: In one of the prayers in the liturgy of the Church to which I belong, there is a supplication that heavenly grace be sent to all people and "especially to this congregation here present". There may be misgivings on the part of some as to the altruism of that invocation but I feel that it provides me with a precedent in asking you to hear me for a moment in regard to ourselves, the Bar of Montreal. Through a professionnal life which commenced, I regret to say, too long ago, I have been more and more impressed with the sound, healthy esprit de corps which characterizes our local Bar. This has been particularly evident to me for the past several years during which I have had the privilege of serving on its Council. The fidelity with which the members of the Council attend to the affairs of the Bar is traditional. Their meetings are frequent - once a forthnight or oftener. They sometimes last from early afternoon until the small hours of the morning. Their duties, which are not restricted to attendance at meetings, are varied and onerous, but they are performed faithfully, efficiently and unostentatiously. But zeal for the interest of our Bar is not confined to the members of its Council. It is often necessary for us to seek assistance from the membership at large for work on committees or in connection with special tasks. This cooperation is readily given. Our members deem it an honour and a duty to serve and take great pains to make their services effective. Another feature of our Bar is the high standard of ethics which it maintains. The Code of ethics which is laid down by the Bar Act and the By-laws is comprehensive and strict. It is open to any member of the profession or of the public at large to bring before the local Council complaints in any case in which such person considers that an advocate has acted in a manner derogatory to the honour and dignity of the profession. Having in mind the large size of our membership - now nearing 1200 - it is gratifying to note that the number of complaints lodged is extremely small. I cannot conclude in regard to our Bar of Montreal without mentioning again an attribute to which reference has been made on several previous occasions, but which I submit is of such importance as to justify repetition - I have in mind the happy fraternal relations which exist between the French-speaking and English-speaking members of our Bar. They offer an example to all the world, and we should be enormously proud of them. And now just one more thought before I conclude. The matter of the relations between the public and our profession is one which should always be before us. We lawyers, however, are inclined to be too sensitive about the jibes which some unthinking members of the public sometimes cast at us. I submit with confidence that those who examine the situation thoughtfully will reach the inevitable conclusion that there is no profession which has a higher standard of ethics, which is more zealous in the maintenance of that standard, which is stricter in its internal discipline, nor which is better organized to maintain that discipline and ensure a fine standard of conduct among its members. Ladies and Gentlemen, concious that we belong to an honourable profession, let us drink to its continued health and well-being. Mesdames et Messieurs je vous invite à boire à la santé du Barreau. Allocution de Me L.-E. Beaulieu c.r., doyen de la faculté de droit de l'Université de Montréal Vous conviendrez tous avec moi, j'en suis sûr, que le Barreau de Montréal a eu raison de ne pas laisser passer inaperçu le centenaire de son organisation. Même pour une institution, un siècle est un âge respectable. C'est en effet le 30 mai 1849, par la loi 12 Victoria, chapitre 46, que les avocats du Bas-Canada furent formés en une corporation jouissant des prérogatives essentielles dont elle jouit encore: suprématie en matière de discipline, autonomie complète dans le domaine des examens pour l'admission tant à l'étude qu'à l'exercice de la profession. À l'origine la corporation se composait d'un Conseil général et de trois sections: Montréal, Québec, Trois-Rivières. À Montréal, le premier bâtonnier fut Me Toussaint Pelletier et le Conseil se recruta parmi l'élite de la province. C'est là une tradition qui s'est conservée jusqu'à nos jours. On relève parmi les membres du premier Conseil de Montréal les noms de Georges-E. Cartier, Côme-Séraphin Cherrier, Thomas-J.-J. Loranger, Antoine-Aimé Dorion. Messieurs, c'est une vérité incontestable que l'homme ne peut pas vivre en société sans un système judiciaire solidement établi. Une administration de la justice éclairée et impartiale est indispensable à la stabilité des états. L'homme est plus assoiffé de justice que de liberté. Il en est surtout ainsi dans les systèmes démocratiques où trop souvent le pouvoir judiciaire est le seul qui conserve le respect des foules. Et l'on peut dire avec autant de vérité que l'avocat est l'intermédiaire indispensable entre le juge qui rend la justice et le justiciable qui la réclame. C'est sans doute parce qu'il était convaincu de cette vérité qu'à l'époque classique de la République le peuple romain fit don au plus grand juriste du temps, Papinien, d'une splendide maison sur la voie Appienne. Il faut dire qu'à cette époque les juristes ne touchaient pas d'honoraires. Lorsque j'étais plus jeune, je me suis souvent enthousiasmé à la lecture de l'ouvrage du Sire de Joinville nous montrant St-Louis rendant la justice sous un chêne, sans huissiers, sans avocats. Mais St-Louis n'eut pas de successeurs, et puis, comme ses jugements étaient sans appel on n'a jamais su ce qu'en pensaient les justiciables. En 1563, sous Charles IX, furent créés en France les tribunaux de commerce. Ces tribunaux, chargés de décider des litiges entre commerçants, étaient présidés par des commerçants. On pensa que l'occasion était propice pour se passer d'avocats. Sûrement les commerçants, hommes pratiques, pouvaient régler leurs differends sans l'assistance de ces procéduriers qu'étaient les avocats. Maig on s'aperçut bientôt qu'à vouloir trop simplifier on créait la confusion et qu'en l'absence de toute procédure on risque de confondre le commencement, le milieu et la fin d'une affaire. En l'on réclama bientôt le retour des avocats. Aujourd'hui des tribunaux de commerce existent encore en France, mais ils sont présidés par des commerçants qui ont fait leurs études de droit et la procédure est encore dirigée par des avocats. Une tentative analogue fut faite en ce pays au commencement de la colonie. Le procès-verbal des délibérations du Conseil supérieur de Quebec touchant l'introduction dans la colonie de l'Ordonnance sur la procedure, de 1667, constate qu'il ne se trouve au pays ni avocats, ni procureurs, ni praticiens. Puis le procès-verbal exprime l'avis qu'il est «de l'avantage de la colonie de n'en pas avoir», eu égard entre autres choses «au peu d'expérience de la plupart des juges» et au peu de capacité des huissiers. Mais on permit aux parties de se faire représenter par quiconque avait la parole facile: c'est ce qu'on appela les procureurs postulants. Avec des juges ayant peu d'expérience et des procureurs n'en ayant aucune, la justice, aveugle par tradition, courait grande chance d'être boiteuse en plus. Aussi, dès 1760, on vit réapparaître des avocats devant les tribunaux, d'abord à Quebec, puis à Montreal, et en 1785 on comptait déjà 25 avocats dûment munis de commissions les autorisant à exercer leur profession. On a donc raison de dire que dans cette oeuvre si délicate et si élevée qu'est l'oeuvre de justice, l'avocat est le porteur du flambeau. C'est ce qui fait la beauté et la noblesse de son rôle. Mais ce n'est pas une chose facile que d'éclairer la justice. Pour y réussir il faut tout d'abord, il va de soi, que l'avocat soit passé maître dans la science du droit, sa substance, sa structure, sa technique. C'est déjà là l'oeuvre d'une vie entière. Puis il y a la préparation immédiate de chaque affaire. Qui donc peut se vanter d'avoir jamais plaidé deux affaires exactement semblables? Tantôt il s'agit d'une question médicale, tantôt d'un problème d'arpentage, de génie civil, de génie électrique, de science pure. L'avocat doit pouvoir interroger et surtout contre-interroger les experts en toutes matières; il doit pouvoir découvrir le point faible de toutes les théories scientifiques. L'avocat doit tout savoir ou doit savoir parler de tout. C'est ce qui faisait dire à un pamphlétaire du siècle dernier que l'avocat touche à tout, se mêle à tout; «l'avocat» disait-il «est ministre des finances, il dirige l'agriculture de la nation, il commande la marine, il tire du canon; l'avocat fait tout... mais aussi rien ne se fait». Ce qu'il y a de certain, c'est que l'avocat ne connaît ni la journée de 8 heures ni la semaine de 40 heures. Et cependant y a-t-il beaucoup d'avocats qui voudraient changer de profession? Sans doute on voit des avocats embrasser la carrière politique et même s'y placer au premier rang, mais, écoutez-les et vous verrez qu'ils n'ont pas cessé d'être avocats. Et puis il y a des avocats qui deviennent juges; mais ils ne cessent pas pour cela d'appartenir à la même famille. Ils ont simplement passé de l'église militante qu'est le Barreau à l'église triomphante. Messieurs il n'y a pas de crise du Barreau. Les vingt-cinq avocats qui exerçaient leur profession à Montréal en 1785 sont devenus 1136 et les aspirants s'élancent plus nombreux que jamais sur la trace de leurs anciens. Tous ces avocats ne sont pas coulés dans le même moule; on y rencontre les types les plus variés; j'en connais qui ont fort mauvais caractère; entre tous c'est la lutte serrée parfois acrimonieuse et cependant y a-t-il une profession où les relations soient plus cordiales, l'esprit de camaraderie plus développé, le sens de la solidarité confraternelle plus manifeste? On peut difficilement prétendre que tous les membres du Barreau sont des esprits transcendants; mais on peut affirmer avec un ancien magistrat français devenu écrivain, qu'on n'a jamais vu un imbécile se tailler une belle place au Barreau. Messieurs, je termine. En guise de péroraison j'aurais voulu vous citer quelques traits tirés de la vie de notre saint patron, saint Yves. J'ai donc entrepris de lire «La Légende de Monseigneur saint Yves», par du Vignay, qui fut secrétaire de la Reine Jeanne, femme de Philippe VI de Valois. Et j'ai découvert, tout ébahi, que ce patron des avocats est un juge, et qui plus est, un juge ecclésiastique. Comment le Barreau a-t-il pu dérober à la Magistrature une de ses gloires pour s'en faire un patron? Les malins ne manqueront pas de dire que c'est là un cas typique de déformation professionnelle. Puis, pour vanter son héros, Monsieur du Vignay ne trouve rien de mieux à dire de saint Yves que: «il accomplissait moult loyalement et diligemment toutes les choses qui appartenaient à son dit office, en nettoyant le pays de mauvaises gens, en secourant aux ennemis, en rendant à chacun son droit, sans acception de personnes, en abrégeant les plaidoiries». Mais ce n'est pas tout. Parce que la fonction de patron des avocats lui laissait des loisirs, saint Yves fut donc constitué patron des marins en péril.
Dans l'antique cathédrale de Tréguier, où saint Yves rendait
la justice, on trouve un ex-voto portant les mots: Procès gagné À saint Yves Merci puis ailleurs: Merci à saint Yves Qui m'a sauvé du naufrage. L'on se demande encore si le premier ex-voto provient d'un marin qui a gagné son procès et le second d'un avocat perdant pied devant la Cour! Quoi qu'il en soit, à l'occasion du centenaire du Barreau, je demande au Conseil et au Bâtonnier de l'Ordre, de nous obtenir, par toutes voies que de droit, un patron bien à nous et qui nous donnera tout son temps. |