Les Raymond, père et frère | ||
Jean Baptiste Raymond, père de Marie Geneviève Sophie Raymond
RAYMOND, JEAN-BAPTISTE, homme d’affaires, seigneur, homme politique, juge de paix, fonctionnaire et officier de milice, né le 6 décembre 1757 à Saint-Roch-des-Aulnaies (Québec), seul enfant survivant de Jean-Baptiste-Moyse de Rémond et de Marie-Françoise Damours de Louvières; décédé le 19 mars 1825 à Laprairie (La Prairie, Québec). Les parents de Jean-Baptiste Raymond étaient peut-être huguenots mais, comme le protestantisme était interdit en Nouvelle-France, ils firent forcément baptiser leur fils dans la religion catholique. De toute évidence, Raymond reçut une certaine instruction, puisqu’il savait lire et écrire, mais il était probablement unilingue. Vers l’âge de 12 ans, il partit pour les pays d’en haut où, selon un de ses descendants, Henri Masson, «il eut à supporter de grandes souffrances et fut criblé de blessures». Raymond revint dans l’Est en 1783 et, le 6 septembre 1784, il épousa Marie-Clotilde Girardin, fille du marchand montréalais Charles-François Girardin. À cette date, il était lui-même déjà installé comme marchand à La Tortue (Saint-Mathieu), localité qu’il avait fondée dans la paroisse de Saint-Philippe-de-Laprairie. Ses activités commerciales, semble-t-il, furent variées. Il tint d’abord un commerce de marchandises sèches; il vendait des articles manufacturés et des articles de ménage pour lesquels il se faisait payer en espèces, ou bien en nature, probablement avec du blé. En 1785, il devait £400 à la firme montréalaise King and McCord [V. Thomas McCord] et 11 500ª à un marchand et ami intime, Charles Larrivé, également de Montréal, pour des marchandises achetées à crédit ; il mit six ans à payer ces deux dettes. Au milieu des années 1790, toutefois, Raymond faisait déjà très largement crédit dans la région de Laprairie et de La Tortue. En 1796, il s’associa à une entreprise de spéculation ayant pour but de vendre de la poudre à canon aux États-Unis. Il semble toutefois qu’il dépassa ses limites financières. En juin 1796, il vendit la seigneurie du Lac-Matapédia (que sa mère lui avait léguée en même temps qu’un lot à Québec) à Patrick Langan pour la somme de £700, de laquelle un montant de £250 devait être versé à John McKindlay, marchand de Montréal, vraisemblablement pour rembourser une dette. Pourtant, au début de 1797, McKindlay obtint jugement contre Raymond pour non-paiement de cette dette. La vente à Langan fut annulée et la seigneurie, saisie par le shérif de Québec, fut mise aux enchères le 26 septembre; Langan acheta de nouveau la propriété et en remit le tiers indivis à McKindlay, probablement en remboursement de la dette de Raymond. Il semble que Raymond ne tarda pas à retomber sur ses pieds. En 1801, il acheta un lot à Laprairie et, peut-être parce que ses affaires étaient florissantes ou prometteuses, il y installa bientôt sa famille qui vivait alors à La Tortue. Entre 1805 et 1810, il prit son fils Jean-Moïse* comme associé dans son commerce de marchandises sèches, et la firme Jean-Baptiste Raymond et Fils devint l’un des commerces les plus prospères de la région. À cette époque, Raymond souffrait déjà d’infirmités et de maladies chroniques, peut-être à cause des blessures subies quand il était trafiquant de fourrures; il commença alors à confier à son fils une grande part de la direction de l’entreprise. Au cours des premières décennies du xixe siècle, la firme exploita des scieries, fabriqua de la potasse et fit probablement un important commerce de blé. Outre ses activités commerciales, Raymond fit l’acquisition de nombreux biens immobiliers; à partir de 1810, il réalisa la plupart de ces opérations à Laprairie et dans les environs et, avec le notaire Edme Henry*, il finit par se disputer la première place comme propriétaire de l’endroit. En 1814, il put donner à Jean-Moïse, à titre d’avance sur son héritage, une maison, un magasin et un entrepôt à Laprairie; ces bâtiments, tous en pierre, étaient évalués à £750. Trois ans plus tard, sa fille Clothilde et son mari, Paul-Théophile Pinsonaut, reçurent de la même façon une étendue de terre ainsi que deux fabriques de potasse valant 12 000ª. Lorsqu’une autre de ses filles, Marie-Geneviève-Sophie, épousa le jeune et ambitieux marchand Joseph Masson* en 1818, celui-ci reçut de son associé écossais Hugh Robertson les félicitations suivantes: «En somme je suis sûr que vous n’auriez pu être plus prudent au sujet d’une telle alliance, car M. Raymond est un homme très respectable et de beaucoup de valeur; elle a donc tout mon appui.» En 1800, Raymond était déjà un homme en vue dans la région lorsqu’il fut élu, en même temps que Joseph-François Perrault*, député de la circonscription de Huntingdon à la chambre d’Assemblée en remplacement de Joseph Périnault*. Il fut réélu quatre ans plus tard, conjointement cette fois avec sir Alexander Mackenzie*. Néanmoins, sa présence à l’Assemblée était sporadique; sa participation à des comités se rapportant au commerce témoigne de sa compétence et de son intérêt dans ce domaine, mais sa préoccupation première était apparemment la marche de ses propres affaires. Il était devenu un homme important dans sa localité; il fut en effet nommé juge de paix une première fois en août 1803, puis une seconde fois en novembre 1812, et il reçut en 1817 une commission qui le chargeait d’améliorer les communications dans le comté de Huntingdon. En 1812, il fut nommé capitaine du 1er bataillon de milice de Boucherville. Lorsqu’en 1822 le parti canadien organisa dans le Bas-Canada une opposition au projet d’union de cette province avec le Haut-Canada, Raymond fut élu président, et Jean-Moïse secrétaire, d’une assemblée tenue dans Huntingdon pour protester contre le projet. Des 17 enfants qui naquirent du mariage de Raymond avec Marie-Clotilde Girardin, 7 seulement (un garçon et 6 filles) atteignirent l’adolescence. La règle voulait qu’ils se marient au sein de l’élite coloniale, canadienne ou britannique; toutes les filles épousèrent donc des membres de professions libérales ou des marchands. Raymond mourut en 1825 à Laprairie et, selon la tradition qui prévalait pour un homme de son rang, il fut inhumé dans l’église paroissiale. Trois ans plus tard, sa veuve épousa Edme Henry. Les activités commerciales de Jean-Baptiste Raymond, ses liens familiaux et ses occupations officielles le rangent parmi la petite bourgeoisie du Bas-Canada et sont caractéristiques des élites locales de toutes les sociétés préindustrielles. L’étude d’autres membres de cette classe peut jeter un bon éclairage sur l’histoire sociale et économique de la colonie et, d’une manière générale, sur le Canada d’avant l’ère industrielle. Alan DeverJean Baptiste Raymond, frère de Marie Geneviève Sophie Raymond
RAYMOND, JEAN-MOÏSE (Jean-Moyse), marchand, manufacturier, officier de milice, homme politique, juge de paix et fonctionnaire, né le 5 janvier 1787 à La Tortue (Saint-Mathieu, Québec), fils de Jean-Baptiste Raymond* et de Marie-Clotilde Girardin; décédé le 8 février 1843 à Saint-Jacques-de-l’Achigan (Saint-Jacques, Québec), et inhumé à L’Assomption, Bas-Canada. Jean-Moïse Raymond passa son enfance à La Tortue; vers 1800, sa famille s’installa à Laprairie (La Prairie). Il fréquenta le collège Saint-Raphaël à Montréal de 1798 à 1805 et entra comme associé dans l’entreprise commerciale de son père avant 1810. Le 20 novembre de cette année-là, il épousa une jeune fille de 16 ans, Archange Denaut, fille d’un marchand de Laprairie. Cette union resserra ses liens commerciaux et sociaux avec la localité. Cependant, le malheur ne tarda pas à le frapper: sa fille unique mourut en 1812 à l’âge de trois mois et Archange la suivit dans la tombe en janvier 1813. Le 7 octobre 1813, Raymond obtint, avec le grade de major, le commandement de deux compagnies du bataillon de milice de Boucherville qui furent tenues en réserve à la bataille de Châteauguay plus tard dans le mois. L’année suivante, de retour à Laprairie, il reçut de son père, à titre d’avance sur son héritage, un établissement commercial situé en face de l’église paroissiale. Comme il était l’unique fils survivant, Jean-Moïse participait étroitement aux transactions foncières de son père, infirme et atteint d’une maladie chronique, ainsi qu’aux affaires de plus en plus prospères de la Jean-Baptiste Raymond et Fils, qui produisait de la potasse, sciait du bois et vendait des meubles et produits manufacturés aux fermiers locaux contre du blé. Son deuxième mariage, contracté le 5 juin 1815 avec Angélique (Marie des Anges) Leroux d’Esneval, qui avait 18 ans, fut aussi avantageux que le premier; le père d’Angélique était Laurent Leroux*, marchand de L’Assomption et notable de plus en plus en vue dans la région. Le couple allait avoir 13 enfants, dont 9 parviendraient à l’âge adulte. Influent et heureux en affaires, Raymond, comme son père, s’intéressait à la politique. En 1822, il milita dans un mouvement organisé notamment par le parti canadien de Louis-Joseph Papineau* pour faire échec à un projet d’union du Bas et du Haut-Canada. Deux ans plus tard, il accédait, à l’Assemblée, au siège électoral de Huntingdon, que son père avait occupé de 1800 à 1808. Il représenta de 1830 à 1838 la circonscription de Laprairie, qu’on avait formée en 1829 à même celle de Huntingdon. Consciencieux député de l’arrière-plan, il assistait régulièrement aux débats (ce que lui permettait la prospérité de ses affaires) en cette époque où l’absentéisme sévissait. Il participa activement aux travaux de comités permanents et spéciaux sur le commerce. Fidèle partisan de Papineau, il appuya le parti patriote (ancien parti canadien) dans tous les votes importants, y compris celui des Quatre-vingt-douze Résolutions en 1834. Cependant, il n’était pas radical et choqua des patriotes plus extrémistes en s’abonnant, en 1832, à un nouveau journal conservateur dirigé par les sulpiciens, l’Ami du peuple, de l’ordre et des lois, de Montréal [V. Alfred-Xavier Rambau*]. Même s’il représentait l’une des régions les plus agitées de la province, Raymond ne participa, semble-t-il, à aucune des assemblées locales de mobilisation tenues par les patriotes à l’automne de 1837, et il déconseilla probablement le recours à la violence. En 1830, il était devenu juge de paix du district de Montréal; en 1831, on l’avait nommé inspecteur d’écoles dans le comté de Laprairie. Raymond avait pris les rênes de l’entreprise familiale à la mort de son père, en 1825, et il la maintint à Laprairie jusqu’à la fin des années 1830. Toutefois, de maigres récoltes dues à la maladie, des difficultés de crédit et les ravages causés par les rébellions de 1837–1838 lui infligèrent de lourdes pertes. En 1839, il liquida l’entreprise et installa sa famille à L’Assomption, où il avait obtenu une terre de Leroux. La même année, il ouvrit une distillerie de whisky, probablement à Saint-Jacques-de-l’Achigan. Comme le crédit était toujours difficile à obtenir, il avait du mal à régler ses factures; l’un de ses beaux-frères, Joseph Masson, protesta en 1839 et 1840 parce qu’il n’avait pas honoré des billets à ordre et refusa de lui consentir d’autres avances. L’année suivante, à l’occasion des premières élections tenues sous la nouvelle constitution de l’Union [V. Charles Edward Poulett Thomson], Raymond fut élu par acclamation dans la circonscription de Leinster. Avec Austin Cuvillier, John Neilson, Augustin-Norbert Morin*, Frédéric-Auguste Quesnel* et Denis-Benjamin Viger*, entre autres, il dénonça maintes fois l’Union. Cependant, en janvier 1842, peut-être pour des raisons financières, il quitta son siège pour accepter le poste rémunéré de registrateur du comté de Leinster. Un peu plus d’un an après sa nomination, Jean-Moïse Raymond succomba à la suite d’une «courte mais violente maladi » et fut inhumé en l’église paroissiale de L’Assomption. Au fil du temps, le remariage de sa mère et les mariages de quelques-unes de ses sœurs l’avaient apparenté à plusieurs personnalités de la région de Laprairie et d’ailleurs dans la colonie, notamment Masson, Edme Henry, Paul-Théophile Pinsonaut*, notaire et homme d’affaires, Pierre-Joseph Godefroy de Tonnancour, avocat et député de Trois-Rivières, et John William McCallum, avocat et major dans la milice. La vie de Raymond, par sa remarquable continuité avec celle de son père, présente bien des traits qui caractérisaient l’élite bas-canadienne des localités et des régions. Ses enfants, par leur vie professionnelle et leur mariage, maintinrent ou consolidèrent la position sociale de la famille. Deux de ses fils devinrent marchands, un autre avocat; parmi ses filles, l’une épousa un notaire, une autre l’avocat Magloire Lanctôt* tandis qu’une troisième devint religieuse à l’Hôtel-Dieu de Montréal. Alan Dever |