LE BON VIEUX TEMPS
La police, il y a trente ans - Des égards pour les pochards -
Les vétérans - David le laid.
- La police de Montréal vers 1853
Ce matin, jour de fête publique, la plus grande tranquilité régnait au poste
central. Le reporter de la Patrie a profité de la circonstance pour
obtenir d'un des plus vieux sergents quelques détails sur la police de
Montréal, il y a trente ans.
La police municipale était alors sous le commandement de M. Hayes. Le poste
central était alors dans le soubassement de l'extrémité-ouest du marché
Bonsecours.Il n'y avait que deux postes, le deuxième étant à l'encoignure des
rues Bleury et Craig. Au service de la corporation en 1852 le constable n'était
pas riche; il ne recevait qu'un salaire de 50 sous par jour pendant que les
ouvriers de bord gagnaient entre quatre et cinq dollars par jour. Ce prix
élevé de la main d'oeuvre s'expliquait par le fait que les ouvriers de Montréal,
redoutant le typhus, n'aimaient pas à travailler au déchargement des navires
d'outre-mer. C'était aussi avec beaucoup de difficulté que M. Hayes pouvait
maintenir un chiffre effectif de sa force.
Il lui arrivait très souvent le matin d'ouvrir les cellules et de recruter des
constables parmi les pochards arrêtés la veille.
Si le prisonnier consentait à faire partie de la force, on lui faisait
immédiatement endosser l'uniforme et on l'armait du bâton bleu réglementaire.
Les nouvelles recrues n'étaient pas des modèles d'ordre et de sobriété.
Ils partaient le soir pour faire le service et on ne les revoyaient plus
au poste. Ils prenaient la clef des champs avec leur uniforme et leur bâton.
La police de 1852 à 1855 avait des égards tout particuliers pour les
ivrognes.
- La police de Montréal et les pochards vers 1853
La corporation était trop pauvre pour transporter les pochards au poste dans une
voiture de place. Ce service se faisait avec une civière. Il ne se passait
guère une journée sans que l'on n'amenât sur cette civière un constable endormi
dans les vignes du seigneur.
L'ivrognerie chez le policier était une
peccadile des plus pardonnables.
Le recorder, M. Joseph Bourret prononçait d'ordinaire contre les pochards, la
sentence de dix chelings ou huit jours. Le niveau de moralité de la ville n'était
pas plus élevé qu'aujourd'hui, car la liste du recorder contenait, règle
générale, 15 à 20 noms.
L'effectif de la police de Montréal n'a été porté à cent hommes qu'après
l'affaire Gavazzi.
- Les membres de la police de Montréal
vers 1853 toujours en devoir
Aujourd'hui, le plus ancien policier est le sergent Maher, dont les états de
service datent de 1847. Le sergent Ménard a été engagé en 1850, le constable
Galarneau en 1852, et les sergents Bouchard et Burke en 1853. Le "député" chef
Naegelé est entré dans la police en 1854.
- David le laid, policier de Montréal vers 1853
Pendant la mairie du Docteur Nelson la police avait dans ses rangs un constable
d'une laideur hyperphysique. Il était tellement laid qu'il avait été surnommé
par ses collègues David le laid. Il était de service sur la rue Notre Dame et
sa présence était un épouvantail pour les femmes et les enfants. Un jour les
contribuables du quartier présentèrent au chef Hayes une requête demandant
que David le laid fit son service sur une autre rue. La requête fut
accordée et David fut transféré à un poste plus éloigné. David était un homme
honnête sobre et respectable, il n'y eut que sa laideur qui entravait son
avancement dans la police.
La Patrie, jeudi 6 novembre 1884, page 4.