LE BON VIEUX TEMPS
Les modes - les ceintures flèchées, l'ancien aqueduc et le nouveau.
- La mode dans les années 1830
Dans le bon vieux temps il n'existait aucun journal de modes.
L'aristocratie suivait le fashon de Londres où il faisait confectionner ses
habillements. Sa mesure était prise par le père Gibb de la rue St-Jacques. La commande
s'exécutait dans la mère-patrie et il va sans dire que la façon coûtait un peu cher.
Le premier tailleur canadien-français qui ait acquis quelque célébrité a été M. Joseph
Boulanget qui tenait son établissement sur la rue Notre-Dame, près de la rue Bonsecours,
la porte voisine de l'ancien hôtel Donegana.
Il y a cinquante ans la mode exigeait que les gens de profession, les gros négociants et
les rentiers considérables portassent le gilet et le pentalon blancs, une cravate
haut-montée avec un faux-col blanc s'élevant jusqu'aux oreilles. Les gentilhommes
se promenaient toujours sur les rues avec l'habit à queue garni de boutons en cuivre
doré. La classe pauvre s'habillait avec l'étoffe du pays et portait des chapeaux de laine
mous, de forme pointues. Le feutre n'était pas connu de nos ancêtres. Le chapeau de
castor de la classe riche était autrefois confectionné avec la peau du vrai castor.
Pendant les grands froids de l'hiver les hommes portaient de lourds manchons en
peau d'ours. Les ceintures "fléchées" jouissaient alors d'une grande vogue. Elles
étaient brodées avec beaucoup de richesse. Une bonne ceinture se vendait $10 à $20.
Ces ceintures avaient été apportées à Montréal par les voyageurs du Nord Ouest. Presque
tous les citoyens de la classe aisée portaient la ceinture "fléchée" autour de leur
pardessus d'hiver.
En 1820 le coton n'était pas connu, les chemises de nos grands pères étaient
confectionnées avec de la toile. Les cultivateurs portaient des chemises faites avec
de la toile à sac. Leurs chemises n'avaient ni boutons ni cols, et ils les agraffaient
avec de grosses épinglettes en étain. Les "habitants" portaient aussi des chemises en
droguet. Lorsqu'ils venaient au marché ils avaient des tabliers en cuir ou en peau
de mouton ou d'orignal, de grosses bottes de "beu" montant jusqu'à mi-genoux, et des
tuques bleues. Le capuchon était toujours de rigueur.
- Le tout premier aqueduc: les années 1800 - 1820
La première tentative de fournir de l'eau à la cité de Montréal, fut faite en 1801,
par une compagnie incorporée sous le titre de "Compagnie des Propriétaires de
l'Aqueduc de Montréal." En 1815 l'eau était obtenue de sources situées sur la montagne
et amenées dans des tuyaux de bois.
- Le second aqueduc: les années 1820 - 1830
Cette compagnie
vendit sa charte pour £5,000 à une autre
compagnie, qui fit ôter les tuyaux de bois et les remplaça par des tuyaux de fer.
Les sources de la montagne furent aussi abandonnées, et l'eau fut prise dans la rivière,
presque vis-à-vis les vieilles casernes, et pompée au moyen de machines à vapeur.
Les vieilles citernes de bois, placées sur ce qu'on appelait alors la citadelle, furent
remplacées par d'autres construites plus solidement et revêtues de plomb, et contenant
240,000 gallons à une élévation d'environ 97 pieds au au-dessus du fleuve.
En 1830 [1820?], cette compagnie vendit l'Aqueduc pour £15,000, à M. Hayes, qui forma
une autre compagnie. Celle-ci remplaça les petits tuyaux de de distribution par des
maîtres-tuyaux de dix pouces et renouvela les pompes à vapeur.
En 1843, il y avait deux machines à vapeur, capables de pomper 93,000 gallons d'eau en
vingt-quatre heures, et quatorze milles de tuyaux posés dans la ville. Cette année-là
la Corporation fit les premières démarches pour l'acquisition de l'Aqueduc, et en 1845,
elle l'acheta pour la somme de £50,000.
- Le troisième aqueduc: projeté en 1847
et opérationnel en 1856
En 1847, un rapport fut présenté au Conseil-de-Ville, recommandant d'offrir un prix
pour le meilleur mode de pomper l'eau du St. Laurent, par pouvoir d'eau du Canal de
Lachine, dans un réservoir placé sur la montagne. Mais il ne semble pas que cette
suggestion eut des résultats pratiques. En 1849, il fut construit à la Côte à Barron,
à une élévation 130 pieds au dessus du St. Laurent, un réservoir de la contenance de
trois millions de gallons et qui a coûté £3,000. En 1850, il avait déjà été posé
dix-neuf milles de tuyaux de fer et six milles de tuyaux de plomb, et la somme dépensée
jusqu'alors pouvait s'élever à £30,000.
En 1852, le Conseil adopta une motion de l'Echevin Atwater, recommandant d'approprier une
somme de £250 pour faire daire une exploration et se procurer un plan et des estimations
des travaux à faire pour fournir de l'eau à la ville; et il fut résolu que M. Thomas
C. Keefer serait employé comme ingénieur. Ce monsieur soumit son rapport au
Conseil le 25 octobre, 1852.
Ce rapport renfermait un plan pour approvisionner d'eau la ville de Montréal au moyen
d'un aqueduc ayant sa source aux Rapides de Lachine, et amenant l'eau à la Maison des
Roues actuelles, pour de là la faire monter au Réservoir de la rue McTavish, au moyen
de roues hydrauliques. Les plans et devis avaient été faits en vue d'un aqueduc capable
de fournir au Réservoir un approvisionnement journalier de cinq millions de gallons
pour la somme de £150,000, non compris le coût des tuyaux de distribution.
Ce rapport fut adopté par le Conseil le 10 novembre 1852. L'on assura les ervices de
M. Keefer comme ingénieur, pour l'exécution de ses plans; et le Conseil après
avoir obtenu de la législature l'autorisation d'emprunter une somme de £150,000,
pour la construction de l'aqueduc, put enfin passer des contrats avec divers
entrepreneurs, pour la construction de tous les ouvrages; et le 12 décembre 1853,
les contrats furent signés.
Les travaux se poursuivirent pendant trois ans à travers mille difficultés, et
malgré le mauvais vouloir de ceux qui y étaient opposés; mais le chiffre des dépenses se
trouva par là même excéder de beaucoup les premières évaluations de l'ingénieur.
Les dépenses s'élevèrent à la somme de £286,236.53.
Le nouvel Aqueduc commença à fonctionner dans l'automne de 1856, et a continué depuis à
fournir de l'eau à la ville. Le vieil aqueduc fut définitivement abandonné, et les
pompes à vapeur ainsi que le réservoir sur la rue Notre-Dame et les terrains y
attenant furent vendus en 1859 pour la somme de $23,320.
La Patrie, samedi 15 novembre 1884, page 4.