Ce texte est reproduit avec permission. Sa transcription et sa
présentation en ligne ont été effectuées par Jacques Beaulieu. Il constitue la
troisième partie du livre intitulé HISTOIRE DE L'ILE BIZARD
rédigé par Éliane Labastrou et
publié en 1976
HISTOIRE ET GÉNÉALOGIE
DES FAMILLES SOUCHES
DE L'ILE BIZARD
Rédigé par Éliane Labastrou
Publié en 1976.
Puisque seule la troisième partie du livre
HISTOIRE DE L'ILE BIZARD est reproduite, il faut se référer à l'original dans les
cas où les pages mentionnées dans le texte qui apparaît ici sont dans des sections
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FAMILLE BRAYER dit SAINT-PIERRE
L'origine de Pierre Brayer dit Saint-Pierre a été difficile à
trouver, surtout à cause de l'orthographe très fantaisiste du nom.
On le trouve en effet écrit de façons très différentes: Briée, Breillé,
Berrier, Brière, Berryer, Breyer, Bréguier, Brayer, etc. Nous avons
adopté Brayer car il semble que ce soit l'orthographe la plus
fréquente, surtout pour la paroisse de Sainte-Geneviève.
Nous avons toutefois eu la chance de trouver son mariage
qui nous éclaire sur son origine. Le 12 octobre 1739 à Pointe-Claire,
Pierre Briée épousa Françoise Thibault, fille de Pierre Thibault
dit Léveillée et de Marguerite Larose habitant Rivière-des-Prairies.
Pierre Briée est dit originaire de la paroisse de Saint-Servan, diocèse
de Saint-Malo, étant le fils de Martin Briée et Marguerite Jams
(nom presque illisible). Pierre Boileau et Jean-Baptiste Rouleau,
amis du marié, assistèrent comme témoins à la cérémonie. Pierre
Boileau signa même le registre de la paroisse de Pointe-Claire.
L'acte de décès de Pierre Brayer dit Saint-Pierre nous éclaire
sur sa situation à son arrivée en Nouvelle-France. Voici: L'an mil
sept cent cinquante neuf, le douze du mois d'août, a décédé dans
cette paroisse au fort Chambly le nommé Pierre Saint-Pierre, soldat
de la marine. Son corps repose dans le cimetière de cette église. Pierre
Briée ou Brayer, dit Saint-Pierre probablement par analogie avec
son prénom, était donc originaire du nord de la Bretagne et il
vint en Nouvelle-France comme soldat attaché a une Compagnie
de la marine, tout comme Jacques Triolet, originaire de la même
région. Il décéda au fort de Chambly, pendant la guerre de
conquête. Est-il mort de maladie ou de blessures?
Quant à Françoise Thibault dit Léveillée, épouse de Pierre
Brayer, elle était la fille de Pierre Thibault dit Léveillée et de
Marguerite Larose habitant Rivière-des-Prairies. Pierre Thibault,
né vers 1664, était originaire d'Agen en Gascogne; il vint aussi
en Nouvelle-France comme soldat, et mourut au Sault-aux-Récollets
à l'âge de 86 ans le 7 janvier 1740. Françoise Thibault, veuve
de Pierre Briée, se remaria le 19 novembre 1759 avec François
Vinet à Sainte-Geneviève.
Le 10 avril 1739(1), Pierre Brayer dit Saint-Pierre avait pris une
concession dans l'île Bizard, comprenant quatre arpents et demi
de front sur vingt arpents de profondeur, du côté de la rivière
des Prairies, près des terres de Pierre Boileau. À noter que Pierre
Brayer habitait déjà l'île à cette date. Vivait-il chez son ami Pierre
Boileau ou bien avait-il déjà construit une maison sur les terres
avant de prendre officiellement la concession? Quoi qu'il en soit,
il se maria six mois plus tard et avait certainement sa propre maison
à cette date.
Pierre Brayer et Françoise Thibault eurent douze enfants, dont
six moururent jeunes. Une seule fille se maria, ayant épousé Joseph
Brazeau, fils de Paul Brazeau qui habitait l'île. Cinq garçons se
marièrent; trois d'entre eux, Jean-Baptiste, Joseph et Guillaume,
s'établirent à la Rivière-du-Chêne (région de Saint-Eustache) où
ils eurent une nombreuse descendance. Deux garçons assurèrent
donc la descendance des Brayer dit Saint-Pierre dans l'île Bizard:
Pierre et Eustache.
C'est probablement en faveur de l'un d'eux que leur mère,
Françoise Thibault dit Léveillée, prit une concession le 24 avril
1761(2), comprenant quatre arpents de front; il n'est pas facile de
préciser à quel endroit, mais il semble cependant qu'elle pouvait
se trouver du côté nord de l'île.
Pierre Brayer dit Saint-Pierre fils épousa Marie-Joseph Taillon.
En 1781, il possédait une concession de trois arpents et demi de
front et de 20 arpents de profondeur, soit 66 arpents de superficie
dont 23 étaient en culture et 43 en bois debout. Comme ses parents,
Pierre Brayer fils eut aussi douze enfants dont six seulement
survécurent au jeune âge, trois garçons et trois filles. Parmi les
garçons, Pierre épousa Françoise Boileau, fille de Jacques Boileau
et Marie Lauzon. Ils partirent ensuite pour Saint-Benoît, mais leur
petite-fille, Marcelline (fille de Jacques), épousa en 1852 Arsène
Théoret, devenant ainsi l'ancêtre des Théoret du nord de l'île
(voir
Tableau III de la famille Théoret ).
Son frère, Guillaume, marié à Marie-Archange Beaune, demeura
dans l'île pour y fonder une nombreuse famille. Celle-ci
compta en effet 21 enfants, dont deux couples de jumeaux. Au
moins huit de ces 21 enfants moururent en bas âge. Selon l'ordre
du recensement de 1825, il semble que Guillaume Brayer dit
Saint-Pierre habitait près de Charles Sénécal, donc au sud de l'île
aux environs du village et du pont actuel.
Une fille de Gulllaume Brayer et Marie-Archange Beaune,
Emilie, épousa en 1831 Michel Labrosse dit Raymond, veuf de
Marie Proulx; elle eut de nombreux enfants, mais la famille actuelle
des Raymond dit Labrosse ne descend toutefois pas d'elle. Marie-Archange
épousa en 1837 Isidore Proulx dit Clément, devenant
ainsi l'arrière-grand-mère de tous les Proulx dit Clément de l'île
à la huitième génération
(voir
Tableau III de la famille Proulx ).
Cinq garçons se marièrent aussi. Guillaume épousa en 1820
Marie-Anne Jams dit Carrière, mais ne s'établit pas dans l'île.
Nous arrivons maintenant à Joseph Brayer dit Saint-Pierre
marié à Domitilde Denis. En 1825, celui-ci habitait près de son
père, Guillaume, aux environs du village actuel. En 1831, il
possédait une terre de 96 arpents dont 88 étaient en culture. On
peut voir sa production agricole et son cheptel à la page 80. Par
ailleurs, les coupures de journaux soigneusement conservés à la
bibliothèque du barreau de Montréal sur le juge Saint-Pierre, fils
de Joseph Brayer, nous apprennent que ce dernier était patriote.
Sans doute se joignit-il aux patriotes de Saint-Eustache au moment
de la rébellion de 1837-38. Il ne figure toutefois pas dans la liste
des prisonniers. Il faut croire qu'il réussit à s'échapper et à traverser
le lac. En 1842, Joseph Brayer et sa femme Domitilde Denis firent
un voyage à Rigaud et c'est à cet endroit que naquit Henri-Césaire
Saint-Pierre, le futur juge dont nous venons de parler; on trouvera
sa biographie aux pages suivantes. Celui-ci n'avait guère que deux
ans quand son père décéda en 1845, laissant une veuve avec neuf
enfants.
Les aînées cependant ne tardèrent pas à se marier. Marie-Aglaé
épousa Joseph Joly, voyageur, fils de Joseph Joly et de Marie
Boileau. Odile épousa en 1850 Cyrille Labrosse dit Raymond,
marchand au village; ceux-ci prirent à leur charge le jeune Henri-Césaire,
frère d'Odile, qu'ils élevèrent comme leur propre fils et
envoyèrent au Collège de Montréal à l'âge de douze ans. Devenue
veuve, Odile Brayer se remaria en 1867 avec Antoine-Stanislas
Wilson, et nous prions le lecteur de se reporter à la famille Wilson
pour connaître l'histoire de ce couple. Domitilde épousa en 1853
Fabien Sénécal, fils de Joseph et de Marguerite Prud'homme,
devenant ainsi la grand'mère de la plupart des Sénécal de la
huitième génération
(voir
Tableau I de la famille Sénécal ).
Le seul garçon de la famille dont nous avons retrouvé trace
est le juge Henri-Césaire Saint-Pierre marié en 1874 à Adéline
Albina Lesieur de Terrebonne. Ils eurent plusieurs enfants, dont
deux futurs avocats et une femme d'avocat, ainsi qu'un ingénieur
civil, mais aucun d'eux ne s'établit dans l'île Bizard que leur père
avait d'ailleurs quittée des l'âge de douze ans. Il n'y eut donc pas
de descendants portant le nom de Saint-Pierre issus de cette branche
de la famille, dans l'île Bizard.
Prenons maintenant Thomas, autre fils de Guillaume Brayer
dit Saint-Pierre et Marie-Archange Beaune (4e génération). Thomas
Brayer épousa Marie-Hélène Robillard en 1831. À cette date, il
habitait du côté sud de l'île sur une terre de 116 arpents, dont
96 étaient en culture (voir sa production agricole et son cheptel
à la page 80). L'aîné de leurs enfants se noya le 18 septembre
1850 en traversant sur le chaland pour se rendre au grand moulin.
Est-ce le chagrin ou la maladie, nous ne le savons pas, mais le
père et la mère le suivirent dans les années d'après. Marie-Hélène
Robillard mourut en 1853 et Thomas Brayer en 1854. Une fois
les parents disparus, nous ne savons pas ce qu'il advint des enfants;
nous ne retrouvons aucune donnée à leur sujet.
Voyons maintenant François-Xavier Brayer dit Saint-Pierre,
marié en 1835 à Théotiste Claude, fille de Jacques-Amable Claude
et Catherine Théoret. Ces derniers habitaient avec eux en 1851
dans l'île. Il s'agissait vraisemblablement de la maison de pierre
sise sur le lot no 151 qui appartenait encore à François-Xavier
Saint-Pierre en 1877. La maison de pierre fut par la suite transformée
par M. Levasseur et elle est actuellement habitée par la famille
de M. Léon Simard. En 1851, la terre comprenait 57 arpents, tous
en culture. On peut voir sa production agricole et son cheptel à
la page 103. François-Xavier Saint-Pierre fut marguillier de 1857
à 1860. Il eut plusieurs enfants, dont deux seulement se marièrent:
Amédée qui épousa Philomène Théoret en 1860, celle-ci étant la
fille de Basile Théoret et d'Anastasie Claude, et Isidore marié à
Domitilde Binet.
Isidore Saint-Pierre eut 15 enfants nés dans l'île. Une de ses
filles épousa en 1897 Télesphore Sénécal qui habita aussi la maison
de pierre déjà mentionnée. Amédée épousa Bernadette Wilson, fille
de Godefroy, donc soeur de Georges Wilson. Il fut commissaire
d'école de 1918 à 1919. Il semble avoir quitté l'île dans les années
1930. L'un de ses fils, Rolland, marié à Lucienne Roy, y demeura
pendant quelques années. Cinq de ses enfants sont nés dans l'île,
mais ils se marièrent tous à Montréal ou ailleurs.
Ainsi, toute la branche de la famille Saint-Pierre descendant
de Pierre marié à Marie-Joseph Taillon est éteinte dans l'île.
Considérons maintenant la branche de la famille Brayer dit
Saint-Pierre issue d'Eustache Brayer ( 1746-1816), marié à Marguerite
Nadon. Lors du recensement de la paroisse de Sainte-Geneviève
en 1765, Eustache Brayer occupait une terre de 80 arpents, dont
quatre seulement étaient ensemencés et il possédait pour tout bétail
un cochon. Il n'y avait pas encore de maison sur cette terre et
il était célibataire. En 1790, Eustache Brayer était lieutenant de
la milice et il accompagnait le capitaine de milice Jacques Boileau
et le seigneur de l'île Bizard, Pierre Foretier, lors de la visite du
grand voyer au sujet de la construction des chemins (voir p. 84).
Eustache Brayer et Marguerite Nadon eurent neuf enfants.
L'aînée, Marguerite, épousa Louis Théoret en 1790, devenant
l'ancêtre de l'une des principales branches de la famille Théoret
(voir
Tableau IV de la famille Théoret ).
Parmi les garçons, Eustache
épousa en 1795 Thérèse Campeau, et Joseph se maria en 1803
avec Geneviève Brazeau, également de l'île.
Prenons d'abord la branche d'Eustache marié à Thérèse Campeau
(3e génération). Celui-ci mourut jeune, à 32 ans, mais il avait
tout de même eu neuf enfants dont quatre survécurent. Sa veuve
se remaria avec Jacques Poudrette dit Lavigne.
Seul Eustache s'établit dans l'île. Marié en 1823 avec Marie-Pélagie
Théoret, fille de Jacques Théoret et Marguerite Legault,
ils occupaient en 1831 une terre du côté nord de l'île, comprenant
60 arpents dont 55 étaient en culture. On peut voir leur production
agricole et leur cheptel à la page 80.
En 1851, la famille occupait sans doute la même terre du côté
nord de l'île comprenant cette fois 87 arpents, tous en culture.
Elle habitait une maison de pierre qui, d'après l'ordre du recensement,
semble être celle qui se trouve actuellement sur le lot
140 au numéro 1709 du chemin Bord du lac. On sait qu'elle fut
construite en 1834; c'est donc vraisemblablement Eustache Brayer
qui la fit bâtir.
Parmi les douze enfants de la famille, au moins neuf se
marièrent. Adéline épousa en 1847 Jacques Labrosse dit Raymond;
elle fut ainsi la grand-mère de M. Hervé Raymond, ancien épicier
au village; c'est sans doute ainsi que Jacques Labrosse dit Raymond
devint le propriétaire de la maison de pierre. Sa soeur Elmire épousa
en 1850 Luc Martin; quand elle mourut en 1895, Adéline, veuve
de Jacques Labrosse, la remplaça auprès de Luc Martin, à titre
de deuxième épouse.
Parmi les garçons, Eustache épousa Geneviève lalonde. Charles
épousa Geneviève Janvry; celui-ci occupait en 1851 une terre
du côté nord de l'île aux environs de la plage Martin; ils eurent
quinze enfants nés dans l'île. Octave épousa en 1854 Geneviève
Paquin, fille de François-Xavier Paquin et Geneviève Brunet. Enfin,
Julien épousa Esilia Proulx dit Clément. Tous semblent avoir quitté
l'île vers la fin du siècle dernier ou avant. Nous arrivons donc
à la fin de cette branche dans l'île.
Retournons maintenant au niveau de la troisième génération,
pour descendre la branche de Joseph Brayer dit Saint-Pierre marié
à Geneviève Brazeau. Celui-ci aussi mourut jeune, à 32 ans. Sur
les quatre enfants qu'ils avaient eus, deux seulement survécurent
au bas âge: Eustache et Joseph. Tous les deux cependant eurent
une descendance dans l'île.
Tout d'abord, prenons Joseph marié à Rosalie Lefebvre.
Celui-ci était journalier au recensement de 1851. Ils eurent douze
enfants. Parmi les garçons, François-Xavier épousa en 1868
Marguerite Brunet, fille de Joseph Brunet et Marguerite Daigneau,
Maxime épousa Eugénie Claude et Aldéric, Marie Labelle.
Maxime Saint-Pierre eut 14 enfants, tous morts en bas âge
sauf deux filles et un garçon, Albert, qui épousa en 1907 Agnès
Martin, fille de Sévère et Mélina Guitard. Aldéric dut s'établir
ailleurs, car on ne retrouve pas son nom dans les recensements.
François-Xavier Saint-Pierre, qui fut longtemps bedeau au village,
eut treize enfants, dont quatre seulement survécurent à la variole
et autres maladies qui frappèrent gravement la famille. Alexina
épousa Wilfrid Foisy; une de leurs filles vit encore dans l'île. Amanda
épousa Cyrille Barrette, aussi bedeau de la paroisse. Marie épousa
Joseph Huberdeau. Enfin, Léonidas se maria avec Marie-Anne
Lauzon et partit pour Montréal.
Il n'existe dont plus de descendants de cette branche dans
l'île, portant encore le nom de Saint-Pierre.
Passons à celle d'Eustache Saint-Pierre (1808-1875), marié à
Marthe Cardinal (4e génération). Leur descendance est très nombreuse,
plus encore à Sainte-Geneviève que dans l'île. En 1851,
ils occupaient du côté sud de l'île une terre de 144 arpents dont
114 étaient en culture. On peut voir leur production agricole et
leur cheptel à la page 103. Ils eurent 17 enfants dont six morts
en bas âge. Parmi les garçons, Roch épousa Hélène Paquin, fille
d'Isidore et Marie-Henriette Robillard, puis Élise Poudrette dit
Lavigne. Vers 1880, ils partirent s'établir au Cap Saint-Jacques,
puis au village de Sainte-Geneviève, où leurs descendants firent
leur marque.
Le fils aîné de Roch Saint-Pierre, Stanislas, né du premier
lit, partit à l'âge de 20 ans pour les États-Unis. Revenu un beau
jour, à l'âge de 70 ans, chez son frère à Sainte-Geneviève, il causa
un grand émoi. Grand voyageur, il ne put cependant rester sur
les terres de ses ancêtres et repartit finir ses jours aux États-Unis.
Il resta célibataire.
Télesphore, fils de Roch Saint-Pierre et Élise Poudrette dit
Lavigne, n'eut pas de descendant.
Hyacinthe, par contre, eut une nombreuse famille; il fut maire
de Sainte-Geneviève de 1925 à 1934; son petit-fils, Philippe, le
fut également de 1963 à 1967. Antoine, autre fils de Hyacinthe,
devint prêtre en 1924 et il décéda dans la paroisse de Saint-Barthélémy à
Montréal en 1960, après avoir été professeur au collège de
Sainte-Thérèse et à celui de Saint-Stanislas, puis curé de la paroisse
mentionnée ci-dessus. Trois autres fils de Hyacinthe se marièrent
également: Georges, Alphonse et Henri.
Alcide Saint-Pierre, autre fils de Roch, est le père de M. Maurice
Saint-Pierre qui habite actuellement l'île Bizard.
Enfin, Zotique Saint-Pierre, marié à Émilie Shetagne, établit
une boulangerie à Sainte-Geneviève où son cousin, Joseph Saint-Pierre,
père d'Adrienne, apprit son métier.
Revenons au niveau de la cinquième génération, pour y
retrouver les autres fils d'Eustache Brayer dit Saint-Pierre et Marthe
Cardinal. Eustache, Stanislas et Jean-Baptiste n'ont pas laissé de
descendance dans l'île. Par contre, Félix Saint-Pierre marié avec
Azilié Berthiaume, puis Octavie Ladouceur, est le père de Joseph
Saint-Pierre, le boulanger dont nous venons de parler et dont une
fille, Berthe, est devenue Mme Ovila Saint-Pierre, tandis que l'autre,
Adrienne, porte le pain aux maisons de l'île Bizard depuis plus
de cinquante-cinq ans. Wilfrid Saint-Pierre, aussi fils de Félix,
épousa en 1923 Clara Théoret, fille d'Adélard; celle-ci habite encore
l'île Bizard.
Il ne nous reste plus qu'à parler de Magloire Saint-Pierre
(1839-1913) marié à Adéline Legault. Celui-ci était un homme plein
d'audace et d'initiative. On raconte en effet que, s'étant fait
marchand de bestiaux, il n'hésitait pas à conduire son troupeau
à pied à la foire et qu'il réussit ainsi à se faire une petite fortune.
Il fut aussi attiré par la ruée vers l'or et partit un jour pour la
Californie, laissant sa famille dans l'île. On ne sait pas s'il trouva
des pépites, mais il se fit marchand de boissons et revint les poches
bien garnies. Il fut marguillier de 1894 à 1898.
Le ménage eut cinq enfants ayant survécu au bas âge. La
seule fille qui se maria épousa en 1907 M. Aimé Boileau, fils de
Jean-Baptiste et Mathilde Brisebois. L'aîné Magloire épousa Alexina
Martin, fille de Sévère et Julie Prézeau; ils eurent un seul garçon
mort de tuberculose à l'âge de 33 ans; parmi les filles, Marie-Anne
épousa Jean-Paul Cardinal et vit encore dans l'île. Magloire Saint-Pierre
fut commissaire d'école de 1904 à 1910 et conseiller municipal
de 1931 à 1938.
Un sort cruel était réservé au deuxième fils de Magloire
Saint-Pierre, Philibert, qui avait épousé Alice Théoret. Celui-ci
mourut en effet dans l'incendie qui détruisit sa maison et la beurrerie
en 1915. Il laissait une fille, Yvonne, qui épousa M. Georges Boileau,
commerçant, fils de Napoléon Boileau et Emma Sénécal.
Vitalien Saint-Pierre épousa Poméla Cardinal, fille de Casimir
et Mélina Théoret. Ce sont les grands-parents de Jacques Saint-Pierre.
Ils eurent dix enfants, parmi lesquels Juliette qui épousa
Antoine Théoret, Alice mariée à Hector Meloche et Aurore mariée
à Isaac Legault. Parmi les garçons, Aurèle épousa Jeanne Payment,
Georges épousa Denise Laplaine, et Ovila épousa Berthe Saint-Pierre,
petite-fille de Félix et Octavie Ladouceur. M. Ovila Saint-Pierre
fut commissaire d'école de 1954 à 1957. Jacques Saint-Pierre,
fils d'Ovila, fut conseiller municipal de 1965 à 1967, président de
la Commission scolaire de 1968 à 1969 et commissaire d'école de
1968 à 1970. Deux fils d'Aurèle Saint-Pierre habitent actuellement
l'île Bizard, Gilles et Gaétan.
Un autre fils de Magloire, Joseph, épousa Lucrèce Lalonde.
Il fut marguillier de 1938 à 1941. Ce fut le père de M. Éloi
Saint-Pierre, marié en 1937 à Yvette Lord. Celui-ci fut commissaire
d'école de 1956 à 1957 et marguillier de 1965 à 1968. Il a deux
enfants, dont une fille Lise qui a épousé André Wilson, fils d'Arthur
et Yvonne Ladouceur.
(1) Notaire Gaudron de Chèvremont
(2) Notaire Pierre Panet
Le juge Henri-Césaire Saint-Pierre
C'est par hasard que le juge Henri-Césaire Saint-Pierre naquit
le 13 septembre 1842 à Sainte-Madeleine de Rigaud au lieu de
l'île Bizard, car ses parents, Joseph Saint-Pierre, un patriote de
1837, et Dimitilde Denis, vivaient dans une ferme de l'île Bizard.
Ses parents étaient en voyage lorsque leur huitième enfant vit le
jour. Son père mourut deux ans plus tard, et, en 1856, sa mère
se remaria avec John Wilson, veuf de Marguerite Paquin.
Henri-Césaire Saint-Pierre fut recueilli, à la mort de son père,
par un dénommé Cyrille Raymond, marchand de l'île Bizard, qui
l'éleva comme son propre fils et lui paya ses études. À l'âge de
douze ans, il entrait au Collège de Montréal où il réussit brillamment
ses études. En 1862, pour le récompenser de ses succès, ses parents
(sans doute ses parents adoptifs) lui offrirent un voyage aux chutes
de Niagara et à Buffalo. Or cette ville était alors en pleine
effervescence à la suite de la victoire de Gettysbury. Avec le sang
bouillant des patriotes qui coulait dans ses veines et l'ardeur de
son tempérament, Henri-Césaire Saint-Pierre voulut s'engager sur-le-champ
dans l'armée américaine du Nord. Mais ses amis et son
protecteur l'en dissuadèrent.
Cependant, son protecteur vint à mourir et il dut affronter
seul la vie. Il parti pour Kingston en Ontario afin d'y étudier
l'anglais en même temps que le droit, à l'étude de Me James Agnew.
Dès qu'il eût passé ses examens, il repartit pour les États-Unis
et s'engagea dans le 76e régiment de New York qui faisait partie
de l'armée de Potomac. Il fut blessé à deux reprises, la dernière
fois lors de la bataille de Mine Run où il fut laissé pour mort
sur le champ de bataille, près de Fredericksburg. On le signala
alors comme mort au champ d'honneur et des services funéraires
furent célébrés au Collège de Montréal et à l'île Bizard. Mais il
avait été recueilli et soigné par l'ennemi à Gordonsville, près de
Richmond. Il resta ensuite treize mois prisonnier, passant d'une
prison militaire à l'autre. Il regagna sa liberté en 1865, lors de
l'évacuation de Charleston par l'armée du sud. On ne peut imaginer
la joie et l'émoi que son retour suscita à l'île Bizard, chez ses parents
et amis et dans la localité toute entière, quand on le croyait mort
depuis deux ans.
Il se remit à étudier le droit, notamment à l'étude de Georges-Étienne
Cartier qui le prit comme secrétaire privé. Puis, il fut admis
au barreau de la province de Québec en 1870. Il se consacra alors
entièrement à sa profession, plus particulièrement aux cours criminelles.
En 1874, il épousa Adéline Albina Lesieur, fille d'un marchand
de Terrebonne et nièce du juge de la cour supérieure. Mme
Saint-Pierre fut particulièrement connue pour ses actes de charité
et ses talents de pianiste. Henri-Césaire Saint-Pierre était lui-même
l'un des meilleurs chanteurs de Montréal, et le couple prêta à
diverses reprises ses talents à l'occasion de collecte de fonds pour
des oeuvres de charité. C'est ainsi qu'ils durent contribuer à la
collecte organisée en 1883 par L.-O. David, en faveur de la veuve
du chevalier de Lorimier, pendu à la porte de sa prison en 1839,
puisque c'est Mme Saint-Pierre qui fut choisie pour remettre la
bourse contenant mille dollars à Mme de Lorimier qui vivait avec
ses filles dans la misère.
Entre-temps, la carrière de criminaliste de l'avocat Saint-Pierre
se déroulait de façon brillante. Il défendait avec ardeur des causes
criminelles difficiles et faisait presque toujours acquitter les prisonniers,
de sorte que l'on publia dans La Patrie ces vers amusants: (1)
Il faut bien l'avouer: au ciel et sur la terre
Nous avons deux puissants Saint-Pierre:
L'un siège avec éclat au port brillant des cieux;
L'autre, aux portes de fer des prisons de ces lieux.
Voilà bien la ressemblance;
Mais quant à ce qu'aux leurs ils peuvent garantir,
Quelle est donc la difference?
Eh!... l'un les fait entrer, l'autre les fait sortir!
Il y eut aussi le cas d'un nommé Benson qui avait tué sa
femme d'un coup de revolver, sous les yeux de son fils âgé de
douze ans. Il fut acquitté en 1889, ce qui inspira ces quelques
vers à un ami: (2)
De ce nouveau succès qu'il ajouté à tant d'autres
Je viens féliciter l'ami Santum Petrum
Grâce à lui sir Benson passe aux rangs des Apôtres
«Non licet omnibus adire Corinthum».
Il ne réussit cependant pas à sauver son prochain client, un
nomme McGrath. C'était le seul qui ne fût sauvé, parmi les 32
causes criminelles qu'il défendit au cours de sa carrière.
Bien qu'il n'ait pas été porté vers la politique, il céda néanmoins
aux sollicitations de ses amis et se présenta, en 1878, comme
candidat libéral dans le comté de Jacques Cartier, mais il fut battu
et ne le regretta pas.
En 1889, il fut nommé conseiller de la reine. En 1895, il
présidait au dévoilement de la statue du patriote Chenier, à la
place Viger. Il prononça alors l'un de ses discours les plus éloquents,
faisant d'abord l'historique des évènements de 1837-38, auquel son
père avait pris part, et terminant en prêchant l'union et la bonne
entente entre les races: (3)
Soyons Anglais, Écossais, lrlandais et Français, mais par-dessus tout,
Canadiens! Pourquoi un citoyen de l'Ontario ne serait-il pas chez
lui dans le Québec et un Canadien français ne serait-il traité comme
un frère dans la grande province soeur? Rendons-nous bien compte
que le Canada ne se borne pas à la province de Québec.
En 1902, il fut nommé juge de la cour supérieure pour le
district de Beauharnois, puis en 1909, il fut promu juge de la cour
supérieure au district de Montréal.
En récompense de l'aide qu'il accorda à la colonie italienne
de Montréal, il fut créé chevalier de l'ordre de la couronne italienne.
Il fut aussi le fondateur de l'Association des vétérans canadiens.
Ce fut l'un des criminalistes les plus éminents de notre province.
Il décéda d'un cancer de l'estomac le 8 janvier 1916, laissant
trois fils et deux filles: -
Henri-A, avocat, protonotaire des comtés de Pontiac-Bryson;
-
Georges, ingénieur civil;
-
Guillaume, avocat;
-
Annette, femme de L. Bélanger, comptable à Montréal;
-
Juliette, femme d'Alexandre Prud'homme, avocat.
(1) Borthwick. J.D.
pp.352-355.
(2) Idem
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