Ce texte est reproduit avec permission. Sa transcription et sa
présentation en ligne ont été effectuées par Jacques Beaulieu. Il constitue la
troisième partie du livre intitulé HISTOIRE DE L'ILE BIZARD
rédigé par Éliane Labastrou et
publié en 1976
HISTOIRE ET GÉNÉALOGIE
DES FAMILLES SOUCHES
DE L'ILE BIZARD
Rédigé par Éliane Labastrou
Publié en 1976.
Puisque seule la troisième partie du livre
HISTOIRE DE L'ILE BIZARD est reproduite, il faut se référer à l'original dans les
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FAMILLE MARTIN
Le tableau de la famille Martin de l'île Bizard indique bien
ses origines. Pierre Martin dit Langoumois était maçon de son
métier. Originaire de Saint-André de Ruflex dans la région d'Angoulême,
il n'eut pas beaucoup de chemin à faire pour s'embarquer
à La Rochelle, l'un des ports habituels d'embarcation pour le
Canada à cette époque. À Québec en 1688, il ne dut pas manquer
d'ouvrage et peut-être lui doit-on quelques-unes des vieilles constructions
en maçonnerie qui existent encore dans cette ville. Marié
à Québec le 2 mars 1688, il n'eut, semble-t-il, qu'un seul enfant,
Hilaire, né le 15 janvier 1692 et qui occupa le poste de brigadier
des gardes du domaine du roi. Il se maria trois fois et on lui connaît
trois garçons: Joseph-François, l'aîné, est l'ancêtre de la famille
Martin de la région de Montréal. Il fut baptisé à Québec et épousa,
le 19 aoOt 1743, Geneviève Gaboury de Saint-Valier, près de
Québec.
Son fils aîné, Joseph-Hilaire, né à Saint-Valier, vint dans la
région de Sainte-Geneviève où il épousa, le 27 janvier 1772,
Geneviève Proulx, fille de Clément Proulx, ancêtre à la deuxième
génération de la famille Proulx dit Clément de l'île Bizard. Arrivé
à Sainte-Geneviève et muni de l'expérience acquise à Québec
au contact de son grand-père et peut-être de son père, il ne tarda
pas à faire son chemin. Menuisier de métier, il accéda au poste
de capitaine de milice, fonctions qui lui donnaient droit à une
place d'honneur venant tout de suite après le curé dans l'ordre
de préséance lors des cérémonies locales, mais qui entraînaient
aussi des responsabilités civiles et militaires.
On trouvera dans le supplément de la famille Martin, la liste
des enfants de Joseph-Hilaire Martin et Geneviève Proulx, même
s'ils n'ont, semble-t-il, pas habité l'île Bizard. On compte neuf
enfants dont six moururent en bas âge. Curieusement, l'aîné et
le benjamin de la famille portent tous les deux le prénom de Joseph.
On tenait à assurer la continuité de ce prénom dans la famille.
Il se trouva que tous les deux survécurent et se marièrent sous
ce prénom. Le benjamin, Joseph-Claude, épousa Catherine Trépannier
et s'établit à Sainte-Geneviève où l'on retrouve sa descendance.
Quant à l'aîné, c'est le premier Martin ayant habité l'île Bizard.
En effet, le capitaine de milice, Joseph-Hilaire Martin père,
prit une concession au nom de son fils, Joseph-Hilaire, dans le
fief Catalogne qui appartenait au curé de Sainte-Geneviève. Ainsi,
l'aveu et dénombrement de Pierre Foretier, daté de 1781, mentionne
le nom d'un Joseph Martin dans le fief Catalogne. Pourtant,
la concession ne fut ratifiée par acte notarié que le 14 septembre
1786(1). Joseph-Hilaire Martin épousa Marie-Joseph Legault dit
Deslauriers en 1792. C'est peut-être alors qu'il s'établit sur ses terres
situées du côté sud de l'île.
Joseph-Hilaire Martin et Marie-Joseph Legault eurent une
nombreuse famille: 18 enfants dont neuf se marièrent, parmi
lesquels six garçons. Firmin, marié à Josephte Rockbrune, tenait
une exploitation agricole dans l'île en 1831, mais on ne l'y retrouve
plus en 1844. Félix, marié à Julie Brunet eut plusieurs enfants
baptisés dans l'île, dont un fils, Félix, qui pourrait être le ferblantier
qui s'y trouvait au recensement de 1871. Deux autres garçons,
Benjamin et Luc, se marièrent et s'établirent dans l'île.
Notons que Marie-Joseph Legault se remaria le 28 octobre
1822, c'est-à-dire six mois après la mort de Joseph Martin, avec
Joseph-Amable Brunet, dont elle eut six autres enfants, soit 24
enfants en tout
(voir
Tableau I de la famille Brunet ).
Nous voici donc à la sixième génération et nous commencerons
par Benjamin, à la droite du tableau généalogique. Celui-ci ayant
épousé Marie-Thècle Demers, ils eurent quinze enfants, dont deux
filles épousèrent des cageux: Marcelline, mariée à Hilaire Claude,
et Anastasie, mariée à Jérémie Trépannier. Deux autres filles,
Josephte et Léocadie, restèrent célibataires et demeurerent dans
l'île jusqu'à leur mort. Enfin, Sévère épousa Emilie Guitard et
s'établit dans l'île. Ils eurent douze enfants dont sept fils se
marièrent, la plupart à Sainte-Geneviève où ils ont laissé une
descendance. L'un d'eux, Didier, épousa en deuxièmes noces une
fille de l'île, Marie-Louise Théoret, fille de Jean-Baptiste, mais ils
n'habiterent pas longtemps l'île Bizard.
Voyons maintenant la branche de Luc Martin, à la sixième
génération. Celui-ci était établi du côté nord de l'île en 1831. Il
est probable que c'est au moment de son mariage en 1822 qu'il
vint s'y établir. Il occupait une terre de 60 arpents, dont 59 étaient
en culture; il s'agissait sans doute du lot no 130 qui a toujours
appartenu à la famille Martin depuis. On peut voir sa récolte et
son cheptel au tableau de la page 80. En 1851, Luc Martin avait
considérablement agrandi son exploitation, sans doute en prévision
de l'établissement de sa nombreuse famille. Il possédait, selon le
recensement, 205 arpents de terre dont 180 étaient en culture (voir
tableau à la page 102). En 1857, Luc Martin possédait deux
concessions au nord de l'île, et lors de l'établissement du cadastre
de 1877, il y possédait avec ses fils les lots 125, 127, 129, 130 et
131. II faut croire que les exploitations de la famille Martin étaient
très florissantes.
Luc Martin père, qui fut marguillier de 1846 à 1849, se maria
deux fois, d'abord avec Marie-Josephte Rockbrune, puis avec
Sophie Angrignon. Il eut 21 enfants, dont dix de sa première femme
et 11 de sa deuxième. Les aînés de la famille avaient eux-mêmes
plusieurs enfants quand leur père cessa de donner naissance aux
siens, si bien qu'il y eut plusieurs oncles et tantes plus jeunes que
leurs neveux et nièces. Parmi les enfants du premier lit, trois se
marièrent. Léocadie épousa Rémi Trottier, forgeron au village.
Eulalie se maria avec Antoine Berthiaume.
Enfin, Luc, né en 1832, se maria deux fois, pour ne pas être
en reste avec son père; il épousa deux soeurs, Elmire et Adéline
Brayer dit Saint-Pierre, filles d'Eustache Brayer et Marie Pélagie
Théoret. Luc Martin fils eut dix-huit enfants, tous nés de sa première
femme. Sa deuxième femme était veuve de Jacques Labrosse. Il
fut conseiller municipal en 1883 et marguillier de 1867 à 1870.
En 1851, il occupait une terre de 60 arpents dont 59 étaient en
culture. On peut voir sa production agricole et son cheptel au
tableau de la page 103. En 1877, il occupait le lot no 127.
Deux filles de Luc Martin fils épousèrent des jeunes gens de
l'île: William Proulx et Joseph Sauvé. Deux garçons s'établirent
aussi dans l'île: Régis marié à Laure Lauzé, bedeau de la paroisse
vers 1908 et qui ne semble pas avoir eu d'enfants; Hector, marié
à Cordélia Claude, qui eut plusieurs enfants, dont Marie-Ernestine
qui épousa son cousin germain, William Proulx, fils du précédent.
Quatre garçons se marièrent, mais aucun n'eut de descendance
dans l'île et, de ce fait, la branche s'arrête à ce niveau.
À la septième génération, Sévère Martin, fils de Luc et Sophie
Angrignon, fut membre du Conseil municipal de l'île Bizard de
1873 à 1890, ayant occupé les fonctions de maire de 1875 à 1879
et de 1880 à 1890. Il fut aussi commissaire d'école de 1877 à 1880,
puis de 1886 à 1888, et marguillier de 1887 à 1890. Ce ménage
eut onze enfants, dont trois moururent en bas âge. Quatre filles
se marièrent à des garçons de l'île et plusieurs y ont laissé une
descendance: Nathalie, mariée à Isaïe Théoret
(voir
Tableau III de la famille Théoret ); Dorice, mariée à
Hormidas Cardinal
(voir
Tableau I de la famille Cardinal );
Léonie, mariée à Wilfrid Sénécal
(voir
Tableau I de la famille Sénécal ),
et Alexina,
mariée à Magloire Saint-Pierre
(voir
Tableau I de la famille Saint-Pierre ).
Le benjamin de la famille, Cléophas, fut prieur du
monastère des Dominicains à Saint-Hyacinthe et fondateur de la
paroisse Saint-Dominique à Québec. On trouvera sa biographie
ci-après.
Un autre fils de Sévère Martin et Julie Prézeau fit des études
de droit et devint notaire à Saint-Louis-de-Gonzague.
Nous avons gardé pour la fin Ludger Martin, aussi fils de
Sévère, établi dans l'île; il fut maire de l'île Bizard de 1925 à 1930,
commissaire d'école de 1902 à 1905, de 1907 à 1908 et de 1910
à 1911, et marguillier de 1925 à 1928. Ludger Martin était établi
sur les terres de son père qui occupait en 1877 les lots 129 et 131.
Il monta une grande exploitation de produits laitiers et ses vaches
animaient le paysage autour de notre Pain de sucre.
Ludger Martin avait épousé Célina Saint-Pierre et ils eurent
13 enfants, mais neuf d'entre eux moururent en bas âge ou avant
d'avoir atteint leur maturité. Trois filles épousèrent des garçons
de l'île: Antonia, mariée à Armand Boileau; Adrienne, mariée à
Albert Lacombe, et Eva, mariée à Achille Boileau. Un garçon, Henri,
épousa Éveline Rollin, veuve de Louis Provost et mère de deux
enfants: Robert et Jeanine Provost; cette dernière ayant épousé
M. Pagé habite actuellement l'ancienne résidence de la famille
Martin. Henri Martin termine donc la branche descendant de
Sévère Martin, fils de Luc.
Il nous reste à parler de Gilbert Martin, l'un des derniers-nés
de Luc Martin le prolifique. Commissaire d'école de 1892 à 1893,
Gilbert Martin avait épousé Adèle Boileau, fille de Jules; ils eurent
treize enfants, dont six se marièrent. Parmi les filles, remarquons
Ida, femme de Raoul Théoret qui a laissé plusieurs descendants
dans l'île, et Evelina, qui épousa un nommé Joseph Martin de
Saint-Laurent et qui vit encore à cet endroit; elle nous a permis
de clarifier certains points en ce qui concerne la famille Martin.
Enfin, Marie-Anne fut institutrice à l'école no 3 de 1922 à 1923.
Seul, un garçon se maria, Donat, qui épousa Yvonne Lavoie.
Donat Martin fut conseiller municipal en 1916, commissaire
d'école de 1925 à 1931 et marguillier de 1934 à 1937. Nous avons
vu au chapitre des écoles qu'il fut le principal fondateur de l'école
privée qui fonctionna pendant quelques années au nord de l'île,
dans la maison de M. Huberdeau. C'était un homme très alerte
à 70 ans, si l'on en juge par le voyage en automobile qu'il accomplit
à cet âge en Californie et au Mexique. Le ménage eut six enfants,
dont deux garçons mariés demeurant encore dans l'île: Paul Martin,
marié à Julie Cardinal, et Aimé Martin, marié à Réjeanne Wilson.
Paul Martin fut conseiller municipal de 1949 à 1953, commissaire
d'école de 1950 à 1952 et marguillier de 1966 à 1968. Aimé Martin
fut aussi conseiller municipal de 1956 à 1959. Tous les deux ont
des fils et la lignée des Martin de l'île Bizard ne risque pas de
s'éteindre.
(1) Notaire Louis
Joseph Soupras
(2) J. Antonin
Plourde, o.p.
Le père Henri (Cléophas) Martin
Cléophas Martin était le dernier-né de la famille de Sévère
Martin et Julie Prézeau, comme nous l'avons vu. Après avoir suivi
les cours primaires à l'école du coin, au nord de l'île, il fit ensuite
des études à l'école des Frères de s. Louis de Gonzague à
Beauharnois, tenue par les Clercs de Saint-Viateur. Il montrait de
bonnes dispositions aux études, ce qui appelait une formation
classique. Son vieux père le fit alors entrer au petit séminaire de
Sainte-Thérèse. Brillant élève, il fit vite preuve d'un goût prononcé
pour la parole. Certains autres élèves, également doués pour la
parole, se dirigèrent vers la politique, mais Cléophas Martin choisit
la prédication et il entra dans l'Ordre des Prêcheurs, chez les
Dominicains, le 3 août 1903. Il prit le nom de frère Henri lorsqu'il
fit profession le 4 août 1904. Enfin, il fut ordonné prêtre le 24
mai 1907 par Mgr Duhamel.
Son port d'attache fut d'abord Fall River jusqu'en 1916. En
1917, il était à Quebec; de 1918 à 1921, il fut prieur à Saint-Hyacinthe.
Mais sa principale occupation demeurait la prédication. Il s'y
donnait de toute son âme et savait parler aux gens.
Depuis quelque temps déjà, les Dominicains avaient une
chapelle à Québec, mais elle ne devint église paroissiale qu'en 1925,
et le père Henri Martin fut le curé fondateur de la paroisse
Saint-Dominique. En 1930, il était nécessaire de faire construire
une nouvelle église. Le comité paroissial, avec le curé Martin,
décidèrent alors de lancer une souscription publique qui permit
de recueillir $68 000 en quelques semaines. Les plans de l'église
furent confiés à l'architecte Larue. Le 8 juin 1930 eut lieu la
bénédiction de la pierre angulaire, et dans la brochure du cinquantenaire
de la paroisse Saint-Dominique, on peut voir, en cette
occasion, le père Henri Martin photographié aux côtés du
Gouverneur général du Canada, Lord Wellingdon.
Voici maintenant un extrait de la brochure précitée: (2)
Le malheur s'abattit sur la fondation dominicaine en 1939. Le jour
de l'an au matin, le curé Martin disait à ses paroissiens: «Votre
bonheur, je réclame presque le privilège de le désirer, sinon plus
vivement, du moins aussi ardemment que qui que ce soit au monde.
Mon séjour, en se prolongeant au milieu de vous à titre de curé,
me rend chaque jour de plus en plus sensible à tout ce qui concerne
toutes et chacune de vos familles, tous et chacun de vous en particulier.
La confiance d'ailleurs dont vous savez honorer le prêtre me mêle
si souvent à votre vie intime, à tous les problèmes qui se dressent
sur votre route, et dont le cherche avec vous la solution qui dissipe
les inquiétudes, à tous les évènements qui vous rejoignent ou qui vous
attristent, et qui m'apportent à moi-même mes consolations et mes
peines».
Le soir de ce même jour de l'an 1939, le feu ravageait le monastère
dominicain de Québec, détruisant tout l'étage des mansardes, brûlant
gravement le frère Martin Tétreault, qui succombera à ses blessures.
Le curé Martin fut à tel point saisi du spectacle du religieux en
flammes qu'il en fit presque une commotion cérébrale. Il dut entrer
en repos à l'hôpital jusqu'à la fin de février, où l'on diagnostiqua
des lésions au coeur. Condamné au repos forcé, il ne sut pas freiner
son dévouement pastoral. Il mourut subitement à l'issue d'un discours
prononcé à un dîner en l'honneur d'un parent. C'était le 26 avril
1939. On avait tellement apprécié le curé fondateur qu'on voulut
le garder dans son église. Un comité se forma, durant le pastorat
du curé Landry, pour l'exécution d'un mausolée en l'honneur du père
Martin. Ce tombeau du souvenir a été érigé à l'arrière de l'église
Saint-Dominique...
Comme curé fondateur, on peut dire du père Martin qu'il a jeté les
bases de toute l'oeuvre paroissiale de Saint-Dominique... Avant de
voir partir la sympathique figure du premier curé, lisons cet hommage
qu'on faisait de lui quand il a quitté sa chère paroisse: «Sans cesse
le père Martin s'appliquait à instruire et perfectionner ses ouailles
dans le plus pur catholicisme, par ses prônes devenus si populaires,
et par ses nombreuses conférences. S'il n'a pas inventé le sermon-prône,
il a su modifier le genre, le rehausser, le plier à ses propres exigences
comme à celles de son auditoire régulier. Et c'est bien cette forme
d'action apostolique, plutôt que le succès de retraites prêchées au-dehors,
qui lui obtint de son Ordre le grade de prédicateur général».
Nous avons vu par ailleurs que le père Martin prononça le
sermon dans notre église en 1921, lors de la bénédiction des tableaux
(voir page 123).
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